Je voudrais consacrer ce sujet à des critiques de films, romans, séries et autres médias d'intérêt. Pour me lancer, je voudrais vous partager mon avis sur un film sorti il y a trois semaines et toujours à l'affiche, que j'attendais avec une certaine impatience depuis quelques mois déjà.

Je vous préviens déjà que la critique ci-dessous ne sera pas exempte de "spoilers" donc si vous n'avez pas encore vu le film et que vous ne souhaitez pas qu'il vous soit divulgâché, je vous suggérerais de le voir avant de poursuivre votre lecture.


Le Comte de Monte-Cristo

Les critiques de Dalek EyJidWNrZXQiOiJmZGMtc2l0ZXB1YmxpYy1tZWRpYS1wcm9kIiwia2V5IjoidXBsb2Fkc1wvMjAyNFwvMDVcLzE3Mjk4NS1zY2FsZWQuanBnIiwiZWRpdHMiOnsicmVzaXplIjp7IndpZHRoIjoxNjAwLCJmaXQiOiJjb3ZlciJ9fX0=
1. L'adaptation du roman fleuve en un film de 2h58 : un défi impossible ?

Par où commencer ? Pourquoi pas par le défi que sa seule création exigeait de relever ? Comment faire rentrer 1889 pages, dans son édition la plus ancienne, dans 3 heures de film ? Ou plutôt comment y parvenir tout en obtenant un résultat qui satisfasse tout autant un spectateur non averti d'un appréciateur de l'œuvre de Dumas ? Les avis divergent sûrement mais je trouve le pari réussi, audacieusement relevé mais réussi.

Ce film est une adaptation du roman de Dumas et le premier constat, c'est qu'il lui fait des infidélités. Le second constat, c'est que ces infidélités servent le récit et l'esprit du roman, ce qui les justifie amplement à mes yeux. Ainsi, Mercédès et Fernand sont bien cousins mais ils sont nés nobles près de Marseille, dans la famille de Morcerf, plutôt que de le devenir. C'est une simplification qui sert habilement le récit et qui rend d'ailleurs l'amitié entre Mercédès, Fernand et Edmond d'autant plus concrète au début du récit. Elle permet aussi de relier directement les Morcerf avec le père Dantès, ce qui présente l'avantage qu'à son évasion du Château d'If, Edmond apprend coup sur coup, si j'ose dire, la mort de son père et le mariage de sa fiancée avec son ami.

Une autre infidélité clairement identifiable concerne la fusion des rôles de certains personnages : Bertuccio n'existe pas ou n'est pas nommé dans le film. Le père du procureur, Noirtier de Villefort, n'y figure pas non plus. A la place, le procureur de Villefort a une sœur, qui joue le rôle de la parente pro-Bonaparte de Villefort et de la personne qui sauve l'enfant adultérin de Villefort. Là encore, je trouve que l'adaptation a été bien faite parce qu'elle simplifie le récit sans enlever l'évènement marquant et qui servira le récit de la maison d'Auteuil.

Auteuil ! Vous me pardonnerez cette digression mais quel panache dans l'adaptation de ce récit aussi glauque que palpitant, et ce d'autant plus qu'au fur et à mesure que Monte-Cristo avance dans le récit de la sombre nuit de la naissance de l'enfant, pour le plus grand malaise des deux amants, Villefort et de Victoria Danglars, c'est l'époux cocu qui est le plus enthousiasmé par le récit d'épouvante, moment rendu bien cocasse par la prestation de son interprète.

Il y a inévitablement des absents ou des effacés, comme Maximilien Morrel qui n'apparaît que tout jeune garçon en tant que petit-fils plutôt que fils de l'armateur Morrel, ou même Valentine de Villefort et sa belle-mère empoisonneuse, dont l'arc disparaît. C'est un choix qui semble mûrement réfléchi puisque la mort qui va mettre un coup d'arrêt dans la vengeance de Monte-Cristo ne sera pas celle du petit Edouard de Villefort mais un autre, plus proche du Comte dans ce récit reinventé.

Si la romance de Maximilien et Valentine disparaît, elle est remplacée par une autre, déroutante lorsqu'elle émerge mais ô combien intrigante : Albert de Morcerf et Haydée de Janina. Peut-on en venir à aimer le fils de celui qui vous a tout pris ? Peut-on résister à des sentiments réels qui fleurissent sous le masque de la comédie ?
Cette romance est aussi une entorse au roman puisque, étant amoureuse d'Albert, Haydée ne voit pas le Comte comme l'objet de ses affections dans le film. Je trouve que c'est une adaptation du roman à notre époque, pas tant pour la différence d'âge entre les deux personnages mais surtout pour éviter l'abus de faiblesse, d'une jeune femme qui a été sauvée de l'esclavage par une figure qui était paternelle tout au long du récit et qui se mue en autre chose à la fin du roman. Je ne remets pas en cause leur histoire dans le roman qui, une fois encore, s'inscrit dans son époque mais je trouve que le film a habilement adapté une situation en donnant à Haydée un rôle un peu différent mais plus actif, à mon sens.

Un regret peut-être, ce serait justement l'absence de la scène du témoignage d'Haydée contre Fernand de Morcerf devant la chambre des pairs. Dans son intensité, elle est remplacée par le témoignage d'Andréa Cavalcanti contre son père biologique, le procureur de Villefort. Ce personnage d'Andréa est d'ailleurs très intéressant dans le film, remplaçant partiellement Bertuccio dans son aide apportée au Comte et formant une figure presque filiale pour Edmond, une sorte de double également possédé par la vengeance mais incapable à la fin de contrôler sa pulsion de mort. Un personnage davantage appréciable dans le film que dans le roman, tragique au fond, et qui forme une sorte de famille de fortune avec le Comte et Haydée, unis par leur vengeance commune.


2. Les actrices et acteurs


Je commencerais par dire que j'ai trouvé le casting excellent. Je n'avais pas beaucoup vu Pierre Niney au cinéma, en dehors du dernier OSS 117 où il apportait une note de fraîcheur dans un film assez médiocre. Je l'ai trouvé bon dans sa version du rôle, le jeune marin naïf au début, le prisonnier désespéré mais surtout, il apporte une touche différente à Monte-Cristo. Certains critiqueront peut-être son jeu d'acteur mais je trouve que sa prestation presque désincarnée, cette vengeance faite homme, est assez intrigante. Dantès transparaît par moments derrière le masque, ou plutôt les masques, tant physiques de ses personnages de l'Abbé et de Lord Halifax (originellement Lord Vilmore, peut-être renommé pour éviter une confusion avec Villefort ?), et son personnage du Comte. D'ailleurs, le jeu d'acteur dans le film lui-même est parfaitement assumé et assez utile : le Comte, Andréa (André de son nom de naissance plutôt que Benedetto) et Haydée répètent, tout est calculé, chaque geste méticuleusement préparé pour atteindre l'objectif voulu : séduire, intéresser, charmer.

Je n'ai pas trouvé de défaut au casting, même Laurent Lafitte dont je m'inquiétais de le voir interpréter un personnage austère par excellence. Pourtant, il a réussi à instiller chez Villefort un cynisme et un pragmatisme qui m'ont convaincu. Toutefois, parmi les ennemis de Monte-Cristo, Patrick Mille, l'acteur de Danglars, est celui que j'ai trouvé le plus bluffant. Les fans de la série Baron Noir l'auront vu jouer avec talent le déroutant Lionel Chalon, sorte d'alter-égo masculin de Marine Le Pen à la tête du RN. Il joue très bien ce personnage cupide, impitoyable et cruel, avec un certain panache. L'acteur de Fernand de Morcerf n'est pas mauvais mais il pâlit un peu en comparaison des deux premiers.

Passons aux dames, dont trois sortent du lot : Mercédès bien sûr, interprétée par une Anaïs Demoustier qui navigue sur une ligne de crête pour cacher le malaise que lui inspire Monte-Cristo de par sa ressemblance, dans son port, son ton, son regard, avec son ancien fiancé, et les mille et une questions qui lui brûlent la langue. Elle apparaît toutefois après l'actrice d'Haydée, Anamaria Vartolomei, si je devais faire un classement, pas pour des raisons esthétiques mais parce que Vartolomei instille une vraie passion dans son jeu d'actrice, dans sa colère, son mépris, les apanages de sa jeunesse par rapport à la colère plus froide d'Edmond.
La soeur de Villefort, Angèle, incarnée par Adèle Simphal, apparaît peu à l'écran mais elle marque par ses prestations, je trouve, en particulier sur son lit de mort auprès d'Edmond.

Une dernière note, pour Pierfrancesco Favino, que j'ai trouvé très bon en abbé Faria. Son rapport presque filial avec Edmond est bien rendu, de même que les leçons qu'il essaie d'inculquer à son protégé, pas seulement d'histoire, de langues ou de mathématiques mais de philosophie, que l'esprit peut être une libération.


3. La musique, la photographie et la superhérosmanie : Le comte de Monte-Cristo est-il un super-héros ?

J'ai été conquis tant par la musique que la photographie. On se sent transporté dans cette atmosphère qui, par certains journaux, a été décrite comme une sorte de film de super-héros. Je pense que c'est voulu. Les réalisateurs ont mieux réussi leur pari qu'avec leur adaptation des Trois Mousquetaires à mon sens. Le montage est fait de telle sorte que le film ne m'a jamais paru trop long, avec un rythme soutenu.

La musique de Jérôme Rebotier, intégralement accessible sur Youtube, transporte dans cet univers romanesque, d'aventure et de trahison, avec un thème récurrent qui lui correspond bien. L'ambiance fait penser à un film de super-héros mais le Comte de Monte-Cristo n'est pas Superman. Il est humain, il prend des coups et essuie des échecs. Mieux encore, il dérange. Lorsqu'il va trop loin dans sa vengeance, au point de mettre en danger voire de perdre ceux à qui il tient, et au point de compromettre la justesse de sa cause en ayant du sang d'innocent sur les mains, c'est là qu'on trouve le plus le message du livre : la vengeance peut sembler juste mais elle a toujours un prix. Elle transforme celui qui veut se faire justice, et le fait parfois devenir ce contre quoi il combattait.


4. Un mot de conclusion : la meilleure adaptation ?

Je ne saurais pas dire s'il s'agit de la meilleure adaptation parce que j'en ai pas vu assez. Pour ne prendre que les versions les plus "proches" du roman, il y a eu 24 adaptations entre 1908 et 2024 au cinéma mais celle-ci est la première depuis l'adaptation américaine de 2002. Je n'ai pas vu les films des années 50 et 60. De même, il y a eu une dizaine d'adaptations télévisées et une adaptation en animation japonaise, Gankutsuou.

En comparaison avec les trois autres adaptations que j'ai vues, le film américain de 2002, la série française de 1998 avec Depardieu et l'animé japonais, le film de 2024 est ma préférée et celle qui reflète le plus le message originel du roman, à défaut de respecter son intrigue à la lettre. C'est à mes yeux une bonne adaptation que j'irais volontiers revoir au cinéma... une troisième fois. Deux mots de fin que j'avais toujours gardé en tête de cette œuvre : attendre et espérer.


Dalek Zar's Theme
Les critiques de Dalek Daleks10
Code couleur : #01D758 - Présentation - Fiche de suivi - Demande de RP - Prédefini : Darth Umbra