Sous le voile des étoiles | PV : Neith

C’est à l’abri de tous les radars que s’échangent les plus croustillantes des informations. La véracité de cette maxime se vérifiait une fois encore dans l’existence de l’Ombre, qui avait vu sa mélancolie passagère interrompue par un signal lui indiquant une communication urgente.

Nightingale, le plus fidèle compagnon de l’infiltrée, se laissait aller à surfer sur le vide spatial entourant Onderon. Là, au travers du hublot et s’abandonnant à la mémoire de Force, la Corellienne paraissait revivre le drame l’ayant menée vers sa vie actuelle. Sa tante avait-elle profité de sa situation, ou bien la jeune Echani avait-elle fait ce que la Force attendait véritablement d’elle ? Sa mère n’aura eu de cesse de lui répéter de trouver sa propre voie jusqu’à pousser son dernier souffle. Aujourd’hui, Neith se veut fière de pouvoir affirmer avoir trouvé son chemin, bien qu’il déplairait à de nombreux Corelliens si ceux-ci venaient à apprendre que la jeune Thélia n’est pas morte lors de la destruction du Radiant ici-même. L’indépendance totale de Corellia était une chimère inassouvissable...mais l’absorption d’un peuple si attaché à ses valeurs par un organisme lacunaire ne conduirait qu’à une prolongation interne du conflit agitant la Galaxie depuis des siècles. Si la République peut chanceler lorsque des Siths parviennent à tirer parti de son système pour tenter de la détruire de l’intérieur, il appartient à l’Ordre Jedi de rester uni dans ces temps troubles.

Le signal reçu par le vaisseau Corellien sera peut-être l’une des occasions de consolider ce lien que rien ne doit rompre. Consultant la missive reçue directement du Conseil de Naboo, la Jedi prit un air plus préoccupé, un regard plus ferme. Son Maître venait de l’informer qu’une instance supérieure, en l’occurrence la Maîtresse de l’Ordre Jedi en personne, souhaitait la consulter. Si l’Ombre était habituée à approcher des personnes de pouvoir depuis son incursion au sein de l’Amas d’Hapès, elle envisagea cette fois que cette même incursion soit à l’origine de cette entrevue exclusive.

En effet, son Maître était resté pour le moins évasif quant au motif du rendez-vous. Tout ce que la jeune Ombre savait devoir emporter, était ses notes sur les Seigneurs Jedis, pour peu qu’elle le juge nécessaire. Par précaution davantage que par besoin réel, l’Echani emporterait son datapad crypté, au cas où un détail s’échapperait de son esprit lors de cette réunion impromptue. Coupant court à son ressassement du passé, Neith gagna son cockpit, saisissant les coordonnées du point de rendez-vous dans l’ordinateur de bord qui calcula assez rapidement le chemin le plus rapide pour gagner l’hyperespace jusqu’à destination. Le Maître avait été clair sur la nécessité de ne pas faire attendre la Maîtresse de l’Ordre, aussi la Corellienne octroierait une confiance aveugle aux instruments du Nightingale tandis qu’elle préparerait l’entrevue.

Son accoutrement habituel, s’il convenait parfaitement à la plupart des situations, risquait de paraître négligé aux yeux d’une telle figure politique. Aussi, si l’Ombre ne pouvait se résoudre, fruit d’une certaine paranoïa, à délaisser ne serait-ce qu’un de ses sabres lasers, celui-ci reposerait à sa ceinture, aux côtés du datapad, bien camouflé sous une bure d’ébène qui conférerait à la pilote du cargo une apparence digne de son épithète. Une préparation sommaire, qui renvoyait toutefois une parfaite image de ce que la Corellienne était devenue : une femme sobre au possible, à la limite de l’austérité, demeurant pourtant attachée aux divers codes et traditions qu’il lui arrive d’user.. ou d’usurper. Et tandis qu’elle arrangeait une dernière fois sa chevelure sous sa capuche, l’espionne Jedi remarqua un ralentissement de son vaisseau...puis une légère secousse caractéristique d’un amarrage réussi.

Le trajet jusqu’au sas de son cargo fut l’occasion d’un rapide topo mental pour l’Echani. Un fait qui la dérange est qu’elle ne peut mettre sur sa future interlocutrice qu’un nom, une race, ainsi que ses plus récents faits d’armes. Les meilleurs comme les pires. L’immensité galactique fait qu’il est impossible pour une seule personne de connaître par cœur toutes les vies de toutes les personnalités. Et puisque Neith a choisi de se concentrer notamment sur celles du Consortium et de l’APEX, elle devra en faire les frais ici. Reculer était de toute manière impossible désormais, alors la jeune femme déverrouilla le sas du Nightingale avant de s’engouffrer dans le Yacht Stellaire.


Là, dans toute sa discrétion, elle se trouva face à une femme affichant une étiquette bien moindre que la sienne. Mais la présence d’Arsenicia dans la Force ne trompait pas, Neith lui était indiscutablement inférieure. Par ailleurs, l’Ombre s’acquitta d’une révérence circonstancielle envers son interlocutrice avant de découvrir dûment son visage. Sa chevelure nattée vint alors se dérouler comme à son habitude sur la bure d’ébène recouvrant l’entièreté du corps de l’Echani. L’étoffe se vit pourtant rapidement fendue lorsque Neith, ayant jaugé d’un regard la Fay, répondit favorablement à sa poignée de main d’un bref aplomb, acceptant passivement l’invitation à la suivre sans jusque-là s’être fendue de plus de deux mots.


Une manière innocente de répondre à la septuagénaire, ainsi qu’une façon détournée de mettre sur la table, ou au minimum dans un coin de l’esprit de son interlocutrice, le sujet qui préoccupait le plus l’Ombre. Le fait qu’on puisse douter un jour de sa réelle implication. Bien que cela ne devait pas être à l’ordre du jour, ce rendez-vous était une occasion inespérée d’en apporter la preuve. Alors, d’une démarche détendue, l’invitée s’était laissée guider par l’hôte, jetant quelques coups d’œils non-intrusifs simplement destinés à se faire une représentation mentale du Morning Mist. Le confort qu’elle put apercevoir dépassait en soi ce que son Nightingale avait à offrir, mais il lui aurait semblé qu’une personne du rang d’Arsenicia Ombrelune se doterait de davantage de luxe. À en voir la Fay, ce ne devait tout simplement pas être dans ses mœurs. Voilà déjà un point qui les rapprochait.


Lâcha-t-elle sobrement en prenant place à l’endroit dicté par la Maîtresse des lieux. De ce point de vue, elle fit plusieurs constatations. Déjà, qu’elle n’était pas une parfaite inconnue aux yeux de la Fay. Jusqu’à quel point le dirigeant des Ombres s’était-il étendu sur la subordonnée auprès de son supérieur ? Neith aimerait à le découvrir au fil de leur échange. Ensuite, que même enfermée dans sa formalité, la septuagénaire paraissait encline à se soucier des conditions de travail de l’Echani, ne serait-ce que briser la glace. Un détail accentué par la luminosité ambiante du lieu, contrastant avec la noirceur extérieure. A bien y regarder, les yeux de la dirigeante ne semblaient pas, par leur aspect, avoir besoin de cette clarté. L’Ombre était donc d’ores et déjà redevable de cette faveur qui lui fut accordée. Et tandis qu’elle se fit servir à boire, il était venu l’heure pour elle de se mettre à table.


Une manière pour la Corellienne de faire part à sa cheffe suprême d’un fait simple : Si son amour est bien adressé à Corellia, son allégeance, elle n’est pour nulle autre que la République Galactique, dont chacune des femmes incarne ici une face de la médaille. Une fois cette première tirade délivrée, l’Echani s’autorisa une pause, le temps de goûter au breuvage offert par son hôte, qui dépassa toutes ses attentes. Odeur comme saveur, cela ne lui aurait rien évoqué de familier, avant qu’un rapide coup d’œil à l’étiquette ne lui en donne la raison. La « Réserve Corellienne », un brandy beaucoup plus savoureux et au teint plus doré que ce que Neith avait l’habitude de boire. Voilà une expérience qui avait le mérite de ressasser quelques souvenirs, la mettant d’autant plus à l’aise.


Dans le même temps, elle sortit son datapad de sous sa bure, ne faisant aucun effort pour cacher son sabre-laser, en espérant que son interlocutrice lise en elle afin de voir qu’elle n’avait aucune intention de s’en servir ici, sa présence à la ceinture de la Jedi n’étant qu’une habitude cultivée par les circonstances de ses missions dont il lui est difficile de se défaire. La Fay pourrait d’ailleurs voir dans ses émotions que l’unique menace que présente l’Ombre est celle de sa curiosité face à une Lumineuse vivant dans un monde si différent du sien, d’autant lorsqu’elle est parvenue à un tel degré de responsabilité.

Le principal soulagement de l’Ombre était de voir la représentante directe de l’Ordre formuler une certaine confiance envers sa propre implication pour la République. L’évidence était bien sûr que les deux femmes nourrissaient des intérêts propres tout à fait divergents, tout comme l’Ombre supposait que ce soit le cas des autres membres siégeant au Conseil. Mais pour toute cette assemblée, Neith avait par défaut une considération suffisante pour estimer qu’ils soient aptes à faire passer l’intérêt de la République avant les leurs. Et dans le cas contraire… n’était-ce pas pour cela qu’existaient les Ombres qui, tout comme elles, rampaient dans les ténèbres pour se salir les mains, afin que la Lumière incarnée par l’Ordre de Tython ne demeure immaculée ? Une volonté d’abnégation tout ce qu’il y avait de plus réel, qui, si elle n’animait sans doute pas toutes les Ombres, brûlait au moins dans le cœur de l’Echani. L’utilité que sa vie aurait serait certes dérisoire à l’échelle de temps galactique...mais elle demeurait persuadée que la Force l’avait souhaitée ainsi.


Le fait qu’elle ait débuté la construction de sa propre couverture en asservissant, notamment, des Wookies. Le fait qu’elle se trouva aux premières loges lors des dites célébrations, car une nouvelle fois, certains prisonniers furent livrés en pâture à ses Champions. Tout ce qu’elle avait pu faire fût de serrer le poing face à ce spectacle qui la révoltait intérieurement. Voilà ce qui caractérisait à ses yeux l’essence même de ce que devait supporter une Ombre : une contradiction qui plongerait n’importe quel Jedi Gris dans les griffes du Côté Obscur, s’il venait a se laisser gagner par le désespoir. Et pourtant, rien que le fait de se considérer ainsi au-dessus du plus grand nombre la rapprochait de la pensée Sith. Un dilemme que Neith préférait, comme présentement, diluer dans l’alcool, s’extirpant de ses pensées par la sensation de la boisson Corellienne qui lui réchauffa le gosier. Durant ce laps de temps ou elle n’avait quitté sa dirigeante du regard, probablement que celle-ci a pu remarquer son agitation interne. Une bévue qu’elle espérait ne pas se voir notifier, l’heure n’étant pas aux sentiments. L’élixir agissant dès lors comme un litre de café sur l’organisme de la Jedi, elle déverrouilla son datapad avant de consulter ses notes. Principalement, une carte de la galaxie, pour que sa mémoire puisse s’aider d’un support spatial.


Elle se disait souvent, en entendant les récits des Ombres y ayant participé, qu’elle avait de la chance de ne pas avoir participé à cela. Pourtant, sans doute désarçonnés devant de telles violences, certains Seigneurs avaient sans doute perdu foi en la République, entamant des pourparlers avec le Consortium en vue d’une indépendance illusoire. Neith se souvient très bien avoir traqué un vaisseau émissaire Hapien, mystérieusement abattu par un appareil qu’aucun radar n’a pu repérer avant qu’il ne déguerpisse dans l’hyperespace. Quant aux noms des Seigneurs concernés, voilà que l’Ombre se saisit d’un carnet sur lequel elle les griffonne, tout en consultant ses notes pour y ajouter les secrets les plus croustillants et inavouables qu’elle a pu apprendre à leur encontre. Comme cette entreprise Nixorienne de désintégrateurs secrètement financée par la famille de Jedis locaux. Nul doute que le Conseil sera, dans tous les cas, ravi de l’apprendre. C’est pourquoi l’Ombre fit glisser le carnet en direction de sa supérieur hiérarchique une fois qu’elle l’estima dûment rempli. Même s’il ne devait techniquement rien contenir qu’Arsenicia ne sache déjà.. ou n’ait simplement oublié. Cela constituait pour Neith un gage supplémentaire de sa servitude.

Et à présent, son excès de zèle ayant de son point de vue suffi à prouver sa dévotion à la République auprès de cette figure d’autorité, l’Ombre se relâcha quelque peu. Non pas que son étiquette en soit affectée, mais Neith retrouva son naturel observateur, détaillant les alentours avec un peu plus d’attention qu’auparavant. Si elle savait ne pas être en terrain risqué, s’imprégner de l’atmosphère relaxante instaurée par la Maîtresse des lieux demanderait un peu plus de temps.


Car aux yeux de l’Echani, probablement que l’unique chose différenciant les deux femmes dans la gestion de leur choix était leur exposition médiatique. Sans doute un monde encore plus cruel que celui auquel la Corellienne était exposée. Comment donc la Fay en face d'elle voyait cela au quotidien ?

S’entretenir avec Arsenicia Ombrelune ne serait en fin de compte pas totalement vain pour l’Ombre. Bien sûr, chacun de ses mots, chacun de ses gestes, était scruté par la dirigeante de l’Ordre, qui devait se douter, venant de l’Ombre, se voir rendre la pareille. Dire que la jeune Corellienne fougueuse d’autrefois versait aujourd’hui dans un domaine comparable à la politique, quant à l’attitude que cela requiert. C’était là l’avantage des êtres mécaniques sur les vivants : eux n’essayaient pas insidieusement de dominer l’autre, leur nature faisant que les moyens directs étaient de toute façon les plus efficaces. Pourtant, le jeu qui se déroulait présentement entre les deux femmes semblait dépourvu de toute arrière-pensée. Probablement que la patte blanche montrée par la Corellienne avait instauré un semblant de confiance auprès de sa supérieure hiérarchique.

Pourtant, à la mention de Lord_Over, l’atmosphère parut s’assombrir de nouveau. Neith savait que la Fay face à elle fût de cette opération et si elle ne peut prétendre mesurer la gravité de ce dont elle a témoigné jadis, elle peut tout à fait se représenter la peine constituée par la reconquête Hapienne de Kashyyk. Un souvenir à la douleur probable, qui sembla pourtant éclipsé par la mention de la dirigeante de Nanth’ri. Outre Dame Lÿrargent, se pourrait-il qu’Arsenicia connaisse personnellement d’autres Seigneurs Jedis?  L’Ombre se surprit à penser que la requête formulée par son interlocutrice venait en réalité de la régente Vahla, soucieuse d’avoir l’ascendant sur ses confrères et voisins en vue d’assurer collectivement la défense de sa planète. N’ayant jamais pu adresser la parole directement à la Dame, Neith pouvait au moins supposer cela au vu des informations dont elle disposait.

Sans perdre une miette des dires de la brune, l’attention de Neith se déporta légèrement sur l’environnement. Tandis qu’elle honorait la proposition de se resservir elle-même, avec modération, l’attrait artistique de la Dirigeante lui sauta une nouvelle fois aux yeux. Outre le piano dont la Corellienne était friande des gammes proposées par l’instrument à son audition, les peintures ornant les murs internes du vaisseau captèrent également son attention. Une finesse et un goût artistique qui se confirmait à l’écoute de la position de la maîtresse des lieux quant à sa fonction. Leurs mondes, bien qu’en opposition, fonctionnaient finalement de façon plutôt similaire. À ceci près que l’une d’elles n’avait pas à se soucier de l’empreinte qu’elle laisserait sur son monde.


Conclut-elle en soutenant brièvement le regard félin de son interlocutrice, signe d’une sincérité que l’Ombrelune ne devait pas souvent éprouver compte tenu de son milieu. Goûtant une nouvelle fois au breuvage contenu dans son verre, l’Echani observa la boîte déposée au centre de la table un peu plus tôt par Arsenicia. Cela lui paraissait presque ironique que toutes deux partagent une affection pour la nicotine. Aussi, Neith crut bon d’ajouter :


Avant de s’octroyer le droit d’imiter son hôte, prenant réellement ses aises sur le moelleux du canapé en s’y enfonçant tant qu’il pouvait la contenir. Maintenant que la glace séparant le binôme était pour ainsi dire brisée, la jeune Jedi s’interrogeait sur les autres utilités qu’elle pouvait avoir auprès de la Dirigeante qui ne l’avait pas encore congédiée. Elle avait mentionné au moins un autre sujet dont elles devraient discuter, mais avouons-le, l’Ombre n’était pas pressée de voir cet entretien s’achever. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut côtoyer la deuxième personne la plus importante de sa faction. Néanmoins, le temps d’Arsenicia étant précieux, l’Echani préféra s’assurer ne pas devenir un poids.


Une audace déplacée, ressemblant bien plus à la Corellienne qu’à l’Ombre, fut alors entreprise. Usant de la Force pour amener la boîte de cigarettes à son niveau, la jeune femme se servit de son propre chef dans le paquet, n’omettant pas de l’amener ensuite à portée de sa propriétaire légitime qui était libre d’en faire autant. Les cigarettes retrouveraient quoiqu’il en soit leur position initiale, tandis que l’Echani réalisera ensuite un tour de Force similaire avec son propre briquet. Une part de Neith lui suggérant que cette boîte n’avait pas été laissée devant elle par hasard, elle allait tâcher de rendre l’attention comme elle le pouvait, n’ayant hélas que bien peu de choses à offrir sur le moment.


Ce qu’elle possédait dans son propre cargo actuellement n’étant hélas pas à la hauteur de ce qui se trouvait entre ses lèvres. Qui sait, s’il devait y avoir une deuxième entrevue, l’Ombre aurait l’occasion de montrer à son tour l’univers qui composait son vaisseau. Pour l’heure, cette entrevue demeurait bien trop officielle pour cela.

Les Jedis Corelliens n’ont pas besoin des Seigneurs Jedis pour être divisés entre eux. L’Echani ne se retint pas de hausser un sourcil lorsque la Fay lui asséna si froidement cette réalité dont toutes deux avaient conscience. Était-ce là un nouveau moyen de tester la solidité de son aplomb ? Naturellement, cette question était l’une de celles chères à Neith, mais elle parvint à ne pas montrer trop de préoccupation interne. Sa seule réaction fut pour ainsi dire de laisser un nuage de fumée s’échapper de ses lèvres, pour se dissiper dans l’atmosphère du Morning Mist avant d’atteindre la propriétaire du dit vaisseau. L’Ombre ne devait pas oublier qu’elle faisait ici face à une instance supérieure, quelqu’un qui pouvait lui demander des comptes sur chacune de ses actions sans que son tempérament Corellien ne soit une excuse suffisante.

Seulement, Arsenicia se plaçait-elle toujours ainsi face à son agente infiltrée ? Conservant un masque neutre pour ne pas exprimer l’étonnement qui fut le sien, Neith observa sans un mot la Maîtresse des lieux disparaître dans l’obscurité interne du Yacht avant de regagner leur coin de lumière, munie de chips et de tomates cerises qu’elle entendait ici partager. Pire, la Fay fut même la première à se servir dans les deux contenants, dissipant d’emblée toute notion d’aliments empoisonnés qui aurait pu germer dans l’esprit de la jeune Echani. Si la dirigeante de l’Ordre venait de prouver que ses yeux disposaient de capacités semblables à ce que laisser supposer leur apparence, c’est bien dans une toute autre luminosité qu’elle semblait maintenant évoluer en compagnie de son agente.


La plus grosse de ces surprises, qui était pourtant loin d’être nouvelle du point de vue de l’Histoire, demeurait qu’une régente se soit soumise à un homme l’ayant convertie au Côté Obscur afin d’assurer sa descendance. Si l’Ombre saisissait tout le pragmatisme d’une telle démarche, elle rejoignait néanmoins l’Echani sur le fait que cela avait, à ses yeux tout du moins, ôté aux Hapiennes leur titre de plus belles femmes de la Galaxie depuis des millénaires. Que pouvait d’ailleurs en penser une femme ayant un vécu triple que le sien, partageant qui plus est sa couche avec l’une d’entre elles ? Neith était curieuse de le savoir, mais n’estimait pas encore le moment propice à la question. D’autant que son interlocutrice venait de l’inviter à se positionner sur le sujet qu’elle avait effleuré auparavant.


Les diversités des Seigneurs Indépendants résonnaient ici de nouveau dans l’esprit de l’Ombre, dont elle redoutait que l’un d’eux ne soit parvenu jusqu’à présent à agir dans l’intérêt d’une puissance autre que la République… ou peut-être justement pas.

Thélia Olkoall avait toujours été, et ce, depuis son plus jeune âge, l’échantillon culturel parfait d’une Corellienne. Une femme a la morale changeante, pour le bien des valeurs ancrées dans sa chair comme dans son héritage. Et cela, contrairement au nom par lequel on se référait à elle, n’avait pas changé. Toutefois, si Merys, puis Riga, avaient consolidé les fondations de cette jeune vie, c’est bien Jaylen Korr et Allana Fern qui avaient magnifié les façades de cet édifice de chair et de fierté qui se terrait aujourd’hui dans une identité factice. Magnifié, en lui permettant de choisir de son propre chef les matériaux qui le composerait. Voilà donc pourquoi l’Ombre se sentait redevable envers non pas un, mais deux Maîtres des Jedis Verts. Ainsi, se soucier de la sécurité d’Allana n’était pas suffisant. Comme si sa fonction actuelle ne l’occupait déjà pas suffisamment, Neith comptait bien participer à l’élucidation de la mort de l’homme lui ayant permis d’endosser ce nom. Et à ce titre, bien qu’elle devait encore en atteindre le point le plus profondément immergé, il lui semblait avoir trouvé le bon iceberg suspect sur lequel se renseigner. Devait-elle partager ses maigres informations avec Maîtresse Ombrelune ? Deux cas de figure se présentaient. Soit Allana Fern était déjà au courant de ces pistes, auquel cas Arsenicia n’apprendrait potentiellement rien de nouveau de la bouche de l’Ombre, puisque les autorités de Tython diligentaient déjà une enquête approuvée par la Leader Verte. Soit la Maîtresse des Jedis Verts ignorait encore ce que l’Echani avait découvert, auquel cas il était normal pour deux élèves endeuillées par la mort de leur Maître de s’entraider. Après avoir pesé le pour et le contre sur ce sujet ou elle doutait de son objectivité, l’ancienne initiée de Corellia décidait d’utiliser la Fay comme intermédiaire entre elle et la dirigeante Corellienne,


Ce débriefing incomplet n’était pas dans les habitudes de l’Ombre. Mais il s’agissait là d’un nouvel aspect de la réalité frappant l’idéaliste Corellienne ressurgissant parfois dans le discours de Neith : elle ne pouvait se dédoubler par la Force, et devait donc choisir ses priorités en fonction des opportunités qu’elle voyait, certes, mais avant tout des ordres et de la géopolitique Galactique dont dépendaient ces mêmes directives. L’identité des Seigneurs Siths ayant tué sa mère, puis l’Ombre Jedi l’ayant prise sous son aile. L’identité du Seigneur Sith coupable du rapt de son lien privilégié dans le Consortium. Tout cela constituait des préoccupations rapprochant l’Echani du statut Lumineux qu’elle prônait, tandis que son immersion dans les coulisses du Côté Obscur la contraignait à repousser leurs résolutions. Elle était avant tout en mission pour faire reculer l’influence Sith, au prévaloir du giron Républicain.

Toujours est-il qu’elle avait, après cet exposé oral, la gorge sèche et la cigarette consumée entièrement consumée. Le tube de tabac gagna donc le cendrier, l’Ombre prenant soin de ne pas faire tomber de cendres sur un morceau de table non prévu à cet effet. Après quoi, elle termina d’une traite son verre de Brandy, lorgnant sur la bouteille afin de remplir de nouveau son verre vide, fixant ensuite son interlocutrice. Tout ce qu’elle attendait était un quelconque signe d’aval de servir à nouveau la Maîtresse de l’Ordre Jedi, qui devait avoir trouvé ces révélations suffisamment passionnantes pour les agrémenter d’élixir Corellien. Neith avait déjà usé sans retenue de ses cordes vocales, pourtant, il lui restait à éclaircir une interrogation demeurée en suspens.


Ce n’était pas exact. Un père officier dans l’Escadron Spectre et une mère à la fois Maîtresse Verte et soutien notoire de la CorSec dans l’exercice de ses fonctions, cela ne faisait pas de vous une membre lambda. Cependant, Neith comptait bien conserver intact le voile sur sa vie passée, L’Ombrelune n’ayant même pas suffisamment d’informations pour tenter d’établir la véritable identité de l’Ombre en concert avec Allana Fern. Même à l’échelle de temps inconcevable que représentait celle de la Galaxie, une décennie suffisait amplement à ce que le souvenir d’une défunte ne s’effrite dans la mémoire de la plupart des vivants. Riga Olkoall avait qui plus est lourdement insisté auprès de sa supérieure à l’époque, pour que sa nièce tombe littéralement dans l’oubli le plus total. Une Corellienne autonomiste n’avait à priori aucune raison d’en trahir une autre.

« Néanmoins… je me contenterai de dire que la situation actuelle de la planète-mère me paraît la meilleure possible. Je tiens à notre indépendance, mais là où la République pourrait se passer de Corellia contre un certain tribut, le prix d’une sécession Corellienne serait celui d’une annexion impériale. Ou pire. »

La jeune femme laissa le soin à l’imaginaire de son aînée d’imaginer ce qui était pire que cela. Néanmoins, quelque peu lasse de se faire cuisiner sans donner le change après toutes les révélations dont elle venait de se fendre, Neith retrouva un regard plus ferme, plus sérieux, redonnant une pointe de formalité à cette entrevue qui glissait vers une familiarité malheureusement devenue trop étrangère à l’Ombre pour qu’elle s’y complaise de façon durable.

« Maîtresse Ombrelune. Lorsque l’on atteint une sagesse telle que la vôtre, l’on voit bien évidemment au-delà de l’utopie revendiquée par notre propre camp. Mais en vient-on à accepter les défauts pointés chez les rivaux, les adversaires ? À se dire que notre existence serait plus bénéfique dans un autre régime mieux administré ? Trouvez-vous normal qu’on en vienne à se questionner sur notre place exacte au sein de la Force ? Et si l’on en vient à penser l’avoir trouvée… cela ne signifie-t-il pas que l’on vient d’atteindre un point de stagnation signant notre lent déclin, notre remplacement à venir ? »

Une série d’interrogations qui eut le mérite de refamiliariser la conversation. En vérité, l’Ombre espérait seulement s’imprégner de l’expérience de sa supérieure. Il s’agissait ici d’un exposé de la pensée Sith telle que perçue par l’infiltrée, voyant les maîtres satisfaits de leur œuvre chercher à la transmettre par un tribut de sang à une nouvelle génération jugée digne de la pousser vers une nouvelle excellence. C’est au fond ainsi que Merys Olkoall avait tenté d’élever sa fille : en faire une meilleure version d’elle-même. S’il arrivait encore à l’Echani de ressasser ce triste jour, elle ne sondait plus la Force en quête de réponses : elle s’était convaincue que même la mort anonyme d’une Ombre Jedi lui permettrait une contribution suffisante à l’essor Républicain pour que son nom demeure dans les annales. Sa curiosité se portait cependant toujours sur les expériences qu’avait pu traverser la Fay jusqu’à atteindre et culminer au sommet de l’Ordre de Tython. Avait-elle déjà songé à déchirer ce lointain voile stellaire sous lequel elle se trouvait ?
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