« Kia li devas ne, li devas ne !  »


Quand ça ne veut pas, eh bien ça ne veut vraiment pas ! J’avais pourtant le sentiment d’avoir pris la décision qui s’imposait, aussi difficile fût-elle. C’était une prise de risque, certes, mais calculée contrairement à ce qu’on pourrait croire de ma part. Peut-être était-ce un signe que la Force nous envoyait ? Que quoi que nous fassions, nous n’aurions pas le dernier mot dans cette bataille. Que peu importe ce que nous faisions, nous avions déjà atteint le point de non-retour et manqué notre maigre fenêtre d’opportunité. Notre duel endiablé avec le cyborg, qui ressemblait à un géant face à une naine, fût brutalement interrompu par une lumière intense et un sifflement aussi mortels que familiers. La Force me hurle de reculer sans plus attendre, comme sur Andara, elle me presse de quitter les lieux. Sans même y réfléchir à deux fois, je laisse l’instinct prendre le dessus dès que j’en ai la possibilité. Le seul bémol, c’est qu’Autek Mor se bat si bien que cette occasion ne survient que plus tard que voulu. Cela me rappelle amèrement Andara, et je peste copieusement en voyant que malgré son gabarit massif et imposant, le cyborg ennemi parvient à esquiver le tir avec une aisance vraiment insolente.


« Halle metes chun, petchuck ! »


J’enrage, je vocifère dans l’espace silencieux de mes pensées alors que je tente le tout pour le tout en espérant que notre malchance ne va pas me poursuivre et me valoir un aller sans retour vers la Force. Jaylen me tuerait sans doute une deuxième fois, ou en tout cas il serait franchement déçu, et ça je ne peux pas me le permettre. Cela s’est joué à quelques nanosecondes près, des nanosecondes de trop. Et après on s’étonne que je déteste les engins technologiques de pointe ! Puisant dans la Vitesse de Force combinée au Saut de Force, je me précipite en direction de la plateforme voisine la plus proche. Hélas, cela ne suffit pas, et je le réalise quelques instants avant l’impact. Une peur naturelle me traverse pendant quelques instants, me rappelant trop bien Andara, avant que je ne me ressaisisse. Je suis bien résolue à survivre, et j’espère que le bon sens des soldats les poussera à se replier loin de là. Pour ma part, je n’ai guère plus beaucoup d’options à ma portée en dehors de la Protection de Force, dont je laisse le voile invisible et intangible me draper afin de renforcer au maximum mon endurance et ma résistance physique. Oh, je ne me fais pas d’illusion, je ne vais pas m’en tirer indemne cette fois. Ce n’est pas pour autant que je vais baisser les bras. Je vais me battre jusqu’au bout, car je ne suis pas toute seule sur ce coup-là. Il est hors de question que les miens périssent ici si je peux l’empêcher. Je me concentre rapidement pour contacter une dernière fois Layli par télépathie avant de barricader mon esprit et protéger du mieux que je puisse mes liens de Force les plus fort de boucliers mentaux.


« Layli, prends ma suite ! Je ne le sens pas, ce coup-là. Organise le retrait des troupes et des nôtres, on ne pourra pas tenir ! Préviens Dalek, je ne vais pas avoir le temps ! »


Tout se passe ensuite à la fois très lentement et très vite, dans un insupportable tempo endiablé.

Je parviens à éviter de me ramasser le tir orbital dans la tronche, mais je n’arrive pas à quitter la plateforme à temps pour regagner la sécurité. Le cyborg non plus. On esquive tous les deux, mais on est pris au piège comme des turbolièvres tous les deux aussi. La plateforme s’effondre sous nos pieds. La vision de la capitale, d’Autek Mor et de mes alliés Jedi et républicains se trouble et s’estompe, alors que je suis plongée dans un gouffre de bois, de feuilles, et de ténèbres qui m’attirent droit vers elles. Le reste… tout se passe sur des réflexes quasiment inconscients, acquis avec le temps et l’expérience. Je tente d’agripper les branches qui sont à ma portée, pour arrêter ma chute ou au moins la ralentir. Je tente tout ce que je peux, avec mes connaissances actuelles sur les arts de la Force. Ce n’est hélas pas mon sabre-laser qui va pouvoir m’aider dans ce genre de situation et d’environnement forestier. Tant bien que mal, j’arrive à affecter certains branchages avec la Force pour ralentir et amortir un tant soit peu ma chute vertigineuse. Les branchages cependant lacèrent mon visage et ma peau qui n’est pas protégée par des plaques d’armure. Oh Force. Je n’ai plus rien sous la main. Je vais prendre cher.

Et, ça ne va étonner personne mais je prends cher à l’atterrissage. Pour une fois, je rate ma réception.

Le contact avec le sol est rude, malgré mes tentatives d’amortir ma chute à l’aide de la Force. Je serre les dents et étouffe avec peine un cri de souffrance alors que je tombe sur ma jambe gauche, qui se plaint avec bruit d’un craquement sinistre avant de se désaxer. La douleur est vraiment terrible, et pourtant je ne suis pas douillette. Elle se dérobe, je m’effondre sans grâce sur mon flanc senestre. Oh Force. J’essaye bien de remettre aussitôt sur pied, mais dès que j’essaye de prendre appui sur ma jambe, la douleur redevient vite difficilement supportable. Je me rassieds quelques instants, pour prendre le temps de constater les dégâts tout en restant alerte à mes alentours et à mon environnement. Mm, l’angle de la jambe n’est pas bon, avec le pied comme ça va être tendu de marcher. Je vais devoir boiter, ce qui est déjà une bonne nouvelle, mais je ne pourrais pas me battre et ça, déjà, c’est nettement plus embêtant. Je ne vais pas pouvoir compter sur mon sabre-laser ici. J’aurai peut-être dû écouter davantage mes instructeurs dans ma jeunesse, et Jaylen le premier… mais ce qui est fait, est fait justement. Je ne peux pas revenir dessus, juste aller de l’avant et survivre. Car si je veux travailler cette lacune à l’avenir, faut que j’ai des années devant moi et pour ça, faut vivre. Avec une discipline autant issue de l’enseignement Jedi que de la formation militaire que j’ai reçue, je me force à aborder la situation le plus rationnellement que je puisse, avec un ordre de priorités. Prendre le temps d’inspecter les dommages, avant toute chose. Je ne suis pas guérisseuse – et dommage, ça aurait servi pour le coup – mais j’ai au moins les bases et connaissances minimales pour le terrain. J’ai entendu un craquement sec et douloureux, ma jambe est désaxée, j’ai assez mal, je ne peux pas m’appuyer dessus ni la mouvoir. Ça empeste la méchante fracture, tout ça. Pas ma première, et sans doute pas ma dernière d’ailleurs. Que disaient les guérisseurs et les médecins militaires, déjà ? Ah oui. Dans un cas de fracture, surtout s’il y a une plaie comme ici, il ne faut pas bouger. Il ne faut pas chercher à manipuler la jambe, ni de la réaxer. Il faut couvrir la plaie avec un tissu propre s’il y en a une, et comprimer la plaie si ça saigne pas mal, et appeler les secours. Grosso modo, un truc comme ça.

Bien, maintenant vient la question au milliard de crédits galactiques : qu’est-ce que je peux faire en l’état, dans le contexte dans lequel je suis ? Qu’est-ce que je peux respecter, ou a contrario adapter ?

Je ne vais pas avoir le choix que de bouger. Je ne peux pas rester là, je n’ai aucun moyen de joindre par communications des alliés car toute parole trop forte pourrait révéler ma position et je doute fortement d’être proche de positions alliées. Je suis tombée dans les Terres d’Ombres et vu la réputation du coin, je doute fortement pouvoir compter sur l’aide des Wookies. Ils n’aiment pas les lieux et pour être franche, je les comprends. Je ne vais pas chercher à réaxer la jambe, je ne suis pas médecin et cela ne s’improvise pas, sauf si on veut se foirer et avoir des séquelles monstrueuses. Par contre, il y a des choses que je peux d’ores et déjà faire. Farfouillant dans la sacoche militaire standard qui m’accompagne sur le terrain, j’en extirpe le matériel de premiers soins issus du médipack dont je vais avoir besoin : une bande de tissu propre, une bande stérilisée, une fiole de bacta, des ciseaux et du ruban adhésif médical pour fixer la bande. Je dois agir vite et bien, je ne peux pas rester immobile ici. Je me concentre et fait d’abord appel aux rudiments de Guérison de Force que je connaisse, qui ne vont pas plus loin que ceux appris par les Padawans Verts. Ça ne va pas me remettre sur pieds et je vais pas pouvoir soigner quelqu’un avec, mais ça aidera à panser mes blessures et surtout la plaie. Je peux aussi, par mesure de précaution, purger les toxines les plus communes de mon corps. Car oui, une forêt, ce n’est pas l’endroit le plus sain du monde et je n’ai pas envie d’aggraver mon cas si je peux faire autrement. Au moins, ça va refermer les blessures légères, les estafilades et les griffures que j’ai récoltées sur les bras, les mains, la tête, le visage et le reste des jambes. J’ai l’impression déjà que je ne saigne plus de la tête, ça a dû se refermer mais je vais devoir être très prudente et passer au contrôle médical. Tant pis pour ma fierté, il n’y a pas que ma vie en jeu ici. Elle doit survivre également d’ici.

Penser à Elle renforce ma force de résolution, et me reconnecte à Dalek, aux miens, aux Jedi Verts, aux Corelliens et aux cousins de Tython. Je ne peux pas les abandonner en baissant les bras ici.

Je m’occupe ensuite de nettoyer au mieux la plaie avec ce que j’ai, puis j’applique tant bien que mal une bande bien découpée de gaze stérile et imbibée de bacta sur la plaie que je suspecte être une fracture. Ça lance, je ne vais pas mentir. Je la stabilise avec une bande propre un peu plus grande tenue par l’adhésif médical, m’assurant que le pansement de secours puisse résister un bon moment. Dès que tout est bon, je range mon matériel dans le pack et le replace dans ma besace militaire.


« Ofax ets burrin tehn »


Ouais, clairement, j’ai un mauvais pressentiment. On ne va pas pouvoir tenir nos positions. Si je me fie aux éléments dont je dispose, et des dernières informations que j’ai eues avant ma chute, il va falloir se replier. Ça me laisse un arrière-goût amer dans mes tripes, mais il faut que je l’admette. On ne peut pas gagner à tous les coups et il faut savoir reconnaître une défaite quand il y en une, ne serait-ce que pour être prêt à se replier et préparer une contre-attaque future. Ce n’est pas morts qu’on sera utiles.

Je vais devoir boiter, mais la douleur lancinante va me distraire si je ne fais rien. Et d’autant plus seule en milieu hostile, je dois être en mesure de me concentrer et de rester entièrement focalisée. Je remets mon sabre-laser double-lame sur ma ceinture utilitaire et saisis dans une main mon sabre-laser simple. Je ne me fais pas d’illusion, je ne suis pas en état de me battre, surtout avec cette arme d’enfance. C’est plus pour me défendre qu’autre chose. Ma main libre vient se poser sur mon ventre un instant, alors que je murmure avec tendresse et douceur dans ce Vieux Corellien que j’affectionne tant.  


- Minmin Bey maltoia'eha, li devas ne Bey lonla. Bashono de mi, eshas bon? Penti Ehin tie. Ni alnus dei havil tra Ten, Minmin blasfem al Valle, Min Larel.


Je lui dis que je suis désolée par avance pour ce que je vais devoir faire, ça ne va pas être confortable pour nous deux, mais que ce ne sera pas long. Je La prie de rester avec moi et de tenir bon, qu’on va s’en sortir toutes les deux, que je lui en donnais ma parole. Et ça, c’est une promesse que je vais tenir. Et je tiendrais bon pour être en mesure de tenir cette parole et de respecter mes engagements. Cette fois, étrangement, la Force reste silencieuse. Elle ne s’y oppose pas, pas comme sur Andara. Sans doute sait-Elle que je n’ai pas d’autre choix si je veux survivre. Prenant une lente inspiration, je m’immerge profondément dans la Force, me concentrant sur ma présence et sur celle de la petite, intrinsèquement liée à la mienne. Puis, je me plonge dans les arcanes du Crucitorn. C’est une technique dangereuse, que je n’ai enseignée à personne et que j’avais apprise peu avant que Jaylen ne nous quitte, dans un Holocron de nos archives à Corellia. Elle permet de temporairement annuler la perception de la douleur, mais elle présente aussi de nombreux inconvénients et je ne m’en serais pas servie si ma situation n’était pas aussi précaire. Elle amoindrit en effet nettement ma perception du danger par rapport à mon état physique, et de là mon instinct de conservation. Je vais devoir être encore plus vigilante et ne prendre aucun risque pour ne pas me blesser. Le Crucitorn peut en effet m’empêcher de constater les nouvelles blessures et serait capable de me tuer, en ce sens. Et surtout, quand je vais cesser d’y recourir, je vais me manger la sensation de douleur accumulée d’un seul trait, je vais donc déguster une vague de souffrance presque insupportable. Mais s’il faut ça pour que je trouve des alliés et regagne la sécurité… je suis prête à endurer ça, si vraiment il le faut.

Á l’aide d’un usage simple de la télékinésie, j’active mon sabre-laser et je façonne dans le bois d’une branche épaisse d’un arbre local une canne très sommaire et grossière, pour m’aider à marcher ou à boiter en tout cas. Au pire des cas, ça me fera un projectile, et connaissant l’Aura de Force, je peux lui conférer la même résistance qu’une lame de sabre-laser. Ce que je fais d'ailleurs. Je risque moins de me blesser accidentellement qu’avec l’un de mes sabres-laser. Je raccroche donc le simple aussi à ma ceinture. Je dois garder une main libre pour pouvoir recourir à la Force s’il faut que je me défense ou m’y appuie. Et je me remets debout avec grande peine, avec l’aide de cet outil très grossièrement fabriqué.

Par où aller, par contre ? Là encore, je vais laisser la Force me guider.

Je me concentre sur le Réseau de Vie afin de mieux ressentir les présences qui m’entourent. J’espère ainsi pouvoir mieux déceler les présences adverses, hostiles et alliées. Les soldats du Consortium ne sont pas les seules menaces ici. Les Tarentateleks qui pullulent ici sont un réel danger pour les utilisateurs de la Force. Je remarque alors qu’il y a encore des groupes de soldats républicains dans les alentours. Une main crispée sur ma canne improvisée, l’autre saisit mon communicateur. Je l’allume et m’ajuste sur la fréquence cryptée réservée aux forces républicaines, puis demande d’une voix assez basse pour être audible mais pas trop forte, avec mon brin d’humour si caractéristique.


- Ici Allana Fern, Jedi Vert. Est-ce que vous me recevez ? Je suis tombée dans les Terres d’Ombres. J’approche de votre position. Merci de ne pas me tirer dessus, je ne ferais pas une cible très intéressante.


Alors que je me rapproche tant bien que mal de leur position mouvante, je tends l’oreille à mes alentours via la Force et me tient prête à me mettre à couvert ou à défendre chèrement ma peau. Vu la malchance qui a été la nôtre depuis le début de cette bataille, je préfère jouer la prudence. Il faut qu’on atteigne l’Archipel, et de préférence aussi nombreux que possible. J’espère que Dalek aura respecté mes consignes avant notre départ et indiquera à R7 de faire décoller le Netreselv sans moi. Je tiens à mon droïde et à mon vaisseau, et ils pourraient nous être bien utiles pour partir.