Une rencontre à la cantina, quoi de plus banal ? (PV Zarseen Raynar) (Terminé)

Faire la serveuse dans une cantina. Des fois, Isïana se disait que Farar choisissait délibérément soit un lieu que la Twi’lek n’affectionnait pas outre mesure, soit de jouer un rôle qui l’exaspérait au possible. Ou, dans le cas présent, les deux à la fois. Certes, travaille comme une serveuse, elle pouvait le faire les yeux fermés, mais elle n’avait pas arrêté pour rien. Elle songea un court instant à le faire les yeux fermés, justement. Il lui fallait bien ce type de pensées évasives pour ne pas s’énerver sur un client agaçant. Et il y en avait bien trop dans une cantina de Nar Shaddaa aux goûts de la Twi’lek !

Ce Rodien qui lui avait mis une main aux fesses pas plus tard qu’il y a trente secondes, par exemple. Des mains graisseuses en plus ! Elle s’était déjà assez décarcassée pour trouver une jupe et un débardeur longs et amples aux couleurs assez froides, qui ne moulaient pas trop ses formes, pour une fois, alors ce n’était pas pour avoir ce type d’attouchements ! Bon, d’accord, le décolleté était très aérée, mais quand même ! Et, certes, elle n’était pas dupe, elle s’y était attendue et préparée à ce que cela arrive, en acceptant la mission de la Cathar dans un tel lieu. Mais ce contrebandier à la noix aurait pu au moins avoir la décence de le faire, après, avoir commandé son brandy corellien ! Pas avant. Les bonnes manières, enfin !

Et cette musique ! Tellement ringarde, on ne la diffusait déjà plus avant la guerre ! Et qui faisait encore jouer ce groupe de Biths. Bittle royal. Quel nom idiot en plus. Au moins, l’alcool ici était correct. Oui, elle avait largement eu le temps d’y goûter. Dix jours qu’elle travaillait au sein du "Dewback givré" lui avait permis de se faire offrir plus d’un verre. Ces généreux donateurs espéraient bien entendu plus de Falicia ensuite. Son nom du moment. Farar n’avait rien précisé sur ce sujet, du coup, nécessairement, la Twi’lek jouait l’effarouchée. Et jusqu’ici elle s’y tenait.

Et ce Rodien qui revenait à la charge. Si elle soupirait intérieurement, ou plus exactement, aurait aimé lui arracher les yeux et l’étouffer avec, elle se contenta d’un sourire aimable et fit un geste du regard au Wookie qui regardait déjà le nouveau client d’un regard noir. Il n’en fallut pas plus pour que le mastodonte poilu se détache du pilier de bar où il campait depuis plusieurs minutes maintenant pour attraper le Rodien, et l’envoyer volé à travers l’entrée. Le son en parti étouffé qui suivit témoigna qu’il avait fini dans la benne à ordure. Isïana arrivait encore à être étonnée de la précision d’Awaliaash.

Elle fit un clin d’œil au Wookie, lui soufflant un baiser, ce qui valut un grognement agacé de celui-ci qui retourna à sa place. Un sacré grincheux, celui-là. Ce qui n’était pas pour déplaire à la Twi’lek. Et elle se fichait royalement de l’imagination très probablement débordante des habitués de la cantina sur une potentielle romance secrète entre les deux. Ce n’est pas comme si ça faisait déjà trois jours qu’Isïana enquiquinait de plus en plus le Wookie en faisant cela.

D’une démarche chaloupée, elle fila derrière le comptoir. Au moment où cet affreux groupe de Biths prenait une pause, parfait pour la Twi’lek ! Le calme revenait. Du moins, le brouhaha ambiant des discussions, rires, insultes et tous ces petits sons caractéristiques d’une cantina, que n’importe qui reconnaitraient entre mille, prirent leur place.

« Encore un lourd, Falicia, c’est ça ?
- Un de plus, oui. On s’y fait, hélas. »

La remarque au ton désabusé et le haussement d’épaules fit arracher un rire à la patronne Zeltronne, qui lui tapota affectueusement l’épaule, avant de repartir servir une cliente visiblement assoiffée vu son haussement de voix colérique.

Un bon petit détonateur thermique. Voilà ce qu’elle aurait bien aimé avoir dans les mains, au lieu de ce plateau de cocktails aussi colorés que riches en alcool à amener à servir à un trio de voyous qui avaient tout l’air du petit gang de seconde zone. Ou de troisième zone. Au moins.

Farar lui avait dit, à son retour récent et bredouille de Nar Kreeta quelques semaines plus tôt, que ces derniers mois, les bonnes rumeurs et potins passaient par ici. Alors, si on mettait de côté certains mythomanes qui se vantaient d’avoir forcé le passage d’une route commerciale bloquée par une forteresse stellaire du Consortium, oui, on pouvait dégoter quelques informations utiles. Mais rien qui aux yeux d’Isïana ne méritait que la Cathar l’envoie écouter les commérages dans cette cantina en particulier.

Enfin, elle s’est déjà retrouvée à s’ennuyer comme un rat womp mort pendant trois mois par le passé à faire de la prospection pour une compagnie de ventes de matériels informatiques bidons, juste pour espérer découvrir quel était l’amante secrète d’un riche Bothan, pour qu’ensuite Farar lui fasse  du chantage. Au moins, les crédits empochés avaient rentabilisé le temps investi. Enfin, investi. C’était une façon de parler.

Ce coup-ci, ça avait intérêt à être tout aussi rentable si ça devait durer aussi longtemps …

Une interrogation qu’elle s’était faite dès le premier jour de son service au « Dewback givré », c’était pourquoi l’entrée était aussi haute et large. D’accord, cela permettait de puiser sur l’éclairage extérieur, bien qu’artificiel vu le niveau où était la cantina, et faire des économies d’énergie. Mais la propriétaire des lieux n’avaient pas l’air avare à ce point-là, et dans le pire des cas, deux fenêtres de part et d’autres et c’était réglé. Et puis, même, tout le charme des cantinas résidait dans sa pénombre, sa lumière aux néons soient blafards soient flashys avec une mince fumée aux odeurs d’alcools et parfois de tabacs.

Par contre, pour faire passer une géante mandalienne, qui est de surcroit la patronne de l’APEX. Effectivement, là, elle pouvait facilement voir l’utilité. Ou peut-être n’était-ce qu’une coïncidence. Dans tous les cas, elle s’en fichait royalement. Un sourcil perplexe échappa d'ailleurs à la Twi’lek en voyant une telle personne influente débarquer ici. Mais Isïana  se reprit rapidement. Un républicain ou un impérial se serait probablement demandé ce qu’une telle personne aussi influente pouvait faire dans une telle cantina. Isïana aussi, en fait. Parce que Zarseen Raynar n’avait pas la réputation de se rendre dans un lieu au hasard. Surtout dans une cantina aussi banale que celle-ci.

Elle faisait plus petite sur les holo-écrans, par contre. Là, même Awaliaash faisait petit à côté. Le Wookie avait quitté un instant son pilier fétiche pour saluer la géante verte respectueusement. Enfin, grogner respectueusement. Du moins, ce que pensait Isïana qui comprenait l’innotation du Wookie. Le minimum qu’elle arrivait à faire. Même si à vrai dire ça lui arrivait souvent d’en douter. Cela dit, elle était sure d’avoir au moins retenu le mot « Dégage », à force. Mais elle ne le disait pas, ne serait-ce pour taquiner le videur de la cantina. Sa voix douce rendait parfaitement ridicule ses tentatives. Et elle détestait paraître ridicule, même si c’était pour jouer un rôle. Sauf que dans ce dernier cas, elle n'avait juste pas le choix.

Isïana fit mine de ne pas remarquer particulièrement Zarseen, passant un coup de chiffon sur le comptoir où un couple venait de partir quelques instants plus tôt. Mais ce fut rapidement compliqué de l’ignorer quand la géante mandalienne prit la place, bien en face d'elle. La Twi’lek leva la tête, replaçant d’un rapide mouvement de mains ses lekkus qui n’apprécièrent que peu ce nouvel angle de positionnement, dans un petit tintement à peine audible des chaines argentées décoratives qui se frottèrent les unes contre les autres dans le mouvement. Il fallait dire qu’avec le brouhaha des autres clients, difficile de bien entendre à moins d’avoir une excellente audition. Isïana prit son plus beau sourire pour accueillir la chef de l’Apex, observant le comptoir qui avait émis un son au final biens plus perceptible que ce qui entourait les lekkus de la Twi'lek.

Un verre... On ne pouvait pas vraiment dire que c’était précis, comme demande. La Twi’lek eut une envie subite, qui la démangeait presque, de servir un verre de lait bleue en retour. Mais cela ne correspondait hélas pas au profil de la gentille Falicia. Elle attendit une petite seconde, puis une autre, comme attendant la suite. Elle jeta un regard furtif vers la patronne zeltronne qui était débordée de son côté. Ou elle n’avait pas envie de se retrouver face à la géante verte. Isïana suspectait la seconde idée responsable de la première.

Finalement, elle se décida de passer à l'action. Son sourire fut ainsi accompagné d’un glissement d’un grand verre, normalement prévu pour les sirops de fruits dilués dans de l’eau, ou toute boisson gazeuse, présent sous le comptoir. En un instant, elle attrapait une bouteille transparente qui révélait son contenu bleu, pour remplir le grand verre. Un cognac bleu d’Abrax. Bien meilleur que le lait bleu auquel elle avait pensé juste avant. Et surtout raffiné. Isïana ignorait si la leader d’APEX aimait cet alcool. Mais elle savait que la géante mandalienne aimait l’alcool, et était bien plus raffinée qu’elle n’en donnait l’impression. Et ça, c’était sans doute la chose qu’elle avait retenu par-dessus tout. Même si elle allait ajouter éviter les torticolis à sa liste.

« Tenez.
- T’es nouvelle? La dernière fois que je suis venue, ce n’était pas toi au comptoir…
- Oh, oui ! Cela fait une dizaine de jours que je suis là. Je remplace Mélicia. La pauvre a fait une chute mortelle, de ce qu’on m’a dit. Une bien triste fin. »

Isïana n’avait pas demandé à Farar comment elle s’était débrouillée pour simuler cet accident. Ce n’était guère utile à ce moment-là. Mais elle songea immédiatement à le faire la prochaine fois. Cela pourrait toujours servir à l’occasion.

« Oh, suis-je sotte ! Falicia, enchantée ! »

La Twi’lek lui adressa le sourire le plus charmant qu’elle était en mesure de produire, passant une main délicate sur un des lekkus, se penchant légèrement sur le côté. Parfois, elle arrivait à produire des érections, rien qu’en faisant cela. À son plus grand étonnement, d’ailleurs. Le plus dur dans le cas présent par exemple, c’était de ne pas leur adresser un regard méprisant en ricanant, mais à la place jouer l’innocente qui n’avait rien vu.

« Et qu’est-ce qui vous amène dans notre belle cantina ? »

Le ton était jovial et se voulait innocent. Son rôle depuis dix jours. Faire la jeune femme avide d'histoires à écouter. Qu’est-ce que c’était lassant pour Isïana ! Non, décidément, Farar avait envie d'emmerder la Twi'lek ces temps-ci. Mais pas de raison qu’elle se comporte différemment avec Zarsheen. Quand on joue un rôle, on le joue jusqu’au bout, non ?

Isïana ne put retenir un levage de sourcils. Dire qu’elle avait été surprise et prise de court était un euphémisme. Et très agacée, aussi. Balancer son vrai prénom ainsi, c’était très culotté, même de manière indirecte. La Twi’lek se reprit rapidement, mettant le verre redevenu vide aussi rapidement qu’il avait été rempli, de son côté du comptoir. Donc, c’était pour elle, que la géante mandalienne était venue ici ? Intéressant.

Elle suivit donc le mouvement de la conversation banale, constatant que la géante ne se focalisait que sur elle. Zarseen voulait jouer cartes sur table ? Grand bien lui fasse. La Twi’lek savait, ça aussi, que la géante verte était du genre rentre-dedans. Mais à ce point-là. Ha, non, tout de même. Un petit aparté rapide s’imposa lorsque la Zeltronne montra finalement le bout de son nez. L’envie de lui coller une baffe sembla poindre le bout de son nez, mais Isïana se contenta de sourire gentiment.

Finalement, la patronne du Dewback givré s’éloigna. Le vif du sujet s’engagea vraiment. Isïana en profita pour se mettre un peu à l’aise, croisant nonchalamment les bras sous sa poitrine. Cela lui donnait un air plus sérieux. C’était surtout pour donner le change aux autres clients, plus que pour Zarseen. Elle s’autorisa deux levages de sourcils supplémentaires, au fur et à mesure de la conversation. Lire entre les lignes, était ce qu’Isïana devait savoir faire. Pour le coup, ce n’était pas réellement complexe avec la géante mandalienne.

Non, ce qui l’interpellait surtout, c’était la nature des sous-entendus glissés ici et là. Comprendre qu’elle voulait s’approprier les talents de la Twi’lek, ça, se fut presque instantané. Non, si Isïana laissa traîner la conversation, c’était pour savoir tout ce que Zarseen savait sur elle, et qu’elle était prête à lui dire. La réflexion de la fausse serveuse portait essentiellement là-dessus.

C’était via Farar, directement ou indirectement, ça, Isïana n’en était pas encore sure, que Zarseen avait su où la trouver. C’était évident. Cependant, la géante mandalienne savait des éléments que la Cathar n’était PAS sensée savoir. Hm. Deux solutions possibles. Soit Isïana était déjà fichée quelque part, avant qu’elle se libère de John. Cela lui semblait peu probable, mais APEX était déjà bien en place à ce moment-là, donc après tout pourquoi pas ? Soit Zarseen ne s’y était intéressée que récemment et avait donc accès à des sources que la Twi’lek ignoraient. Cette seconde possibilité n’était guère pour lui plaire. Mais ce n’était pas comme si elle y aurait pu y faire quelque chose, de toute façon.

« Mais, admettons, admettons … »

Le sourire qui suivit la question était pour le moins curieux, et amusé, alors qu’elle regardait l’horaire. C’était le moment de sa pause. Elle l’indiqua rapidement à la patronne zeltronne qui acquiesça tout aussi vite.

« Peut-être pourrions-nous développer plus en détail cette incroyable histoire dans un endroit plus tranquille ? J’aimerai bien profité d’un peu d’air frais, si ça ne vous dérange pas. »

Comme si l’air de Nar Shaddaa était frais. Isïana aurait pu rire de sa propre blague. Non, surtout, ce satané groupe de Biths avait repris leur place. Hors de question de les entendre une minute de plus…

La rue était bruyante, mais moins qu’à l’intérieur. Du moins, au moins, on entendait plus ces satanés Biths. Il y avait quand même un petit courant d’air frais. Et pollué. Mais frais. Dans le fond, elle n’avait pas si menti que cela. Elle remarqua immédiatement l’étrange animal ailé. Il fallait dire, il fallait être aveugle pour ne pas le voir.

« Ne fais pas attention à Loktar, si tu le grattes derrière les oreilles, tu vas avoir la plus grosse peluche de la galaxie en boule à tes pieds. »

Isïana fit une petite moue, indifférente dans l’absolu à l’animal. Elle n’avait jamais été très portée sur les animaux de compagnie. Il faut dire, elle n’avait jamais eu réellement l’occasion d’en avoir. Mais ça, Zarseen devait très certainement le savoir. La Twi’lek croisa un instant les bras sous sa poitrine, fixant Loktar comme le jaugeant, puis haussa les épaules.

« Je vais vérifier cela … »

Aussitôt dit, d’un ton neutre, aussitôt fait, d’une main délicate. Gratouiller derrière les oreilles d’un animal. Oui, bon, ça, elle l’avait déjà fait. Trop de fois pour s’en rappeler. La différence, c’est qu’elle avait toujours du se montrer joyeuse et enthousiaste. Là, elle n’avait rien à cacher à la géante mandalienne. Elle ne faisait que s’exécuter, pour voir le résultat. Ni plus ni moins.

« Bon, venons au vif du sujet. »

Elle continua à gratouiller la manticore tout en discutant. Cela l’occupait, surtout. Elle replaça un instant le haut de son décolleté en voyant le regard d’un passant, lui jetant un regard riche de sous-entendu s’il s’attardait trop à la regarder. Et avec la patronne de l’Apex, et surtout Loktar juste à côté, ça a eu son petit effet.

« J’ai bien compris que mon profil t’intéressait. Le profil d’Isïana. Pas celui de la serveuse, bien entendu. »

Un petit peu d’humour, ça ne faisait pas de mal. Parait-il. Non pas que c’était spécialement de circonstance, ou même que ça amusait la Twi’lek. C’était sorti tout seul. Elle avait face à elle la personne, encore vivante, qui semblait en savoir le plus sur elle de toute la galaxie. Elle avait bien le droit de se lâcher un peu. Ce n’était pas tous les jours que ça arrivaient. Et pour le tutoiement. Eh bien. C’est Zarseen qui avait commencé, pas de raison qu’Isïana ne suive pas le mouvement. Elle enchaîna, d’un ton toujours aussi neutre, sans réelles intonations. Elle pourrait parler de la pluie et du beau temps, que ça aurait été la même chose.

« Maintenant, pour moi, la question est la suivante. Est-ce pour une utilisation unique ? Un besoin, qui implique une réponse immédiate. Ou alors est-ce pour une utilisation prolongée. Dans le premier cas. Je t’écoute. Dans le second cas. Que l’on soit clair. Pas d’intermédiaire. Je travaille pour toi. Pas via Farar. »

Elle cessa de s’occuper de Loktar. Qu’il s’en plaigne s’il voulait, Isïana s’en fichait. Elle avait assez joué avec lui. Là, on était vraiment dans le sujet sérieux. Elle recroisa les bras sous sa poitrine, venant même s’installer négligemment contre le mur de la cantina. On aurait presque cru une contrebandière, ainsi. Si elle en avait le charisme. Et la tenue. Là, on aurait plus dit une Twi’lek cherchant un ou une partenaire pour la nuit.

« Je ne te ferai pas l’affront de parler de tarifs … Ou de ce que j’aimerai bien en échange. Tu sais très bien ce que je demanderai, en fonction de la complexité et la durée de la tâche. »

Bon, déjà, il ne restait qu’à voir comment réagirait Zarseen à tout cela. Isïana resta silencieuse, le temps de bien faire comprendre qu’elle avait fini de son côté, concernant sa réaction à tout ceci. C’était une opportunité à saisir, la Twi’lek en était bien consciente. Elle ferait en sorte qu’elle ne lui échappe pas. Et au pire ? Il n’y aurait pas d’au pire.

Oui. Bon. Zarseen. Le Triumvirat. Elle chipotait, la verte, elle avait bien compris ce qu’Isïana voulait dire. Donc. Venom. Le boss droïde. Ou IA. La Twi’lek faisait peu la différence. Un être de métal programmé. Les conséquences de son expérience menant parfois à n’importe quoi ; même si faire pire que les organiques semblait pour le moins inconcevable pour Isïana. Pourquoi pas. Peu lui importait le commanditaire, tant que ça venait de tout en haut. Elle n’était clairement pas regardante là-dessus.

Elle acquiesça donc simplement. Elle ne réagit même pas au choix du terme d’investissement. Toute sa vie, elle n’avait été qu’investissement pour quelqu’un. Quand on est esclave, on avait rarement son mot à dire. La seule différence depuis qu’elle avait éliminé John, c’était qu’elle choisissait chez qui elle allait s’investir. Pour elle, déjà, cela allait de soi.

Elle tourna la tête un instant vers Loktar au propos de Zarseen, puis revient à celle-ci d’un petit sourire amusé. L’instinct. On pourrait penser que c’était une notion étrangère à la Twi’lek. Ce serait une grossière erreur. Oui, elle était calculatrice, pragmatique, scientifique dans l’esprit, même. Mais il arrivait nécessairement un moment où les nombres et la logique ne suffisaient plus, où il fallait laisser place à l’instinct, aux réflexes. L’univers, la Force, n’était qu’entropie. Jamais immuable, toujours changeante. L’APEX en était l’exemple le plus concret pour elle. Dire que le groupe n’était que chaos et anarchie, n’avait pas de sens pour Isïana. Il y avait toujours un point d’équilibre. Tout menait à ce point d’équilibre, si on laissait le cours des choses se faire. C’est là où l’instinct intervenait pour ne pas mener à cet état de fait. Après tout, si ce n’était pas le cas, cela ferait des milliers voir des millions d’année que la paix régnerait sur la galaxie, non ?

Elle se montra plus concentrée, suite au petit blanc après que la géante mandalienne ait indiqué que son offre était sérieuse. Pour la Twi’lek, ça ne faisait pas de doute qu’elle l’était. Ou alors, ils n’avaient vraiment rien à foutre de leur journée, dans le haut du panier de l’APEX, pour venir faire de telles blagues. En tout cas, la proposition n’avait pas à être une blague, par contre ! Pour le coup, c’était Zarseen qui venait mentalement de gratouiller derrière l’oreille d’Isïana. Une prothèse enfin digne de ce nom pour son bout de lekku manquant ? Enfin ? On signait où ?

« Cela me semble honnête. »

Elle se remit à gratouiller Loktar. Mais à se demander presque si c’était lui ou la Twi’lek qui aurait pu ronronner le plus. Toute sa mauvaise humeur de la journée s’était comme volatilisée, en seulement trois phrases. Elle s’autorisa même un sourire satisfait. Un sourire franc, élément rare.

« Je commence quand ? »

« Ravie de voir que tu acceptes. Et tu commences immédiatement. On va y aller avec quelque chose de relativement simple : je suspecte ta patronne cathar de jouer à un jeu que je n’aime pas. Sous le couvert d’activités criminelles… Ordinaire… Elle fricoterait avec certains éléments infiltrés de l’Imperial Intelligence. Tous leurs commandants ne son pas des génies, après tout, c’est clair.
- En effet. Tous ne brillent par leur intelligence, c’est certain. »

Bon, là, ça faisait tout de même beaucoup de surprises en un temps beaucoup trop restreint au goût de la Twi’lek. Bon que Farar fricote avec des impériaux, ça, à la limite pourquoi pas. Isïana s’en fichait royalement. Elle-même avait bien trainé avec des républicains ou des types du Consortium. L’APEX était sensé être un espace neutre, non ? Fallait bien ça pour s’attirer leur sympathie, passer les contrôles à la frontière et les plumer par la suite, de surcroit. Mais ça n’est jamais allé plus loin que cela, et surtout pas avec des types dans les renseignements d’en face. Elle leva donc un sourcil à l’annonce.

« La question que je me pose, est-ce que c’est une collaboration volontaire ou est-ce que c’est vraiment… Pas accidentel mais fait sous le sceau de l’ignorance. Et s’il s’avère qu’elle fricote avec l’ennemi… Je la veux vivante pour interrogatoire. Oui essentiellement je te demande d’être prête à mettre le sort de tes associés actuels entre les douces mains de la justice de Venom s’ils sont coupables de trahison. Es-tu toujours partante? »

Isïana fit mine de peser le pour et le contre. Fit mine, seulement. Elle aurait pu répondre directement, à vrai dire. Elle ignorait si c’était encore un test, après tout on ne savait jamais, quand on commençait à entrer dans ce jeu là. On finissait même par en voir, alors qu’il n’y en avait pas. Une vilaine habitude, mais qui n’était pas pour déranger la Twi’lek. Elle préférait ça à l’inverse.

« Difficile à estimer si j’ai plus à gagner qu’à perdre, commença-t-elle à dire, d’un petit sourire en coin, alors qu’elle se redressait du mur de la cantina, faisant un simplement hochement de tête entendu vers Awaliaash, le Wookie étant sorti et ayant poussé un grognement interrogatif pour savoir si tout se passait bien. Adorable, ce Wookie. Non, vraiment, ajouta-t-elle en haussant les épaules. Bon, par contre, je dois avouer ne pas comprendre réellement mon utilité là-dedans. Si c’est simplement pour l’interroger, il suffit d’aller la chercher, ce n’est pas compliqué de lui mettre la main dessus sur Nar Shaddaa. À moins qu’elle ne se soit volatilisée pour l’espace impérial, bien entendu. Ce qui serait une grande première depuis que je travaille pour elle, d'ailleurs. Là je pourrais comprendre davantage. »

Elle laissa un instant de blanc, venant gratouiller machinalement Loktar. Décidemment, cette bestiole donnait envie de le refaire. La Twi’lek se mit à songer de vérifier si ça n’émettait pas des phéromones ou d’autres saletés du genre pour l’inciter au geste. Même si ce n’était pas comme si c’était réellement important en soit.

« Alors qu’espionner Farar pour la prendre sur le fait, pour savoir qu’elle est son degré d’implication précis dans les petites affaires des impériaux, là j'aurais compris davantage. Je n’irai pas jusqu’à dire que ce n'aurait pas été un problème, puisqu’il aurait fallu que je m’invente une petite histoire crédible pour justifier que je me retrouve en sa compagnie, avec les impériaux en question … mais ça, ce serait mon problème. De toute façon, il faut que je me la trouve, cette petite histoire, pour te les ramener. Enfin, vous les ramener. À livrer à Venom, donc … conclut-elle, laissant un court instant de blanc à nouveau, pour finalement réagir qu’elle n’avait pas réellement répondu à la question. Et oui, je suis toujours partante. Je ne le devrais pas ? »

Le petit sourire final de la Twi’lek était riche en sous-entendus. Oui, c’était ses associés. Des collègues, à la limite, même si elle ne répondait surtout que de Farar, n’ayant que peu côtoyer le reste de son gang. Isïana avait toujours eu un rôle d’électron-libre dans ce groupe. Donc les vendre à la justice de l’APEX ? Certes, elle respectait et appréciait plutôt bien Farar. Elle ne lui avait jamais fait de coups dans le dos, surtout. En tout cas, jamais jusqu'ici. Mais comme si ça allait lui poser un problème ! Zarseen venait juste de lui fournir sur un plateau une raison de passer enfin à autre chose …

Isïana avait écouté attentivement Zarseen, les sourcils froncés. Il y a des éléments qui sonnaient contradictoires aux oreilles de la Twi’lek, mais elle s’en fichait un peu. Comme l’avait souligné la géante verte, elle avait une mission. Et celle-ci était claire et limpide. Rien à voir avec l’eau du coin. La réponse donnée par son interlocutrice définissait simplement un peu mieux le cadre et confirmait surtout l’opinion d’Isïana sur tout cela. Pour l’instant les accusations de la boss de l’APEX reposaient sur du vent. Juridiquement parlant, en tout cas.

« Je vois. Je prends note de tous ces éléments. Je pourrais garder le pendentif après ? »

Elle avait pris un ton et un air de jeune adolescente qui demanderait à sa mère la permission de lui offrir le dernier truc à la mode. Ce qui, vu la différence de taille, et le visage juvénile d’Isïana, aurait pu tout à fait être dans le ton, d’ailleurs. Cela étant, la plaisanterie mise à part, une telle technologie était une bonne idée. Jamais utilisé par la Twi’lek, car elle n’en avait jamais eu l’utilité. Et surtout, Farar ne lui en avait jamais fourni. Pourquoi la Cathar l’aurait fait, de toute façon ?

Elle prit tout de fois avec bien moins de légèreté la précision sur les commandos droïdes. Elle n’avait jamais eu l’occasion de les voir en action. Et si jamais ça devait arriver, elle préférait que ça soit derrière eux, et pas DEVANT eux. Même en se foutant à terre. Surtout parce qu'elle s’habillait de base légèrement. Surtout avec le pendentif qui implique un joli décolleté. Plongeant, de préférence, bien sûr …

« Et des questions personnelles ? … En règle générale, je ne les pose pas, j’attends que les réponses viennent toutes seules »

Elle ponctua sa remarque d'un haussement et d'épaules, et s’accorda même ensuite un petit sourire en coin. En règle générale. Cela étant, la situation actuelle, n’avait rien d’une généralité pour la Twi’lek. Loin de là. Elle pouvait bien faire une entorse à ses habitudes. En tout cas, Isïana nota que Zarseen était une vraie pipelette.

« Cela étant, je ne peux qu’être curieuse de savoir comment vous avez trouvé Loktar, par exemple, ajouta-t-elle donc, ponctuant d’une nouvelle gratouille. Si ce n’est pas trop éreintant de gérer l’APEX, même à trois. Qu’est-ce qui vous a amené jusqu’à moi. Hm. Ou à quel point les rumeurs sur tes fêtes sont proches de la réalité ? Voir une petite anecdote inconnue du grand public ? »

Elle termina de compter des doigts de sa main libre, puisque l’autre gratouille la manticore. Bon, et cela devrait déjà donner de quoi laisser la géante mandalienne se faire un plaisir de répondre à ce que venait de demander Isïana. Questions qui n’avaient clairement pas été posées au hasard par la Twi’lek.

Isïana aura haussé les épaules à la réaction de Zarseen. Au moins, c’était bien, elle arrivait à être crédible en petite peste. C’était rare qu’elle se comporte ainsi, dans ses missions. Cela étant, au moins, cela lui permit d’avoir une explication plus détaillée du fonctionnement. Pas nécessairement son but initial, mais la Twi’lek n’allait pas s’en plaindre. Elle nota surtout que la balise n’allait s’activer que par elle. Un code génétique ? Isïana songea plutôt à un petit dispositif que la géante mandalienne allait lui implanter dans sa prothèse cybernétique. Cela aurait été plus raccord, mais bon, dans le fond, elle n’en avait aucune idée.

Elle se contenta simplement de hocher la tête, du coup. Oui, évidemment que son égo était flatté. Mais bon, par le fait que Zarseen soit venue la voir, surtout. Le reste n’était qu’accessoire pour la Twi’lek. Ce n’était que des outils pour son futur travail pour l’APEX. Elle aurait pu lui dire qu’elle lui offrait le dernier vaisseau ultra-moderne, que ça ne l’aurait pas fait réagir plus que ça. Bon, si, quand même. Parce que là, ça aurait été un sacré cadeau. Mais pour l’heure, une balise de détresse personnalisée, oui, ça suffisait amplement à la satisfaire.

Les réponses personnelles, aussi, lui convenaient également. Elle nota pour Lektor. Elle s’en doutait depuis le début, de la loyauté de la manticore, mais elle avait quelque chose de plus concret à se mettre sous la dent sur la relation des deux. Idem pour le Triumvirat. Elle avait forcément entendu au détour d’une conversation, ce qui se passait tout en haut de l’APEX. Mais c’était toujours autre chose que de l’entendre de la bouche d’une des concernés.

La Twi’lek leva un sourcil étonné à l’explication de la géante verte sur son intérêt à la petite mauve, en comparaison, bien sûr. Elle se massa d’ailleurs la nuque un instant, glissant sa main libre sous ses deux lekkus. Ce n’était pas des plus agréables de lever la tête aussi longtemps pour discuter avec une telle interlocutrice.

« Intéressant. Très intéressant. »

Elle savait qu’on pouvait la reconnaître, malgré ses noms d’emprunts. Le risque qu’elle croise la même personne à deux endroits et moments différents, pour des rôles totalement opposés, n’étaient clairement pas négligeable. Ce qui pouvait occasionner des situations cocasses, d’ailleurs. Mais que les droïdes aient pris le temps, sans doute en se coordonnant, de recouper les différentes actions d’Isïana … ça, la Twi’lek n’y avait jamais songé. C’était encore un peu trop tôt pour qu’elle en prenne réellement la dimension, mais cela allait très surement changer sa vision de l’espionnage chez APEX. Et passer des nuits blanches à se rembobiner tout ça …

Elle ne commenta pas spécialement pour la suite, se contentant d’un air amusé. Les réponses ne lui importaient que peu. Ces innombrables détails insignifiants et futiles aux yeux de la Twi’lek. Mais c’est ce qui lui permettait d’entamer des conversations sous ses divers personnages lors de mission, et même d’en improviser sur le tas, à partir de ces informations insignifiantes glanées ici et là, mais qui tout de suite donner une force de crédibilité incroyable. Ressortez le contenu d’un opéra Coruscantii vieux de mille cinq cents ans, que n’avez jamais vu, mais qu’une vieille riche sénile vous a résumé dans le moindre détail, et vous pourrez vous faire passer pour une missionnaire Twi’lek de bon goût, alors que vous n’avez jamais mis le moindre lekku dans le territoire impérial.

« La vache, je boirais bien quelque chose, à parler autant… Tu m’offres quelque chose? À moins que tu veuilles te mettre sur ta mission tout de suite?
- Je ne suis pas pressée, peu m’importe. Concernant la boisson. Je peux offrir, oui. Mais pas ici. Je n’en peux plus de ce groupe de Biths … »

Son regard noir était clairement compréhensible. Une seule note de plus, et la Twi’lek faisait un massacre. Même si elle n'allait pas y couper, puisqu'elle s’excusa un instant, laissant Zarseen à l’extérieur le temps de prévenir la patronne Zeltronne qu’elle allait devoir s’absenter. Elle fit un clin d’œil au videur Wookie au passage. Probablement la dernière fois qu’elle allait pouvoir l’enquiquiner, autant en profiter ! Elle ressortit donc, s’étirant dehors. Oui, elle avait lâchement abandonné Loktar, il n'aurait plus de grattouilles avant un moment de la part de la jeune femme.

« Je te laisse choisir où boire. Je ne serai pas regardante. Et ensuite, eh bien, j’imagine que je pourrais me mettre sur ma mission tout de suite, oui. »

Isïana hausse les épaules. Elle pouvait se vêtir encore bien plus légèrement que cela. Mais si Zarseen insistait pour qu’elle s’habille davantage, et que c’est elle qui payait de surcroit, la Twi’lek ne voyait aucune raison à refuser. Et en effet, si elle pouvait éviter le type de question souligné par la géante verte, autant faire d’une pierre deux coups. Qu’on le pense quand c’était elle qui faisait exprès de faire pointer une telle impression, d’accord. Quand ça se créait à l’insu de son plein gré, là, ça avait le don de l’irriter méchamment.

« Tu m’as convaincu. Allons faire les boutiques, alors. »

Isïana suivit donc Zarseen vers la boutique en question. Elle se mit à penser, avec la différence de tailles, qu’elle avait l’air d’un animal de compagnie qu’on promenait. Au détail près qu’avec la géante mandalienne … quasiment tout le monde donnait l’impression d’être ses petits animaux de compagnie. Durant le trajet, la Twi’lek nota surtout les réactions des passants. D’une part vis-à-vis de Zarseen, tout court, et ensuite comment on la regardait, elle, de marcher côte à côte avec la boss de l’APEX. Une différence, tout de même.

La Twi’lek rentra à l’intérieur, une fois arrivée. Elle leva un sourcil. Elle ne s’attendait pas vraiment à cela. Elle salua les commerçants d’un hochement de tête distrait, s’avançant déjà entre les rayons. Quitte à profiter du stock de l’APEX gratos’, elle allait bien se faire plaisir oui. Elle en oublia presque la présence de Zarseen. Et Loktar, par extension. Elle était en effet concentrée dans son choix.

Elle aimait bien porter des robes. Mais dans le cas présent, c’était un coup à se tordre une cheville en marchant dessus, en cas de course. Non, ça ne lui était jamais arrivée personnellement. Un pantalon s’imposait donc. Elle fit plusieurs essais pour se décider sur un brun en tissu doux d’apparence, mais bien renforcé en-dessous. Il avait deux poches sur les côtés, assez larges, de quoi glisser différents objets si nécessaire. Pas de quoi planquer des armes, cela dit. Non pour cela, elle avait déjà flashé sur un blouson en cuir noir imperméable qui lui allait comme un gant. Elle pouvait aussi bien le fermer entièrement, lui donnant un air plus sérieux et plus vieux, que laisser la fermeture-éclair ouverte, ne le portant que par les épaules et les manches, elles aussi renforcées. Idéal pour mettre encore plus le pendentif et le décolleté. Encore fallait-il trouver le dernier. Là-dessus, elle mit un peu plus de temps à se décider. Elle fit littéralement le tour du magasin avant d’opter pour un débardeur léger mais composé de fibres synthétiques sensées arrêter aussi bien projectiles que tirs de blaster. Isïana avait comme un doute sur la véracité de cela, mais si c’était le cas, tant mieux. Si ce n’était pas le cas. Eh bien elle ne pourrait probablement pas aller porter réclamation au vendeur. De toute façon, le décolleté était en soit un point faible de l’ensemble. À partir de là …

Elle se regarda dans le miroir de la cabine d’essayage, une fois retirée tout ce qu’elle portait, mise à part ses sous-vêtements, ça allait de soi, pour juger l’ensemble. Elle ajusta le manteau et le débardeur. Oui, il y avait moyen de la mater sans soucis. Cela en montrait suffisamment pour faire échauffer les esprits pour qui s’y perdrait, mais le plus gros de sa poitrine était dissimulé. Elle fit cependant une moue. Il manquait quelque chose.

Elle vérifia le blouson. Oui, il y avait de quoi planquer un blaster d’un côté, et même sa vibrolame poignard de l’autre. Elle n’avait pas ses armes sur elle, là tout de suite, pour vérifier, mais les proportions correspondaient parfaitement. Il y avait même de la place pour glisser une petite fiole ou son petit datapad si besoin. Elle s’observa encore un instant, puis eut la révélation.

Telle qu’elle, elle avait un faux air de contrebandière. Du genre à la mode y a plus de mille ans ou deux milles ans. Un peu vieillot, mais sur elle, ça rendait plutôt bien. Il lui manquait donc une ceinture et des bottes assez hautes. Elle hésita quelques instants, puis se décida rapidement à partir sur de l’agréable à porter et résistant à l’usure, plus que permettant de cacher des objets. Quant à la ceinture, elle trouva même de quoi lui permettre d’y stocker les trois grenades qu’elle utilisait le plus souvent. Soit un détonateur thermique, on avait toujours besoin d’un gros truc qui fait boum, une grenade flash, cela avait toujours son utilité pour décamper et une grenade à ion, on avait toujours besoin d’un gros truc qui fait boum … sur les droïdes.

« Je pense que ça ira. »

Isïana sortit en faisant un petit sourire en coin qui aurait pu en rendre jaloux des générations de contrebandiers, dans une allure désinvolte. Elle bougea ensuite un peu après, reprenant son air neutre habituel. Oui, elle était bien à l’aise là-dedans. Elle laissa ses anciennes affaires dans la cabine. Ce n’était pas pour ce que ça valait, franchement, qu’elle allait s’emmerder à les trimbaler ensuite.

Ce fut donc dans son nouvel accoutrement flambant neuf que la Twi’lek suivit Zarseen jusqu’à la Cantina. Isïana leva d’ailleurs un sourcil perplexe au nom. Elle secoua légèrement la tête, ses deux lekkus semblant presque danser dans le mouvement.

« Je sais très bien que ça a dû être dit des milliers de fois. Mais côté originalité, on repassera. »

Elle regarda l’intérieur, et les personnes présentes. Elle eut subitement un flash de quelques années en arrière. Non pas pour le décorum, mais plus pour le niveau de vie, les personnes présentes. Elle réprima difficilement une grimace. Cela lui rappelait John Ester son passé d’esclave. Elle se reprit cependant rapidement. Désormais, elle allait être d’égal à égal avec tout ce beau monde. La Twi’lek prit bien plus conscience de la remarque initiale de Zarseen. Effectivement, avec ses tenues habituelles, elle serait clairement passée pour la Twi’lek juste bonne à la coucherie.

Elle se fit d’ailleurs la réflexion qu’elle n’avait jamais eu l’occasion jusqu’ici d’entrer dans un tel lieu. Quand elle s’était libérée de John, elle n’en avait tout simplement pas les moyens. Par la suite, eh bien, Farar ne l’avait jamais envoyé en mission dans une cantina pareil. D’un autre côté, pourquoi l’aurait-elle fait ? Elle devait surement s’y rendre ici, d’ailleurs. Cela aurait bien été son genre en tout cas. Et elle aurait été comme un poisson dans l’eau.

Isïana commanda un cocktail qui se faisait dans la Cantina. Quelque chose de fruités, d’exotiques. Avec une pointe d’alcool fort. Suffisamment pour le sentir parmi les autres arômes. Elle tenait plutôt bien l’alcool, donc elle pouvait y aller. Enfin, tenir bien l’alcool. Elle n’irait jamais faire un concours avec Zarseen, ça, c’était sûr. Elle paya les deux commandes, comme convenu. Elle sentit tout de suite la différence de prix. Elle ne sortait pas autant de crédits d’habitude.

S’installant confortablement, elle trinqua avec plaisir avec la géante mandalienne. Elle n’allait pas jusqu’à dire qu’elle se sentait à l’aise, mais elle pourrait probablement l’être, si elle était vouée à revenir ici plusieurs fois. Elle fronça subitement et rapidement les sourcils en voyant Loktar rappliquer aussi sec pour quémander de nouvelles gratouilles.

« Il est sacrément collant … »

Cela n’empêcha pas la Twi’lek de faire plaisir à la manticore d’une main, buvant de l’autre. Elle n’était plus à une gratouille près, de toute façon. Et elle était suffisamment d’excellente humeur désormais pour en faire autant qu’il voudrait. Ou plutôt jusqu’à temps qu’elle se lasse. Elle prit tout de fois le temps de profiter de son cocktail, bavardant avec Zarseen. De tout et de rien, probablement. Puis, elle reposa finalement son verre, une fois celui-ci vide. Elle était prête pour la suite !

« Bon … quand tu veux. »

Dire qu’Isïana ne s’attendait pas à ce que Loktar disparaisse un instant pour lui ramener une poignée de crédits était un euphémisme. Elle le cacha par un levage de sourcils dubitatif. Mine de rien, elle l'appréciait de plus en plus celui-là ...

« Il est sacrément collant … mais je ne vais peut-être pas m’en plaindre finalement.»

D’un sourire malicieux, elle vint tapoter gentiment la tête de la manticore. Elle aurait presque pu ajouter un petit « Brave toutou » au passage. Mais bon, Loktar n’en avait pas vraiment le physique. Ou alors un gros chien ailé … à la limite.

Elle tourna la tête vers le grand écran. Dire qu’elle était intriguée du contenu affichée, là aussi, aurait été des plus exactes. Elle en avait entendu parler de ses fameuses missions défis de l’APEX. Fantasme pour les gens d’en bas, réalité pour ceux d’en haut. Vanterie pour ceux du milieu. C’était d’ailleurs surtout via les membres du gang de Farar qu’Isïana en avait au final eu le plus d’échos. Elle nota mentalement quelques noms rapidement, ceux qui étaient le plus tape-à-l’œil.

Elle revient ensuite à Zarseen en entendant sa réponse, et aussi à Loktar pour des gratouilles, après avoir glissé les crédits dans l’une des poches de son blouson, qu’elle n’avait toujours pas fermé. Et qu’elle ne risquait pas de faire dans la Cantina en tout cas. Elle hocha de la tête en silence à plusieurs reprises, pour indiquer qu’elle avait bien saisi aussi bien les directives que les conseils de la géante mandalienne.

« J’aimerai également éviter de finir dans une cuve à bacta, cela va de soit, commenta-t-elle tout d’abord en haussant les épaules. Rapport toutes les semaines, autonomie, initiative, bonus si autres informations intéressantes, récapitula-t-elle en comptant sur les doigts de sa main droite. Tout ceci me convient parfaitement. Et il ne faut pas croire, je me sers aussi bien de ma tête que du reste de mon corps. »

Isïana fit un petit clin d’œil à Zarseen, alors qu’elle passait sa main droite justement le long de son décolleté, effleurant le pendentif, avant de replacer convenablement ses lekkus dans son dos machinalement, comme un tic. Elle se leva finalement, amusée de la remarque sur Loktar.

« Je suis certaine qu’il y a déjà pleins de volontaires à la gratouille. Mais je retiens le paiement, c’est sympathique. »

Elle tapota sur le blouson où elle avait mis les crédits récupérés, d’un sourire en coin. Elle prit ensuite le pendentif entre ses doigts, l’observant un instant.

« Espérons que je n’en ai pas l’utilité, en tout cas … A la prochaine, Cheffe ! »

Sur ses mots et un petit sourire en coin, la Twi’lek s’éclipsa de la Cantina pour retourner dans les rues de Nar Shaddaa, refermant son blouson. Elle soupira un instant. Bon, c’était bien beau tout ça. Mais maintenant elle avait une Farar à trouver. Et surtout une histoire à inventer …