Retrouvailles inopinées au milieu des bêtes [PV Darth Yenna]

Dalek déambulait dans les Jardins zoologiques et botaniques de Coronet City, qui incluaient le plus grand zoo de la capitale corellienne. En pleine semaine comme aujourd’hui, les allées étaient certes remplies de touristes venus des quatre coins de la Galaxie pour admirer les espèces endémiques comme exotiques préservées par les Corelliens, mais les locaux y étaient moins présents qu’en fin de semaine. Voilà pourquoi le Maître Vert avait choisi de faire son repérage ce jour-là ou tout du moins, il s’agit d’une raison parmi d’autres.

Le Hapien de naissance avait choisi une tenue civile pour ne pas attirer l’attention : une chemise bleu ciel et un pantalon beige, complétés de sa ceinture utilitaire à laquelle pendaient sa paire de blasters TX-11 répartis dans leurs holsters sur chacune de ses hanches, tandis que son sabre laser était dissimulé au creux de son dos par sa veste marron en cuir de bantha. Le seul élément qui aurait pu l’identifier facilement comme un Jedi, le crédit Corellien qu’il portait au cou, était caché au bout de sa chaîne en aurodium sous sa chemise.

Si Maître Zar voulait emmener sa classe d’initiés au zoo, ce n’était pas simplement par vocation pédagogique. Les enfants lui avaient posé beaucoup de questions sur la Bataille de Kashyyyk, sur la guerre en général et sur l’histoire qui les avait conduits dans le conflit tripartite qui durait depuis si longtemps. Jusqu’ici, le conflit galactique était une préoccupation lointaine, comme si elle arrivait à d’autres personnes mais avec Kashyyyk, c’était des Jedi Verts qu’ils connaissaient qui étaient rentrés blessés ou qui avaient choisi de demeurer à la surface pour poursuivre la résistance avec l’Amiral Tan’ith. Dans ce contexte, les leçons d’histoire, d’éthique et de civisme étaient de mise alors pourquoi les emmener voir des animaux ?

La raison était simple : leur changer les idées et les émerveiller grâce à la présence d’êtres vivants tous plus remarquables les uns que les autres dans leur diversité. Qui n’aurait pas admiré la majesté d’une panthère des sables corellienne avec ses griffes venimeuses ou encore apprécié le cri perçant d’un oiseau banshee corellien prenant son envol ? Aussi étonnant que cela puisse paraître, Dalek avait acquis son respect et son appréciation de tous types de faunes à l’époque où il officiait encore au service du Consortium. S’il était de notoriété publique que le jeune Zar travaillait régulièrement pour le Seigneur Sith Darth Umbra, la plupart ignoraient qu’il se mettait ponctuellement au service d’une personnalité plus élevée encore dans la hiérarchie Sith, une personnalité qui appréciait la discrétion autant que l’efficacité, qualités rares chez les utilisateurs du Côté Obscur de rang secondaire.

Lorsque Darth Umbra l’avait présenté jadis à Darth Yenna, la Maîtresse Modeleuse du Conseil Noir, la première pensée de Dalek avait été de se dire que si c’était une manière de se débarrasser de lui, le vieil intriguant avait choisi une manière bien particulière de s’y prendre. En réalité, il ne s’agissait pas du tout ce qu’il avait cru. La Dame Sith cherchait quelqu’un pour lui procurer un certain nombre d’espèces exotiques mais se rechignait à envoyer loin d’elle les compagnes nubiles qui formaient son harem, enfin « sa grande famille », comme elle les appelait. Le guerrier Sith avait été à la fois ravi et rassuré de découvrir que non seulement la membre du Conseil Noir n’avait aucune attirance envers les hommes mais qu’elle était également très pragmatique sur la manière de les employer, plutôt que versée dans la cruauté gratuite qui caractérisait nombre de ses consœurs matriarches. Elle devint l’une de ses rares employeuses femmes et, avec le seigneur Umbra, l’une des personnes pour qui il prit le plus de plaisir à travailler.

Oh bien sûr, ses missions incluaient souvent des faits d’effraction et de violence mais la plupart du temps, il s’agissait plutôt de contrebande, vis-à-vis de l’extérieur du Consortium mais le plus généralement à l’intérieur. La Maîtresse Modeleuse était riche mais il était des mondes dont les dirigeants ne souhaitaient pas se séparer ne serait-ce qu’un seul exemplaire de telle espèce ou de telle autre, pas même d’un échantillon générique. C’était dans ces cas-là que Dalek entrait en scène, et ce d’autant plus facilement que même s’il était pris, personne n’aurait jamais cru que le guerrier Sith détestant les matriarches puisse servir volontairement l’une des plus nobles et puissantes d’entre elles, membre du Conseil Noir qui plus est.

Lorsqu’il avait eu suffisamment confiance en Eri’ana, son apprentie Sith, il l’avait présentée à la Maîtresse Modeleuse – en essayant de ne pas trop la faire remarquer par celle-ci, de crainte à ce qu’elle ne s’ajoute à sa collection – et ils avaient réalisé un certain nombre de missions ensemble pour elle. C’était au terme des douze tâches les plus impossibles qu’elle lui ait jamais demandé que la Corellienne et lui avaient quitté le Consortium, dans des circonstances qu’ils avaient préféré ne pas divulguer au Conseil Vert à l’époque de leur arrivée sur Corellia. Le nom de Darth Yenna n’apparaissait dans aucun compte-rendu Jedi du Temple Vert de leur période commune passée chez les Sith, par simplicité administrative pour eux mais aussi par reconnaissance envers celle qui avait été, à sa manière bien à elle, leur bienfaitrice.

Prenant des notes des différents animaux, Dalek ne savait pas pourquoi il se remémorait tout cela. Peut-être était-ce la présence de ces créatures exotiques qui ravivait ses souvenirs ? La Force lui soufflait comme un indice qu’il peinait à entendre. Un détail, un détail qu’il avait remarqué, comme une améthyste brillant sous la lumière du soleil.

Son cœur rata un battement. C’était ça. Des iris d’un mauve pénétrant qu’il n’avait vu que chez une seule personne auparavant, tant la couleur était rare chez les Hapiens mais également sur Corellia. Elle était là, à seulement quelques mètres de lui, avec sa longueur chevelure d’un noir de jais et sa peau blanche très légèrement halée. Il cligna des yeux pour tenter d’effacer ce qui devait être juste un souvenir résiduel mais non, la Force lui confirmait ce que son regard avait déjà repéré.

- Dame Yenna ? Par les écailles d’un bâton Amphi, que faites-vous ici ? Lui demanda-t-il d’un ton laissant clairement transparaître sa surprise.

Ce n’était pas tous les jours qu’on croisait un membre du Conseil Noir aussi profondément dans l’espace Républicain même si de tous, la Maîtresse Modeleuse était de très loin celle qu’il aurait préféré voir. Dépourvu de la moindre animosité, Dalek éprouvait une grande curiosité quant à la raison de sa présence ici même si son instinct lui soufflait qu’elle était probablement venue faire des « emplettes », comme elle les appelait, au zoo de Coronet City. Collectionneuse un jour, collectionneuse toujours.

La Maîtresse Modeleuse du Conseil Noir ne semblait pas avoir beaucoup changé en onze ans, en tout cas elle n’avait pas pris une ride. Le Hapien de naissance n’en était guère surpris lorsqu’il songeait à la longévité exceptionnelle de la Dame Sith qui avait au moins deux siècles d’existence au compteur mais il fallait lui reconnaître qu’elle était sans doute la meilleure vitrine de la performance et de l’élégance de son art. Peut-être n’aurait-il pas dû l’interpeller de cette manière mais la surprise avait été si vive, après si longtemps, que les vieux réflexes avaient pris le dessus. Dame Yenna n’était pas du genre à s’en offusquer à l’époque, elle était appréciatrice de la curiosité, par opposition à son intolérance pour d’autres choses, comme le braconnage.

Elle sembla se souvenir de lui, à la manière dont elle l’appela par son prénom et dont elle lui adressa un sourire. Visiblement, elle était surprise de le voir sur Corellia. Cela signifiait peut-être que la Régente Éternelle n’avait peut-être pas informé l’ensemble du Conseil Noir de leur rencontre fortuite sur Kashyyyk un an et demi plus tôt ? Après tout, l’androïde la plus redoutée du Consortium connaissait à l’époque le véritable nom d’Eri’ana, ce qui voulait dire qu’elle était sans doute au courant de son émigration sur Corellia. Cela ne l’étonnerait pas de ISIS Gemini d’avoir peut-être gardé pour elle ce genre d’information, qui ne valait probablement pas la peine d’être évoquée en présence de la Reine Éternelle tant Dalek était peu de chose. Tout cela n’était que conjectures mais le Maître Vert aurait matière à penser et à méditer plus tard. En l’instant présent, il était beaucoup plus heureux d’être tombé sur la Maîtresse Modeleuse que sur le cauchemar synthétique sur pattes qui servait de bras droit à la Reine Éternelle.

L’ancien guerrier Sith ne put s’empêcher d’esquisser un sourire à son tour, puis se laisser échapper un éclat de rire lorsque Dame Yenna évoqua le fait qu’elle comptait repartir avec « un cadeau ou deux », ou encore lorsqu’elle lui demanda s’il était venu chercher une peluche pour Eri’ana. Elle n’avait décidément pas changé et après les Sith des plus… brutes de décoffrage qu’il avait croisées sur Kashyyyk, cela faisait un bien fou.

- Moi non plus, et je n’étais pas sûr que vous vous souviendriez de moi. J’ai travaillé pour vous un certain temps mais j’étais un guerrier comme il en existe des milliers là-bas.

Dalek n’avait jamais eu d’illusions de grandeur quant à son importance dans l’Ordre Sith à l’époque. Bien au contraire, son statut de guerrier Sith lui convenait tout à fait, dans le sens où il était assez élevé pour lui permettre une liberté d’action sans un maître en permanence à ses côtés, mais pas suffisamment haut placé pour attiser les jalousies, les tentatives d’alliances ou même simplement une curiosité qui aurait pu lui attirer des ennuis. Ses missions respectivement pour le Seigneur Umbra et Dame Yenna à l’époque avaient été l’occasion pour lui de vivre tout à fait confortablement sans faire des choses qui l’auraient rendu inconfortable ou pire encore, qui l’auraient exposé à une mort certaine.

- Oh oui, cela fait bien onze ans depuis mon départ… je sais que je l’ai déjà fait à l’époque mais je voudrais encore vous remercier. Je sais que c’était un contrat mais je ne connais pas d’autres dames ou d’autres matriarches qui l’auraient proposé, ni tenu.

Le Hapien était parfaitement sincère. S’il avait cultivé une haine profondément enracinée de certaines matriarches Hapiennes comme Dame Galney qui l’avait torturé dans son enfance, il ne mettait pas la Maîtresse Modeleuse dans le même panier. Elle avait toujours joué carte sur table avec lui et toujours honoré leurs engagements. Si Hapès avait plus de matriarches comme elle, le Consortium serait probablement un endroit où il était plus facile de vivre.

Le Corellien d’adoption secoua la tête lorsqu’elle évoqua les cadeaux.

- Je ne devrais même pas être surpris, évidemment que vous êtes venue pour faire du « shopping ». Laissez-moi deviner… l’exposition sur Dagobah peut-être ? C’est l’attraction du moment, surtout qu’elle permet à des gens de voir des espèces rares sans avoir à mettre le pied sur cette planète recouverte de jungles et de marécages. Le Python de Dagobah est trop commun pour vous intéresser mais il y a l’oiseau Jubba sensible à la Force qui pourrait piquer votre curiosité et bien sûr le Dragonsnake. On n’en trouve que sur Dagobah et Nal Hutta et en plus, il y a six œufs…

Le Jedi n’en dit pas plus mais le sourire et l’éclat malicieux dans ses yeux verts exprimaient très bien le fait qu’il se doutait des « cadeaux » que la Dame Sith comptait potentiellement embarquer avec elle. Ce n’était pas lui qui lui ferait obstacle, il n’était pas policier et il savait que Dame Yenna avait des méthodes d’une discrétion qui auraient fait pâlir d’envie une Ombre Jedi ou un Assassin Sith. Ils se rendraient peut-être compte de la disparition des œufs ou des animaux qu’elle prendrait avec elle tôt ou tard mais aucune chance qu’ils puissent jamais remonter jusqu’à elle. Il aurait parié un billet pour le prochain concert de Corellyptica là-dessus !

- Oh, je suis venu en repérage pour une sortie scolaire avec mes élèves, figurez-vous. Ils aiment bien le zoo en général mais ils sont aussi tout excités parce que l’exposition temporaire est consacrée à Dagobah et qu’ils ont entendu parler de la planète dans les histoires sur Luke Skywalker et Yoda. J’ai essayé de leur expliquer qu’ils ne croiseraient pas de vieux gobelin vert pluri-centenaire ici mais ils veulent quand même voir les animaux et les plantes, et je me dis que c’est une idée comme une autre pour leur changer les idées.

Dans un sens, c’était la Dame Sith qui avait suscité sa curiosité et son intérêt pour la faune et pour la flore, même si à l’époque où il travaillait pour elle, Zar était beaucoup moins enthousiaste lorsqu’il devait jongler entre dézinguer du braconnier et capturer les bestioles sans les blesser.
Le Jedi Vert lui adressa un sourire de plus belle et désigna une échoppe non loin.

- Est-ce que vous avez un peu de temps pour que je vous offre un thé ou quelque chose à grignoter ? Il me semble que vous appréciez cette boisson chaude, et les thés épicés corelliens valent le détour, déclara-t-il avec entrain.

Ce n’était pas grand-chose mais c’était une façon modeste de la remercier et de rattraper un peu le temps perdu. Peut-être lui donnerait-elle d’ailleurs des nouvelles du Seigneur Umbra d’ailleurs, lui aussi, il ne l’avait pas vu depuis son départ, plus d’une décennie plus tôt.