S'aguerrir pour survivre [PV Arsenicia Ombrelune]

Quelques jours s’étaient écoulés depuis la bataille de Kashyyyk et on aurait pu croire que la vie normale avait repris son cours. En réalité, seule l’apparence de la normalité régnait au Temple Vert mais Dalek ne comptait pas suivre l’exemple de certains de ses confrères en ignorant le bantha au milieu de la pièce. Les jeunes à qui il donnait cours avaient des questions, beaucoup de questions et bien qu’il ne puisse pas consacrer l’intégralité des heures qui lui étaient allouées à y répondre, il prenait soin de réserver du temps pour éclairer la lanterne des initiés.

Comment auraient-ils pu cacher l’absence de plusieurs Jedi Verts ? Un Jedi Vert avait perdu la vie sur Kashyyyk, d’autres étaient encore coincés sur place et épaulaient de leur mieux l’Amiral Tan’ith. Zar n’entra pas dans les détails mais il expliqua qu’une bataille avait bien eu lieu, tant en orbite qu’à la surface de la planète des Wookiees et les conséquences immédiates de la défaite essuyée par les Républicains. Les questions étaient variées, certains s’inquiétaient pour les Jedi restés sur place, d’autres craignaient que la guerre n’arrive ensuite jusqu’à Corellia. Le plus souvent, les enfants et pré-adolescents étaient surtout frustrés par leur propre impuissance face aux évènements.

Dalek ne pouvait rien pour aider ses confrères sur Kashyyyk mais ce qu’il était en mesure d’accomplir, c’était d’aider ces gamins à prendre un peu de contrôle sur leur vie.

Voilà pourquoi il intensifia ses leçons avec ceux qui étaient volontaires, des enseignements pour partie historiques et pour partie pratiques, même si tous ne figuraient pas au curriculum. Ainsi, lorsque Dalek les entraînait au combat, il ne se substituait pas aux leçons plus orthodoxes que prodiguaient les maîtres d’armes. Ce n’était pas l’art du duel en particulier qu’il voulait leur apprendre. A l’aide de leurs sabres lasers d’entraînement, de blasters à faible puissance en position paralysante, de détonateurs à poivre, Zar leur apprit une autre forme de combat. Il voulait leur apprendre à survivre. Il les fit s’entraîner tantôt individuellement tantôt par groupes, pour apprendre à se débrouiller tout seul contre plusieurs droïdes de combat par exemple, mais aussi en groupe face à un adversaire trop puissant pour eux individuellement. L’objectif n’était pas nécessairement de vaincre mais de survivre. C’est pourquoi il leur apprit aussi comment fuir, en tirant avantage de leur relative petite taille quand ils le pouvaient tout en évitant les pièges qui pouvaient se révéler mortels. La Force était leur alliée, pas seulement pour déplacer des rochers mais aussi tout simplement pour soulever un nuage de poussière propice à les cacher, à rendre leurs pas et leurs sauts plus silencieux aussi. Ils ne seraient pas des assassins au terme de ses leçons mais au moins feraient-ils des proies moins faciles.

Le plus difficile à leur apprendre n’était pas tant ces réflexes physiques de combat et de survie. Non, le plus compliqué selon son expérience, c’était de leur faire adopter des réflexes d’analyse dans l’instant, des automatismes de survie : que faire si un seigneur Sith ou un bataillon de soldats leur arrive dessus ? Ils ne peuvent pas les vaincre mais pour gagner, il leur suffit d’échapper à ceux qui les chassent, pour se battre un autre jour. L’honneur et la bravoure ont leur place mais s’ils amènent à la tombe sans avoir rien accompli, ils sont aussi utiles qu’un troisième lekku sur le front à un twi’lek.

C’était en raison de ces leçons plus nombreuses et plus longues que Dalek s’était excusé lorsqu’Allana lui avait indiqué la venue d’Arsenicia et de maître d’Erep sur Corellia. Il se rattraperait mais il avait promis aux initiés de leur faire cours toute cette journée et il ne souhaitait pas rompre sa promesse.

En matière d’histoire, il leur parla de guerres passées mais aussi de la purge Jedi d’il y a mille ans. Ce n’était pas les massacres qui étaient intéressants mais les exemples à suivre et les contre-exemples à éviter. Il avait longuement recherché les archives du temple Vert pour ce cours et demandé quelques informations complémentaires à Dante issues des archives de Tython. Le Corellien présenta les exils couronnés de succès d’Obi-Wan Kenobi et de Yoda, qui avaient réussi à littéralement disparaître des radars des Sith et de l’Empire de l’époque pendant près de vingt ans. Ces exemples étaient célèbres mais d’autres l’étaient moins : Bardan Jusik, Arligan Zey and Tallisibeth Enwandung-Esterhazy sur Mandalore, Quinlan Vos, Dass Jennir et bien d’autres encore.

L’avantage de ces exemples résidait dans la soif de connaissances qu’ils suscitaient. Pour réussir à échapper à l’Empire, ces Jedi avaient usé de savoirs et de compétences qui n’étaient pas nécessairement au curriculum : la maîtrise de différentes langues, savoir exercer certains métiers de manière assez convaincante et tout simplement connaître les routes hyperspatiales, des planètes au-delà de leur système mère et plein d’autres choses encore. Les devoirs qu’il leur donnait allaient dans ce sens : étudier ces Jedi, étudier d’autres mondes et cultures, étudier d’autres façons de penser pour être les plus versatiles possibles. Il leur avait d’ailleurs partagé un vieil adage trouvé lors de ses recherches qu’il avait considéré comme utile : ceux qui survivent le mieux ne sont pas les plus forts, ni les plus intelligents mais ceux qui s’adaptent le mieux aux changements.

Certains de ses confrères ne comprenaient pas l’intérêt de ces leçons, qui étaient ouvertes à tous ceux qui souhaitaient y participer. Certains Padawans se joignaient parfois à eux et même un ou deux chevaliers s’était parfois arrêté par curiosité. Dalek avait deux raisons : la première, c’était parce qu’il aimait ces gamins et que dans un contexte galactique qui commençait à puer autant qu’un gundark en rut, il voulait qu’ils soient armés au mieux pour survivre si une invasion de Corellia suivait. La seconde raison c’était parce qu’il allait bientôt être père et que si sa fille avait été parmi ces initiés et qu’il n’avait pas été là pour lui apprendre lui-même ces choses, il aurait voulu que quelqu’un le fasse. Ces enfants n’étaient pour la plupart pas des orphelins mais leurs parents n’étaient pas nécessairement Jedi.

Cela dit, le Hapien de naissance était parfois un peu surpris des bruits qu’il entendait dans les couloirs. Il était habitué à ce qu’on lui attribue des surnoms depuis son arrivée sur Corellia, certains peu originaux sur son passé Sith, d’autres assez amusants relatifs à son penchant en mission pour les dégâts matériels comme le démolisseur ou le Jedi aux ardoises d’or. Récemment, on l’avait plutôt traité d’érudit voire d’intello, ce qui l’avait fait bien rire, et tantôt de « sergent instructeur ». Les gamins l’appelaient simplement Maître Zar ou Maître Dalek.

En l’instant, il était surtout le maître-qui-ne-voulait-pas-être-en-retard.

Ayant libéré sa journée pour la Maître de l’Ordre, Dalek était revêtu de ses robes émeraude de Jedi Vert tandis qu’il parcourait les couloirs. Évidemment, il avait fallu qu’il y avait une séance matinale imprévue pour régler un énième détail qui aurait tout à fait pu être pris en charge par l’intendance mais passons ! Usant ou abusant peut-être de la Force, il se livra à une petite course d’obstacles pour prendre certains raccourcis qui le menèrent jusqu’aux terrains d’entraînement du temple. Il en avait réservé un pour l’occasion et c’était d’ailleurs là qu’il avait donné rendez-vous à Arsenicia. Ils avaient convenu de se retrouver là tant pour discuter que pour se réserver la possibilité de s’entraîner.

Finissant par un dernier saut depuis le troisième étage, le Maître Vert était pile à l’heure lorsqu’il atterrit à trois mètres de Maître Ombrelune, époussetant quelque peu ses robes au passage.

- Bonjour Arsenicia, me voici en chair et en os, et ponctuel cette fois-ci. Allana m’a dit que tu avais fait bon voyage et que tu avais ramené un maître cuisto avec toi. Tu as l’air plutôt en forme.

Ils étaient passés au tutoiement quelques temps après leur première rencontre sur Corellia, l’année passée mais c’était encore parfois difficile de penser que l’une des têtes de l’Ordre Jedi était une amie proche de sa compagne et de lui-même. Heureusement que les prophètes Sith n’avaient pas vu ça venir dans leur boule de cristal, autrement ils l’auraient décapité quand il n’était qu’un simple novice sur Korriban.

- Est-ce que le lieu te convient ? Je me suis dit que ce serait plus facile d’utiliser la Force ici qu’à une cantina, comme tu m’avais laissé entendre que tu voudrais t’atteler à un genre d’entraînement. Pour rappel, je tiens toujours à mon postérieur donc je te prie d’y aller mollo avec mon humble carcasse, je ne suis qu’un simple Jedi Vert qui cherche à survivre dans cette galaxie, glissa-t-il avec humour.

Pour être tout à fait honnête, Dalek n’avait cessé de s’entraîner d’arrache-pied depuis sa rencontre malchanceuse avec la Régente Eternelle sur Kashyyyk un an plus tôt. Il avait perfectionné sa maîtrise du sabre laser dans ses deux formes principales, il s’était attelé à apprendre à utiliser deux sabres à la fois et il avait même appris quelques nouveaux pouvoirs. Pour autant, il restait un ex-guerrier Sith et récemment ex-chevalier Vert qui avait encore beaucoup à apprendre. Sa récente passe d’armes face à une jeune mais féroce dame Sith à la surface de Kashyyyk lui en avait apporté une cuisante confirmation. S’il était parvenu à la tenir en respect, il n’avait eu aucune garantie de parvenir à la vaincre dans son état actuel et, s’il avait été le même qu’à sa rencontre avec la Régente, nul doute que la matriarche Sith l’aurait tué en quelques minutes.

S’il voulait survivre et être en mesure de protéger ses proches et ses gamins des griffes multiples de ces satanées hapiennes Sith survitaminées, de leurs monstruosités cybernétiques et de tout le bestiaire issu de l’alchimie Sith, Dalek allait devoir passer dans la cour des grands en matière d’expertise au combat. Cela tombait bien puisqu’il avait sans doute une des Jedi les plus puissantes de la Galaxie qui s’était proposée pour l’y aider.

Il devait bien sûr survivre déjà à l’entraînement pour y arriver.

Arsenicia ne semblait pas s’offusquer de la manière quelque peu acrobatique dont il était arrivé, à en juger par l’ébauche de sourire qu’elle avait esquissé. En contraste avec la tenue officielle que Dalek était obligé de porter ce matin, la Fay était habillée d’une manière à la fois similaire mais un peu différente de la fois où ils avaient bu un verre ensemble au Repaire du Mynock. Elle avait revêtu aujourd’hui un haut sans manche et une tunique brun sombre, complétés par un pantalon aussi noir que ses bottes. La ceinture d’un bleu turquoise dénotait avec le reste de sa tenue. La Maître de l’Ordre peinait à masquer son amusement, en dépit de ses poings posés sur ses hanches et de son air en apparence désabusé.

Ce fut au tour de Dalek de sourire lorsqu’elle lui fit remarquer que sa carcasse devait être suffisamment résistante pour résister aux assauts d’une personne aussi vieille qu’elle. La remarque était d’autant plus drôle que la Fay était littéralement au sommet de sa forme pour son espèce et le resterait probablement pendant que le Jedi Vert vieillirait au fil des prochaines décennies. En tous les cas, il semblait avoir judicieusement choisi le terrain d’entraînement à en juger par la remarque qu’elle lui fit à ce sujet.

La légèreté céda rapidement sa place au sérieux lorsque la Maître Jedi évoqua le cours de la guerre et en particulier le colosse cybernétisé auquel Allana avait eu affaire sur Kashyyyk et qui avait d’ailleurs manqué de la tuer. Le Maître Vert haussa un sourcil d’un air curieux lorsque son interlocutrice évoqua une joute amicale entre Allana et elle. Sa compagne s’était bien gardée de se vanter de ce duel.

- Je serais curieux d’en savoir un peu plus sur votre joute, dont Allana a apparemment oublié de me parler commenta Dalek avec un ton qui laissait entendre que l’oubli était probablement volontaire avant de poursuivre d’un ton plus sérieux. J’ai pu voir certains de leurs cyborgs en action à la surface de Kashyyyk, en particulier un Berserker que deux Jedi expérimentés ont eu bien du mal à neutraliser. J’étais un peu trop occupé à en découdre avec une jeune dame Sith pour leur prêter main forte donc je n’ai pas pu m’y confronter directement.

L’attention du Hapien de naissance fut immédiatement accaparée par la phrase suivante d’Arsenicia, au sujet d’un pouvoir assez puissant pour percer la carapace d’un de ces colosses cybernétiques. Il lui arrivait parfois de regretter certains pouvoirs dévastateurs du Côté Obscur tels que les Éclairs de Force, même s’il avait appris l’usage de la Foudre Émeraude en remplacement. Se sentant effectivement démuni face à ce type d’adversaire avec seulement son sabre laser et ses blasters sous la main, le Maître Vert avait hâte d’en apprendre plus.

- Tu sais comment charmer le cœur d’un Jedi Corellien ! Plaisanta-t-il avec un large sourire. Oui, cela va sans dire que je suis intéressé par ce type de pouvoir. Quant à ta proposition d’échauffement, je me vois mal refuser une invitation si gentiment formulée, répliqua-t-il du tac-au-tac en décrochant également son sabre laser de sa ceinture.

La lame bleue ne tarda pas à jaillir de son arme, formant un léger contraste avec celle turquoise d’Arsenicia. Le Maître Vert avait conscience que son adversaire était au moins l’égale d’Allana au sabre laser, ce pourquoi il ne pouvait guère espérer l’emporter et ce d’autant plus s’il laissait de côté toutes les roublardises qu’il ne se privait pas d’employer face aux Sith. Il s’agissait d’un échauffement mais aussi d’une opportunité de se confronter de façon amicale à l’une des plus fines lames de l’Ordre, une occasion qui ne se refusait pas.

Dalek s’était entraîné dur depuis sa rencontre malchanceuse avec la Régente Éternelle sur Kashyyyk, voilà de cela plus d’un an. Adoptant une posture d’attente classique du Soresu, le Corellien s’immergea dans la Force comme d’autres le feraient dans une rivière, laissant le courant le traverser pour ne plus faire qu’un avec son flot. Usant d’un mélange d’Esprit de Bataille et de Protection de Force, il renforça son corps comme son esprit en prévision des prochaines minutes. La Voie du Mynock pouvait paraître étrange chez un ancien Sith mais elle complétait tout à fait son usage du Djem So et d’une façon très philosophique, elle reflétait bien sa vie. Après tout, on l’appelait aussi la Forme de la Ténacité.

Ni la dame hapienne, ni les Sith qui l’avaient formé n’avaient brisé son esprit. Les maîtres Corelliens qui voulaient jadis le décourager d’apprendre les arts Jedi auprès d’Allana en avaient eu pour le grade aussi. Aujourd’hui, il se battait pour Allana, pour ses proches, pour tous ces gamins qui lui faisaient confiance. Il se battrait aussi jusqu’à la mort pour protéger cette petite vie qui grandissait dans le ventre de sa compagne, cette petite flamme qu’il avait contribué à allumer.

Toute son attention était concentrée sur Arsenicia, son sabre, ses mains, ses yeux mais dans ces moments d’intense concentration, où il était immergé dans la Force à en oublier presque son individualité, il avait l’impression de sentir une autre présence. Immatérielle, si éloignée de son champ de vision qu’il n’aurait sans doute pas pu la voir mais il la ressentait malgré tout comme une présence réconfortante et courageuse qui lui faisait penser à sa mère. Ou que soit la défunte Jedi, il espérait qu’elle n’avait pas trop honte de l’homme qu’il était devenu.

Cet instant de nostalgie passa aussi vite qu’il était venu, pour ne plus laisser place qu’au temps présent. Il était un Jedi, comme sa mère avant lui, mais si le Chume'doro lui tombait un jour dessus, il découperait ces satanées femmes fanatiques par dizaines à la mode Kenobi avant de leur donner la chance d'avoir sa peau.

- Honneur aux dames, Arsenicia, déclara simplement Dalek pour l’inviter à attaquer la première.

Le Maître de l’Ordre sembla surprise et quelque peu amusée qu’Allana n’ait pas parlé à Dalek de leur duel. Connaissant sa compagne, elle avait soit oublié après coup de le lui raconter ou bien elle avait voulu se garder de lui raconter à quel point elle s’était probablement déchaînée dans un combat qui semblait avoir pris des proportions titanesques aux yeux des gens qui en avaient été témoins. Le Jedi Vert haussa les épaules et esquissa un léger sourire.

- Nous verrons ce qu’elle aura à dire quand je lui en parlerai mais j’imagine qu’elle avait une bonne raison ou que ça lui était tout simplement sorti de la tête quand nous nous sommes revus si je ne me trouvais pas à proximité… Quant à en avoir entendu parler par d’autres sources, je crains fort que ça ne soit de ma propre faute. Ayant suscité d’innombrables rumeurs depuis mon arrivée au temple Vert il y a déjà plus de dix ans, je me suis progressivement désensibilisé à ce que les gens racontent pour ne pas être constamment déconcentré. Je t’avais raconté que mon arrivée ici avait causé toutes sortes de débats… S’il y a quelque chose d’important, les initiés savent qu’ils peuvent venir m’en parler.

Zar ne comptait pas poser davantage de questions à Arsenicia à ce sujet, Allana lui répondrait ou bien K6 retrouverait les badauds qui avaient été témoins du duel. L’heure des distractions était passée.

Le visage d’Arsenicia abandonna progressivement son franc sourire pour devenir d’abord sérieux puis dépourvu d’expression, du genre qu’il avait principalement vu chez des joueurs de Sabacc. Cela ne gênait pas Dalek outre mesure, il avait été bien plus déstabilisé par l’expression de la Régente Éternelle à l’époque de leur infortunée rencontre sur Kashyyyk.

Pour autant, le Maître Vert ne pouvait pas affirmer que la Fay n’exerçait aucun effet sur lui. Il ressentait l’aura de Force qu’elle avait déployé autour d’elle et qui était utile pour se protéger contre les manifestations physiques de la Force. Intérieurement, il songea que la Maître de l’Ordre avait peut-être goûté à la Foudre Émeraude d’Allana lors de leur duel, ce n’était pas une technique qui fonctionnerait deux fois face à un tel adversaire. Son Aura était si puissante que son côté oppressant lui rappelait quelque peu l’aura angoissante des Sith. Dalek ressentait cette pression et l’acceptait, la Protection de Force et l’Esprit de Bataille renforçant également son esprit de sorte à ne pas être déconcentré car la peur et le doute étaient ses pires ennemis dans ce genre de situation.

Le Jedi Corellien ne bougea pas d’un iota tandis qu’Arsenicia adoptait elle-même une posture d’attente, plutôt typique de la Forme VI, ni lorsqu’elle commença à bouger légèrement tout en prenant son arme à deux mains. L’ex-Sith savait que son adversaire était en train de le jauger et ne l’ayant jamais affrontée, cela signifiait que son cadre de référence envers lui reposerait probablement sur ce qu’elle avait appris du style d’Allana. Cette information pouvait le servir pour tenter de la surprendre. Allana et lui avaient des points communs découlant de leurs apprentissages respectifs l’un auprès de l’autre mais ils étaient aussi différents.

Leurs dons en particulier étaient différents.

En dépit de sa présence écrasante, le fait qu’Arsenicia ait déployé une aura aussi écrasante présentait également un avantage pour Dalek. Par le Point de Rupture, il percevait sa présence avec une telle intensité qu'il aurait aussi bien pu s'agir d'un rancor et sa tentative d’utiliser la Force pour l’attirer à elle se présentait de manière si évidente qu’il ne chercha pas à leur opposer ses propres pouvoirs mais tout simplement à s’y soustraire. Usant de l’Illusion de Force de façon très ciblée pour lui faire croire qu’il essayait de résister vainement à son attraction, Dalek se dissimula à sa vue juste assez longtemps pour l’attaquer de côté plutôt que de face.

Le Niman était considéré pour beaucoup comme la forme la plus faible, non pas pour sa conception puisqu’elle empruntait le meilleur du Soresu, de l’Ataru et du Djem So pour aboutir en une forme équilibrée en matière d’attaque et de défense. Non, on considérait cette forme comme faible parce que la plupart de ses utilisateurs ne s’entraînaient pas assez dur sur le plan physique pour tenir la distance sur des duels prolongés. Ce n’était malheureusement pas le cas de la bretteuse qui lui faisait face et dont, si le physique athlétique n’avait pas été un indicateur suffisant, la présence dégageait une énergie inouïe. N’étant pas un pratiquant du Makashi, Dalek souffrait d’un désavantage certain face au Niman dont il était parfaitement conscient.

Fort heureusement pour lui, le Hapien de naissance ne comptait pas se reposer uniquement sur son sabre laser. Arsenicia avait utilisé la Force contre lui d’entrée de jeu, il s’agissait bien de la moindre des politesses que de lui faire goûter ses propres méthodes. Usant de la télékinésie, il projeta sur elle un certain nombre de cailloux, visant son visage et ses jambes, dans l’idée de la gêner plus que de la blesser. Cette tactique s’était avérée plutôt utile contre la Dame Sith qu’il avait affrontée sur Kashyyyk et d’autant plus efficace qu’aux vrais cailloux s’ajoutaient d’éphémères illusions qui semblaient en démultiplier le nombre.

Sans perdre son élan, Zar usa d’une nouvelle illusion de lui-même pour lui faire croire qu’il attaquait de face alors qu’il faisait en réalité un pas de côté pour l'attaquer d’un autre angle, légèrement différent mais, l’espérait-il, suffisant pour la prendre quelque peu par surprise. Le Soresu avait laissé sa place aux frappes puissantes du Djem So tandis que le Jedi Corellien attaquait non pas en suivant des bottes traditionnelles mais en se laissant guider par les éphémères lignes de fracture qui apparaissaient dans la garde robuste d’Arsenicia. Une puissante frappe verticale, suivie d’une frappe horizontale sur le flanc gauche, puis d’une frappe oblique par le bas. Les enchaînements n’avaient d’autre sens que l’éclat de ces failles, si bref chez une épéiste si douée qu’aussitôt apparue, la faille s’était déjà refermée.

Voilà une autre différence entre Allana et lui. Officier émérite de la CorSec, la Maître des Jedi Verts était une force de la nature, une fière Corellienne à qui rien ou presque ne résistait, forgée dans cette culture d’impétuosité et de courage.

Dalek était un survivant. Il avait perdu sa fierté en même temps que son innocence dans le lit d’une vieille tortionnaire qu’il avait tuée par pure volonté de mourir en étant libre. Il avait navigué l’académie de Korriban en étant suffisamment fort pour ne pas être éliminé mais aussi suffisamment quelconque pour ne pas susciter les jalousies des initiés les plus dangereux. En somme, il avait été un caméléon qui avait usé de force, de ruse et d’une volonté de duracier pour déjouer les pronostics encore et encore. Un survivant qui avait développé ses talents dans le maniement du sabre laser comme dans la Force de façon non pas à devenir le plus puissant ni le plus impressionnant. Non, tout ce qu’il avait désiré, c’était de disposer d’une palette d’options pour survivre et pour vaincre.

Arsenicia semblait vouloir être sérieuse dans ce duel, ce pourquoi il le serait tout autant. Elle était une guerrière expérimentée donc nul doute qu’elle comprendrait rapidement le genre d’adversaire auquel elle avait à faire.

Je suis peut-être du côté des anges mais mes ailes ne sont pas blanches, songea-t-il en attaquant sans relâche son adversaire.

Force était de reconnaître que la Maître de l’Ordre était une combattante au moins aussi aguerrie qu’Allana mais son style était bien différent de celui de sa compagne. Probablement consciente dès le départ de ses illusions, Arsenicia avait fermé les yeux, visiblement pour se concentrer sur ses perceptions dans la Force, ce qui était indubitablement la meilleure tactique à adopter en l’état. Par rapport à la Dame Sith qu’il avait affrontée sur Kashyyyk, sa camarade Jedi avait le bénéfice d’une longue expérience du combat et il gageait qu’il n’était pas le premier utilisateur d’illusions auquel elle faisait face.

Dalek ne se confrontait pas fréquemment à des utilisateurs du Niman, ce pourquoi ces passes d’armes lui étaient particulièrement instructives. La Maître de l’Ordre ne semblait avoir aucune difficulté à suivre son rythme et elle ne lui offrait aucune ouverture exploitable. Chaque faille entrevue par le Point de Rupture se refermait si vite qu’il n’avait pas le temps de l’exploiter. Dans un combat à mort, les choses auraient peut-être été un peu différentes mais s’il devait être honnête avec lui-même, Dalek ne pensait pas qu’il aurait pu vaincre la Fay en dépit de tous les coups fourrés qu’il avait dans son sac. La blesser en étant à peu près certain d’y laisser la vie était à peu près tout ce qu’il aurait sans doute été capable d’accomplir et encore, il en doutait.

Le Corellien était conscient de la présence de personnes autour d’eux mais il les ignora, trop accaparé par le nouveau tour qu’Arsenicia sortit de sa manche. Curieux en voyant ses propres cailloux léviter, il avait à peine eu le temps de préparer une défense face aux projectiles ultra-rapides qu’il sentit un tout autre danger dans la Force. Le maître Vert comprit trop tard qu’il s’agissait d’une diversion et eut un instant d’hésitation supplémentaire lorsque ce ne fut pas le sabre d’Arsenicia qui rencontra sa lame bleue mais la main de la Jedi. Le temps qu’il réalise ce qu’il se passait, le Hapien de naissance se retrouvait déséquilibré et mit promptement par terre par la Fay.

Force ! Ce n’était pas tant que la chute cuisait son postérieur mais quelle déculottée ! Pour autant, le Jedi Vert ne pouvait pas dire qu’il ressentait de la colère. La leçon de duel arracha même un sourire au Corellien, qui rattacha son sabre laser à sa ceinture. Il avait perdu rapidement et promptement mais cet échange lui avait appris des choses, sur Arsenicia comme sur lui-même. Outre le fait qu’il avait compris que le talent intrinsèque et l’expérience considérable de la Maître Jedi la plaçaient dans une ligue différente de la sienne, elle avait manifesté deux facultés qui l’intriguaient : la façon dont elle avait projeté les cailloux avec une vitesse ahurissante en comparaison de ses propres projections, et bien sûr le manière dont elle avait pu attraper la lame à mains nues.

Il avait également appris qu’il était différent du guerrier Sith de jadis. Le Dalek de l’époque n’aurait pas hésité en voyant même une alliée risquer de se couper une main pendant une séance d’entraînement, à part Eri peut-être. Sa première pensée avait été qu’il ne voulait pas mutiler son amie – une idée stupide quand on connaissait le fossé de maîtrise de la Force entre eux – mais qui était une preuve supplémentaire que ces onze dernières années l’avaient changé.

Le Corellien se releva aisément et épousseta ses robes Jedi émeraude avant de se rapprocher d’Arsenicia, en secouant la tête, un léger sourire aux lèvres.

- Je crains que mon humble carcasse, comme tu disais tout à l’heure, n’ait pas réussi à tenir debout face à la vénérable guerrière que tu es. Il me semblait cela dit que tu avais promis d’être douce avec mon postérieur , plaisanta le Corellien sur un ton espiègle.

Son regard balaya l’aire d’entraînement, notant au sol les traces discrètes de leurs déplacements, ainsi que les trous laissés par la mitraillette de Force d’Arsenicia. La Maître de l’Ordre n’avait même pas besoin de porter un fusil blaster pour être une armurerie ambulante, c’était plutôt impressionnant.

- La mise en jambe aura été rapide mais je me suis donné à fond. Ta maîtrise du Niman est impeccable et la transition soudaine sur l’Ataru était presque aussi déstabilisante que de te voir attraper un sabre laser par la lame à main nue… Cela va de soi que ton pouvoir « mitrailleuse » m’a autant distrait qu’impressionné. Mes illusions étaient inutiles puisque tu as su immédiatement t’y soustraire en fermant les yeux. Quant à mon Djem So, il ne pouvait pas te submerger avec ta maîtrise du Niman. Avec la façon dont tu m’as botté les fesses, je pense que ça risque de donner un regain d’intérêt envers cette forme aux gamins , commenta-t-il en indiquant de la tête les initiés et Padawans qui les avaient observés.

En dépit de toutes ces années passées sur Corellia et par extension au sein des Jedi, Dalek restait toujours surpris par la façon dont il pouvait discuter et s’entraîner avec des pointures sans risquer de conséquence. Non seulement il n’aurait jamais osé faire un brin de conversation à un membre du Conseil Noir mais il aurait été inimaginable de croiser le sabre laser avec l’un ou l’une d’entre eux sans risquer d’y perdre au mieux la tête, au pire tout contrôle sur son existence.

- J’imagine que tu parlais de ce que tu as utilisé pour mitrailler le sol devant moi quand tu évoquais un pouvoir capable de percer la carapace d’un cyborg du Consortium ? Je suis d’autant plus curieux de savoir comment tu t’y es prise. Difficile au premier abord d'y voir un pouvoir Jedi mais je n'ai pas souvenir d'avoir vu son équivalent de l'autre bord.

Le maître Vert rit de bon cœur quand Arsenicia plaisanta de la façon dont elle avait traité son postérieur. Il se garda bien d’infirmer ou de confirmer l’éventuelle jalousie de sa compagne bien aimée. Allana lui accordait certes toute sa confiance mais bien mal avisée aurait été la femme qui ne respecterait pas la bienséance. Dalek écouta la Maître de l’Ordre avec attention tandis que celle-ci lui contait l’histoire de sa formation. Pour une Jedi qui ne se destinait pas à devenir une combattante, Arsenicia avait pourtant démontré qu’au corps à corps, elle était plus que compétente.

- Rares sont ceux qui arrivent à se remettre en question, que ce soit vis-à-vis de leurs faiblesses ou de leurs passions. Tu étais peut-être destinée à la guérison mais ça ne t’a pas empêchée de suivre tes propres leçons. J’imagine que le temps et l’expérience ont aidé pour atteindre le niveau de maîtrise que tu m’as montré.
Cela me conforte d'autant plus de penser qu'Ashara apprendre à manier le sabre auprès d'un maître aussi expérimenté.

Dalek s’abstint de l’interroger quant à l’idée du Padawan qu’elle avait formé. Non seulement cela ne le regardait pas mais en plus il craignait d’apprendre son trépas. En effet, pour toute son apparente jeunesse, Nicia vivait en décalé par rapport aux espérances de vie des êtres qu’elle pouvait rencontrer. Le Hapien de naissance supposa que la Maître Jedi lui en parlerait où et quand l’opportunité se présenterait.

Arsenicia semblait manifestement amusée du nom que Dalek avait inventé pour désigner le pouvoir qu’elle avait utilisé. Elle lui apprit que la Ballistikinésie était le véritable nom de cet incroyable don de télékinésie qu’il venait de voir en action. Tant fasciné par la parole que par le geste, le Jedi Vert l’écouta expliquer son art avec son attention manifeste.

- J’ai déjà vu des armes à accélération magnétique en action et même utilisé des armes Verpine à l’occasion. J’ai tout à fait conscience que si j’affronterais ça de plein fouet, c’est dans une boîte en sapin que je finirais. Si la télékinésie constitue la base de ce don, la vitesse représente la clé pour le mettre en action. Nul souci si ce pouvoir ne passe pas inaperçu, son potentiel offensif vaut toute l’attention accrue. Un sage avait dit « donnez-moi un levier et je soulèverai le monde », tu viens de me proposer un levier pour faire exploser mon monde. Il ne reste plus qu’à vérifier que je suis capable de le maîtriser.

Dalek saisit la petite pierre au centre de sa main tendue et s’employa à s’essayer à cet exercice ardu. Le maître Vert se concentra sur sa télékinésie pour tester cette ballistikinésie. Le caillou flotta une poignée de centimètres au-dessus de sa main, sans aucune conscience de son futur destin. Jusqu’ici, Dalek avait projeté des cailloux à une vitesse relativement peu élevée, juste suffisante pour déconcentrer l’adversaire qu’il comptait attaquer. Désormais, il lui faudrait relever la vélocité du projectile qu’il voulait lancer. Le Corellien concentra la Force autour du caillou sur un principe similaire à celui d’un blaster. L’exercice s’avérait d’autant plus compliqué qu’il ne voulait pas finir par le faire exploser.

Ciblant un mur bien dégagé avec aucune présence à proximité, le Jedi Vert fit jaillir la pierre de sa main avec la vitesse d’un train. A l’oreille, le mur du son avait été passé mais c’était loin d’être assez. Le projectile causa un trou dans le mur mais sans commune mesure avec ce qu’Arsenicia avait causé un peu plus tôt en termes de fissures. Dalek se baissa pour ramasser un autre caillou, la Force venant de nouveau à lui alors qu’il affichait un sourire un peu fou. Le Jedi appréciait l’exercice qui n’était pas tant de force que d’adresse, voire même de délicatesse. Le Corellien songea qu’il pouvait aussi user de visualisation pour faciliter cet exercice de concentration. Il abandonna l’idée du tir de blaster, qui ne lui convenait guère. Non, il fallait penser à quelque chose de plus fort, peut-être la puissance d’un météore.

Il se surprit à imaginer que le caillou qu’il faisait flotter était une météorite qui pouvait s’écraser sur la planète Hapès où il était né. Oh ce n’était guère de l’explosion de la planète dont il fantasmait mais juste de créer un gros cratère qui défriserait toutes ces matriarches hapiennes qu’il exécrait. La pensée l’amusa et le stimula à tel point que cette fois-ci ce fut avec un bang beaucoup plus sonore que la pierre fila. Oh oui, cet exercice était fait pour lui, avec son bruit et sa dévastation bien à lui. A la place du petit trou précédent, le mur présentait désormais un trou plus béant.

Plutôt satisfait de ce premier pas, Dalek se retourna vers Arsenicia. Conscient qu’il devait sourire comme enfant, le Jedi ne pouvait pas s’empêcher d’être content.

- C’est un modeste début, j’en suis conscient mais penses-tu que je suis plutôt dans la bonne direction pour le moment ?