If you had one shot or one opportunity ... [Darth Héméra]

Cette pièce me rendait claustrophobe. Et je n'avais pourtant jamais eu une chambre aussi grande. Ce qui m'avait servi de chambre jusqu'à maintenant avait été à peine assez grand pour y mettre un lit et une cantine, à condition de glisser cette dernière sous le lit. Pas de fenêtre bien évidemment. Alors pourquoi avais-je ce sentiment désagréable qui vivait en moi depuis que je m'étais assise sur cette chaise ? Mes yeux vides trahiraient à n'importe qui le vagabondage de mes pensées, j'étais présente physiquement, ma tête était ailleurs. Mes pensées étaient chaotiques. Ces dernières vingt-quatre heures n'avaient pas été de tout repos, c'était le moindre qu'on pouvait en dire. Décharge émotionnelle sur décharge émotionnelle avait eu le don d'exciter mes sens et de me vider de toute énergie. Pourtant je ne me sentais pas fatiguée, loin de là même. Cette planète où je me trouvais, la première que j'avais foulé, dégageait quelque chose d'étrange. J'avais ressenti la même chose, à bien moindre intensité avec la femme aux cheveux rouges explosifs mais sur cette planète cette sensation était exacerbée comme s'il y avait quelque chose dans l'air, partout autour de moi. C'était suffocant et enivrant en même temps, malaisant et pourtant agréable quand je laissais cette sensation grandir en moi. Je ne comprenais pas ce que c'était, moins encore pourquoi je le ressentais mais ça semblait m'emplir d'énergie. Incompréhensible.

« Merde ! »

Le juron échappe à mes lèvres alors que je tentais de rattraper le dé qui tombait de ma seconde main. Le dé frappa le bout de mes doigts pour s'envoler vers le bout de la pièce, je tendais ma première main qui l'avait laissée échapper mais ma poigne se serra dans le vide, me faisant lever les yeux au ciel en maugréant. Je m'apprêtais à me lever pour le ramasser quand j'arrêtais mon geste et ouvrais ma main, la retournais paume vers le ciel. Je regardais le petit dé au sol, si l'on me voyait on me prendrait pour une folle à foudroyer ce dé du regard avec une telle intensité. Le dé se souleva du sol et s'approcha en virevoltant maladroitement pour se poser dans ma main. Ca semblait plus facile à faire ici sur cette planète. Etait-ce pour ça qu'une mystérieuse personne dont je ne savais rien, pas faute d'avoir demandé à la rousse dans le vaisseau, voulait me voir ? Je posais le dé sur le petit bureau et levais mon regard par la fenêtre en tournant la tête. Dehors la nuit tombait. Demain j'aurai mon rendez-vous. Demain je saurai si j'avais eu raison de faire ce que j'avais fait. J'avais tué mon maître pour me libérer de ma condition d'esclave. Pourquoi j'avais fait ça ? Parce qu'une femme me l'avait dit ? Qu'elle m'avait promis un avenir meilleur ? Putain. J'avais déconné à plein tube, j'avais vu des clients défoncés au bâton de la mort avec plus de bon sens que j'en avais fait preuve ! Un bantha aurait eu plus de jugeote que moi sur ce coup. Une inconnue me promet d'être libre avec une vie meilleure et je tue mon maître. D'accord il n'était pas parfait mais merde quoi … Je l'avais tué.

J'attrapais le dé du bout des doigts et me levais en regardant encore la pièce. Le sentiment de claustrophobie était toujours présent. Une douche peut-être ? Elle était spartiate mais me faisait envie. J'abandonnais donc ma tenue, encore celle d'esclave même si je passais régulièrement mes doigts sur mon cou où ma puce avait été retirée pendant le vol. J'allumais l'eau … de l'eau chaude. Pour moi toute seule. Mes seules douches chaudes avaient été en présence d'un ou une autre et pas vraiment choisi par mes soins. Je remarquais que je tenais toujours le dé dans la main et le posais sur un petit reposoir après en avoir enlevé le savon que j'utilisais pour me nettoyer de la tête aux pieds. Je ne tardais pas sous la douche, un réflexe qui aurait sans doute du mal à partir, propre en deux minutes chrono. Je me séchais rapidement mais avec application avant d'enfiler la tenue qui m'avait été laissée. Lingerie simple, plutôt sportive à en juger la forme, ça me convenait à merveille, j'avais toujours été plus à l'aise en tenue de sport qu'en body. Un pantalon, proche du corps sans être parfaitement moulant, idem pour le haut à manche longue qui l'accompagnait. Une tenue presque monochrome, noire, avec des coutures rouges très soignées et une bande de couleur de chaque côté du corps, des pieds jusqu'aux épaules, seule extravagance visuelle de cet ensemble. J'avais eu peur de m'y sentir à l'étroit mais le tissu était confortable, juste assez élastique et proche pour ne pas me comprimer.

Je retournais m'asseoir sur la chaise, attrapant le holo qui m'avait été donné en arrivant et qui m'avait guidée jusqu'à "ma" chambre. En l'allumant je pouvais voir l'heure du rendez-vous ainsi que la date fixée pour demain. Le holo me conduirait au lieu du rendez-vous. Je le reposais sur le bureau et recommençais à jouer avec le dé de feu mon maître. Je m'attachais curieusement beaucoup à cet objet, un peu comme à une bouée de secours finalement. Une chose était sûre, la douche n'avait pas eu l'effet escompté de me vider la tête. Dehors par la fenêtre je pouvais voir le soleil qui lançait ses derniers rayons avant de disparaître, comme un ultime effort pour ne pas s'effacer. Puis, rapidement, le noir envahit la chambre. J'étais encore sur la chaise, perdue dans mes pensées, une heure plus tard lorsque je décrétais qu'il était temps de dormir pour être en forme demain. Je retirais ma tenue pour me glisser en lingerie sous les draps et posais ma tête sur l'oreiller. Beaucoup auraient jugé le confort de ce lit bien trop spartiate, moi qui n'avais jamais eu la chance d'un tel lit pour moi seule sans avoir à en payer le prix de mon corps (et j'avais une morsure sur les fesses pour le prouver) je trouvais ce lit d'un confort à nul pareil. Vibrolame à portée de main, dé dans l'autre, je parvins à trouver le sommeil après une petite lutte pour faire taire mes pensées si chaotiques qu'elles n'en faisaient plus aucun sens.

Tout ça pour me réveiller cinq heures plus tard, en pleine forme. Je n'avais jamais été une grande dormeuse pendant toute ma vie d'esclave mais ici cela ne m'arrangeait pas. Impossible de me rendormir, il me fallut une demi-heure pour l'accepter et quitter le lit. Je me rhabillais et commençais à faire les cent pas en regardant par la fenêtre. Mes pensées étaient à nouveau en pleine effervescence, il y avait tellement de questions que je ne savais même plus par laquelle commencer. J'avais besoin de me vider la tête. J'attrapais ma vibrolame, glissais le dé dans une poche et m'apprêtais à faire quelques passes quand j'évaluais rapidement que la chambre n'était pas vraiment adéquate à l'exercice. Mon style avait toujours été basé plus sur la vitesse et les mouvements vifs, nécessitant de l'espace pour me déplacer, j'ignorais bien sûr que je piochais inconsciemment dans un véritable savoir porté par la Force. J'ignorais aussi combien ma marge pour m'améliorer était grande. Vibrolame rangée dans son fourreau je la passais à ma taille avant de m'arrêter devant la porte. Un petit pouffement. Quelle idiote. Comme si la porte allait être ouverte.

« Bah ça … »

Elle était ouverte. Il ne m'en fallut guère plus pour sortir après avoir rajouté à ma ceinture mon blaster, mon vibrocouteau et glissé dans ma poche le projecteur holo. Le reste n'était que quelques habits sans valeur, si ma chambre était visité je m'en moquais, j'avais sur moi tout ce qui importait. C'était peu de choses mais finalement comment aurai-je pu avoir d'avantage ? Je marchais dans les couloirs, pas du tout au hasard, j'avais vu en arrivant dans ce qui ressemblait à un mélange de temple et de pyramide une cour à ciel ouvert qui semblait destinée à l'entrainement. En tout cas j'avais vu quelques personnes s'y exercer. A cette heure, deuxième moitié de la nuit, je ne croisais personne et il n'y avait personne dans la cour. Ca me convenait à merveille. Je me permis d'avancer jusqu'au milieu de la cour et d'inspirer. Quelques étirements et ma main gauche, fausse patte que j'étais, tira la vibrolame de son fourreau. Immédiatement mes pensées s'envolèrent dès le premier mouvement. Je commençais par des mouvements simples mais dans lesquels je m'appliquais minutieusement. Puis, petit à petit, mes mouvements devinrent plus rapides tandis que mon corps s'échauffait et mon cœur s'accélérait. Je fermais mes yeux, je me remémorais un combat, celui qui m'avait coûté mon œil. Mais cette fois les choses étaient différentes, j'étais plus alerte, plus entrainée, plus vive, ou peut-être diminuais-je inconsciemment la valeur de mon adversaire ? J'avais au contraire l'impression qu'il était plus fort dans ce rêve éveillé qu'il ne l'avait réellement été. J'évitais un coup en glissant en arrière, utilisais mon élan pour un salto arrière en dépliant mes jambes pour créer de l'espace. Je m'appuyais sur mes jambes à l'atterrissage, poussais durement sur ses dernières pour repartir de l'avant vers mon adversaire qui se précipitait sur moi. Je bondissais au-dessus de lui et pivotais dans ce mouvement, tranchant de ma vibrolame son corps en deux. J'atteris avec souplesse et mes yeux s'ouvraient. J'étais seule bien sûr, il n'y avait pas de corps couper en deux mais une femme qui me regardait droit dans les yeux. Je me figeais immédiatement, comme une enfant prise en faute, mes yeux se baissèrent sur le sable du sol, mon arme regagna son fourreau.

« Je suis désolée, je ne voulais pas accaparer l'espace d'entrainement. Je vous laisse la place, Madame. »

Je me sentais gênée mais ma voix était claire, mes paroles soignées, mon corps en position presque militaire alors que je m'inclinais très respectueusement et attendais une simple parole pour me congédier … ou sceller mon sort autrement. En cet instant je redevenais esclave, sans maître sinon mon apprentissage dont j'étais loin de me défaire.

La grande fenêtre était ouverte, laissant entrer l'air froid et sec dans le temple. Le vent apportait de la poussière et parfois même de la neige, ainsi que les murmures et les cris des gens en bas. La plupart d'entre eux ne se doutaient pas qu'ils étaient observés, mais ils étaient minutieusement étudiés et classés dans des catégories, remplissant des rôles spécifiques. D'autres personnes de confiance au sein du Temple auraient pu remplir ce rôle crucial, mais Dame Héméra préférait voir les nombreux acolytes de ses propres yeux, tirant une certaine fierté de leur évolution.

« Ma Dame », dit soudainement une voix, interrompant les observations de la changeforme. Elle se tourna légèrement dans l'encadrement de la fenêtre et s'appuya nonchalamment contre le cadre en pierre. Le Twi'lek, dont la voix avait perturbé le silence religieux, s'inclina respectueusement puis s'avança de quelques pas vers sa Maîtresse, qui le scrutait ses yeux.

« Elle est arrivée. Elle a été conduite dans sa chambre, comme vous l'aviez demandé. Le rendez-vous est fixé pour demain matin », informa le Twi'lek en joignant ses mains devant lui, la posture bien droite.

« Parfait. As-tu laissé la porte déverrouillée ? », demanda l'assassin.

« Oui, Ma Dame », répondit-il en hochant la tête.

« Très bien », conclut Héméra avant de le congédier d'un simple regard. Elle retourna ensuite à ses observations.

La jeune femme en question n'avait apparemment rien de spécial. Elle avait été repérée par un assassin lors d'une mission, qui avait ensuite révélé l'existence de cette sensitive à sa Maîtresse après avoir observé discrètement. Héméra avait gardé cette information dans un coin de sa tête jusqu'à ce qu'une seconde mission à bord de la station de plaisance révèle davantage du potentiel de la jeune femme. L'extraction avait été effectuée sous couvert d'une rébellion d'esclaves, ce qui était parfaitement adapté.

Il était impossible de soupçonner le culte Sith le plus secret d'avoir agi dans l'ombre et ramené la fille sur Ziost. Seule Wrath pouvait encore révéler la vérité, mais Héméra ne s'en inquiétait pas. Les origines de la jeune femme importaient peu, ainsi que son passé.

Lizlin...

Héméra orienta naturellement ses sens vers la future apprentie, laissant son regard porter vers la cour en contrebas tandis que son attention était ailleurs. Elle parcourut les couloirs de l'Académie à travers la Force, effleurant de nombreuses consciences avant de toucher celle qui l'intéressait réellement. Les sensations frappèrent Héméra tel un tourbillon de cacophonie, mais elle régula rapidement la quantité de sensations pour mieux observer la jeune femme.

Cette dernière lui rappelait sa propre arrivée sur Ziost, et c'est pour cette raison que Lizlin avait une chambre personnelle cette première nuit à l'Académie. Héméra ne voulait pas traumatiser la jeune femme comme elle avait été traumatisée lorsqu'elle avait été arrachée à Lorell.

Perdue dans les sensations qui émanaient de la petite chambre, Héméra sentit la jeune femme se réveiller. Elle était agitée et semblait avoir envie de bouger. Héméra sourit en sentant Lizlin quitter sa chambre, braver ses craintes et ses peurs pour prendre le risque de se faire prendre. Cela marquait quelques points pour la future apprentie.

Convaincue par cette première épreuve réussie, Héméra décida de quitter son poste d'observation pour aller à la rencontre de Lizlin. La suivre à la trace était facile, car la jeune femme ne savait rien de la Force et ne pouvait pas s'y dissimuler.

En débouchant dans la grande cour, la changeforme remarqua immédiatement l'ancienne esclave qui se tenait au centre de l'air d'entraînement. Elle dégageait plus de calme et de concentration. La jeune femme se tenait les bras croisés sur la poitrine, nonchalamment appuyée sur son épaule, en regardant la petite brune s'entraîner et se plonger dans ses souvenirs pour trouver la force de réussir les enchaînements qu'elle connaissait bien, avant d'entamer un duel avec un adversaire invisible.

Profitant de la transe de Lizlin, Héméra se décolla du mur d'un coup d'épaule et s'approcha silencieusement jusqu'à se placer en face d'elle. Elle put observer de plus près les capacités de la future apprentie et évaluer où elle devait commencer à l'entraîner. Bien qu'elle avait les bases, cela manquait de finesse aux yeux d'Héméra, mais la jeune femme savait se battre et avait une lame qui ne demandait qu'à être affûtée. La changeforme comptait lui apprendre l'art de savoir où, quand et comment porter la mort pour être la plus efficace possible, mais elle savait que cela devait se faire étape par étape.

Terminant son enchaînement, Lizlin rouvrit les yeux et croisa le regard bleu-vert de la Dame Sith. Héméra avait de nouveau croisé les bras sur sa poitrine et la regardait avec une expression neutre. Elle savourait intérieurement la crainte qu'elle pouvait lire dans la posture rigide de la jeune femme.

Après quelques secondes de silence pesant, la Maîtresse Assassin changea soudainement d'expression et son ton devint plus doux. Elle sourit légèrement en demandant : « Accaparer ? » dit-elle. Le coin supérieur droit de ses lèvres se réhaussa dans un sourire mi-moqueur, mi-amusé tandis qu'elle embrassait brièvement les lieux du regard. «Tu n'as techniquement rien à faire ici, mais tu n'accapares certainement pas cet immense terrain d'entraînement. »  Avisant la posture quasi-militaire de la jeune femme, Héméra expira doucement. « Tu n'es plus une esclave, il me semble, alors redresse-toi. »

L'ordre tenait davantage de l'invitation tant la voix de la changeforme s'était faite soudainement douce. Encore une fois, elle ne voulait pas répéter les erreurs qu'Erebus avait commises avec elle lors de sa formation. Pour les plus observateurs parmi les rangs des Assassins, cette façon de faire ferait écho à la réputation atypique de Darth Yenna au sein de l'Ordre et de la Cour Éternelle.

Mais les chiens ne font pas des chats, n'est-ce pas ?

« Lizlin, c'est cela ? Nous avions rendez-vous au lever du soleil, mais j'imagine que nous pouvons commencer sans attendre. » lui dit-elle en haussant les épaules, puis en posant ses mains sur ses hanches. « Je suis Darth Héméra, Dame Sith et Maîtresse des Assassins. Tu es ici sur Ziost, notre fief. Et toi... » Elle la désigna de l'index. « Toi, tu es ici parce que ton nom est parvenu jusqu'à mes oreilles. Dis moi, jeune fille, qu'est-ce que cela fait d'être libre ? De quoi as tu envie, à présent ? De quoi rêve tu ? À quoi veux tu employer ces capacités dont je viens d'être témoin ? »

J'avais saisi la poignée de mon arme et soudainement tout avait été tellement plus simple. Je me retrouvais à nouveau dans l'arène en un battement de cils. Je pouvais presque entendre la foule, sentir l'air éternellement recyclé du Fhloston Paradise. Le stress, la tension, les projecteurs, le sable du sol, tout me revenait en mémoire avec une précision qui n'avait rien de naturel. Mon adversaire se matérialisait face à moi, ma main se serrait un peu plus sur mon arme et j'étais prête à bondir. Toutes les pensées qui m'avaient accaparé ces dernières heures s'étaient finalement tues pour laisser place au silence et à la concentration. Face à un adversaire contre lequel je ne pouvais pas perdre, je m'entrainais avec la même intensité que si le combat était véritable. Esquiver, se positionner, analyser, je m'appliquais dans chaque geste. Je n'avais jamais eu un entrainement martial complet mais je me souvenais de chaque leçon et je me faisais confiance. Jusqu'à maintenant ça avait presque toujours suffis. J'y avais quand même subis de sacrées cicatrices sans oublier la perte d'un œil mais c'était ainsi qu'allaient les combats. Parfois on gagnait. Parfois on gagnait moins. L'important était de trouver comment s'en sortir pour se battre à nouveau. Ne devrai-je pas être soulagée de ne plus avoir à me battre régulièrement pour rester vivante et continuer à servir un Maître ? Même cette question n'arrivait pas à perturber ma concentration, je pouvais me défouler et ça faisait un bien fou. Geste après geste je me sentais plus légère, les pensées s'éloignaient encore un peu plus, elles finirent par s'éteindre entièrement, seul demeurait le combat et ce style si particulier qu'était le mien pour la seule spectatrice.

Je me croyais seule, j'avais complètement oublié le monde réel qui m'entourait. Yeux fermés sans même me dire que si quelqu'un ne se méfiait, mon arme pourrait vraiment toucher quelque chose. C'était la première fois depuis plus d'une journée que je me sentais apaisée et libérée. Pas libérée de ma condition d'esclave, ça j'étais loin de vraiment le comprendre et le réaliser, je n'avais connu que ça c'était presque un besoin, une nécessité, ça me définissait dans une si grande partie de moi que je ne pouvais concevoir ma vie sans cela. Pourtant j'étais apparemment libre. Libre d'avoir quitté ma chambre, libre d'être venue ici pour m'entrainer, libre de … libre d'être observée apparemment. Je commençais par sursauter et immédiatement me confondais en excuses soignées sans tremblement dans la voix. Je connaissais ma place, tout en bas de l'échelle. Ne pas déranger, me taire et obéir. Or là, j'étais loin de ne pas déranger. La preuve, cette femme à l'aura troublante était en train de me regarder et à en juger par la position de son corps et son attitude ça devait faire un petit moment. Combien de temps avait duré ce combat imaginaire ? Je remarquais mon cœur qui battait assez vite, mon souffle rapide, il avait duré plus que quelques minutes comme je l'avais initialement crue. Je m'étais laissée emporter et je connaissais assez mon corps pour estimer que cela devait faire une vingtaine de minutes que ça avait commencé. J'en avais encore sous la pédale mais ce n'était pas le but. Au contraire. A l'instant tout ce que je voulais c'était une phrase du genre "Tire-toi" ou "Dégage" pour regagner mes quartiers et ne plus en sortir avant l'heure du rendez-vous demain.

Hélas les paroles qui jaillirent des lèvres de l'inconnue n'étaient pas pour me congédier. Elle sembla d'abord amusée de mes excuses puis enchaina en réussissant à me faire avoir une moue fautive. Je n'avais rien à faire là, elle avait raison, je devrai être aux côtés de mon maître sur le vaisseau où j'avais toujours vécu. Comme si elle lisait dans mes pensées, elle me renvoya à ce rang qui était toujours le mien dans ma tête. Je ne parvins même pas à réfléchir à ce qui pourrait lui permettre de savoir que j'avais été esclave, à la place d'être surprise je fus docile, un réflexe acquis par instinct de survie et exécutais son ordre en me redressant. Je ne quittais pourtant pas ma posture militaire, ni même n'abandonnait ma stature d'esclave, je restais droite, parfaitement immobile, sans oser monter mon regard dans le sien, me contentant d'observer ses lèvres et, à la limite, son nez. Mes main s'étaient jointes dans mon dos, l'une tenant l'autre par le poignet, attendant docilement la suite. Je sursautais pourtant en entendant mon prénom, puis ouvrit deux grands yeux ronds en réalisant qu'elle était mon rendez-vous matinal. Mon regard croisa le sien un bref instant pas plus long qu'un éclair, juste de quoi y voir qu'elle était parfaitement sérieuse et pour elle de voir toute l'étendue de ma surprise face à cette révélation. Ce ne fut que là que je fis le lien avec sa connaissance sur mon statut passé. Etais-je désormais son esclave ? Avais-je quitté un maître pour me jeter dans les bras d'une autre ? Et pourquoi cette pensée était-elle si … agréable ? La réponse me vint naturellement, cette pensée me sécurisait, je reviendrai en terrain connu si tel était le cas. Elle se présenta et une succession de coups en plein visage n'auraient pas été moins brutaux. Je ne connaissais pas vraiment les tenants et aboutissants de la galaxie, les disputes entre les grandes factions mais j'avais écouté parler les clients du vaisseau de plaisance. Je savais ce qu'était un Sith, a fortiori je savais aussi ce qu'était un assassin mais un Darth ? Un titre de noblesse sans doute. Si l'annonce du nom de la planète me laissa totalement de marbre, je tressaillis en la voyant pointer son doigt, j'avais tenté de m'en empêcher mais sans succès. Je m'attendais à la voir bondir sur moi, Maîtresse des Assassins qu'elle avait dit après tout, mais ce ne fut pas le cas. Ce fut à la place une volée de questions.

« Je … »

J'aurais préféré qu'elle se soit jetée à ma gorge.

Je sentis mes mains se séparer et mes bras se mirent à pendre mollement le long de mon corps. Elle venait de formuler tout haut les questions qui mettaient ma tête en pagaille depuis vingt-quatre-heures. Mon regard s'absenta comme mon cerveau commençait à réfléchir à ses questions. Le regard dans le vide malgré mes yeux tournés vers son visage, la bouche entrouverte dans un petit « o » de réflexion je devais avoir l'air bien idiote. Tout cela pour finalement lui répondre, après quelques longues secondes.

« Je ne sais pas, Madame. »

Ma bouche avait articulé ces mots avec peine, ma diction buttant sur les quatre premiers mots, seul le dernier avait fait revenir mon naturel et était sorti sans accroc. C'était d'une sincérité à nulle autre pareille et pas une réponse évasive. Je n'avais tout simplement aucune idée de ce que je voulais faire de mon existence maintenant que j'étais "libre". Ce fut d'ailleurs cette pensée qui me tira de toutes les autres et me fit "revenir" devant la Dame Sith.

« Le suis-je vraiment, Madame ? Libre ? »

Avant qu'elle n'ait eu la chance de répondre je m'entendis reprendre la parole, oubliant jusqu'à la plus élémentaire leçon de politesse quand on posait une question.

« Que fait-on lorsqu'on est libre ? Comment décide-t-on de ce qu'on veut faire ? »

Comment pouvait-on simplement décider de la voie à suivre ? Comment savoir si on prenait la bonne ? Comment être sûre que je faisais ce que je devais faire sans quelqu'un pour me le dire ?

Héméra avait l'intense sensation d'avoir un animal effrayé face à elle. Et bien que la comparaison n'était pas flatteuse, elle était sans doute ce qui se rapprochait le plus de l'état dans lequel Lizlin se trouvait. Sans repaire, déboussolé, la jeune femme était complètement perdue. Nul besoin de la Force pour le ressentir, la vérité était tout simplement écrite sur son visage.

Mais loin de perdre patience ou d'être agacée, Héméra inspira profondément et joignit ses mains dans son dos, ses épaules se relachant. Peut-être qu'une attitude plus passive pouvait aider la jeune femme à se sentir davantage en confiance. Ou, en tout cas, à lui faire comprendre que son existence n'était pas menacée pour le moment.

Peut-être aurait-elle préféré devoir se battre plutôt que de répondre aux questions d'Héméra. C'était ce que la Dame Sith sentit tandis que la jeune brune restait l'air bête, incapable de répondre à des questions d'ordinaire si simple. Les bras pendants le long du corps, la bouche légèrement entrouverte dans une expression de surprise, Lizlin faisait peine à voir

« Ce n'est pas grave. » répondit la changeforme en fermant brièvement les yeux.

L'incertitude de la jeune femme était un terreau fertile pour la Dame Sith. Cela voulait dire que Lizlin était parfaitement malléable. Et à en juger par ses réactions précédentes, il n'y avait qu'un pas à faire pour que l'ancienne esclave se laisse totalement faire entre les mains de la Maîtresse des Assassins. Mais ce n'était pas de cela dont la Gurlanin voulait. Elle n'avait pas besoin d'un pantin, mais d'un assassin.

Les réflexions de la Dame Sith furent toutefois coupées par la soudaine question de Lizlin. Était-elle vraiment libre ? La question pouvait paraître simplissime, mais revêtait une grande importance. Héméra prit donc quelques secondes de réflexion, ce qui permit à Lizlin d'enchaîner sur d'autres interrogations toutes pleines de naïveté. Et lorsqu'elle eut terminé, Héméra chercha son regard fuyant du sien.

« Sur le papier, tu es bel et bien libre. Ton propriétaire est mort et tu n'as plus de collier. » commença t-elle. « Mais est-ce que tu l'es vraiment ? Au fond ? » Poursuivit la Dame Sith en commençant à bouger pour faire tranquillement le tour de la jeune femme. « Je ne pense pas. » Laissa t-elle claquer dans l'air. « Tes chaînes physiques ne sont plus, mais celles dans ta tête sont encore bel et bien attachées. » énonça t-elle en posant deux doigts sur le front de la jeune femme une fois qu'elle fut de nouveau devant elle. Elle recula ensuite de deux pas.

« T'en libérer prendra du temps, mais c'est tout à fait possible. » lui révéla Héméra d'une voix plus douce. « Te guider sur cette route est la raison de ta présence ici car toi et moi avons une chose en commun : la Force. » Laissa-t-elle tomber comme un couperet. Puis, en guise d'exemple, la Dame Sith se pencha tranquillement et ramassa un caillou un peu plus gros que les autres et qui trainait à ses pieds. En se relevant, elle vint le faire léviter au-dessus de sa paume comme si c'était la chose la plus normale dans la galaxie. « Cette faculté de te souvenir avec précisions d'événements passés, la vitesse avec laquelle tu te déplaces quand tu te bats, la hauteur à laquelle tu es capable de sauter ou tout simplement ce que tu appelle ton instinct… Tout cela… Vient de la Force. »

Pour terminer sa démonstration, Héméra envoya le caillou s'écraser beaucoup plus loin dans la cours d'un simple geste de la main.

« Bien sûr, c'est une proposition. Je te l'ai dit : tu n'es plus esclave. Rester et apprendre ou partir et découvrir la galaxie par toi-même… Le choix t'appartient. »

Il y a deux heures je me réveillais dans le lit de la chambre que j'occupais, incapable de me rendormir parce que mon cerveau était à nouveau assailli de toutes ces questions qui y résonnaient encore et encore. Il y a une heure et quinze minutes j'essayais d'ouvrir la porte de la chambre, persuadée qu'elle serait verrouillée. Il y a quarante-cinq minutes j'arrivais dans cette cour à ciel ouvert et je me saisissais de ma vibrolame et mes pensées se soulagèrent. Il y a cinq minutes je me sentais encore seule dans cette cour. Et maintenant je me tenais immobile comme un piquet devant une femme dont j'avais l'impression de pouvoir sentir l'aura en plus de sentir son parfum. Elle dégageait quelque chose d'étrange. Effrayant et fascinant à la fois, captivant et écrasant. Indéfinissable. J'avais ressenti la même chose avec la rousse dans le vaisseau qui m'avait menée ici mais en la présence de cette femme, le sentiment était très différent. Exacerbé, bien plus intimidant encore.

Mais rien ne fut plus intimidant que la pluie de questions qu'elle laissa tomber sur moi. Des questions qui trottaient dans ma tête et qu'elle se permettait d'exprimer tout haut. Qu'est-ce que je voulais faire désormais ? On ne m'avait jamais posé cette question. On avait toujours décidé pour moi. Alors je n'avais aucune réponse à apporter à sa question parce que je ne me l'étais jamais sérieusement posée. Ma vie n'avait été qu'esclavage, je n'avais jamais nourri pour tout objectif que d'éviter les ennuis en servant docilement mon maître. Tout ça était devenu parfaitement naturel avec le temps, tant et si bien que même maintenant alors que j'étais "libre", les réflexes demeuraient bien vivants dans mon attitude. Ma réponse, bien que pleine d'honnêteté, ne sembla guère impressionner la femme qui me faisait face, je ne pouvais pas l'en blâmer, moi-même je me rendais compte que ma réponse était ridicule. Tout le monde avait envie de quelque chose, non ? Apparemment non. Apparemment pas moi. Parce que même maintenant je n'arrivais toujours pas à savoir ce que je voulais faire. Je ne connaissais qu'une seule chose : l'esclavage mais je n'étais certainement pas assez stupide pour y retourner. D'ailleurs maintenant que la Sith en parlait, je me demandais si j'étais vraiment libre. Même moi je connaissais la réputation des Sith, pas franchement des enfants de choeur, je n'aurai pas été surprise d'apprendre qu'ils baignaient dans l'esclavage.

Ce fut donc avec grande attention que j'écoutais parler la Maîtresse des Assassins, bordel ce titre en jette quand même ! Ses premières phrases firent un effet étrange mais la suivante me raidit, était-ce maintenant qu'elle annonçait que j'étais désormais sienne ? Elle se mit à me tourner autour et, sans m'en rendre vraiment compte, je pivotais sur mes pieds pour toujours lui faire face, un peu tendue face à cette approche qu'elle réalisait. Mon souffle se coupa quand ses doigts se posèrent sur mon front, je m'étais tendue, un geste imperceptible avait rapproché ma main de ma vibrolame, je me sentais perdue et effrayée, ma nature d'esclave et mon instinct de survie se disputaient le contrôle de mon corps, c'était désagréable. Très désagréable. Darth Héméra parlait de chaines physiques brisées mais d'autres, psychologiques, encore bien présentes dans ma tête. Je ne saisissais pas vraiment ce qu'elle voulait dire, mais sa phrase suivante, prononcée d'une voix si douce, parvint à établir un contact entre nos yeux.

« La Force ? »

Je répétais bêtement ce qu'elle avait dit, pour moi-même mais elle avait forcément entendu ma surprise. J'en avais entendu parler, une sorte d'énergie qu'utilisaient les Jedi pour faire leur travail. Dans le contexte de mon esclavage je n'avais entendu sur la Force que peu de choses intelligentes. Principalement j'avais entendu des phrases comme "Ces putains de Jedi et leur Force  de merde ont fait échouer mon échange". Difficile de dire que j'étais calée sur le sujet, mon maître estimait que je pouvais déjà être heureuse de savoir lire et compter. En cet instant ma peur s'envolait à chaque nouvelle parole de la Sith. L'incompréhension de mon regard au mot de la Force se transformait petit à petit en un regard curieux, tout comme l'expression de mon visage sur lequel s'affichait la fascination à l'écouter parler et la voir manipuler si aisément ce caillou. Le petit caillou s'envola à travers la cour, l'expression de mon visage changea à nouveau quand la Dame Sith me demanda de choisir. Pourquoi était-ce si difficile de choisir ? Mon regard fuyait à nouveau le sien mais mon attitude changea. Mes épaules se relâchèrent, comme si un lourd fardeau venait de s'y abattre pour les affaisser.

« Comment pourrais-je choisir ? Je ne connais rien à la galaxie que ce que j'en ai entendu et c'était bien peu recommandable. Qu'est-ce que ça veut dire si je choisis de rester ? Comment je peux savoir si c'est le bon choix ? »

Bordel. Mon maître ne m'avait même jamais demandé si je voulais un bonbon rouge ou bleu et voilà que cette femme me demandait de choisir la suite de ma vie. J'inspirais profondément en réfléchissant, mais comment réfléchir à deux choses dont on ne savait rien ?

« Je ne veux plus être esclave. »

Je n'arrivais pas à savoir ce que je voulais mais au moins je pouvais déjà dire ce que je ne voulais plus. C'était bien peu de choses finalement mais ça représentait déjà un grand pas en avant pour moi.

« Ce pouvoir … La Force … vous pouvez m'apprendre à l'utiliser ? Vous pouvez me montrer comment le maîtriser ? Mais qu'est-ce que vous y gagnez ? »

J'étais peut-être candide mais pas assez pour imaginer que ça soit de simple bonté de cœur.

« Personne n'offre quelque chose gratuitement. Surtout pas après l'avoir libéré de l'esclavage. Est-ce le prix que je devrai payer pour apprendre ? Devenir votre esclave ? »

J'avais commencé à marcher, à faire les cent pas dans la cour tout en réfléchissant. Beaucoup des questions que je posais à voix haute étaient des interrogations personnelles mais mon sentiment de perdition perdurait encore. Je finis par m'immobiliser et me tourner face à la Dame Sith.

« Si vraiment je suis libre comme vous le dites, rien ne m'empêche de rester un peu et voir si ce que voulez m'apprendre m'intéresse et si ce n'est pas le cas de partir ? »

Bon autant se l'avouer, je tentais de faire bonne figure en gardant mon calme et ma sérénité. Mais le conflit se lisait dans mon attitude et sur mon visage. Une partie de moi, maladroitement dissimulée, ne faisait pas la fière à l'idée de négocier avec une Maîtresse des Assassins tandis qu'une autre partie de moi avait été piquée de curiosité pour ce pouvoir. Après tout si j'étais plus forte, je ne serai plus jamais esclave ? Une dernière question décida de sauter de mes lèvres et cette fois mon regard accrochait celui de la Sith avec toute la détermination que j'arrivais à avoir derrière mon attitude d'esclave :

« Vous me l'apprendrez aussi ? Ne plus être une esclave, ici. »

Je désignais mon front en prononçant ce dernier mot et je ne réalisais même pas que le conditionnel de mon marchandage avait disparu comme si j'avais déjà accepté de me soumettre à son enseignement.

Les autres rendaient cela si simple. Prendre une décision sur la suite à tenir de leur vie. Moi qui ne l'avais jamais fait, j'ignorais vers quoi je voulais me tourner. Pire encore cela paraissait facile à travers les mots de Darth Héméra. Partir et explorer la galaxie ou rester et apprendre à maîtriser la Force. C'était tout sauf une décision facile en réalité ! Personne ne m'avait jamais demandé ce que je préférais comme légumes alors pour la suite de mon existence ? Je commençais à faire les cents pas devant elle en filant ma propre réflexion à voix haute, une fois de plus je faisais abstraction de toutes les règles de politesse les plus élémentaires. Je me sentais noyée dans l'immensité de la galaxie. Finalement quand j'y réfléchissais "tout" m'était possible, "tout" s'offrait à moi. Sauf que je réalisais que "tout" ça voulait dire beaucoup de choses et très peu en même temps. Je devais aussi prendre ma décision à partir d'une certaine logique personnelle et pas que en fonction de mes envies. Alors qu'est-ce que je savais faire finalement ? Me battre je savais le faire. Utiliser la Force ? J'étais loin d'être aussi douée que la femme face à moi, certainement loin du niveau de beaucoup de personnes ici, j'avais développé certains aspects de mon pouvoir par nécessité, c'était mieux que rien. Alors petit à petit rester semblait la décision la plus logique. Mon marchandage se changea tout seul pour faire disparaître le conditionnel si je restais. Je faisais le travail de me convaincre pour Héméra en filant mes pensées et visiblement ma décision lui plaisait si j'en jugeais à son sourire. C'était idiot. Un réflexe d'esclave encore mais voir ce sourire sur les lèvres de la Dame Sith me fit un bien fou.

Elle voulait en revenir aux choses importants et je hochais docilement la tête tout en l'écoutant. L'entendre exprimer la difficulté de mon choix avait un côté rassurant, ce n'était pas donc que dans ma tête que ce choix semblait impossible. Elle m'annonça qu'elle pouvait m'apprendre à maîtriser la Force et mon corps, toujours incapable de cacher mes pensées, montrait toute mon attention. Plus encore quand elle laissa volontairement une inconnue. Plus ? C'était quoi plus ? Il y avait encore plus que ce qu'elle avait détaillé un peu plus tôt ? Ma curiosité désormais entièrement captée par ses paroles, ma stature se détendait enfin malgré une légère tension quand elle laissa entendre qu'elle sera ma Maîtresse. Mais la tension se dissipa aussi vite qu'elle était apparue quand elle me rassura que ce terme aurait une toute autre définition à ses côtés qu'il ne l'avait eu par le passé pour moi. Je n'avais plus vraiment besoin de faire semblant de ne pas être sûre de ma décision, d'ailleurs j'étais incapable de cacher quoi que ce soit, je n'avais jamais appris à le faire. Alors mon visage marquait mon intérêt et mon œil droit, puisqu'il était le seul valide, brillait de curiosité.Si cette femme était aussi honnête que ses paroles semblaient l'être les suivre, elle et son enseignement, étaient forcément la bonne décision ! Pourtant quand elle me demanda si j'avais fait mon choix, je sentis mon cœur s'emballer pendant quelques instants.

« Je … euh … crois ? »

Beaucoup d'hésitation dans ma voix, malgré la curiosité qu'elle avait suscité, malgré ses promesses si séduisantes à mes oreilles, j'avais bien du mal à trancher définitivement. Je ne savais pas le faire. En avais-je le droit ? Darth Héméra me disait que oui. C'était une première pour moi, c'était toujours intimidant une première fois. Je pris une bonne inspiration d'air et de courage en même temps pour finalement hocher la tête et affirmer d'une voix maladroite comme si j'attendais son approbation.

« Oui ? »

Encore une fois je paraissais d'avantage lui demander si c'était ce que je devais faire et je m'en rendais compte toute seule en sursautant à mon propre mot. Les mains un peu tremblantes, on aurait pu croire que j'étais en train de décider du destin de la galaxie entière alors qu'on ne parlait que de mon petit avenir égoïste et immédiat. Alors finalement, pour lui prouver que j'étais sûre de moi, je fis ce que je faisais de mieux, me glisser dans le rôle de l'esclave docile, en espérant qu'à ses côtés je serai bien une étudiante et non une esclave. Je m'approchais d'un pas vers elle, un petit pas nous séparait encore, je croisais son regard et finalement m’agenouillais, les deux genoux au sol, la tête baissée.

« Je suivrai vos enseignements, Maîtresse. Je vous promets que vous ne serez pas déçue du temps et des savoirs que vous me partagerez. »

Cette fois ma voix avait trouvé son assurance et sa phrase vint se répéter en écho dans ma tête. J'avais encore des chaines dont je n'étais pas libres. Je n'étais plus esclaves physiquement mais mon corps et ma tête l'étaient pourtant encore.

Je tentais de faire bonne figure. J'étais presque sûre de mon choix. J'aurai bien aimé avoir une petite voix pour me murmurer à l'oreille si je m'égarais ou si je faisais le bon choix. Evidemment ça n'était pas le cas. Il n'y avait que moi, toute seule pour prendre ma décision. Je remarquais quand même que Darth Héméra, si elle avait présenté ses arguments, ne cherchaient pas m'influencer ou alors je ne m'en rendais pas vraiment compte. Les interactions sociales "libres" étaient assez nouvelles pour moi elles aussi et nécessitaient encore un apprentissage mais j'avais l'impression que ces dernières seraient assez rapidement acquises. Désormais libre j'allais devoir discuter en mon âme et conscience, avoir mon libre-arbitre dans mes paroles et ne pas juste répéter les mots d'un maître. Bien entendu si je décidais de rejoindre la Dame Sith, je devrai adopter les règles des Assassins que j'allais rejoindre mais j'y demeurerai apparemment encore bien plus libre que je ne l'avais été jusque là. Mais pour l'instant, la Darth avait bien raison de se moquer gentiment de mes "affirmations" à la rejoindre qui n'en étaient pas. Elle avait entièrement raison et je le savais, je lui demandais de me dire si je la rejoignais. Je ne l'affirmais pas.

Me glisser dans la peau de "l'esclave" était d'une facilité déconcertante et également très rassurante. Je revenais en terrain connu. Mes genoux se fléchirent avec une souplesse qui trahissait sans mal la situation qui avait été mienne pendant plus de vingt années. Le dos droit, présentable, le visage vers le sol, une position que mon corps connaissait par cœur. Je ne pus voir le sourire de la Sith ainsi agenouillée mais si ça avait été le cas ça aurait très probablement été un sentiment de bien-être qui m'aurait envahi. Le changement n'avait pas été que physique mais verbal également. A retrouver mes marques physiquement dans un rôle que je connaissais, ma voix retrouvait les rails et parvenait à s'exprimer sur un ton calme et maitrisé. Ca faisait du bien je ne pouvais pas le nier, même si je n'étais plus esclave, me comporter de la sorte me rassurait, une sorte de doudou physique pour jeune adulte bien perdue dans la vie. En voyant la main de la Darth et en l'entendant me dire de me relever, j'hésitais un instant, personne ne m'avait jamais offert de m'aider pour me relever de ma position agenouillée d'esclave. Je me saisis de la main tendue et bondis sur mes pieds avec souplesse. Entre mon entrain à me relever boosté par mon plaisir de me sentir acceptée par la Sith mais surtout sa poigne puissante pour me tirer, mes pieds avaient décollé du sol sans que je ne l'eus vraiment voulue.

« Non, je n'ai pas encore mangé. »

Et pour être parfaitement transparente, entre l'exercice physique, les émotions vécues ces dernières heures et celles vécues ces dernières minutes plus encore, la faim commençait doucement à me tirailler l'estomac. L'invitation était donc plaisante. Alors que je marchais derrière Héméra d'un tout petit pas qui me permettait quand même de voir son profil si je tournais la tête je finis par demander.

« Comment dois-je vous appeler ? »

Elle s'était présentée mais puisque apparemment j'étais désormais son apprentie, voulait-elle entendre Maîtresse dans ma bouche ? Madame lui convenait peut-être d'avantage ? Ou quelque chose d'autre qui viserait à me renvoyer à mon rang et l'élever aux siens ? Ceux qui avaient des esclaves sur le Fhloston Paradise n'hésitait jamais à redoubler de malice pour se trouver des surnoms qui les valorisaient à l'extrême.

Difficile de dire que j'étais "sage" pendant notre petite marche à travers le temple. Mes yeux se baladaient partout, tout était magnifique, baigné dans cette lumière de torches mais surtout dans cette ambiance à la fois lugubre et pourtant fascinante. Tout était à la fois merveilleux et inquiétant, c'était très perturbant et très agréable dans le même temps. Je n'arrivais pas vraiment à mettre de mot sur cette sensation qui m'envahissait à chaque pas parce que je doutais qu'il existait un mot pour parler d'une fascination naissante pour le lugubre et l'inquiétant. Le masochisme peut-être ? Non c'était bien autre chose et ça je savais déjà que je checkais la case. Question de survie mentale en tant qu'esclave-gladiatrice. J'ignorais si j'avais le droit de poser des questions mais par chance la Dame Sith occupa le silence de notre marche et je l'écoutais avec attention. Les murs de cet endroit devaient connaître tant d'histoires, de secrets, de complots, de combats mais qu'ils ne raconteront jamais. C'était frustrant. Et peut-être était-ce aussi mieux ainsi. Quand j'entendis Darth Héméra commencer une question je m'inquiétais déjà de ne pas réussir à comprendre correctement, que ce fut une de ces questions qui me mettaient tellement mal à l'aise. Par chance ce fut loin d'être le cas et celle-là je pouvais y répondre.

« Il y a eu plusieurs personnes payées par mon maître, il voulait que je lui rapporte le plus d'argent possible avant de mourir dans l'Arène. Mais la plus grande majorité de ce que j'ai appris provient d'un mercenaire nogri décédé depuis. Il m'a apprit le combat au corps à corps avec une vibrolame, aux poings et au couteau. J'ai appris le tir au pistolet-blaster avec la garde du corps twilek d'un ami à mon maître en échange de … »

J'arrêtais ma phrase en jugeant que la fin n'avait aucun intérêt et ne faisait pas partie du cadre de la question. J'étais esclave, je n'avais qu'une chose à offrir/

« Pour le reste … je veux dire la Force, j'ai appris seule dans la mesure de ce que j'ai découvert par hasard. »

Nous étions finalement arrivé dans une pièce soigneusement dissimulée dont l'ambiance était très agréable. La chaleur l'emportait au lugubre dans cet endroit et bien docile je posais mes fesses là où la Dame Sith me l'indiquait. Contrairement à ma vis à vis qui s'installait confortablement je restais assise le dos droit, les pieds bien au sol, les genoux collés et les mains posées sur ces derniers. Un droïde décida d'entrer en scène, me faisant légèrement sursauter alors que j'étais en train de chercher à nourrir la conversation avec ma nouvelle Maîtresse parce que … elle voulait m'apprendre, je devais montrer avoir envie, non ? Le droïde s'intéressa à ce que nous voulions manger ou boire, les deux peut-être et quand il se tourna vers moi, mon regard trouva celui d'Héméra où elle pouvait lire mon inquiétude soudaine. Le robot commençait à me dicter les possibilités et plus il parlait plus mes yeux s'ouvraient grands, comment je devais choisir dans tout ça. Mes mains s'étaient trouvées dans un signe de nervosité.

« Euh … Je … Disons … La même chose que Maîtresse Héméra. »

Voilà, hein, comme ça je découvrirai un peu ses goûts à elle et je m'épargnais le ridicule de lui faire dicter à nouveau tout son menu. J'avais eu la chance de goûter des plats bien sûr mais en tant qu'esclave, mon alimentation avait principalement été une espèce de bouillie au goût médiocre mais très bon marché et qui contenait tout ce dont le corps avait besoin. Pourquoi investir d'avantage finalement dans une esclave ? Le droïde s'en alla sans demander son reste et le silence revint, dura quelques instants qui me parurent très longs. J'ignorais si ma Maîtresse attendait de moi de parler ou non mais je décidais de m'y risquer.

« Maîtresse ? J'aimerai savoir … Avant vous avez dit que mon nom était parvenu à vos oreilles mais je … je ne comprends pas. Je n'ai rien fait de bien différent de l'ordinaire ces derniers temps. »

« Entendu, Maîtresse. »

Je savais donc à présent comme je pouvais m'adresser à elle. De toute façon il m'aurait été impensable de ne pas m'adresser à elle avec respect et déférence mais j'aimais bien savoir précisément ce qu'elle-même voulait. Après tout elle aurait pu trouver Maîtresse excessif ou Dame Héméra trop familier. Il était sûr que jamais je ne l'aurai appelée simplement par son prénom ou moins encore par une interjection mais j'aimais savoir clairement de quoi il retournait. Le respect était le fondement d'une bonne relation sociale, notamment dans un cas comme celui qui concernait la Dame Sith et moi. J'imaginais aussi aisément qu'il me faudrait faire preuve de respect envers les autres Seigneurs Sith mais ça, ça ne serait pas un grand challenge pour moi. Au moins sur le respect de la hiérarchie je partais avec un avantage. Pour ce qui était du reste, j'allais avoir beaucoup de travail à faire principalement sur moi. A commencer par ce qui allait très rapidement me sembler le plus important, apprendre à me connaître moi-même. Me forger mes propres envies, mes désirs, mes aspirations, découvrir ce que j'aimais vraiment pour moi et non parce que c'était ce à quoi j'avais accès après y avoir été autorisée par mon Maître. Il y avait quelques petites choses qui me venaient spontanément : j'aimais le combat je ne pouvais le nier je prenais mon pied dans l'Arène, l'adrénaline qui boostait mes muscles, donner un coup qui portait et voir la souffrance marquer mon adversaire … avoir le pouvoir de vie ou de mort suite à la décision du public. Plus honteusement je pourrai aussi confesser qu'il m'était arrivée de prendre plaisir dans certaines souffrances mais ça je le gardais comme un secret honteux.

« C'était un bon combattant mais j'ai hâte de découvrir vos enseignements, Dame Héméra. »

Cela voulait sans doute dire en apprendre plus sur la Force et pour le coup je ne pouvais pas nier que ma curiosité était piquée et mon attention captivée. Avoir un nom sur mes capacités, même si j'avais déjà entendu parler de la Force, semblait leurs donner un côté bien plus réel et existant. Impossible cependant de ne pas ressentir une certaine tension et si je n'étais pas à sa hauteur ? Et si ses attentes plaçaient la barre trop haute pour moi ? Et si elle pensait que je pouvais faire quelque chose mais que j'étais une déception ? J'en savais assez sur les Sith pour savoir qu'ils ne prenaient pas l'échec à la légère. Je chassais ces pensées alors que nous arrivions dans le petit salon privé qui n'était dissimulé que par une illusion et m'asseyait. Stricte et droite sur mon fauteuil je fus encouragée par ma Maîtresse à m'installer plus à mon aise. Je me laissais donc glisser au fond du fauteuil, toujours droite pas affalée mais j'étais plus à l'aise c'était évident. Toujours nerveuse mais dans une position plus détendue. Et fatalement cela m'amena à poser une question qui me brûlait les lèvres depuis un petit bout de temps. L'explication ne tarda pas mais franchement elle me laissa un petit peu … perplexe. Une énergie qui existait partout et à chaque instant et que je pouvais manipuler à ma guise ? Ca semblait sur-réaliste mais je savais que je faisais des choses que le commun des mortels ne pouvait que rêver de faire. Manipuler un objet par exemple. Faire léviter un couteau de combat. Bondir sur une belle hauteur ou distance. Me déplacer rapidement. L'air perplexe, je tentais de comprendre le principe que représentait la Force mais c'était frustrant, ça semblait à la fois très simple et en même temps si compliqué. Par chance le petit droïde décida de refaire son apparition, chargé de victuailles qu'il disposa sur la table avant de me donner une petite indication.

« Oh ! Merci, c'est très gentil. »

Mon regard balaya la table et cette abondance soudaine de nourriture qui ne manqua pas de provoquer un petit gargouillement de mon estomac. Penaude, je baissais les yeux avec une moue.

« Désolée, ça fait longtemps que je n'ai pas mangé. »

Je n'avais rien avalé depuis que j'avais été libérée par Darth Wrath et tout ce qui était sur la table semblait bon. La fin m'en faisait oublier que c'était là mon premier repas de femme libre. Sans vraiment y réfléchir ou demander d'autorisation, j'attrapais le bol de gruau le plus proche de moi et enfournais une cuillère dans ma bouche tout en écoutant ma Maîtresse reprendre son explication. A l'allusion de ma cicatrice je ne pus m'empêcher d'y porter le regard.

« Si j'avais été capable de mieux l'utiliser, j'aurai encore mon œil. »

C'était un constat pour moi qui ne m'empêchait pas de continuer à écouter très attentivement Darth Héméra. J'ignorais quels fruits avaient été mis dans le gruau mais que c'était bon ! Quand elle expliqua que j'avais attiré l'attention je ne pus m'empêcher une interrogation surprise.

« Moi ? »

De toutes les personnes puissantes et importantes sur le Fhloston Paradise c'était moi qu'il avait ressenti, surveillé et finalement conseillé à la Dame Sith. De quoi me sentir bien petite mais aussi fière. Après une nouvelle cuillère de gruau je réfléchis à ce que me la Darth et curieusement elle semblait laisser entendre que ce que je considérais comme des secrets honteux, en plus de ne pas être si secrets que ça, étaient des qualités ? Son regard semblait presque approuver ce que j'avais parfois fait. De mon côté, la bouche fermée bien que pleine j'avais arrêté de mâcher, figée par cet échange de regard et les remarques sur mes penchants sadiques que je trouvais si malsain. Je terminais ma bouchée alors que ma Maîtresse concluait.

« Tuer ? Vous voulez dire … Non ! Je ne vous ferai jamais de mal. »

Innocente et candide peut-être, j'étais loin de connaître l'histoire de la femme face à moi et de ce qu'elle avait fait pour en arriver où elle était. J'avais encore bien des choses à apprendre.

« Dans l'arène je n'avais pas vraiment le choix c'était vaincre ou être vaincue. Le public ensuite pouvait voter, enfin ceux qui avaient misé, sur la mise à mort du vaincu ou non. Ils pouvaient même décider de laisser le choix au vainqueur. Alors si je voulais être sûre de rester en vie il fallait gagner. »

Ca n'avait pas toujours été le cas et je décidais de partager cela avec ma Maîtresse.

« J'ai été vaincue parfois. Par chance j'étais une chouchou du public ce qui m'a sauvée la vie. Ca et les locations après les combats. Mais je … »

Je regardais mon bol de gruau quelques instants avec l'air de vouloir dire quelque chose sans oser le faire. Puis je relevais soudainement la tête avant de reprendre d'une voix assurée.

« Je suivrai tous vos enseignements, je vous le promets. Je ne décevrai pas votre confiance. »

Je goûtais alors une gorgée de thé, peinant à dissimuler une moue face à l'amertume de la boisson.

« C'est beaucoup moins à mon goût ça. »

Encore une réflexion pour moi-même qui m'avait échappée, un peu de self-control ne ferait sans doute pas de mal.

J'en voulais un peu à mon ventre de m'avoir ainsi faite remarquer en gargouillant rapidement mais ma Maîtresse me pardonna. Un simple signe de tête mais qui eut le don de me détendre un peu plus. La faim était plus forte que la politesse et puis quelque part j'avais commandé au droïde la même chose que Darth Héméra, il y avait deux bols de gruau, je pouvais supposer qu'un des deux était pour moi pas vrai ? En plus de ça, non seulement tout sentait très bon mais en plus ça l'était. Enfin sauf le thé mais ça je l'ignorais encore pour l'instant. Finalement en commençant à manger je m'ouvrais un peu sur moi quand je répondais à ce que disait la Dame Sith. J'avais perdu mon œil alors que j'avais 17 ans, ça faisait à peine un peu plus d'un an que je l'acceptais vraiment.

« Elle a une fonction caméra. Mon Maître m'a fourni cette prothèse parce qu'une esclave borgne se loue moins bien pour les … activités nocturnes. Tout ce qu'il voulait c'était une similitude de couleur avec mon œil valide mais la caméra est de piètre qualité et comme la prothèse est trop grande, il lui arrive souvent de bouger moins vite que mon œil valide. Quand la caméra était allumée ça provoquait des effets de flou, des ombres, des déformations, sans compter que les couleurs y sont très mal rendus. Alors je l'ai désactivée même si ça réduit un peu mon champ visuel. »

Des explications complètes. Je ne voulais pas avoir de secrets pour Darth Héméra. Du moins pas de ce genre. Elle était ma Maîtresse, elle avait parfaitement le droit de savoir de quoi il retournait avec mon œil prothétique. Evidemment perdre en vue était handicapant en situation de combat mais mieux valait perdre un peu et me fier à mon … enfin la Force que de voir flou et ne pas savoir où frapper. Mais bon, mon œil ne reviendrait jamais et j'avais mis du temps à l'accepter, c'était maintenant chose faite, un jour peut-être que j'aurai les moyens de m'offrir une bonne prothèse. D'ailleurs ça gagnait combien une acolyte Sith ? Pas le temps d'y réfléchir, j'avais réussi à faire lever les yeux au ciel de ma Maîtresse en m'exclamant de surprise. Je n'avais jamais rien pensé avoir de bien spécial à part mon don pour le combat mais ma Maîtresse pensait autrement. Elle voyait un potentiel en moi, j'aurai pu être flattée, m'enorgueillir mais à la place c'était un sentiment d'humilité et de devoir que je ressentais. Darth Wrath m'avait cherchée sur le vaisseau mais ma liberté je la devais à cette femme alors je ne pouvais que promettre de tout faire pour ne pas décevoir les espoirs placés en moi. Ca aurait presque été parfait si je n'avais pas ensuite goûter le thé et me laisser surprendre par son amertume désagréable à mon palais. Je rajoutais du sucre, une cuillère d'abord, je goûtais, une seconde, parfait. Je sentis le ton changer cependant en écoutant ma Maîtresse. Mon bol de gruau terminé je le reposais et me concentrais désormais entièrement sur notre discussion. Tout le reste de la nourriture me faisait envie mais je comprenais bien que ça pouvait attendre vu la nature de notre échange.

Je parvins à réprimer ce frisson glacé qui parcourut mon échine quand ses yeux devinrent aussi froids que la mort tandis qu'elle me menaçait avec un succès critique. Je ne répondis pas, trop intimidée par son assurance et la puissance de sa stature. Revoir un sourire sur son visage me permit de recommencer à respirer un peu alors qu'elle m'expliquait ma méprise. L'amour de tuer était une qualité ? J'avouais ne pas vraiment savoir comment interpréter ces paroles, dans le cadre d'un combat bien sûr qu'il vaut mieux tuer qu'être tué mais aimer le faire pouvait être une qualité ? J'avais du mal à le concevoir, c'était contraire à la décence, non ? Bien sûr que ça faisait un bien fou, je l'avais ressenti à chaque fois, ce sentiment de puissance face à un adversaire vaincu et condamné, savoir que c'est la fin pour lui. Mes yeux se vidèrent un instant alors que je m'égarais dans un souvenir d'un tel moment où le public avait voté la mort de mon adversaire. Je pouvais me voir de l'extérieur, j'approchais de lui, du sang coulait d'une de mes lèvres, il m'avait cassé une dent du manche de son arme et maintenant je pouvais me venger. Il me demandait de ne pas le faire mais cette ivresse, ce plaisir malsain m'envahissait déjà et j'écrasais le manche de ma vibrolame sur son nez de beau-gosse musclé une fois, une deuxième, une troisième et toujours ce plaisir qui s'alimentait en moi, grandissait, un plaisir comparable à celui du sexe dans sa façon de faire vibrer mon corps et ce gémissement de plaisir en tranchant sa gorge lentement de mon vibrocouteau.

Je ne le réalisais pas vraiment mais si Darth Héméra l'avait voulue, elle aurait pu voir tout ce souvenir avec aisance rien qu'en effleurant mon esprit. Je ne me rendais pas non plus compte que dans cet égarement d'à peine deux ou trois secondes chaque coup porté sur le visage de l'esclave m'avait fait mordre ma lèvre, très suggestive, et que ce gémissement poussé dans l'arène l'avait été face à Darth Héméra. Ses paroles me ramenèrent sur Ziost et je secouais la tête doucement pour sortir de ma torpeur pensive tout en l'écoutant.

« Des milliers, Maîtresse ? »

Ca me paraissait impensable et pourtant je savais pertinnement que c'était la vérité qu'elle avait exprimé. Aurait-ce dû provoquer un nouveau frisson de peur ? Il n'y avait que de la fascination dans mon regard pour elle en cet instant, était-il vraiment possible d'obtenir un tel pouvoir ? Le pourrai-je moi aussi ? Une nouvelle gorgée de thé alors que la Dame Sith me posait une question. Mes lèvres s'ouvrirent dans ce qui avait manqué d'être une réponse spontanée mais je les refermais sans un son et pris le temps de réfléchir quelques secondes.

« Je pensais dire le plaisir mais je ne crois pas que ce soit ça. Je dirai plutôt que c'est la conviction derrière le meurtre. Le meurtrier agit par instinct, par envie. L'assassin agit par devoir. »

Je n'étais pas vraiment sûre de ma réponse mais c'était ce qui me semblait le plus logique par rapport à cela que m'amenait mon raisonnement sur les paroles de la Darth. J'attrapais une assiette d'oeufs brouillés en me rasseyant dans le fauteuil, un peu plus à mon aise, je me rendais compte que je me sentais de mieux en mieux au contact de la Dame Sith et cela malgré sa terrifiante menace.

Voir même les yeux fermés ? J'avais réussi à faire de petites choses grâce à la Force mais voir grâce à elle je ne l'avais jamais fait. Enfin je crois. Mais la possibilité de remplacer ma prothèse était parfaitement faisable et sur cette planète en plus. Je devais l'avouer la possibilité était tentante mais d'un autre côté voir à travers la Force devait avoir ses avantages également. Et puis la possibilité de voir à travers la Force posait une autre question qui soudainement me vint à l'esprit mais que je décidais de formuler après mes premières réponses concernant ma décision.

« Peut-être devrai-je la remplacer alors, au moins dans un premier temps. Un œil en moins reste un handicap et je ne veux pas vous décevoir dans ce que vous m'apprendrez. Avoir l'usage de mes deux yeux facilitera sans doute beaucoup de chose et ça ne m'empêchera pas d'apprendre à voir à travers la Force pour le jour où je ne pourrai plus compter sur mes yeux. »

Si je pouvais voir correctement et apprendre dans le même temps à voir à travers la Force je pouvais gagner sur les deux tableaux. En combat lorsqu'on avait un avantage il fallait l'utiliser jusqu'au bout et le filer jusqu'à la victoire, ne surtout pas le laisser passer. Voilà ce qu'il semblait logique de faire selon moi. Cependant maintenant je pouvais poser une question à Darth Hemera.

« Maîtresse … Il y a quelques mois, des esclaves ont tenté de fuir le vaisseau. Je savais que ça ne marcherait pas mais une de ces esclaves était une amie et il s'est passé quelque chose de bizarre. Je suis restée dans ma chambre, sur mon lit mais c'est comme si … j'étais devenue un fantôme, je la suivais, je pouvais voir ce qui se passait, les tirs dans les couloirs, la répression des gardes et sa … sa mort. Est-ce que c'est la Force qui m'a permis de faire ça ? »

Etait-ce ça de voir à travers la Force ? J'imaginais aisément que ça pouvait être très pratique pour un assassin de savoir où se trouvaient les dangers et personnes sur son chemin mais en combat ? Pas sûr que de laisser divaguer mon esprit me donnerait un quelconque avantage sur qui que ce soit. Oh bien sûr je n'étais pas consciente que ce que je venais d'exprimer n'était qu'un petit bout d'un don que la Force m'avait fait et j'étais moins consciente encore de l'étendue de ce don. Innocente jeune femme qui terminait ses œufs brouillés et revenait à son thé, l'estomac plein pour la première fois depuis bien longtemps.

« Oui … C'est vrai, c'est aussi plus facile parce que c'est plaisant. »

Je confessais cela sur un ton un peu gêné, le souvenir des pointes d'excitations ressenties juste un peu plus tôt ne manquèrent pas de me faire rougir un peu les joues alors que je buvais une gorgée de mon thé. Avec deux sucres c'était délicieux. Apprendre que la Dame Sith avait encore quelqu'un au-dessus d'elle s'avéra surprenant. Elle dégageait cette espèce d'aura puissante que je pouvais ressentir ou alors me la faisait-elle ressentir volontairement aussi intensément ? Est-ce qu'elle pouvait faire ça ? Si elle voulait m'impressionner c'était une réussite.

« Je n'ai jamais entendu parler de Hapès, Dame Héméra. »

Au moins j'avouais que je ne savais pas mais à vrai dire je ne savais pas grand chose non plus sur le Consortium Eternel et sur les Sith. Mais je rassemblais ces quelques souvenirs, qui en fait n'étaient peut-être même pas vraiment des connaissances.

« Sur les Sith et le Consortium Eternel, je crains de ne savoir que peu de choses et sans doute fausses. Les lectures que mon maître m'autorisait étaient plutôt des romans de fiction que des livres instructifs. »

Alors j'avais appris en laissant trainer mes oreilles, en regardant quelques holos d'information mais l'information ça n'était jamais que la vision qu'avait la personne qui l'enregistrait. Parfois les Jedi étaient les gentils et parfois c'étaient les Sith, pour le même événement, tout ce qui changeait était le narrateur.

« Je crois que j'ai entendu un jour un rodien ou peut-être un sullustéen ? Je ne sais plus trop mais il se plaignait de "toutes les salopes du Consortium", je mimais les guillemets, qui l'empêchaient de faire son trafic correctement. Alors je pense que le Consortium est presque exclusivement féminin. »

Mais j'étais consciente que c'était plus une déduction qu'un véritable savoir.

« Ca doit vouloir dire aussi que le Consortium est plutôt important dans la galaxie parce que … enfin je veux dire … Darth Wrath par exemple ou vous-même, Maîtresse, je peux le sentir, vous dégagez quelque chose de puissant et de sombre aussi, d'effrayant même. Les Jedi ne laisseraient pas se développer ainsi le Côté Obscur mais ils ne sont pas là avec un sabre-laser à la main donc c'est qu'ils y réfléchissent et qu'ils ont peur de venir. »

Encore une fois ce n'était qu'une suite de conclusions, j'aimerai mieux lui donner des choses plus rationnelles, que j'aurai appris vraiment plutôt que de filer des pensées pour en tirer des possibilités peut-être fausses.

« Les Sith … Je ne sais pas trop, j'en ai entendu parler comme tout le monde je pense mais ce que je sais vraiment c'est bien peu de choses. Ils utilisent la Force, se battent avec un sabre-laser, ils sont les ennemis jurés des Jedi et certains auraient régné sur la galaxie, je disais certains parce que j'étais incapable d'en nommer un seul, mais encore une fois je … je n'ai pas eu l'occasion de beaucoup m'instruire. »

Je le déplorais et c'était certain que j'allais corriger ça le plus rapidement possible. Pourtant derrière mon sentiment de gêne qui verrouillait mon regard sur ma tasse de thé, je demandais quand même.

« Est-ce que j'aurai aussi un sabre-laser un jour, Dame Héméra ? »

Mes paroles trahissaient encore une fois mes émotions sans même que je ne le réalise. Prédominant une fois de plus dans mon regard pétillant que j'avais relevé dans celui de la Dame Sith se trouvait la fascination pour cette culture que je découvrais avec curiosité. Juste derrière, une fois de plus, l'humilité comme si je parlais d'un objet sacré imprégné d'une histoire millénaire que j'aurai la chance de toucher, moi la petite esclave borgne de mes doigts sales de créature obéissante. Enfin, parce que c'était inévitable, il y avait aussi l'excitation. Je n'avais jamais vu de sabre-laser de mes propres yeux et dans les holos d'information que j'avais pu voir ce qui les maniait faisait des choses prodigieuses, ils étaient des sortes de héros. De super-héros. Alors l'idée de pouvoir devenir une héroïne un jour avait de quoi m'exciter.

Une prothèse fonctionnelle pour mon œil, c'était presque trop beau pour y croire. Je venais de rencontrer cette femme et elle m'offrait déjà bien plus que mon Maître précédent ne l'avait jamais fait. Oh elle n'avait pas dit que la prothèse me serait offerte mais la possibilité, un jour, de m'en fournir une était déjà incroyable. Cependant elle me promettait encore bien plus que cela et inévitablement ma curiosité grandissait, notamment pour la Force. Je réfléchissais donc à ce que j'avais fait qui sortait de l'univers par le passé et forcément le jour de la tentative d’insurrection des esclaves. Je partageais à la Dame Sith mon expérience si particulière de ce jour-là, je m'en souvenais avec précision, je savais désormais que c'était aussi lié à la Force mais rapidement d'autres explications vinrent s'ajouter aux premières initialement données. Alors la Force permettait ainsi de ressentir les choses de façon claires simplement en projetant son esprit. Ca me semblait encore si sur-réaliste mais pourtant devant mon expérience vécue et les explications de Darth Héméra, tout semblait parfaitement cohérent, logique.

« La Force permet-elle également de ressentir les choses avec une sorte de … d'anticipation ? De voir les choses avant qu'elles n'arrivent ? »

J'essayais de comprendre la portée de ce pouvoir qui sommeillait en moi, comprendre les cadres de la Force, la façon dont elle fonctionnait, dont elle se ressentait et se vivait. C'était particulièrement compliqué parce que ça avait l'air terriblement complexe mais dans le même temps en entendant ma Maîtresse quelque chose me rassurait. Dans ses propos elle expliquait que la Force était quelque chose de naturel qui était déjà en moi, je devais juste réussir à la comprendre et ainsi la développer. Désormais qu'elle allait me guider je pourrai apprendre rapidement, je m'en faisais la promesse à moi-même comme je l'avais fait verbalement à la Dame Sith. Par chance, je n'entendais pas les pensées sur ma capacité à faire la conversation, la réponse la plus spontanée qui me serait venue face à une telle remarque aurait sans doute beaucoup faire rire ma Maîtresse. Même si visiblement ce que j'avais entendu sur le Consortium avait eu le don de l'amuser. Je me rendais bien compte que je savais réellement peu de choses et que je me contentais finalement de quelques déductions mais j'estimais que c'était mieux que rien.

« D'accord, je comprends mieux sa phrase mais … qu'est-ce que c'est un super-repro … Oh … OH ! »

Je rougissais à ma propre stupidité, il fallait bien dire qu'à bord du vaisseau où j'avais été servi, gare à l'esclave qui aurait eu le malheur de tomber enceinte ou d'engrosser une riche cliente. Alors je n'avais pas poussé ma pensée jusque là avant de commencer à prononcer le mot en soit mais oui, c'était cohérent pour une civilisation où la femme avait la part-belle. J'écartais ces pensées et me concentrais sur un instant de politique galactique. Je commençais à me faire une hiérarchie dans ma tête mais décidais de la vérifier avec ma Maîtresse.

« Donc, si je comprends bien … L'Ordre Sith est dirigée par une Dame Noire tandis que le Consortium est régi par la Reine Eternelle et tous deux sont une même personne. Vous-même êtes une Dame Sith donc au service de l'Ordre Sith et sa Dame Noire qui est aussi votre Reine par le Consortium. Mais alors … Je ne comprends pas … Si elle régit l'Ordre Sith et le Consortium, comment leurs intérêts peuvent-ils diverger ? »

J'essayais de me figurer un schéma dans ma tête, en haut la Dame Noire Sith et Reine Eternelle d'où partaient deux traits, l'un vers l'Ordre Sith et l'autre vers le Consortium Eternel, seulement ce n'étiat pas si simple puisque l'on pouvait servir l'un ou l'autre mais potentiellement aussi les deux en même temps. J'imaginais aisément qu'un mâle n'aurait aucune chance à servir le Consortium dans le même temps que l'Ordre Sith mais … comment savoir alors quels intérêts devaient passer en premier ? Par exemple à la place de ma Maîtresse, face à un choix où l'un serait favorable à l'Ordre Sith uniquement et l'autre à l'Ordre Sith et au Consortium, comment trancher ? Merde. Moi qui trouvais difficile de choisir dans un menu ce qui me faisait envie.

« Qui sont les autres forces de la Galaxie ? Il y a sûrement la République et les Jedi ? »

Par chance la discussion s'allégea un petit peu lorsque Darth Héméra commença à me parler de sabre-laser et me présenter le sien. Je regardais la vibro-épée à ma hanche, consciente qu'elle avait raison mais pourtant résignée à m'en débarrasser. Elle et moi nous en avions vu des vertes et des pas mûres, elle m'avait sauvée la vie plus d'une fois et en échange je l'avais fait passer de lame bon marché émoussée à tranchante comme un … enfin plus tranchante parce que le métal restait de piètre qualité. Pourtant un pincement au cœur me prit à l'idée de m'en séparer.

Je fus tirée de mes pensées en voyant la lame s'activer devant moi. Toute lumière semblait avoir été absorbée par l'intensité rougeoyante qui s'était dévoilée. C'était la première fois que je voyais un sabre-laser de mes propres yeux et c'était aussi magnifique que dangereux. J'aurai presque envie de toucher cette lame d'énergie tant mes yeux la trouvaient fascinante. J'écoutais toujours attentivement ma Maîtresse et hochais la tête à ses paroles. Me constituer un arsenal. Je tirais le vibrocouteau, d'excellente facture pour le coup, de son étui fixé à ma cuisse.

« J'aime beaucoup de couteau et je suis assez adroite avec. Comme pour ma vibroépée même si vous avez raison, elle est de bien piètre facture. »

Cet aveu me faisait mal, je possédais bien peu de choses et j'allais devoir me séparer de l'une d'elles, c'était un sentiment désagréable.

« Est-ce … Est-ce qu'il est possible de tuer quelqu'un rien qu'en utilisant la Force ? »

Nous parlions d'arsenal, d'armes et la Dame Sith m'avait dit que la Force était une arme redoutable quand on savait la manier mais était-il possible de tuer quelqu'un rien qu'en y pensant ? J'avais bien entendu parler un client un jour, complètement ivre, il s'était vanté d'avoir fait arrêter le cœur d'un bantha en le regardant dans les yeux pendant trois heures. Je devais avouer ne pas avoir l'application pratique pour tuer quelqu'un qui nous menaçait si ça prenait trois heures sans cligner des yeux mais ça pouvait toujours être utile j'imagine … Pour menacer peut-être ? Je n'étais pas certaine que je prendrais au sérieux quelqu'un qui me disait pouvoir faire arrêter mon cœur de battre en me regardant trois heures dans les yeux. Enfin si. Je crois Darth Héméra parce que derrière la fascination, la curiosité et la sympathie qu'elle m'inspirait, je ressentais toujours cette aura qui s'échappait d'elle et qui me disait que son petit doigt était plus dangereux que moi entière.

Des questions sur la Force j'en avais d’innombrables mais je jugeais bon de ne pas assaillir ma Maîtresse de questions aussi diverses que variées. Je préférais y aller une question à la fois, pouvoir comprendre et appréhender les réponses qu'elle m'apportait pour mieux percevoir ce qu'était la Force. Dans ses paroles tout ce qui était lié à la Force semblait si simple, si accessible, même sa façon de faire léviter distraitement les fruits au-dessus de sa main. Il me fallait encore me concentrer pour parvenir à attirer un objet vers moi même si je parvenais à déplacer des objets de taille conséquente. Ignorante que j'étais de penser qu'une table était conséquente quand la Force pouvait bouger des vaisseaux entiers. La naïveté avait du bon. Les ignorants n'étaient-ils pas bénis après tout ? L'ignorance était un beau cadeau mais j'avais fait le choix du savoir et désormais je ne pouvais plus qu'arpenter ce chemin qui se dessinait devant moi et sur lequel Darth Hemera serait ma guide.

« Alors la Force agit aussi de façon inconsciente. »

Une fois de plus je réfléchissais à voix haute, je me souvenais de ces combats où la défaite semblait toute dessinée. Ma concentration avait été bien plus importante que dans d'autres combats plus faciles, dans ces moments j'avais parfois eu l'impression de savoir exactement ce qu'allait faire mon adversaire. Je comprenais à présent que sans le vouloir j'avais employé mes talents dans la Force. Il restait donc à apprendre à les utiliser consciemment parce que voir ce qui allait arriver, même un tout petit peu à l'avance, était un avantage important dans de nombreux domaines. Pour le combat surtout ça allait de soi mais je ne doutais pas que les applications puissent être multiples. Je ne pouvais pas le nier, j'aurai aimé savoir ce qui allait advenir de la décision que j'avais prise de me joindre au Consortium Eternel sous la coupe de la Maîtresse des Assassins. D'un autre côté, savoir comment ça allait finir pourrait fausser le chemin à suivre.

En plus j'avais bien d'autres choses à penser alors que la Dame Sith me parlait de politique galactique, un domaine très nouveau pour moi dont la Darth était ma première professeure. Je l'écoutais attentivement, me ridiculisais sur une évidence et me reprenais sur mes conclusions et pensées apparemment cohérentes. Dans ma tête je me dressais donc un schéma, une espèce d'organigramme pour mieux comprendre les propos de ma Maîtresse. Je hochais silencieusement la tête, pendue aux lèvres de mon interlocutrice. Le schéma se dessinait et je comprenais mieux maintenant ce qu'elle avait voulu m'expliquer. C'était parfaitement cohérent donc. Pourtant quelque chose me chiffonnait encore dans cette façon de faire.

« Mais … »

Je n'eus pas le temps de poser ma réflexion, ayant pris la parole en même temps que la Dame Sith continuait son explication je me taisais et l'écoutais répondre à mes questions silencieuses. Alors ça arrivait que des Sith s'entretuaient. Ca semblait terriblement contre-productif et dans le même temps étrangement logique. Le plus fort ou malin survivait, c'était une forme d'élitisme un peu étrange qui avait ses inconvénients et ses avantages. Ca voulait aussi dire vivre dans un certain niveau de crainte puisque d'autres pourraient convoiter ce que d'autres avaient par simple avidité. Je notais les paroles de ma Maîtresse dans un coin de mon esprit en hochant la tête, je suivrai précieusement ses recommandations cependant une double-question franchit mes lèvres.

« Comment puis-je savoir si je peux avoir confiance en ce que vous allez m'apprendre ? Ne serait-il pas dans votre intérêt de m'entrainer en vous assurant que jamais l'élève ne dépasse le Maître ? »

On convoitait toujours un pouvoir qu'on jugeait plus important que le sien, ça je le savais parfaitement toute esclave que j'avais été. Alors forcément celui qui apprenait voudrait dépasser son tuteur mais son tuteur voulait sans doute garder sa place ? Comment instaurer de la confiance dans un univers pareil ? Y avait-il encore une candeur qui m'empêchait de comprendre ce que Darth Hemera m'expliquait ? Encore une fois ces pensées furent chassées par la suite des explications qui portaient sur la République et Jedi ainsi que l'Empire et ses Chevaliers Impériaux. Je ferai mes devoirs pour en apprendre plus sur ces deux groupes, leur fonctionnement et tout ce que je pourrai savoir et découvrir sur eux.

La discussion s'allégea en parlant d'armes, là j'étais un peu plus en terrain connu mais le sujet de ma vibro-lame était délicat. C'est que j'avais bien peu de choses et l'une de ces choses était cette arme qui m'avait sauvée de nombreuses fois. C'était idiot mais j'y tenais. Comme à ce couteau mais là j'accueillis l'approbation de la Dame Sith avec soulagement, c'était un couteau de classe militaire stylisé et soigneusement entretenu, dangereux à souhait. Pourtant j'avais déjà compris à travers les mots de ma Maîtresse que l'arme la plus dangereuse à mon service était la Force, je ne pus donc m'empêcher de demander s'il était possible de tuer par le biais de la Force. La réponse fut positive et ma curiosité, sans doute déplacée, fut piquée, brillante dans mon œil valide. Mon regard balaya la pièce, bûche enflammée dans la cheminée, lustre lourd pendu au plafond, décorations tranchantes et contondantes, lorsque je reportais mon regard sur ma Maîtresse j'avais parfaitement compris ce qu'elle voulait dire.

« Aurai-je aussi un sabre-laser lorsque j'aurai maîtrisé la Force ? Qu'importe … Je suis prête à apprendre, Maîtresse. »

Oh, prête n'était certainement pas le mot qui convenait au sentiment qui m'habitait. C'était de l'impatience liée à de la curiosité, que j'étais prête à apprendre ça je le lui avais déjà dit en acceptant son offre.

Chaque précision, chaque parole de ma nouvelle Maîtresse s'inscrivait dans un coin de mon esprit et n'en sortirait probablement jamais. C'était d'ailleurs étrange de réfléchir au sens que prenait désormais ce mot dans ma vie. J'avais connu bien des Maîtres et des Maîtresses, c'était ainsi que certains aimaient à se faire appeler mais un seul avait été véritablement mon Maître. Mon propriétaire. Finalement aujourd'hui j'avais une nouvelle Maîtresse mais les choses étaient très différentes d'après ses propres paroles mais aussi ses actes. Jamais je n'aurai mangé en présence de mon Maître Chiss, il ne l'aurait jamais toléré. Jamais je n'aurai eu la chance de pouvoir choisir ce que j'allais manger et moins encore avoir le droit d'exprimer mon avis sur les mets que je goûtais. Darth Hemera avait parfaitement raison, j'avais beaucoup à apprendre, à découvrir mais pas que sur la Force, la Galaxie ou les Sith. Sur moi-même. Alors peut-être certaines de mes questions pouvaient-elles sembler bien peu à propos ou très infantiles, elle témoignait surtout de mon manque de vécu personnel. J'avais fait des erreurs mais en faisant ce que d'autres me demandaient et dès jeune j'avais compris que faire une erreur en faisant comme on me le demandait m'apportait moins d'ennuis que d'échouer en voulant faire d'une façon personnelle. Alors j'avais appris à taire cette petite voix qui me disait de faire plutôt comme ci ou comme ça. C'était tout simplement plus facile pour moi. Maintenant je devais apprendre tout le contraire et comme le devinais habilement ma nouvelle Maîtresse dans mon monde la confiance et la fidélité n'avaient toujours été dus que d'un seul côté. J'avais toujours dû donner à mon Maître parce qu'à tout moment il aurait pu se débarrasser de moi, me vendre à un autre et qui pouvait savoir ce qu'il serait advenu de moi alors ? Libérée ? Ca n'était même plus un fantasme à mon niveau il y a encore deux jours de cela. Aujourd'hui les choses étaient différentes, aujourd'hui je ne voudrais pas revenir en arrière même si j'avais beaucoup à apprendre.

Ce fut donc silencieusement que j'accueillis les paroles de Darth Hemera sur la confiance mutuelle. En me libérant elle avait d'ores et déjà gagné une grande part de respect de ma part, en me traitant comme elle le faisait elle marquait encore des points. Pourtant elle m'avait dit de rester méfiante des autres, cela devrait s'appliquer à elle. Je n'y arrivais pas. Un peu comme cette candeur qui me ferait accepter un cookie de Dame Yenna dans quelques jours simplement parce que … et bien ma Maîtresse lui faisait confiance et ça me suffisait. J'en étais bien certaine, un jour ma Maîtresse s'en servirait contre moi pour me donner une leçon, ça ne faisait pas un doute car les leçons qui s'imprimaient le mieux étaient aussi les plus douloureuses. Un peu comme d'apprendre que j'allais devoir me séparer de ma vibrolame. C'était stupide d'y être attachée comme je l'étais mais elle faisait partie des très rares choses qui m'appartenaient vraiment et je n'avais aucune envie de m'en séparer. Pourtant je l'acceptais aussi pour Dame Hemera, de toute façon ça semblait être un ordre et si j'étais bien bonne à une chose c'était à suivre les ordres.

« Je le ferai, Maîtresse. Je m'en montrerai digne. »

Mes mots sonnaient peut-être comme une promesse et c'en était une. Je lui promettais cela sans le moindre problème même si j'étais surprise d'entendre que ça arriverait bientôt. Je m'attendais à devoir faire mes preuves des mois durant. Je terminais mes œufs et ma tasse de thé alors que ma Maîtresse disait vouloir me voir à l'oeuvre. Je posais mon assiette et ma tasse sur la table avant d'opiner.

« Je suis prête à y aller. »

En fait je devais l'avouer j'avais même une certaine hâte de pouvoir y retourner et me défouler un peu parce que pour être vraiment sincère, ces discussions avaient éclairci certains angles et assombris d'autres, instillant un besoin de savoir et de comprendre à présent, de réfléchir mais aussi de vider un peu mon esprit des doutes qui s'y étaient installés. Serai-je à la hauteur ? Etais-je assez prometteuse ? Ou cette lame pourpre qui m'avait hypnotisée quelques minutes plus tôt allait-elle faire sauter ma tête comme un bouchon de champagne ? J'avisais pourtant la table en demandant avec toute mon habitude.

« Souhaitez-vous que je débarrasse avant ou après l'entrainement ? »

Alors que j'étais toujours assise face à Darth Hemera, terminant mon petit déjeuner en savourant désormais cette boisson maintenant que l'amertume en était moins prononcée, je commençais à me poser des questions. J'avais fait des promesses, même sans le dire ouvertement, j'espérais que je serai à la hauteur des attentes que la Sith semblait commencer à placer en moi. Ce n'était pas évident de m'imaginer à la hauteur alors que toute ma vie je n'avais fait qu'obéir, danser pour le plaisir de certains, coucher pour le plaisir d'autres, me battre pour le bonheur des parieurs. Je n'avais jamais été en position de réellement faire une promesse, alors dire à la Dame Sith que je ferai en sorte de faire honneur à ses enseignements, ce n'étaient pas des paroles en l'air pour moi. C'était pratiquement un serment inviolable dans mon esprit car cette promesse silencieuse je la faisais tant à la Sith que je me la faisais à moi-même. Je voulais être à la hauteur, je le devais, ne serait-ce que pour la remercier de m'avoir permise de me libérer de ma situation d'esclave.

Cependant alors que je commençais à me dire que j'évoluais déjà, je ne me rendais pas compte combien mon naturel était encore proche. Oui, j'étais libre mais cette liberté toute nouvelle venait avec des habitudes qui seraient à corriger. D'abord impressionnée par la pose adoptée par ma Maîtresse, son regard était plus rassurant, moins intimidant que son langage corporel et me rassura. Je hochais la tête à ses paroles et je me notais d'enquêter rapidement sur les tâches qui incombaient aux droïdes pour ne plus fauter aussi stupidement. Sans une parole et après juste un petit hochement de tête que Darth Hemera n'aura jamais vu puisqu'elle marchait déjà, je me lançais sur ses talons. Je savais que c'était mal mais en marchant je ne pouvais m'empêcher de la regarder de pied en cap et inversement. J'essayais de savoir, de comprendre d'où venait ce sentiment de puissance qui émanait d'elle. Physiquement elle était parfaitement en forme mais je l'étais moi aussi, alors pourquoi avais-je le sentiment qu'elle pourrait me broyer d'une seule main ? Elle dégageait quelque chose de puissant par sa seule présence, comme une aura, une sensation indescriptible qui l'enveloppait et se propageait dans toutes les directions. C'était presque un avertissement à quiconque voudrait tenter de lui nuire.

Lorsque nous arrivâmes dans la cour je cessais pourtant de l'observer de la sorte, je ne voulais pas qu'on aille imaginer que je regardais ses fesses ! Très belles d'ailleurs mais ça c'était une autre histoire qui n'avait aucun intérêt. Je sentais les regards passer rapidement de la Dame Sith à moi, j'aurai pu me sentir gênée mais c'était loin d'être le cas. Les regards posés sur moi je connaissais bien. Danser, me déshabiller, m'offrir, me battre, j'avais eu droit à un panel complet de regards pendant ces activités : intérêt, pervers, déception, joie, ça me laissait indifférente, je me contentais de rester focalisée sur ma Maîtresse qui venait de prendre à partie un jeune homme, sensiblement de mon âge avec qui elle voulait me voir m'entrainer. Elle précisait ne pas vouloir de mort, voilà qui sous-entendait long sur les dangers des entrainements, ça ne m'inquiétait pas, j'avais vu la mort de près bien assez de fois en combattant pour savoir que chaque combat pouvait être le dernier. Je me mis face au jeune homme qui décida d'entamer les hostilités de façon verbale par un petit sobriquet. J'étais candide et je le savais, sur bien des choses, pas lorsqu'il s'agissait de se battre cependant. En un instant mon attitude un peu timide, comme on m'avait enseignée qu'une esclave était invisible derrière son Maître, changea lorsque j'entrais en concentration pour me battre. Mon corps se tendit, mon regard s'intensifia, mes muscles tendus, prête à me battre.

« Bon combat. »

Je répondais cela d'un ton neutre, quoi que sincère, avant de m'incliner. Sur le Fhloston ça faisait partie des obligations car le salut était le moment qui venait clore les paris sur le combat. Ici ce n'était pas la norme de toute évidence de saluer et je vis mon adversaire se lancer immédiatement à l'assaut au moment où je m'inclinais. Ce n'était pas le premier à me faire le coup, son prédécesseur avait réussi à me frapper au visage, lui ne déplaça que de l'air alors que je m'écartais vivement. Je le jaugeais rapidement alors qu'il se remettait en position pour se défendre en cas de contre-attaque mais je préférais pour l'instant analyser. Physiquement je ne prendrai clairement pas le dessus par la force, cependant de ce que j'avais pu voir ma vitesse pourrait me donner l'avantage, si j'étais également plus endurante je pourrai prendre le dessus. Il attaqua à nouveau, bien décidé à jouer sur sa force physique qui était clairement son avantage et il l'avait bien identifié. J'esquivais un crochet à faire voir des étoiles à un nogri en pliant rapidement les jambes, je reculais ma jambe droite dans la foulée quand son pied tenta de me frapper, je ripostais d'un coup direct à l'abdomen qu'il bloqua avec autorité, chacun de nous prit un pas de recul. Son visage marquait un certain amusement qui me semblait plus une forme d'impatience, il avait dû croire que ce serait facile. Je restais impassible, entièrement concentrée, consciente que je n'avais pas le droit de me laisser toucher plus de trois ou quatre fois avec la force qu'il avait. Il repassa à l'assaut, il avait diminué la violence de ses coups pour plus de vitesse, cela me permit de parer plutôt que d'esquiver, j'étais encore plus rapide que lui cependant mais ses réflexes demeuraient toujours aussi rapides. Je parais un direct vers ma mâchoire, envoyais un balayage à hauteur de mollet qu'il esquivait à son tour avant de lancer un coup de pied en retour sans vraie force, d'avantage pour m'empêcher de continuer mon attaque. Je décidais de l'ignorer, je troquais un impact sec mais pas vraiment violent dans ma cuisse contre un coup de poing qui atteignit sa cible au niveau de son plexus. Il balaya violemment l'air d'un crochet puis son retour, je me baissais pour esquiver les deux, frappais deux fois à hauteur de son plexus et son foie, je touchais le foie à plein impact, il bloqua le coup au plexus avant de me le rendre, me faisant reculer un peu. A peine le temps d'une inspiration, il revenait à la charge, semblant de plus en plus impatient ou agacé. Il semblait désormais plus réactif, plus rapide, mais je rivalisais toujours même si je vis son poing passer bien trop près de mon visage à deux reprises, son pied réussit à venir frapper ma cuisse à nouveau, au même endroit mais plus durement, alors que mon poing vint frapper la pointe de son menton et faire claquer ses dents. Il recula sous la surprise, je décidais d'ignorer la douleur dans ma cuisse et de pousser mon petit avantage, le forçant à se mettre sur la défensive. Je parvins à prendre l'ascendant pendant quelques instants, l'obligeant à reculer et lancer de vaines contre-attaques, je touchais son torse à plusieurs reprises en abusant de ma vitesse, son poing heurta ma poitrine mais la douleur semblait se muer, provoquant un gémissement qui semblait de plaisir alors que je continuais mon assaut. Il attrapa un de mes poignets, pas grave, ma deuxième main était libre et allait frapper sa tempe, avec un peu de chance ça pourrait suffire.

« AAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHHHHHHH »

Un intense cri de douleur s'arracha à mes lèvres alors que j'étais brutalement projetée en arrière. Je tombais durement sur le sol, le dos en premier ce qui bloqua mon souffle qui me servait à laisser entendre encore ce cri de douleur tandis que de petits éclairs terminaient de parcourir mon corps. Je le vis s'approcher et voulais me relever mais je sentais encore l'électricité qui parasitait mes muscles, ce ne fut qu'à la dernière seconde que j'esquivais en roulant sur le côté un coup de poing qui aurait dû s'écraser dans mon visage. Je me relevais en envoyant un pied vers sa poitrine, je touchais, le faisant reculer, tentais de revenir à l'attaque, le vis tendre sa main, un nouvel éclair en jaillit, je croisais les bras devant moi dans un vain effort pour me protéger. L'électricité me parcourut à nouveau, me projetant à nouveau au sol, parcouru d'un éclair qu'il ne fit cesser qu'en entendant l'ordre de ma Maîtresse.

Le combat avait commencé sans attendre, de toute évidence le jeune homme voulait en finir vite et fort avec moi, il n'avait même pas pris le temps de saluer pour passer de suite à l'attaque. Par chance on me l'avait déjà fait celle-là et je pus rapidement me reprendre et réagir à cette attaque-surprise pour l'esquiver. Je n'appréciais pas vraiment ce manque de manières, après tout les manières c'était justement une chose qui avait toujours été une constante dans ma vie, d'une importance capitale pour ma place et mon rang dans la "société" au sein de laquelle j'avais grandis. Cependant j'imaginais aussi assez aisément qu'en cas de conflit, un ennemi ne prendrait pas le temps de prévenir. Ca ne voulait pas dire qu'au moment d'un duel il fallait perdre toute forme de dignité, pas vrai ? J'oubliais rapidement cette considération car le combat commençait vraiment et que je savais que ça n'allait pas être facile. Sa puissance physique imposante face à ma vitesse, chacun de nous cherchait à jouer de son avantage. Je ne pouvais pas me permettre d'être touchée à pleine force par ses coups, il m'en faudrait en revanche plusieurs pour réussir à avoir le même effet qu'un seul des siens. Deux styles très différents venaient donc s'affronter et chacun de nous jouait sa partition à merveille. Chacun de nous s'appuyant sur ce qui le rendait plus fort que l'autre. Je ne voyais pas à quel point nous étions équitables, j'avais toujours eu une sorte de regard déformant me concernant, je me voyais toujours plus faible, moins efficace, une façon de toujours m'en demander plus mais pas nécessairement la bonne.

Aussi je ne vis pas combien le combat fut équitable tant que nous demeurâmes sur des sentiers que je connaissais bien, ceux du combat au corps à corps pur et dur. Ses coups déplaçaient majoritairement de l'air, mes coups touchaient mais sans parvenir à me donner un avantage décisif, jusqu'à ce que je vis une ouverture. Je pensais pouvoir pousser mon avantage et ça aurait pu être le cas, sans cette violente décharge électrique qui m'envoya au sol dans un hurlement déchirant de surprise et de douleur. C'était la Force bien sûr, j'avais un peu lu dessus, pas encore assez de toute évidence, jusqu'à maintenant je l'avais surtout utilisée de façon involontaire et si j'avais lévité quelques petits objets dans ma chambre sur le Fhloston je n'avais jamais pris temps de développer ce don réellement. Mon plus beau succès devait sans doute demeurer d'avoir fait léviter le couteau jusqu'à moi le jour où mon œil a été blessé. J'ignorais même le don qui m'habitait, celui de la méditation de combat, précisément ce que Darth Hemera avait ressenti quand je l'avais, involontairement à nouveau, utilisé pendant le soulèvement des esclaves du Fhloston. Il semblait avoir immédiatement compris que le combat venait de basculer avec la Force, c'était un avantage trop lourd, trop puissant, une leçon bien douloureuse à apprendre car la seconde fois que ses éclairs me touchèrent, ils ne cessèrent pas comme la première fois. J'ignorais combien de temps avait filé, à peine cinq petites secondes qui me parurent une éternité douloureuse à pousser un hurlement silencieux de douleur jusqu'à entendre la voix salvatrice de ma Maîtresse qui mettait un terme à ce calvaire. Quelques secondes encore pour reprendre mes esprits et desserrer mes dents. J'avais mal et plus de mal encore à me mouvoir. Je finis par rouvrir mes yeux pour voir ma Maîtresse tendre sa main alors qu'elle venait de congédier le jeune homme.

« Je … je peux continuer Maîtresse. »

Je prononçais ces mots avec conviction mais ma voix déraillait encore des effets des éclairs quelques instants auparavant. Je tentais d'être convaincante sans réaliser que ce n'était pas vraiment un succès retentissant. Je regardais sa main tendue et rougis un peu en baissant la tête.

« Je suis désolée, Maîtresse, je n'ai pas été à la hauteur, je ne sav… je n'ai pas pu vous faire honneur. »

Je voulais dire que je ne savais pas comment me défendre face à cette attaque mais non, je n'avais aucune excuse, je n'avais simplement pas été à la hauteur du défi lancé par ma Maîtresse. C'était penaude et le visage bas que je prenais sa main pour m'aider à me relever du moins l'espérais-je. Sur le Fhloston un échec, une défaite, s'accompagnait toujours irrémédiablement d'une punition toujours plus douloureuse et souvent plus humiliante encore que la défaite en elle-même.

Ca n'avait pas été plaisant le moins du monde. Je n'étais pas idiote, je savais que j'aimais la souffrance dans une certaine mesure, j'aimais l'encaisser mais aussi la procurer mais les Eclairs de Forces étaient bien au-delà de ce que je pouvais subir et y trouver "plaisir". Allongée au sol, à ne plus pouvoir que subir les assauts du jeune homme, tout n'avait été que souffrance, ce genre de souffrance qui semblait pouvoir durer encore et encore sans jamais vouloir s'arrêter. Le genre qui, à long terme, pouvait vous faire perdre la tête. Etait-ce là le vrai pouvoir du Côté Obscur ? Pouvait-on faire perdre totalement l'esprit à quelqu'un au seul moyen de ces Eclairs de Force ? La réponse m'avait parue évidente tandis que je gisais au sol, assommée par la puissance des éclairs, l'esprit et le corps torturé dans une seule et longue douleur qui ne s'arrêta qu'à l'ordre de ma Maîtresse. Pourtant je ne manquais pas d'affirmer à ma Maîtresse que je pouvais continuer, que je voulais continuer. Je sentais encore les effets des Eclairs, douloureusement s'entend, je n'avais pas encore réalisé combien ils avaient engourdi mes muscles. Ca je le réalisais lorsque je me redressais en position assise avec cette impression de flotter légèrement au-dessus du sol, comme si mes fesses et mes jambes n'étaient pas vraiment en contact avec le sol. Bouger était pénible et je réalisais que j'étais engourdie, de la tête aux pieds, même mon cerveau peinait encore à comprendre pleinement ce qui venait de m'arriver et l'état dans lequel je me trouvais. Je hochais la tête en entendant ma Maîtresse me dire que continuer n'était pas nécessaire. Elle avait raison, j'avais perdu et maintenant mon adversaire savait qu'il suffirait de retourner à cette technique pour prendre l'ascendant, il n'y avait aucun usage à continuer un combat déjà perdu et moins encore à le répéter.

Je m'attendais à être réprimée par ma Maîtresse pour ne pas avoir su lui faire honneur et je n'avais pas honte de le dire, juste de l'avoir fait. Je constatait ne pas avoir été à la hauteur pour Darth Hemera, dès mon premier jour à son service, un vrai déchirement, pour la première fois de ma vie je voulais servir dignement et j'échouais, c'était … pénible. Je pris toutefois sa main, persuadée qu'elle allait me guider vers un endroit privé pour me "corriger" ou même qu'elle allait le faire ici, pour rajouter encore à l'humiliation de ma situation. Non. Sa main fut ferme et douce à la fois pour me relever, c'était surprenant. Ses mots manquèrent de me faire baisser la tête si ça n'avait pas été pour ses doigts qui me poussaient à garder la tête relevé, mes yeux dans les siens. Ses paroles tentaient de me rassurer.

« Mais il n'y a pas de … »

Je me taisais immédiatement comme Darth Héméra me parlait des éclairs de Force. Je pouvais confirmer que ça n'avait absolument rien de subtil et que, pour le coup, ça annonçait très clairement la couleur : souffrance, souffrance, souffrance. C'était très uni comme couleur mais c'était également très clair et très impressionnant. Voir ses décharges électriques filer vers soi c'était toute une expérience, je le savais à présent.

« Pour cela, Dame Héméra, il me faudrait déjà en avoir un. »

Je disais ça sur un ton de discussion avant de réaliser que mes propos pourraient être compris de plusieurs façons.

« Enfin je … Je ne veux pas dire que … lorsque vous me jugerez prête et digne d'en avoir un, je m'en remets à votre jugement. »

Elle était bien mieux placée que moi pour décider si j'en étais capable ou pas. Après tout elle-même en avait un ou peut-être plusieurs selon la situation ? Moi je n'avais jamais eu le moindre entrainement à manier ce qui était sûrement l'arme personnelle la plus dangereuse de la galaxie. Cependant ce combat amenait aussi quelques autres questions, ma curiosité piquée à vif maintenant que mon esprit se remettait des éclairs.

« Pourrai-je apprendre à utiliser les Eclairs de Force ? Et si je n'ai pas de sabrelaser, n'y a-t-il pas d'autre moyen de s'en défendre ? De quoi d'autre est capable le Côté Obscur ? Accepteriez-vous de me montrer ? »

Je réalisais soudain que ça faisait beaucoup de questions d'un seul coup mais si j'étais auparavant curieuse du Côté Obscur, ce combat avait eu le don de faire naître un intérêt plus grand encore chez moi. Ce n'était pas de la fascination mais on n'en était pas loin. Je voulais savoir ce dont je serai capable plus tard et je voulais déjà faire en sorte que "plus tard" devienne "le plus tôt possible".

Naïveté, candeur, maladresse, trois mots que l'on pourrait ne jamais avoir à employer pour parler d'une esclave de longue date, pour parler d'une esclave dont la vie entière jusqu'à ce jour avait été d'obéir et suivre des règles strictes. Pourtant je me rendais compte que depuis que j'avais quitté le vaisseau où j'avais toujours vécu, je n'étais plus aussi assurée que j'avais pu l'être par le passé. Devant moi s'étalait une Galaxie entière et c'était une chose que de voir une Galaxie sur des holoprojections, de la voir sur une carte dont on ne comprenait pas l'échelle. C'était bien différent de se retrouver dans une situation comme celle où j'étais à présent. La Galaxie me semblait infinie, rien que le voyage depuis le Fhloston Paradise, mon premier voyage en vaisseau à proprement parler au côté de Darth Wrath qui m'avait ramenée sur Ziost, avait été un véritable miracle pour moi. Je me rendais compte que par bien des aspects je devais sembler à ceux qui me voyaient comme une enfant qui avait encore tant à apprendre, qui connaissait peu de choses et semblait prête à s'émerveiller de voir devant elle le plus commun des spectacles. Je l'étais. Prête à m'émerveiller devant chaque chose que cette Galaxie voudrait bien me faire voir. Devant tout ce que la Force voudrait bien me faire voir et me permettre d'apprendre. Je devais l'avouer, aussi douloureux que furent les Eclairs de Force, une part de moi avait été fascinée par leur magnificence. Juste avant de subir de plein fouet toute leur puissance et de découvrir qu'ils étaient aussi beaux qu'ils étaient dangereux et douloureux. Je comprenais aussi mieux les paroles de ma Maîtresse, je me sentais engourdie, c'était peu de choses mais je sentais que je n'étais plus prête à être aussi vive que j'en avais l'habitude. La prochaine fois je serai sur mes gardes.

Enfin s'il me restait une tête sur mes épaules parce que même si le visage de Dame Héméra paraissait bien peu communicatif avec son absence de pilosité, je remarquais quand même que ma phrase sur le sabrelaser et son absence n'avait pas plu. J'avais côtoyé pour diverses raisons assez d'espèces différentes aux mœurs différentes pour avoir appris à guetter jusqu'au moindre détail. Je savais dire quand j'avais "bien fait" mon travail avec un twilek rien qu'à regarder ses lekkus. Dans le cas de Dame Héméra c'était une nouvelle personne à découvrir, un nouveau visage à apprendre et j'étais toujours attentive, sans me dire un seul instant que mon regard toujours insistant, mes yeux ne battant pas des cils pendant que je la regardais, pouvait être interprété de bien des façons. Je me rattrapais cependant de ma phrase, je ne voulais en aucun cas dire que c'était mal que je n'en avais pas. Par tous les anges de Iego, je n'en avais même jamais vu un de près ! Ici j'en avais aperçu quelques uns mais de près non. Je n'incriminais pas les paroles de ma Maîtresse mais bien moi-même, de ne pas encore en avoir un. Je m'en demandais toujours plus, toujours trop, je venais d'arriver, j'aurai déjà aimé vaincre mon adversaire, j'aurai déjà aimé être tellement plus forte. Je devais décider par moi-même à présent et je me demandais si j'en étais bien capable. Je me fierai à la guidance de ma Maîtresse et je le lui laissais savoir. Juste avant de faire appel à un autre défaut, ou était-ce encore une qualité pour l'instant, qui se dégageait de ma libération : ma curiosité. Elle me semblait insatiable depuis mon départ et plus encore ici où je devais étudier dorénavant. Il y avait tant à lire, à voir, à apprendre, à essayer.

« Mettre un obstacle … c'est tellement simple et pourtant logique. M'enlever de leur chemin aussi mais pour ça il faut que je sois plus rapide. Et les maîtriser pour mieux les comprendre. »

Je parlais pour moi-même mais la détermination dans ma voix pouvait sonner à Dame Héméra comme autant de promesses, je le ferai. J'apprendrai à les maîtriser. J'apprendrai à être assez rapide pour les éviter, assez forte pour déplacer un objet et le mettre sur leur trajectoire. La prochaine fois je serai prête à réagir, il n'y aurait plus l'élément de surprise.

Cependant comme une surprise ne venait jamais seule, je ne m'attendais certainement pas à une telle démonstration de la part de Dame Héméra de ses pouvoirs ! Je pensais à quelque chose de simple mais non, elle sortait le grand jeu. Je sentis d'abord l'air autour de moi devenir lourd, comme si un orage se préparait et petit à petit le noir s'installa. Je crus d'abord à des effets des Eclairs de Force mais non, les autres apprentis semblaient réagir eux aussi, prêts à se défendre, qu'allait-il se passer ? Lorsque je tournais la tête le noir était si épais que je ne voyais plus Dame Héméra. Sans un bruit je tendis doucement la main là où elle se trouvait, je ne sentais plus sa puissante et oppressante présence dans la Force à mes côtés et mes doigts eux se contentèrent du vide. Je n'avais rien entendu. Persuadée à un test pour moi, je décidais de me fier à la Force comme Dame Héméra me l'avait dit mais si je sentais les apprentis et peut-être une ou deux créatures qui peuplaient la planète, je ne sentais pas ma Maîtresse. Je décidais de mettre cela sur le compte de mon inexpérience, d'autant que si je ressentais des présences je n'arrivais pas à les situer précisément, c'était très … diffus. Par chance des sabrelasers s'allumèrent ci et là, points lumineux déchirants dans cette pénombre si épaisse sur je ne voyais plus le bout de mon nez en louchant … ce qui me valut de me mettre une petite tape sur la tempe pour remettre en place la prothèse que je portais et qui était restée coincée. Je le savais pourtant que je ne devais pas loucher mais devant ce noir qui n'avait rien de naturel j'avais cédé à vouloir voir si j'apercevais seulement mon nez. Echec critique.

Soudain, et ce mot n'est pas peu dire, un autre sabrelaser s'alluma, mon esprit fit tout le travail pour "voir" ce qui arrivait et quand les ténèbres se levèrent ma Maîtresse se tenait, prédatrice redoutable et dominante, sur l'apprenti avec qui je m'étais battue. A son tour elle l'aida à se relever avant de le conseiller. Elle se tourna alors vers moi, qui faisais un effort surhumain pour maintenir ma mâchoire fermée mais mes yeux ronds comme des billes l'indiquait clairement : fascination. Jusque là j'avais été intriguée par Dame Héméra, curieuse également, mais je venais de basculer. Mes jambes se dérobèrent, bruyamment je tombais à genoux devant elle, le regard baissé sur ses lèvres en signe de respect. Je me sentais à nouveau en sécurité dans cette position mais contrairement à avant où j'avais dit vouloir apprendre, quelque chose avait changé. Avant je l'avais dit avec ma réflexion, avec mon cerveau, c'était désormais avec mon instinct, avec mes "tripes" que je répondais.

« Enseignez-moi, Dame Héméra, je veux savoir … tout savoir … Je veux acquérir ce pouvoir, vaincre avant le début du combat, provoquer la peur sans même encore avoir agi, être respectée par ma seule présence. »

Mes yeux se levèrent alors pour trouver ceux de la Dame Noire, le regard brillant d'une détermination sans faille, d'une fascination qui venait de s'enflammer devant cette démonstration incroyable.

« Montrez-moi la voie des Assassins, montrez-moi les chemins de la Force. »