Un contrat profitable [PV Leucinia T'Soni]

Sidonie soupira tout en observant l’hologramme qui tournoyait lentement au-dessus d’une grande table réalisée dans l’un des plus nobles bois originaire de Kashyyyk, situé au milieu du bureau. Il y avait une certaine ironie douce amère aux yeux de la Chancelière Suprême quand on pensait que le monde natal des Wookies était tombé il y a peu aux mains du Consortium Éternel. C’était justement ce que révélait si bien l’hologramme. Il s’agissait d’une représentation de la galaxie qui mettait en valeur la ligne de front avec l’ennemi matriarcal. Comme dans une forme de déni, tous les systèmes tombés de celui de Kashyyyk aux environs de Ruusan étaient toujours représentés par un voile bleuté mais rayé de rouge, comme s’il ne faudrait guère de temps avant qu’ils ne soient repris. De par la réunion stratégique à laquelle elle avait pu assister, Sidonie avait bien conscience que c’était tout l’inverse. Les défenses républicaines se concentraient autour de Ruusan pour tenter d’encaisser la prochaine avancée de pion de la Reine Éternelle, la pire ennemie de la Chancelière Suprême.

Et la cheffe de la République Galactique n’hésitait pas à utiliser toutes ses ressources pour saper l’effort de guerre ennemie. Sa dernière lubie en date était d’employer des Mandaloriens, dont elle connaissait l’efficacité. Ayant utilisé le nom de l’une de ses trois assistantes, Malénia, métisse Hapienne-humaine, la Chancelière Suprême avait mandaté une Mandalorienne dont elle avait entendu que du bien, Leucinia T’Soni, pour détruire tout un entrepôt de munitions secret sur le monde aujourd’hui occupé de Randon. S’il était secret, c’était parce qu’il s’agissait en réalité d’un réseau clandestin illégal lié à l’APEX non loin, qui avait été repéré par les services secrets républicains quelques mois avant l’attaque d’envergure du Consortium. Ils avaient tenté de remonter la filière plus loin mais l’agent sur place avait dû fuir à la hâte, ainsi que les criminels, laissant l’entrepôt déserté. Si on omettait tous les droïdes de sécurité en faction, mais dont les légions sith n’en auraient fait qu’une bouchée. Or, à défaut de les récupérer, Sidonie n’avait pas envie qu’ils finissent entre les mains du Consortium.

Et c’était ainsi que Leucinia avait reçu une belle offre pour régler le problème, dont le tiers avait même été payé d’avance en guise de bonne foi. Les deux tiers seraient donnés en main propre à la Mandalorienne, sur Naboo, dans le bureau de Sidonie. La Chancelière Suprême aimait bien remercier personnellement les bons éléments et maintenant que le conflit repartait de plus bel, elle listait tous les éléments extérieurs dont elle pourrait avoir l’usage. Et elle était aussi curieuse de savoir le ressenti de Leucinia sur la mission - dont elle ne doutait pas du succès - pour savoir si dans le futur elle pourrait augmenter la complexité.

Pourquoi donc ne pas avoir directement donné son nom à Leucinia ? Eh bien, la prudence de la Chancelière Suprême. Aussi bien vis-à-vis des langues de vipères sénatoriales ou médiatiques qui se jetteraient sur les journaux s’ils apprenaient qu’elle employait une Mandalorienne ainsi, que de la Mandalorienne elle-même. De par son expérience, Sidonie savait que cela pouvait inquiéter plus d’un lorsqu’on recevait une demande de contrat de la part d’un chef d’état aussi important. Etrangement, cela passait mieux quand on se présentait comme une simple assistante.

« Chancelière, elle est arrivée. »

Sidonie avait vu Hélène, sa secrétaire et fidèle amie, en transparence derrière l’hologramme au centre de la pièce, alors qu’elle venait d’entrer dans le bureau de la Chancelière Suprême. Cette dernière qui s’était à moitié affalée sur une pile de datapads urgents à lire - ils l’étaient évidemment tous - se redressa de son bureau - le meuble cette fois-ci, situé à l’opposé même de la porte d’entrée - en s’étirant.

« Elle ? »

Elle avait besoin de se dégourdir un peu les jambes et se décida donc de marcher jusqu’à l’une des fenêtres qui donnait sur la cour intérieure du Sénat, et plus loin, du reste de Theed. Hélène toussa doucement, et relut son datapad de la taille d’un grand livre, où était listé probablement l’agenda de Sidonie.

« Madame TSL.
- Oh, oui, fais la entrer. Tu lui as proposé à boire ou à manger avant de me prévenir ?
- Bien sûr. Et je vais la chercher tout de suite. »

Par moment, ces échanges protocolaires amusaient beaucoup Sidonie. Parfois cela l’exaspérait. Et dans de rares cas, c’était un mélange des deux. Aujourd’hui, c’était le dernier cas. Soupirant à nouveau, elle retourna à son bureau pour appuyer un bouton dissimulé dans un tiroir qui créait une barrière insonorisée entourant la pièce, ce qui lui permettait de parler sans être entendu de l’extérieur. Elle déplaça à la va-vite les datapads sur un côté et attrapa une mallette remplie de crédits en liquide qui patientait derrière son bureau depuis le début de la journée, qu’elle posa sur l’espace libre de son bureau.

Elle s’observa ensuite dans une glace située non loin de là. Il faisait bon en cette période à Theed, et elle n’avait pas beaucoup de rendez-vous importants. Elle avait donc opté pour une robe à la fois légère et habillée, qui pouvait passer pour une robe de soirée - et elle l’avait utilisé pour cela plus d’une fois - dans ces couleurs noires et bleues qu’elle appréciait tant. Elle avait toujours un minimum de maquillage, son brushing était impeccable, un léger parfum de mûre et des bijoux là où il faut. En somme, elle se tenait prête à être holo-interviewée à tout moment, et ça se ressentait bien.

Après s’être assurée qu’elle était impeccable, elle retourna vers la fenêtre pour fixer la cour intérieure, les bras croisés dans son dos, son ombre projetée par les rayons de soleil extérieur. Elle se donnait clairement un style mystérieux. Du moins, c’était ainsi qu’elle se l’imaginait. Peut-être que sa mise en scène laisserait de marbre la Mandalorienne quand elle entrerait ? Elle allait vite le savoir, car elle entendit frapper à la porte.

« Chancelière ?
- Vous pouvez la faire entrer. »

La porte s’ouvrit, poussée par Hélène. Cette dernière fit un signe de la main à Leucinia d’entrer puis referma derrière elle. Il arrivait souvent que l’assistante de la Chancelière Suprême participe aux “réunions privées”. Mais il y en avait certaines où Sidonie faisait clairement comprendre qu’elle préférait gérer seule. Et celle-ci en faisait partie. Tout simplement parce qu’il y avait certaines informations qu’elle voulait garder pour elle. Non pas qu’elle n’avait pas confiance en Hélène pour garder ses secrets, non. C’était davantage qu’elle faisait confiance aux systèmes de torture ou de manipulation mentale par la Force de ses adversaires.

Après s’être assurée que Leucinia était bien présente, elle se retourna et sourit. Elle croisa cette fois-ci les bras sous sa poitrine tandis qu’elle s’accolait contre le cadre de la fenêtre en marbre.

« Enchantée. Navrée, Malénia n’est pas disponible, c’est moi qui m’occupera de la transaction. J’espère que cela ne vous dérange pas ? »

Sidonie s’était retournée sans un mot, observant la Mandalorienne. Elle ne pouvait pas nier que dans leur armure, ils avaient un charisme indéniable, pour ne pas dire intimidant. Si la Chancelière Suprême ne s’était pas renseignée un minimum sur cette Leucinia, elle aurait probablement porté un bouclier personnel ou laissé un garde ou deux en place. Non pas qu’elle n’imaginait pas la Mandalorienne l'éliminer si on lui demandait. Mais elle l’imaginait mal le faire aussi frontalement. Et puis, elle venait pour recevoir une récompense, après tout. Cela semblerait étrange d’aller buter son employeur, non ?

Elle eut un petit sourire discret en voyant la politesse de la Mandalorienne qui s’inclina légèrement. Une personne civilisée de surcroît ? Elle lui plaisait de plus en plus ! Sidonie avait toujours dans un coin de la tête l’image de brutes simplement avides de sang qu’elle était toujours agréablement surprise de voir quelqu’un qui sortait des clichés.

Elle ne tiqua pas en voyant le visage de Leucinia. C’était tout l’avantage de s’être renseignée un minimum. Elle prit tout de fois le temps d’admirer la Miraluka. Elle en aurait presque trouvé dommage de savoir qu’elle était Mandalorienne, tiens ! Enfin, elle ne l’avait pas invité ici pour observer son physique, et elle se redressa donc du rebord de la fenêtre quand Leucinia entra dans le vif du sujet.

« Bonjour, enchantée. Et, effectivement, je suis bien la commanditaire de ce contrat. Mon assistante ne sert que d’intermédiaires. Vous comprendrez aisément que tout le monde n’a pas l’envie, ou le cran, de travailler directement pour la Chancelière Suprême. »

Elle sourit, en profitant pour se faire métaphoriquement exploser les chevilles au passage, puis reprit un peu de sérieux pour répondre concrètement à la dernière question. La Mandalorienne avait tout de suite compris où la Chancelière Suprême voulait en venir. Compétente et intelligente. De mieux en mieux, de mieux en mieux. Mais qui impliquait aussi qu’elle n’allait pas facilement pouvoir en faire une marionnette. Ce n’était pas bien grave, Sidonie adorait les challenges.

« Si je vous ai convié ainsi, c’est parce que je cherche à m’entourer de certains profils. Non pas spécialement en tant que Chancelière Suprême, auquel cas en effet, j’aurai pu laisser  Mélania s’en occuper, mais en tant que Sidonie Treen. Même si évidemment, les deux sont intimement liés par la force des choses. »

Elle déplaça une courte mèche de cheveux bleus qui lui était tombé devant l'œil droit, pour la replacer derrière l’oreille et dans le même mouvement, désigna la mallette contenant les crédits de la récompense de Leucinia posait bien en évidence sur le bureau de la Chancelière.

« Vous pouvez récupérer votre récompense. La mission s’est bien passée, d’ailleurs ? Si je demande cela, c’est parce que j’aurai sans doute d’autres missions à vous proposer, si cela vous intéresse. D’un calibre supérieur, si vous l’avez trouvé indigne de vos talents. D’ailleurs, vous restez quelques temps sur Naboo ? Ou vous comptez repartir en suivant après avoir empoché votre récompense ? »

Était-ce une façon implicite d’indiquer que la Chancelière Suprême avait laissé de la place dans son agenda pour approfondir la conversation avec Leucinia, si elle acceptait, après cet entrevue au Sénat ? Sans doute. Après tout, elles seraient plus tranquilles à en discuter dans la villa de Sidonie, par exemple.

Sidonie acquiesça en silence avec un petit sourire en coin. Une balade de santé, hein ? La politicienne aurait pu penser que la Mandalorienne se vantait plus qu’autre chose, mais il y avait une telle assurance dans la réponse que cela ne traversa même pas l’esprit de la républicaine. Elle nota avec appréciation que Leucinia n’était pas contre de nouveaux contrats plus sérieux. Plus dangereux. Et donc mieux rémunéré. Cela n’allait pas poser trop de difficultés à la Chancelière Suprême. L’avantage d’être riche, ou à défaut, de savoir où chercher et trouver des crédits.

Elle écouta le reste des réponses de la Miraluka avec intérêt, tout en l’observant. Sidonie était passée maîtresse dans l’art d’analyser le choix des mots et les attitudes de ses interlocuteurs. Elle ne serait jamais arrivée où elle était aujourd’hui sinon, soit, comme le disait si bien la Mandalorienne, la dirigeante de l’une des grandes factions de la galaxie.

La conclusion de sa première observation ? Elle avait bien fait une bonne pioche avec Leucinia ! Ce mélange d’assurance, de politesse et de ne pas aller droit au but dans la discussion. C’était probablement la combinaison parfaite qu’elle attendait chez des Mandaloriens. Et puis, cette Leucinia ne semblait physiquement pas si mal. C’était aussi un critère chez la Chancelière Suprême. Ce qui ne surprendrait probablement personne dans la galaxie.

« Vous avez bloqué toute votre journée pour moi ? Je vais rougir ! … Plus sérieusement, j’ai quelques heures devant moi. La séance au Sénat d’aujourd’hui a terminé plus tôt, et j’ai fait en sorte de m’accorder du temps libre pour vous recevoir. Officiellement, je ne fais que de la paperasse aujourd’hui. Qui est en réalité déjà prête.

De ce fait, je vous proposerai bien de voir un verre ou un café dans l’une des meilleurs établissements de Theed, mais cela risque d’attirer l’attention des médias en tout genre. Non pas que cela me dérangerait en temps normal, mais cela serait mal avisé actuellement. »

La Chancelière Suprême alla attraper une petite carte de visite - du moins ça y ressemblait - qu’elle tendit à Leucinia. Il y avait le nom d’une adresse à Theed, dans un quartier qui ne parlerait à première vue pas du tout à la Mandalorienne, qui était simplement celle de la villa de la Chancelière.

« Je vous invite à me rejoindre chez moi par vos propres moyens, voir de faire un détour à votre vaisseau pour déposer la mallette à l’abri si vous le souhaitez avant. Cela attirera moins l’attention que si nous partions ensemble. »

Si cela pouvait sonner comme une proposition finale, cela avait plus l’air d’être un ordre qu’on ne pouvait pas refuser. Sidonie laissa à la Mandalorienne la possibilité de faire un quelconque commentaire avant que la Chancelière Suprême la laisse partir.

« A tout de suite. »

Une fois Leucinia sortie, Sidonie se permit de lâcher un soupir et coupa le système qu’elle avait mis en place. Bon, ça c’était mieux passé qu’elle ne l’aurait cru ! Sans surprise, il ne fallut même pas une minute avant qu’Hélène son assistante n’entre à son tour pour s’enquérir de la situation.

« Alors ?
- Elle a l’air intéressée. Je vais m’absenter un moment chez moi.
- Je vois ! Je m’occupe de la suite le temps de votre absence, dans ce cas.
- Parfait. »

--- Quelques minutes plus tard ---

Il ne fallut pas longtemps pour Sidonie pour rentrer chez elle. L’avantage d’avoir un chauffeur personnel qui l’avait récupéré directement d’une petite aire d’atterrissage proche du Sénat - soigneusement protégée par un important système de sécurité - pour l’amener jusqu’à sa villa, à quelques kilomètres de là, tout en pouvant emprunter les airs sans suivre spécialement les voies aériennes publiques. Il y avait bien sûr deux intercepteurs E-Wing qui étaient non loin à chaque fois, prêt à éliminer tout appareil jugé hostile. Ce qui n’arrivait jamais, mais il convenait de préserver la processus. Au cas où.

Sans surprise, Sidonie arriva avant Leucinia. Il n’y avait comme toujours, aucun agent de sécurité une fois passée l’enceinte étroitement surveillée de sa villa qui était bordée de haies fleuries soigneusement entretenues. Cela n’empêchait bien sûr pas la présence de nombreuses holocaméras de surveillance installées discrètement ici et là, mais qui était interne à la demeure, dont Sidonie pouvait observer à son bon vouloir. Et en complément, elle pouvait déployer toute une batterie de drones armés. Elle s’amusa à penser que la Mandalorienne pourrait voir la villa de la Chancelière Suprême comme un bon exercice.

« Bon retour à vous, Madame.
- Merci, Livia. J’attends une invitée qui ne devrait pas tarder.
- Très bien, Madame. »

Livia, c’était l’IA de sa villa. Beaucoup penserait que c’était une idée dangereuse quand on savait que le Consortium Eternel, le pire ennemi de la République, était des experts en utilisation d’IA. Mais d’une part, elle était connectée en interne à la villa, sans aucun lien avec l’extérieur, et d’autre part … eh bien bon courage à un de leurs ennemis d’arriver ne serait-ce qu’à l’intérieur de la villa en un seul morceau !

Et les avantages d’être Chancelière Suprême - et aussi d’avoir une bonne quantité de crédits sur son compte, il ne fallait pas mentir - c’était qu’elle avait la plus belle villa dans la capitale, qui disposait de trois étages - dont un toit plat où pouvait se poser tout appareil de la taille d’un yacht stellaire naboo au maximum - avec vue sur les cascades de Theed tout en possédant un jardin alentour qui lui cachait le voisinage immédiat. Pour l’heure, le toit était désert si ce n’était par quelques oiseaux locaux, quand ils ne venaient pas se poser le long des pavés de marbre qui jalonnaient l’extérieur et la terrasse.

« Préviens-moi quand elle arrivera et ouvre lui.
- Très bien, Madame. »

Le seul défaut de la villa serait qu’elle était bien trop grande pour elle seule. Et c’était clairement le cas. Elle faisait tristement vide malgré le fait que chaque pièce était soigneusement et convenablement décorée, dans un mélange de classique et de modernisme. Mais l’avantage, c’était qu’elle pouvait accueillir du monde sans problèmes lors de somptueuses fêtes parmi la haute républicaine.

Pour l’heure, elle alla simplement dans son immense cuisine pour aller chercher deux grands verres fait du meilleur cristal de la République qu’elle posa sur une large table basse en verre dans ce qui s’apparentait au grand salon central qui donnait rapidement depuis l’entrée ; puis elle alla récupérer une bouteille de champagne de grand cru - dont elle avait oublié la planète d’origine - qu’elle déposa dans un porte-bouteille rempli de glaçons, qu’elle posa à côté des verres.

« Hm. Quoi d’autres ? … Bah, je verrais ce qui lui fera envie. »

Elle se contenta donc de s’affaler sur l’un des trois canapés luxueux qui entouraient la table basse. Le plus grand qui égalait la largeur de la table en verre se trouvait dos à l’entrée et donnait une vue sur le jardin à l’arrière - qui était agrémenté de plusieurs arbres fruitiers et d’une superbe piscine -, tandis que les deux autres plus modestes se trouvaient disposés de chaque côté.

Décidant de tuer le peu de temps qui lui restait avant l’arrivée de Leucinia, elle se mit à surfer sur l’Holonet à partir d’un datapad qui trainait sur le canapé où elle s’était installée, soit celui qui donnait dos à l’entrée.

…

« Madame, votre invitée est arrivée. »