[DENON] - À courir après les problèmes... [PV : Halcyon la plus belle] [Terminé]

Le blindage en chromium du Morning Mist reflétait allègrement les rayons du soleil couchant alors que le vaisseau pénétrait l'atmosphère de la planète. Denon, tel était son nom, ressemblait à s'y méprendre à la très connue Coruscant, mais dans l'espace Républicain. Une ville immense couvrait toute la surface de la planète, exactement comme sa sœur impériale, et brassait des milliards d'être vivants, toutes races confondues.

Arsenicia avait toujours eu une préférence pour les mondes beaucoup moins peuplés et, surtout, beaucoup plus verts. Mais la Maîtresse de l'Ordre n'avait pas toujours le choix vis-à-vis de ses destinations. Ou des raisons de ses voyages. Mais, ce qui l'emmenait sur Denon en ce jour était important. En effet, un agent de la République avait mis les mains - la Jedi ignorait comment exactement - sur quelque chose qui appartenait visiblement à un Sith. Le bon sens avait poussé cet agent à faire appel aux Jedi pour mettre cet objet en lieu sûr, raison pour laquelle Ombrelune se trouvait donc sur cette planète. N'importe quel autre Maître, ou même un Chevalier, aurait été en mesure d'accomplir cette mission visiblement simple… Mais la Maîtresse de l'Ordre se mettait un point d'honneur à continuer à œuvrer directement sur le terrain lorsqu'elle le pouvait.

Ombrelune ne savait pas grand-chose de l'agent qu'elle devait retrouver. C'était à peine si elle avait son nom de code et entendu parler de sa réputation. Mais tant de mystère ne l'étonnait pas outre mesure.

Lorsque le Morning Mist fut enfin posé, Arsenicia en descendit promptement. Le yatch n'était pas particulièrement discret, mais la fonction de la Jedi n'avait pas ce but. En revanche, Ombrelune avait tout de même troqué ses bures pour une tenue civile qui, si l'on ne faisait pas attention aux sabres lasers présents à sa ceinture, faisaient passer la Jedi pour une mercenaire ou un soldat en permission.

Elle avait attaché ses longs cheveux en une tresse qui reposait sur son épaule droite. Sa tenue, compte à elle, se composait d'un pantalon ajusté bleu foncé, presque noir, de bottes d'une teinte grisâtre et d'un top un peu plus clair. Une veste en cuir, qu'elle gardait ouverte, la protégeait de la fraîcheur nocturne et dissimulait également les tatouages de son bras gauche. Un blaster, dans son holster, venait aussi s'ajouter à l'équipement présent à sa ceinture multifonction.

L'accoutrement était donc très loin de ce que le commun des mortels s'imaginait d'une Maîtresse de l'Ordre, mais avait l'avantage de la faire passer plus ou moins inaperçu aux yeux des profanes, là où une bure aurait été l'équivalent à un grand panneau lumineux au-dessus de sa tête.

La rampe d'accès au Morning Mist se referma derrière la Jedi tandis qu'elle était rejointe par un petit droïde bipède, celui-ci ayant quitté le vaisseau un peu avant elle. BT s'approcha en piaillant quelques bips sonores afin de faire part à sa maîtresse de son enthousiasme vis-à-vis de cette planète qu'il ne connaissait pas. En effet, le petit droïde avait la fâcheuse tendance à scanner tout et tout le monde dès qu'il en avait l'occasion, faisant ici preuve d'une curiosité sans limites. La présence de BT allait être utile pour en apprendre plus sur l'objet que l'agent de la République devait lui fournir… Mais pour ça, cette personne devait encore montrer le bout de son nez.

Arsenicia avait cette sensation, qu’elle connaissait bien, d’être observée tandis qu’elle quittait tranquillement le statioport, les mains dans les poches de sa veste. Cette impression, qui ne se traduisait pas par une réaction physique de son corps, mais plutôt par un léger sentiment de malaise, devait être due à l’espionne Républicaine. Elle devait se cacher quelque part, dans l’ombre, et attendre le moment adéquat pour aborder la Jedi. Pourquoi tant de mystère ? Se demanda Ombrelune en passant à côté d’une borne publicitaire qui vantait les mérites d’une marque particulière pullule bleue. Après tout, Denon était une planète Républicaine. Ici, ni l’espionne, ni la Jedi était en danger… Dans la théorie.

Toutefois, les réflexions de la maîtresse de l’Ordre furent stoppées à l’entente de son identité, émise directement par la borde publicitaire qu’elle venait de dépasser. Les mains toujours dans les poches, Arsenicia s’approcha avec une certaine nonchalance, un sourcil haussé bien haut afin de marquer son étonnement. BT, quant à lui, piaillait gentiment au pied de sa maîtresse avant de scanner la borne.

« Oui, je ne suis pas surprise que tu détectes quelque chose d’anormal. » lui dit la Jedi en s’approchant de la borne. « Mais je ne pressens rien de dangereux. » Reprit-elle en appuyant sur l’écran, comme indiqué par le message.

Les capteurs optiques de BT formèrent un angle ‘triste’ tandis qu’Arsenicia lui jetait un coup d’œil. Mais l’arrivée d’un drone publicitaire fit de nouveau parler le petit droïde, qui s’exclama à grand renfort de ‘bip’ et de ‘boop’ avant de s’approcher en trottinant du drone. La Jedi le laissa agir, non sans lever les yeux au ciel face à la curiosité maladive de son petit ami de métal. Ce dernier scanna le drone puis le paquet. Une boite d’une taille ordinaire, ni trop petite, ni trop grande. Elle pouvait contenir n’importe quoi, mais lorsque BT utilisa son scanner dessus, puis émit une série de petits bruits qui ressemblaient à un rire confus, Arsenicia s’approcha.

Ce qu’elle découvrit la laissa sans voix l’espace de quelques secondes, avant qu’un sourire franc se dessine sur ses lèvres et qu’un rire s’en échappe. BT, l’air confus, grimpa sur l’épaule de sa maîtresse tandis qu’elle se relevait, la boite refermée sous le bras.

« Je crois que notre agent prend les consignes un peu trop au pied de la lettre. Veux-tu bien reporter cela au vaisseau ? »

BT sauta au sol et Ombrelune lui confia le paquet. Elle attendit de perdre de vue le droïde avant de se tourner de nouveau vers la borne publicitaire. Encore une fois, elle ne ressentait rien de dangereux. La Force ne s’agitait pas et Arsenicia avait une totale confiance en son instinct. Celui-ci lui fit tranquillement bifurquer de sa route et s’éloigner de la foule, vers une zone qui semblait dédiée à la maintenance. L’espionne se cachait-elle là-bas ?

Faire confiance à son instinct était une leçon difficile à apprendre. Ne plus se fier à sa vue, son ouïe ou même son odorat et choisir de s'en remettre à la Force était pourtant un passage obligatoire sur la longue route menant au rang de Chevalier Jedi… Tout comme la patience, être capable de suivre les voies de la Force était une capacité à cultiver. Tout ceci expliquait sans aucun doute la sérénité d'Arsenicia, tandis qu'elle s'éloignait de plus en plus du secteur d'habitation et s'enfonçait dans celui de la maintenance.

Ceci expliquait également son manque de surprise lorsqu'elle passa à côté d'une jeune femme dont les vêtements étaient ceux des employés de la ville. Absolument rien, dans ses traits, sa couleur de cheveux ou même sa voix trahissait sa réelle affiliation. Halcyon aurait trompé n'importe qui. Mais pas une Jedi entraînée comme la maîtresse de l'Ordre, qui accueillit son compliment avec un fin sourire, les mains toujours enfoncées dans les poches. Même la légèreté avec laquelle l'espionne évoquait ce culte Sith ne suffisait pas à faire froncer les sourcils à Ombrelune. La Jedi avait toujours été ainsi en mission… Concentrée et peu encline à parler pour ne rien dire.

Il fallait aussi avouer qu'elle était en pleine réflexion. L'espionne parlait de ce prétendu culte avec beaucoup trop de légèreté pour quelqu'un qui, normalement, n'ignorait pas ce dont les Sith - ou les sensitifs en général - étaient capables. Pourtant, Arsenicia ne ressentait pas de piège. Tout juste décelait-elle un voile de secrets au-dessus de l'espionne, mais c'était là plutôt ordinaire.

Mettant ses songes de côté, la Jedi suivit l'espionne à travers un dédale de canalisations où il était aisé de se perdre. Elle attendit, légèrement en retrait, l'ouverture d'une porte impossible de déceler pour le commun des mortels, puis pénétra dans le centre de commandement à la suite de la jeune femme.

Ombrelune ôta les mains de ses poches tandis qu'elle en faisait rapidement le tour, retrouvant dans cet endroit le genre d'outils qu'elle avait souvent vus par le passé, quoique plus performant étant donné le temps écoulé. D'une oreille attentive, elle écoutait le rapport de l'espionne, qui lui décrivit avec moult détails ce qui était exactement en train de se passer sur Denon. Pour la première fois, depuis qu'elles s'étaient rencontrées en chair et en os, les sourcils de la Jedi s'arquèrent tandis qu'elle analysait les nouvelles informations en sa possession. Un 'Jedi' qui formait un culte et les services de renseignement ne trouvait pas judicieux de faire quoi que ce soit, y compris en parler au Haut Conseil ? C'était étrange et Ombrelune suspectait que l'espionne n'était pas sur Denon pour cela. Ou pas uniquement. Comme si la découverte de ce culte était… un coup de chance.

Un sentiment de malaise qui s'amplifia lorsque, d'un ton très léger, Halcyon révéla avoir éliminé elle-même l'assassin Sith. En temps normal, Arsenicia aurait été vraiment impressionné… Mais un étrange pressentiment l'empêchait de féliciter l'agente pour cette prouesse. Quelque chose sur lequel elle n'arrivait pas à mettre le doigt.

Pour donner le change, Ombrelune leva la main et attira au creux de celle-ci le sabre laser du Sith, étudiant d'un œil rapide son fonctionnement. C'était un manche simple, comme elle-même portait à la ceinture, et la lame qui en jaillit lorsque la Jedi pressa le bouton d'activation était d'un rouge écarlate. « Quelques-unes, commandeur Halcyon. » Le manche n'était pas très lourd et, tandis qu'Arsenicia s'approchait de l'espionne, elle se plut à faire quelques moulinets précis avec le sabre, l'air se remplissant instantanément de ce vrombissement caractéristique… Jusqu'à ce que la Jedi lève le bras et abatte la lame vers l'agente Républicaine, cherchant à atteindre sa poitrine.

Un arc de cercle parfait. Le genre de mouvement qui aurait découpé en deux le buste d'Halcyon si celle-ci n'avait pas esquivé l'attaque. Un mouvement digne des plus grands gymnastes… Ou d'un Jedi. Arsenicia en fut, seulement, partiellement étonnée car elle s'attendait à quelque chose de ce genre. Il y avait quelque chose d'étrange avec cette espionne. Quelque chose que la Jedi n'avait jamais ressenti auparavant, alors qu'elle avait déjà côtoyé des agents de la République.

Bien entendu, si l'instinct d'Ombrelune avait été faux, le mouvement entamé par la Jedi se serait arrêté avant de frapper l'espionne.

Mais pour le moment, absolument tout dans la posture d'Halcyon, dans ses réflexes ou simplement dans son regard disaient à la maîtresse de l'Ordre qu'il y avait beaucoup plus qu'un simple commandeur des renseignements. Mais quoi ? cela restait à découvrir…

Le sabre levé, Ombrelune garda l'autre femme en joug alors que celle-ci pointait un blaster sur elle. Elles se toisèrent un instant. Se jaugèrent, comme deux lionnes prêtes à se sauter à la gorge… Avant que l'espionne n'éclate de rire en laissant retomber son bras, rapidement imité par Arsenicia, bien que celle-ci se permit uniquement un léger sourire en coin. Il semblait que, à aucun moment, Halcyon n'avait eu peur. Comme si elle savait qu'elle aurait été capable de blesser la Jedi. Ou pire. Cette foi en ses capacités était tout à son honneur… et la Jedi sentait que cette confiance n'était pas si mal placée.

Le vrombissement du sabre laser disparu au moment même où la Jedi désactiva la lame. L'arme retourna ensuite avec les affaires de l'assassin Sith, la Jedi le jetant négligemment sur la bure de ce dernier, qui amortit le choc avec la table.

« Je suis certaine que vous auriez évité le mouvement complet si tel avait été le cas. » Répondit Arsenicia avec le plus grand des sérieux. Elle prit ensuite appui sur la table avec ses mains et se hissa dessus, y posant ses fesses avant de croiser les bras. Elle ne se laissa pas avoir par ce qui paraissait être une tentative d'humour pour détourner son attention. « Je connais votre réputation, commandeur, en effet. » Élucida quelque peu Ombrelune avant d'ajouter, d'un ton plus mystérieux que seuls les sages savaient véritablement employer. « Mais je subodore autre chose avec vous… Quelque chose de plus… » Elle pencha la tête sur le côté, semblant étudier la jeune femme avant de lâcher : « Ancien. »

D'autres termes étaient venus jusqu'aux lèvres d'Ombrelune, mais ce fut celui-ci qu'elle choisit.

« Mais trêve de bavardage. » Dit-elle en frappant dans ses mains. Puis elle haussa un sourcil inquisiteur. « J'ai une question : comment se fait-il que les renseignements n'aient pas jugé bon de prévenir le Haut Conseil Jedi de tout cela plus tôt ? Vous semblez si bien informé… »

Arsenicia n’avait aucune idée de la réelle histoire d’Halcyon. Du but recherché à atteindre via sa création ou de ce qu’elle était vraiment. Mais il était évidemment, cependant, que sa présence causait des remous dans la Force. Des ondulations subtiles que la Maîtresse de l’Ordre était en mesure de sentir. Ceci expliquait son attitude à l’encontre de l’espionne, ainsi que le test qu’elle venait de lui faire passer à l’aide du sabre laser à lame rouge.

Il y en aurait certainement d’autres. Mais plus tard. Pour l’heure, Arsenicia avait des questions et l’agent consentait à lui répondre. Alors, croisant les jambes avec élégance, Ombrelune écouta attentivement ce que l’autre femme avait à lui dire.

« Un classique, vraiment. » Commenta la Jedi. Elle fut incapable de ne pas lever les yeux au ciel à l’évocation de ce collègue davantage intéressé par les fesses de belles jeunes femmes que par la sécurité de la République. C’était un classique chez les officiers, semblait-il, et rappelait à Arsenicia ses années au sein de l’amirauté.

« Une emmerdeuse qui fait son devoir, alors. » répondit enfin Arsenicia en levant un sourcil, un sourire au coin des lèvres. Elle ignorait encore à quel point ce qualificatif collait bien à l’espionne ou encore que ce dernier était si souvent utilisé par une certaine mandalorienne. Une femme pour qui Halcyon se trouvait sur Denon à l’origine. « Je me ferais un plaisir de rajouter mon témoignage à votre rapport si cela peut faire avancer les choses dans le bon sens. » Conclut-elle en soupirant, ne sentant aucun mensonge chez l’espionne.

Il était clair que la Jedi n’aimait pas agir ainsi dans le dos de quelqu’un, d’autant plus lorsque cette personne était un officier des renseignements. Mais parfois… Il n’y avait guère le choix. Alors, si toute cette histoire se révélait vraie, Arsenicia était prête à mettre son nom dans le rapport d’Halcyon. Elle n’était pas à un ennemi près.

« Bien. Ceci étant dit… Il est clair que je ne suis pas uniquement ici pour les affaires de cet assassin. » dit-elle en désignant la bure et le sabre laser. « J’apprécie les négociations agressives, mais je n’ai pas particulièrement envie de sauter à pieds joints dans les ennuis lorsqu’il s’agit d’un Culte Sith. Pouvez-vous m’exposer vos découvertes, que je sache également dans quoi je vais me mouiller exactement ? »

Entre cette espionne qui lui laissait une drôle de sensation et ce culte Sith qui avait réussi à s’installer sous le nez de la République et des Jedi… Pour l’heure, Arsenicia naviguait dans un épais brouillard. Ainsi, les bras croisés sur sa poitrine, Ombrelune fut un public particulièrement attentif tandis qu’Halcyon commençait à révéler ce qu’elle avait appris.

Arsenicia connaissait le code Jedi sur le bout des doigts, bien sûr. Et elle connaissait également le code de l’ordre Sith, ainsi que ses variantes. Alors, elle était forcée de constater l’efficacité avec laquelle ce culte avait mélangé les deux idéaux pour n’en former qu’un seul qui, à première vue, était alléchant. La Maîtresse de l’Ordre n’avait aucun problème à reconnaître l’efficacité de cette doctrine.

Alors, comme Halcyon le souligna parfaitement, il n’était pas étonnant de faire mouche dans les strates plus basses de la société Républicaine, là où l’éducation et l’accès à l’information n’était pas facile d’accès. Arsenicia soupira, ses doigts venant pincer l’arête de son nez. Tout ceci n’allait pas être aussi simple qu’elle l’avait espéré en premier lieux. Détruire le culte était un passage obligé, mais faire une telle chose allait également laisser de nombreuses personnes démunis. Car, si les Sith avaient éduqué la population dans un but précis, Ombrelune reconnaissait que leur couper l'accès à cette éducation de base était un retour en arrière regrettable.

« C’est très efficace. » Approuva Arsenicia en relevant le regard vers l’espionne, étudiant son visage de ses yeux de chat. « Éliminer le culte est nécessaire… Mais écarter soudainement tous ces gens de cette éducation, de ces informations… Je crains que cela envenime d’autant plus la situation. Pour une fois que les Sith font quelque chose de ‘bien’… » Maugréa-t-elle en mimant les guillemets. « Alors, couper la tête du serpent, je suis d’accord. Mais quelqu’un doit ensuite mener ce troupeau de brebis égarée vers le bon chemin. »

Un véritable Jedi, par exemple, avec l’appui de la République. Toutes ces personnes avaient des connaissances et des compétences utiles, à présents. Arsenicia ne voulait pas gâcher ce potentiel, mais il était nécessaire d’aiguiller toutes ces personnes vers la lumière.

« Je vais devoir contacter quelques personnes pour cela. » Et faire jouer ses relations pour que les choses avancent rapidement. « Mais j’en fais mon affaire, sitôt les Sith hors d’état de nuire. » Il y eut un léger silence. « Alors, c’est vous l’experte du terrain. Par où pensez-vous qu’il est judicieux de commencer ? »

Arsenicia releva le visage vers l’espionne, la jaugeant une nouvelle fois comme si elle était capable de voir au tréfonds de son âme. Cette espionne était peu commune, disait la petite voix intérieure de la Jedi, et le visage de la presque-centenaire s’éclaira d’un léger sourire. « Vous avez raison. » Dit-elle doucement en descendant de la table.

C’est alors que, derrière les deux femmes, un bruit dans la ventilation attira l’attention. Ne ressentant pas de danger immédiat, Ombrelune leva la main vers l’espionne, en signe de paix, et s’approcha d’une grille de ventilation. La ferraille ne tarda pas à sauter de ses gonds tandis qu’un petit droïde s’extirpait du conduit en piaillant d’un air ronchon, mais tout à fait mignon. « Oh, BT, tu m’as retrouvé. »

Le petit être de métal s’avança jusqu’à la maîtresse de l’Ordre, qui s’accroupit afin d’être à sa hauteur. « Tu tombes à point nommé, je vais avoir besoin de toi pour envoyer un message. » Arsenicia réfléchit un instant, puis reprit, les mains jointe devant elle et les coudes sur les genoux. « Je veux que tu envoies un message à Maître Solimar et son apprenti, je vais avoir besoin d’eux sur Denon dans les plus brefs délais. » BT, visiblement, ravit d’avoir une nouvelle mission, répondit à grand renfort de ‘bip’ plus ou moins aigu.

Satisfaite, Ombrelune se redressa et revint près de l’espionne. Le Maître Jedi à qui elle voulait confier cette mission était un Historien. Si ses missions consistaient le plus souvent à ramener des savoirs au Temple, Arsenicia se souvenait également que Solimar était une personne au rein solide et qui saurait avoir la pédagogie et la patience de travailler avec ces personnes endoctrinées. De mémoire, il avait aussi un apprenti qui aurait, ainsi, beaucoup à apprendre de cette situation.

L’espionne pianotait encore et une carte holographique du « centre de recrutement » était affichée. La Jedi reconnut un entrepôt désaffecté, le type de bâtiment qu’il y avait partout dans les quartiers pauvres de ces planète-cité. « Les années passent et rien ne change… » fit-elle, songeuse. C’était le genre d’endroit où Arsenicia s’était souvent retrouvé par le passé, lorsqu’elle était en mission aux quatre coins de la galaxie avec son propre mentor ou son apprenti.

« Vous semblez en connaître un rayon sur les capacités qu’offre la Force… » fit Ombrelune, sans jugement et sans la moindre trace de surprise dans la voix. Il y avait vraiment quelque chose de différent avec cette espionne. Même les personnes qui travaillaient étroitement avec les Jedi avaient de la difficulté avec le concept de « La Force » et sa simple existence… Alors être au fait des courants comme le Côté Obscur et le côté Lumineux… Mais pas Halcyon. « Votre foi en moi et mes capacités me touche. » Reprit-elle. Était-elle un peu moqueuse ou, au contraire, très sérieuse ? Impossible d’en être certain avec un ton pareil. « Maître Solimar ne sera pas là avant un moment, mais nous pouvons commencer sans lui. Nous serons plus discrètes à deux, d’ailleurs. »

Arsenicia concéda la réponse avec un léger sourire, l'air entendu. En effet, Halcyon aurait fait une piètre espionne si elle n'y connaissait rien en matière de sensitifs. Mais Ombrelune n'arrivait toujours pas à ôter cette drôle d'impression de sa tête, lorsque son regard croisait celui de l'agent de la République. « J'imagine si bien la scène… » Répondit-elle en levant les yeux au ciel. Une part d'elle trouvait amusant qu'Halcyon retourne ainsi les armes Sith contre eux. Toutefois, la Jedi ne se leurrait pas : pour que cela fonctionne, la route de l'espionne n'avait jamais dû croiser celle d'un vrai Seigneur Sith, avec tout le sang-froid qu'il avait avec.

La maîtresse de l'Ordre détourna pudiquement le regard lorsque l'espionne s'éloigna dans le but de se changer. La nudité des autres ne dérangeait généralement pas la Jedi, mais celle-ci avait appris très jeune que ce n'était pas le cas de tout le monde et qu'il était préférable de ne pas regarder. Lorsque l'espionne fut de retour, Arsenicia ne dissimula pas la surprise qui se peignit, un instant, sur ses traits en découvrant ce qui devait être le vrai visage de la jeune femme. Une rousse plantureuse dans une combinaison en cuir… Un cliché de film d'action qui, étonnamment, seyait bien à Halcyon et son caractère.

Encore une fois, en observant la Commandeur des Renseignements, Arsenicia eut une drôle de sensation. Clairement, l'espionne ne disait pas tout. Ce qui n'était en rien surprenant mais qui pourrait devenir un problème si les informations qu'elle préférait garder pour elle étaient importantes à cette mission. Mais chaque chose en son temps.

Avant de quitter la planque, Ombrelune se pencha afin d'aider BT à grimper sur son dos. Ce dernier avait pour habitude de s'agripper à son épaule et de s'y tenir, comme un petit animal, lorsqu'il en avait l'occasion. Et le droïde n'était d'ailleurs pas bien lourd.

Si Halcyon ne ressentait pas d'inquiétude, ce n'était pas le cas d'Arsenicia. Mais cette inquiétude n'était pas tournée vers elle-même. Non, c'était au sujet des civils que la Jedi avait quelques préoccupations. Mettre le centre de recrutement hors d'état de nuire signifiait attaquer, et la Maîtresse de l'Ordre ne tenait pas à ce que des habitants de Denon se retrouvent pris entre deux feux, le moment venu. La discrétion allait être de mise, du moins le plus possible, car ce n'était pas forcément la force de la Jedi.

Celle-ci apprécia donc moyennement le trajet en speeder. Elle prêta une oreille peu attentive aux paroles de l'espionne, qui se glissa dans la peau d'un guide touristique le temps de ces quelques minutes de trajets. Halcyon était pourtant agréable et ne manquait pas d'anecdote sur Denon, mais Arsenicia n'avait tout simplement pas l'esprit aussi léger qu'elle. C'est pourquoi, lorsque le speeder fut posé, la Jedi s'en extirpa d'un bond agile et s'avança sur le rebord du toit où elles se trouvaient, les mains sur les hanches.

« Je vais vous faire descendre. » Dit-elle en empoignant la silhouette féminine à l'aide de la Force, la main tendue devant elle. Halcyon ne sembla pas s'en formaliser et fut une passagère des plus agréable. Ombrelune la rejoignit ensuite en amortissant sa chute à l'aide de la Force, atterrissant sans faire le moindre bruit.

« C'est un entrepôt, votre ligne de mire va rapidement être bloquée. » Répondit Arsenicia en plissant les yeux lorsque l'espionne indiqua qu'elle serait sans doute plus utile à longue portée. « Vous seriez plus utile en allant couper la sécurité, par exemple. Je vois des caméras et des tourelles automatiques, là-bas. » Indiqua la Jedi en pointant le matériel placé de chaque côté de la porte donnant accès au terrain de l'entrepôt. À vue de nez, il s'agissait de matériel vétuste, mais un tir de blaster n'était jamais agréable à recevoir. Et la Jedi ne tenait pas à ce que les civils soient pris pour cible si les choses tournaient très mal.

Songeuse, Arsenicia s'approcha du bord du toit tout en prenant garde à ne pas être visible depuis le contrebas.

Une file de civils s'étendait sur plusieurs mètres à l'extérieur du bâtiment et devait se prolonger à l'intérieur. C'était, en tout cas, ce que la Jedi ressentait. Et parmi ces auras 'neutres' il y en avait quelques-unes, sombres, qui se détachaient du lot. Si les recruteurs n'étaient pas forcément des Sith, il y en avait quelques-uns tout de même. « Il y a des sensitifs. » indiqua Ombrelune à l'espionne. « Deux ou trois, maximum. » Précisa-t-elle en s'éloignant du bord du toit.

Elle s'approcha alors de la verrière présente sur le toit de l'entrepôt et par laquelle les lumières de la ville basse s'infiltraient dans le bâtiment. De nombreuses poutres se trouvaient juste en dessous et soutenaient certainement l'ensemble de la construction. BT se chargea de déverrouiller la serrure de la verrière, donnant ainsi l'occasion à Arsenicia de l'ouvrir sans la forcer, puis de se glisser à l'intérieur avec agilité. Avant de disparaître, elle lança un communicateur à l'espionne, puis glissa un écouteur dans son oreille.

Marcher sur ces poutres était un jeu d'enfant pour la Jedi, qui avait alors l'occasion de mieux cartographier les lieux. Comme elle l'avait imaginé, la file de civils continuait sous ses pieds. D'énormes luminaires éclairaient l'ensemble de l'entrepôt, qui était formé d'une unique pièce. Complètement éblouie par ces lumières s'ils levaient les yeux, Ombrelune était invisible temps qu'elle restait là-haut.

Les membres du culte ne furent pas difficiles à identifier. Ils étaient tous habillés de la même façon, plus ou moins, et portaient un brassard au bras gauche avec le même symbole.

« Ces gens pensent bientôt suivre les enseignements des Jedi… J'aimerais éviter d'embrocher un Sith devant eux, ce n'est pas très bon pour l'image. » Fit Arsenicia à travers le communicateur, pince sans rire. « Pouvez-vous vous charger de couper les lumières, temps que vous y êtes ? Je profiterais de l'obscurité pour passer à l'action. Et BT va fermer les volets du toit à mon signal, pour que les lumières de la ville ne percent pas jusqu'ici. »

La position de la Jedi n’avait, à première vue, absolument rien de confortable. Telle une équilibriste, elle se tenait sur une poutre en métal qui faisait, au maximum, vingt centimètres de large. La hauteur, en cas de chute, était également vertigineuse avec au moins une quinzaine de mètres. De quoi briser les jambes de n’importe quelle personne normalement constituée. Mais Arsenicia, comme n’importe quel Jedi entraîné, n’était ni impressionné par la largeur de la poutre, ni par la distance qui la séparait du sol. De plus, le nombre de poutres et la façon dont elles se croisaient permettaient même à la sensitive de se déplacer au plafond sans prendre de risque inutile, et ainsi de se faire repérer.

L’entrepôt désaffecté était donc effectivement vide de pièce, mais les cultistes avaient tout de même tendus de nombreuses bâches en plastiques, ou même de large tôle de fer, afin de faire des séparations de fortune, de quoi bloquer la vue de l’espionne et de la Jedi. Ces pièces, sans toit, attiraient évidemment la curiosité d’Arsenicia, qui se glissa agilement vers l’une d’entre elle. C’était une sorte de salle de repos, où plusieurs membres du culte se trouvaient. Une autre ‘pièce’ comme celle-ci devait abriter la sécurité.

Lorsque la sécurité fut coupée, ce dont Halcyon informa Ombrelune via leur communicateur, celle-ci rejoignit sa position initiale sous la verrière. BT se trouvait encore sur le toit et seul sa petite tête dépassait de l’ouverture.

« Allez-y, coupez tout. »

Les lumières s’éteignirent d’un coup, provoquant un mouvement de panique exactement comme ce à quoi Arsenicia s’était attendue. Mais rapidement, des lumières de secours s’allumèrent, indiquant en rouge les issues possibles. Des voix, dans le chaos, s’élèvent également, révélant la position des recruteurs qui faisaient sortir les civils de l’entrepôt. Très rapidement, ce dernier fut vide de tout civil, ces derniers s’étant amassé devant le bâtiment. Satisfaite, Arsenicia leva la main et usa de la Force pour faire abaisser les rideaux de sécurité de chacune des issues, piégeant une bonne partie des cultistes à l’intérieur.

La Jedi se laissa alors tomber, atterrissant sans danger quinze mètres plus bas, le tout dans un silence relatif. Quant à l’obscurité, elle n’était pas un problème. En effet, la sensitive n’avait pas besoin de ses yeux pour voir, car elle avait la Force comme alliée. Elle n’eut donc aucune difficulté à se déplacer dans la pénombre, utilisant ses pouvoirs pour briser les lumières de secours les unes après les autres, plongeant ainsi l’entrepôt dans le noir absolue.

À partir de ce moment, utiliser son sabre ou son blaster était une possibilité. Mais Arsenicia préférait indiquer sa présence uniquement en dernier recours, c’est pourquoi elle se glissa derrière un premier cultiste et l’agrippa par derrière, un bras contre sa gorge et l’autre verrouillant le geste. Une pression suffisante et quelques secondes suffirent pour faire sombrer l’homme dans l’inconscience. Lorsque le corps devint mou contre elle, la Jedi accompagna sa chute afin de prévenir un éventuel trauma crânien, puis passa à sa seconde ‘proie’.

« Je ne sens plus la présence des Sith à l’intérieur… » Indiqua Ombrelune lorsqu’elle eut neutralisé le dernier homme, l’empoignant avec la Force pour l’attirer à elle, puis l’assommer. « Ils sont sortis, sans doute… Si on veut remonter à la source du Culte, il est de bon goût de les suivre. Je devrais en être capable. » Un léger brouhaha parvenait depuis l'extérieur. « Ou nous pouvons simplement suivre les recrues. Si cet endroit est compromis, elles vont aller ailleurs. »

Usant de la Force, Arsenicia fit flotter les corps inertes et les rassembla dans un coin de l’entrepôt, derrière une bâche en plastique sale. Elle avait dû être parfaitement transparente dans une autre vie, mais était opaque désormais, tant la crasse s’y était incrustée. « Voulez-vous fouiller cet endroit d’abord ? Ces types ne sont ni les plus entraînés qui soient, ni les plus prudents. Je ne serais pas surprise qu’ils aient laissé des infos trainer. »

Les mains jointes dans le dos et les épaules relâchées, Arsenicia adopta une position d’attente. Les lumières furent bientôt rallumées et les sens de la Jedi révélèrent l’arrivée prochaine de l’espionne. Il flottait dans l’air, alors que la rousse approchait, le parfum de la méfiance. La Force s’agitait tout autour des deux femmes. La Jedi avait une petite idée des interrogations qui tournoyaient dans l’esprit de l’agente Républicaine, c’est pourquoi Ombrelune garda le silence pour lui laisser le temps de les formuler correctement.

« Tout vient à point à qui sait attendre, Commandeur. » Répondit tout d’abord la Maîtresse de l’Ordre, sans quitter des yeux les corps étendus devant elle. « Vous ne savez pas tout de la Force, même si, j’en conviens, vous êtes bien plus éduqué que la normale. » Compliment caché s’il en était, le ton emprunté par la Jedi était tranchant. « N’importe quel sensitif, avec un peu d’entraînement, est parfaitement capable de dissimuler sa présence dans la Force… Imaginez que je suis une ampoule, Commandeur. Cela veut dire que je suis capable d’éteindre la lumière. » Traduisit Arsenicia, même si elle se doutait que l’espionne n’eût pas besoin d’un exemple aussi imagé pour comprendre où elle voulait en venir. « J’ai senti ces Sith, mais eux ne m’ont pas senti. Cela me suffit pour les traquer, où qu’ils aillent sur cette planète… et même au-delà. »

BT, le petit droïde, avait profité de la discussion des deux femmes pour, non seulement les rejoindre, mais également se connecter aux ordinateurs encore en état de fonctionnement. Mais, étant donné l’air dépité de ce dernier, il y avait fort à parier qu’il n’avait rien trouvé de concluant.

« Vous l’avez dit vous-même, Commandeur. Il fallait mettre fin au recrutement. Voilà qui est fait. » BT se déconnecta de l’ordinateur qu’il était en train de fouiller et s’approcha d’Arsenicia de sa démarche chaloupée. « Vous allez devoir me faire confiance, maintenant. Cela est-il dans vos cordes ? » S’enquit Ombrelune en quittant la pièce, son ton s’étant adouci.

La Jedi n’attendit pas la réponse. Dehors, la foule s’était éclipsée, pour le moment du moins. Il était donc temps de partir et de continuer cette mission. Les issues étant encore toutes verrouillées, et Ombrelune souhaitait qu’elles le restent, celle-ci s’élança vers le plafond d’un bond prodigieux, puis quitta l’entrepôt comme elle y était entrée.

Elle retourna au speeder et y prit place, côté conducteur cette fois-ci. Lorsqu’Halcyon fut de retour, la Jedi démarra. Elle laissa le silence s’installer quelques minutes avant de reprendre la parole. « La Force fait partie de chaque être vivant de cette galaxie. Mais j’imagine que je ne vous apprends rien. » Commença Ombrelune en lançant un regard lourd de sens à l’espionne. « Ensuite, il y a des gens comme vous, qui n’y sont pas sensibles. Et des gens comme moi, qui le sont. Les sensitifs, qu’ils emploient la Force ou non, produisent constamment des vaguelettes. Avec un bon entraînement, il est possible d’atténuer ses vaguelettes, voir les faire disparaître… ou, au contraire, de les amplifier. » Ce qui pouvait donc permettre de se dissimuler, mais également d'être un bon moyen de persuasion. Les Sith en étaient friands. « Ces Sith n’ont pas pris la peine de le faire, ce qui signifie qu’ils ne s’attendaient certainement pas à voir un Jedi débarquer. Et je vous assure qu’en ce moment, ils ne le font toujours pas. » La Jedi s’arrêta à une intersection, puis prit à droite sans hésitation. « Il existe de nombreuses techniques pour pister un utilisateur de la Force à travers celle-ci. C’est exactement ce que je suis en train de faire… C’est comme remonter un fil d’Ariane. Voilà pourquoi j’ai préféré neutraliser les cultistes et non m’attaquer aux Sith… Je savais que nous allions les retrouver plus tard… Et trouver le cœur du culte au passage. C'est ce dont vous avez besoin, non ? » Demanda Arsenicia, empruntant une nouvelle fois cet air mystérieux. Qu'avait-elle senti ?

Peu après, la Jedi arrêta le speeder entre deux bâtiments. Le quartier où elles se trouvaient n'était plus le même. Elles s'étaient enfoncées dans la ville basse. L'air y était pesant, la lumière du jour n'était qu'un lointain souvenir et, la Jedi le sentait, le Côté Obscur n'était pas si loin, se nourrissant de la détresse de ces gens.

Arsenicia ne s’était pas attendue à pareille réaction. Elle avait déjà eu l’occasion de travailler avec les Services de Renseignements de la République et les choses ne s’étaient pas si mal passé. Mais Halcyon était différente… Elle ne faisait pas confiance à la Jedi, et c’était une chose, mais faire confiance à personne ? Ombrelune était soudainement bien triste pour cette femme. Sa vie devait être morne.

Mais elles n’étaient pas là pour ça. Arsenicia n’était pas là pour psychanalyser la rousse. Elles avaient une mission à remplir, un but à atteindre.

Dans ce nouveau quartier, la Jedi gara le speeder sur le toit d’un bâtiment, exactement comme l’espionne l’avait fait un peu plus tôt. Celle-ci fut d’ailleurs la première à en sortir, toujours dans le silence le plus complet. La Force tourbillonnait d’autant plus entre elles, sentit la Maîtresse de l’Ordre, et celle-ci observa le dos de la femme tandis qu’elle s’éloignait sans un mot. Une soudaine tristesse s’empara de la Jedi alors qu’elle détournait les yeux vers la ville alentour. Elle s’extirpa du speeder et s’approcha du bord opposé du toit tout en respirant profondément pour reprendre le contrôle de ses émotions. Pourquoi était-elle touchée si soudainement ? Parce qu’elle sentait qu’il y avait tant de choses sous la surface ? De traumatismes, de questions ?

Arsenicia soupira lorsqu’elle reçut le message d’Halcyon dans son oreillette, celle-ci étant partie en reconnaissance. Elle ne répondit pas immédiatement, croisant les bras sur sa poitrine. Faisait-elle confiance à l’agent ? La réponse lui apparut clairement.

« Si je ne vous faisais pas confiance, je serais sur vos talons en ce moment même. » Répondit-elle, soudainement lasse. Ombrelune passa une main sur son visage, cherchant à retrouver une certaine contenance avant de rajouter. « Je suis vraiment désolé si je vous ai trop poussé, Halcyon. Mes excuses pour cela. »

Le cœur un peu plus léger, Arsenicia s’éloigna du bord du toit. Les paupières closes, elle laissa la Force s’insinuer partout, tout autour d’elle. Elle sentait les Sith. Elle sentait aussi des membres du Culte. Éliminer la menace du Côté Obscur n’allait pas être aussi simple s’ils avaient le renfort de plusieurs dizaines d’hommes. La Maîtresse de l’Ordre était douée, c’était certain, mais elle n’était pas invincible.

« BT ? Branche-toi au réseau dès que tu trouves un point d’accès. Je veux toutes les informations disponibles, nous en aurons besoin pour prendre la suite avec Maître Solimar. »

Le petit droïde émit une série de ‘bip’ puis disparu dans un conduit d’aération. Sa mission était simple, il en avait déjà effectué des comme celle-là, et Arsenicia avait foi en son ami de métal. L’avantage de sa petite taille lui permit de s’infiltrer dans le bâtiment sans difficulté, puis de se mêler aux autres droïdes présents jusqu’à trouver un accès, comme sa maîtresse le lui avait demandé. Télécharger les données allait, toutefois, prendre un peu de temps et rendre BT indisponible pour une quelconque autre tâche. Ombrelune devait donc se débrouiller à partir de là.

Comme pour l’entrepôt, la Jedi entra par une fenêtre. Elle fut surprise de la découvrir déverrouillé avant de réaliser que ce devait être l’œuvre d’Halcyon.

Et comme pour l’autre bâtiment, celui-ci était très haut de plafond. Des poutres s’alignaient sous le toit dans un enchevêtrement logique. En contrebas, une large zone servait à stocker du matériel et, pour le moment, était vide de vie. Un couloir, à l’autre bout, menait vers une autre partie du complexe. Cet endroit était beaucoup plus grand que le précédent, réalisa Arsenicia.

Il lui fallait à présent mettre la main sur les Sith. Elle ne les sentait pas particulièrement puissants dans la Force, mais la prudence était tout de même de mise. Ils pouvaient la leurrer, et même si ce n’était pas le cas, ce serait un combat trois contre un. Ils avaient l’avantage du nombre, mais peut-être que cette donnée pouvait être retournée contre eux…

Ombrelune se plaça sur une poutre centrale vis-à-vis de la pièce, puis relâcha son aura. Elle avait expliqué à Halcyon qu’elle était capable d’éteindre la lumière. À présent, elle la rallumait. Cette perturbation dans la Force, Arsenicia était certaine que les trois sensitifs allaient le sentir. Et avec l’avantage du nombre, l’instinct de la Jedi lui murmurait qu’ils allaient venir sans renfort.

Elle attendit donc une minute. Puis deux. À la troisième, les auras qu’elle avait senties étaient presque là. La porte du fond s’ouvrit et révéla leur silhouette encapuchonnée. Comme l’assassin qu’Halcyon avait neutralisé, ils portaient des bures très semblables à celle des Jedi, quoi que d’une teinte plus sombre. Chacun portait également un sabre laser à la ceinture.

Deux silhouettes s’avancèrent dans la pièce tandis que la dernière restait légèrement en retrait. Était-ce leur Maître ? Se demanda la Jedi alors qu’elle décrochait son propre sabre, serrant ses doigts autour du manche à s’en faire blanchir les jointures.

« J’engage le combat. » Prévint Arsenicia avant de se laisser tomber de la poutre, activant son sabre dans le mouvement. La lame turquoise ne perdit pas de temps et attaqua aussitôt, la Jedi usant du léger avantage qu’elle avait en agissant par surprise.

En réponse, deux lames écarlates apparurent, la première contrant celle de la Jedi. Le duel s’enchaîna aussitôt, les lames virevoltant de façon plus ou moins élégante, l’air s’électrifiant à chaque coup porté par les combattants. Le vrombissement caractéristique emplissait l'espace et, malgré l’éclairage faiblard, il était impossible de manquer une miette de ce combat. Arsenicia adopta aussitôt son style de prédilection face à l’agressivité des deux combattants, choisissant de ne prendre aucun risque. Le Niman était une forme de combat qui se prêtait particulièrement à ce genre de situation où l’avantage du nombre était à l’ennemi. C’était un style versatile, un équilibre entre la défense et l’attaque, et Ombrelune était même capable de garder un œil sur le troisième Sith afin de ne pas se faire surprendre.

Et à la première erreur, une vie fut fauchée par la Jedi, qui ne cherchait pas à éviter les victimes. Sa lame passa au travers du corps du premier combattant, puis dans un ample mouvement, vint lui trancher la tête, réduisant ainsi la menace à zéro. Déstabilisé par la mort soudaine de son compagnon, et par la froideur de la guerrière en face de lui, le second combattant vit sa main armée tranchée après une rapide passe d'armes, puis le sabre turquoise lui passer à travers le corps.

Arsenicia ne prenait jamais une vie sans raison, mais lorsqu’elle posait ce geste ultime, elle s’en détachait complètement. Aussi surprenant que cela pouvait paraître, elle n'avait que peu d'état d'âme face à la mort d'un ennemi. Mais dans une galaxie en guerre, à bien y réfléchir, cela avait un sens... La Force fut ébranlée par ces disparitions soudaines. Le remous causé, toutefois, fut encaissé aussi bien par la Maîtresse de l'Ordre que par le troisième Sith. Le Mentor. Ombrelune abandonna derrière elle les deux cadavres et leva sa lame devant elle, un air de défi dans le regard. Il lui restait un dernier duel à gagner, car perdre était impensable.

Malgré tout, Ombrelune eut une rapide pensée pour l'espionne. Arrivait-elle à avoir ce qu'elle cherchait ? Car il était clair, pour la Jedi, que la rousse ne cherchait pas uniquement le démantèlement du culte. Elle semblait trop investit pour que ce soit simplement ça. Mais quel était son but caché, Arsenicia n'en avait pas vraiment d'idée. Et il était hors de question de pousser Halcyon à lui révéler quoi que ce soit, au risque de la braquer définitivement.

Parfois, il était mieux de ne pas savoir. La Jedi avait foi en son instinct, et il n'était pas alarmiste quant aux motivations de l'espionne.

Mais il n'était plus temps d'y songer. Le bruit caractéristique d'une lame de sabre laser vint s'ajouter au vrombissement du sabre turquoise. Arsenicia raffermit sa prise sur le manche de son arme, puis le duel commença. Le style de ce dernier adversaire était plus violent et plus rapide. Plus acrobatique, aussi, révélant l'usage de l'Ataru. Cette pièce s'y prêtait tellement... C'est pourquoi la Maîtresse de l'Ordre commença à battre en retraite sous les assauts puissants. Elle reculait, encore et encore, vers le couloir d'où son adversaire était arrivé. Jusqu'à en passer la porte. Un couloir aussi étroit rendait l'Ataru inutilisable. Le Sith fut contraint de s'adapter à ce nouvel environnement. Ils échangèrent leurs positions, l'ouverture d'où ils venaient dans le dos d'Arsenicia. Devant elle, il y avait une autre ouverture et de petites fenêtres, à même la porte, révélait une autre grande pièce avec, à première vue, de nombreux écrans. Était-ce un genre de salle de contrôle ?

Les deux adversaires étaient féroces. Les lames avaient entaillé les murs, le plafond et le sol. Ce couloir était exigu, la Jedi prenait l'avantage. Jusqu'à ce que l'autre combattant trouve une ouverture dans la garde de la Maîtresse de l'Ordre. Celle-ci eut alors un unique réflexe : projeter le Sith aussi loin que possible d'elle, usant d'une poussée de Force incontrôlée. La puissance fut elle que la porte sortit de ses gonds et vola à travers la pièce qui se trouvait derrière, suivi par le corps du guerrier qui rencontra violemment le mur opposé de la salle.

Le vrombissement des deux sabres laser se répercutait en écho sur les murs de la bâtisse, annonciateur de mort et de destruction pour quiconque se trouverait sur le chemin des deux lames. Seule une puissante poussée de Force particulièrement puissante permis, d’ailleurs, à Arsenicia d’éviter la blessure potentiellement mortelle. Dans ce couloir, l’onde de choc n’avait d’autre choix que d’aller en ligne droite. Les panneaux de métal qui recouvraient les murs gondolèrent au passage de la vague de Force tandis que la porte sortie de ses gonds, comme soufflée par une explosion. Les deux battants se fracassèrent dans l’autre pièce contre le mur du fond, l’assaillant de la Jedi suivant l’exact même chemin.

Son dos rencontra durement le métal froid et dur de ce qui semblait être une salle de contrôle. Tous les regards se tournèrent vers le Sith dont les yeux clos ne laissaient que peu de doute sur la force du choc. Une trace de sang, derrière son crâne et sur le mur, laissait d’ailleurs deviner une blessure assez grave.

Pour sa part, Arsenicia n’avait d’autre choix que de franchir à son tour le cadre de la porte. Le sabre laser à la main, la lame turquoise éclairant son visage, la Jedi fit abstraction des regards belliqueux qui se posèrent aussitôt sur elle. Nul besoin de la Force pour être capable de lire l’atmosphère de la pièce alors que de nombreux cultistes abandonnés, visiblement, leur combat contre Halcyon pour se jeter sur la Maîtresse de l’Ordre. Sans doute, étaient-ils portés par leur fanatisme, mais cela restait un excellent mouvement. Ombrelune était une Jedi et par conséquent, elle refusait de tuer ces civils aussi facilement. Si elle devait prendre leur vie, ce serait uniquement en dernier recours.

C’est pourquoi elle esquiva les premiers tirs et retourna les premières attaques au corps-à-corps en s’assurant d’assommer, et non de tuer. Cela rendait toutefois la situation beaucoup plus périlleuse et Arsenicia fut soulagée en sentant la soudaine présence d’Halcyon dans son dos. L’espionne, cependant, semblait dans un état presque second. La Jedi décelait sans difficulté sa colère et sa rage. Que s'était-il passé pendant le court moment où elles n’avaient pas été ensemble ? La sensitive avait bien quelques idées, mais il n’était pas temps d’y penser davantage, car elle avait besoin de toute sa concentration.

Une concentration mise à rude épreuve alors que chaque vie fauchée par l’espionne causait un remous dans la Force. Sans parler du Sith qui se relevait enfin, le sabre au poing. À sa vue, Arsenicia fut contrainte d’utiliser une nouvelle fois la Force si elle voulait s’en sortir sans trop de dommage et sans faucher des vies civiles.

La première possibilité était une vague de Force. Un raz de marée qui aurait tôt fait de mettre tout le monde au sol… Y compris Halcyon. Mais Arsenicia ne désirait pas et ne pouvait prendre le risque de blesser sa seule alliée. Restait donc la télékinésie. Il ne fut pas question d’étrangler à mort chaque personne présente, mais de les soulever à quelques centimètres du sol, puis de les lancer contre le mur le plus proche, avec suffisamment de force pour qu’ils ne se relèvent pas. La scène fut aussi rapide que violente, mais il ne semblait pas y avoir de morts à déplorer.

Le champ était désormais libre. La Jedi releva son sabre laser et fit d’élégants moulinets avec la lame avant de se mettre en garde. Il restait un adversaire, ce serait de ce fait une danse à trois.

Halcyon était une adversaire impitoyable. De cela, Arsenicia était désormais bien au courant, il n'y avait qu'à observer les nombreux cadavres pour s'en rendre compte. Mais c'était tout de même étrange, songea la Jedi l'espace d'une unique seconde. L'espionne lui apparaissait soudainement si froide, à l'opposé total de ce qu'elle avait dégagé lors de leur rencontre à peine quelques heures plus tôt, qu'il s'était forcément passé quelque chose. À moins qu'elle ne fût seulement très douée pour dissimuler ses véritables intentions, y compris aux yeux de la Force ? Ombrelune peinait à y croire. Et pourtant.

Il n'était toutefois plus temps d'y penser. Le sabre au poing, Arsenicia engagea le combat avec le maître Sith, leurs lames s'entrechoquant bien trop rapidement pour l'œil des non-sensitifs. Mais encore une fois, Halcyon démontra ses talents en se joignant au corps-à-corps avec aisance, munie de tonfas recouverts d'un alliage résistant aux lames des deux sabres. L'arrivée soudaine de l'espionne déstabilisa le Sith. Ce dernier ne s'était sans doute pas attendu à ce que la rousse soit en mesure de lui tenir tête. La Jedi aussi en était surprise, d'ailleurs, même si elle n'en montrait rien.

Deux coups bien placés de l'espionne permirent à Arsenicia de prendre l'ascendant sur le duel. La Jedi n'allait certainement pas laisser passer une occasion comme celle-ci et choisit d'abattre son sabre avec l'efficacité d'un chirurgien. La lame bleutée sectionna le manche de l'arme adversaire puis, d'un revers bien net, le mis à genoux en pénétrant la chair de ses cuisses. Une dernière poussée de Force le fit sombrer dans l'inconscience.

Le combat était soudainement terminé. Seul le vrombissement du sabre laser troublait le silence pesant, jusqu'à ce que la Jedi le désactive et replace l'arme à sa ceinture. Ensuite, elle lâcha un profond soupir en fermant les yeux.

« C'était un très beau combat. » Dit-elle en se tournant vers Halcyon, avec un hochement de tête qui voulait dire 'merci pour votre aide'.

Ce fut le moment choisi par BT pour retrouver sa maîtresse, indiquant qu'il avait rempli sa mission avec quelques 'bip' qu'Arsenicia était sans doute la seule à parfaitement comprendre. « Contacte Maître Solimar et indique-lui où nous nous trouvons. »

Ombrelune laissa son regard vagabonder sur la salle et sur tous les morts, avant de se poser sur Halcyon. La Jedi ressentait toujours quelque chose de bizarre et, quelque part, elle se doutait fortement qu'il se fût passé quelque chose pendant le laps de temps où elles avaient été séparées… Mais Arsenicia n'avait guère l'envie de pousser l'espionne à parler, pas une seconde fois. Ce serait sans doute impossible, d'ailleurs, en envisageant que la femme était justement entraîné à garder de nombreux secrets.

« Vous êtes d'une efficacité redoutable, je tacherais de garder cela en mémoire. » Un autre compliment, étant donné le ton utilisé. « J'imagine que c'est le moment où vous n'allez pas tarder à disparaître comme dans les films ? N'oubliez pas mon nom dans votre rapport, je ferais ce que je peux pour vous appuyer vis à vis de votre collègue. »

Ombrelune pensa également au sien et aux mots à employer pour expliquer tout cela, mais également au doigté dont elle allait avoir besoin pour que le gouvernement de Denon laisse l'Ordre gérer ce qu'il restait du culte, afin que la situation reste sous contrôle et que les choses, finalement, se tasse d'elles-mêmes.

Arsenicia se sentit bien obligée de hausser un sourcil bien haut face à Halcyon, qui semblait devenir une tout autre personne au fil du flot de ses paroles. D’abord froide, presque sans âme, elle s’exprimait comme on pouvait l’attendre d’une tueuse méthodique. Jusqu’à ce qu’une voix plus chaude, aux nombreuses variations, vienne prendre la place. C’était un comportement étrange qu’Ombrelune qualifierait quasiment de bipolaire. Presque, car de ce qu’elle avait vue, l’espionne paraissait être une femme infiniment plus compliquée que cette simple explication scientifique.

Quant aux informations, elles firent immédiatement froncer les sourcils à la Jedi. Elle croisa les bras sur sa poitrine lorsqu’elle apprit qu’Halcyon avait eu l’occasion de parler à ce qui semblait être le cerveau de l’opération. Les sourcils de la Jedi s’arquèrent d’autant plus lorsqu’elle comprit que Denon n’était donc que la surface de l’iceberg et qu’il y avait donc beaucoup plus à gratter.

La mention de Coruscant était également importante. La planète était sous le contrôle de l’Empire, mais tout ceci offrait une opportunité pour se rapprocher de cet ancien allié. Les Chevaliers Impériaux n’allaient certainement pas apprécier tout cela en le découvrant, ni le laisser passer bien entendu.

Finalement, la Maîtresse de l’Ordre hocha la tête. La façon dont l’espionne évoquait les Sith était assez réductrice, mais l’idée était comprise. Arsenicia savait très bien que les sensitifs du côté obscur étaient loin d’être tous des bêtes enragés, assoiffée aussi bien de sang que de pouvoir. Il y en avait, bien sûr, tout comme on trouvait aussi des érudits. Il n’y avait qu’à prendre la Reine Éternelle en exemple, car de tous les Sith, elle était la plus connue. Et ne rentrait sûrement pas dans l’archétype décrit par Halcyon.

C’était toutefois un sujet sur lequel Arsenicia ne souhaitait pas dériver pour le moment. Celle-ci se contenta donc de hocher de nouveau la tête, faisant ainsi comprendre qu’elle avait parfaitement entendue et saisit les mots de l’espionne… Cette étrange espionne, aux multiples secrets et facettes.

Mais une chose semblait certaine pour la Jedi, c’était que la femme en face d’elle n’était pas un danger pour la République ou pour elle. À moins qu’elle cacha bien son jeu, bien entendu, mais la Force ne murmurait rien allant en ce sens… Même si elle continuait à s’agiter étrangement autour d’Halcyon. Celle-ci, d’ailleurs, n’en avait pas tout à fait terminé et ne comptait pas s’enfuir comme dans un bon vieux holo-film d’espionnage, faisant ainsi légèrement sourire Arsenicia.

« Mon devoir est un amant tout aussi prenant que le vôtre, commandeur. » Répondit la Jedi, comprenant entre les lignes que l’espionne n’ignorait pas l’existence d’une campagne dans la vie d’Arsenicia. « Vous pourriez, si vous le vouliez vraiment. Je ne suis peut-être pas une espionne, mais je mets ma vie en danger au moins autant que vous. Je le fais simplement d’une façon différente. » Elle posa un regard appuyé sur la rousse. « Tout est une question de choix, finalement. Si les deux parties sont sur la même longueur d’onde, même avec l’agenda le plus rempli de la galaxie, cela peut fonctionner. Croyez en mon expérience. » Conclus la sensitive, donnant ici un petit coup de pouce à l’espionne.

Si celle-ci se refusait à une vie de couple à cause de son travail, c’était un choix regrettable bien que compréhensif. Avec la bonne personne, cela pouvait fonctionner, Arsenicia en était convaincue. De plus, la notion de ‘couple’ pouvait être assez libre et rien ne forçait Halcyon à s’enchaîner à une personne si ce n’était pas ce qu’elle souhaitait. Mais si elle avait trouvé l’amour dans cette galaxie, il était dommage de passer à côté. C’était, en tout cas, la vision de la Jedi, qui jugeait la situation avec son propre passif. Il y avait fort à parier qu’un autre membre de l’Ordre aurait une vision tout à fait différente d’Ombrelune.

« En ce qui concerne ce verre, allons donc le prendre. Je préférerais un endroit discret, cela dit… Et tranquille. Mon vaisseau ? »

Qui aime bien châtie bien.

Voilà un proverbe qui, selon l'avis d'Arsenicia, collait parfaitement avec le tempérament joueur et changeant de l'espionne. Une espionne qui en révélait un peu sur sa personne, au plaisir de la Jedi. Pas que celle-ci fut curieuse à outrance, mais plutôt parce qu'il était agréable qu'Halcyon ne soit plus réduit à son simple statut d'espionne. En révélant qu'il y avait bien quelqu'un à qui elle tenait beaucoup, elle avait soudainement l'air plus humaine. Et moins un simple instrument de chair et de sang. Toutefois, la rousse révéla aussi se refuser à ce bonheur. Elle jugeait ne pas le mériter. Elle avait trop de sang sur les mains. À cela, Arsenicia ferma les yeux et secoua la tête, en signe de désaccord. Ses yeux de chats croisèrent ensuite ceux de l'espionne.

« Quand on a du sang sur les mains ou lorsqu'on tient la vie de millions de personnes entre ses doigts… Avoir soi-même quelqu'un nous protège des ténèbres dans lesquelles il serait, sans cette personne, si facile de tomber. »

De nombreux Jedi n'hésiteraient pas à signifier leur désaccord avec une telle affirmation. L'histoire avait prouvé le contraire avec un certain Skywalker… Jusqu'à ce que son attachement le fasse revenir dans la lumière. Mais c'était une leçon d'histoire qu'Arsenicia voulait épargner à l'espionne, d'autant qu'elle subodorait que celle-ci la connaissait déjà.

Sans doute n'allaient-elles pas aller plus loin dans cette conversation. Celle-ci bifurqua vers ce verre de célébration. Et si Arsenicia proposa naturellement son vaisseau, l'espionne n'était pas de cet avis. Et elle ne manqua pas d'expliciter pourquoi, faisant lever un sourcil à Ombrelune. Les rumeurs étaient, sans aucun doute, le dernier cadet de ses soucis. Par discret, elle voulait surtout dire « calme », mais il était trop tard.

Halcyon se lança donc dans l'exposé de trois endroits différents, révélant par la même occasion quelques informations.

« Allons-y pour le jardin. »

Ainsi était le choix d'Arsenicia. Un choix peu surprenant pour une Jedi, pensa-t-elle en haussant les épaules. « BT, retrouve Maître Solimar et explique lui la situation. Je vous rejoins rapidement. »

Une mission importante pour le petit droïde, mais Arsenicia avait toute confiance en ce petit être de métal pour l'accomplir avec brio, le temps de fraterniser un peu avec l'espionne.

C'était poétique, de l'avis d'Arsenicia. Elle n'avait pas cherché à l'être, mais les mots avaient quitté sa bouche ainsi. Cyrène était sans aucun doute cette personne pour la Maîtresse de l'Ordre, et ce, malgré la difficulté que les deux femmes rencontrées à se voir. Leurs agendas étaient bien remplis, mais c'était la vie qu'elles avaient choisie. Quant à Halcyon, Ombrelune fronça les sourcils. Ses propos démontraient clairement ce que l'espionne pensait d'elle-même. La force s'agitait autour d'elle, lui donnant presque raison. Encore une fois, la Jedi ne savait que penser. L'espionne n'était pas d'une compagnie désagréable, mais il y avait quelque chose de légèrement décalé avec elle. Une chose sur laquelle Arsenicia n'arrivait pas à mettre le doigt, alors que d'ordinaire, son instinct était aiguisé.

« Vous devriez considérer l'option de lui laisser le choix. De mon expérience, les gens n'aiment pas se faire dicter les choses, encore moins en matière d'amour. »

Cette conversation était un peu surréaliste. Ombrelune ne s'était absolument pas attendue à discuter cœur avec une espionne de la République. Même si le mot 'discussion' était sans doute un peu trop grand dans le cas présent, puisque Halcyon ne lui laissa guère le temps de continuer avant d'enchaîner sur le jardin.

Arsenicia accepta donc de ne pas poursuivre avec un léger sourire. Elle comprenait que cela pouvait mettre mal à l'aise l'espionne et préférait ne pas la pousser. Après tout, elle ne la connaissait pas. La Jedi la laissa donc parler du jardin où elle se rendait, lui laissant avec plaisir cette diversion typique des politiciens.

Le trajet, somme toute, fut court. L'homme qui les accueillit à leur arrivée avait un certain âge. Il avait le regard des hommes qui ont vu des choses dans leur vie, ce qui n'était pas surprenant d'un espion à la retraite. Même si le terme 'retraite' ne collait pas à la profession d'espion pour Arsenicia. C'était une vocation qui ne devait jamais vraiment disparaître, même lorsqu'on était plus envoyé aux quatre coins de la galaxie dans des missions plus ou moins périlleuses.

Le jardin en lui-même rappelait à Ombrelune celui du temple de Tython, quoique beaucoup plus petit. C'était un écrin de verdure appréciable sur cette planète toute en métal. Arsenicia s'y sentait bien et s'assit naturellement en tailleur dès qu'elle en eut l'occasion. La Force continuait de s'agiter autour de l'espionne, dont la Jedi sentait les pensées tournées vers cette fameuse personne chère à son cœur… Sans que Nicia soit en mesure d'en deviner l'identité.

« Un Jedi à la retraite n'existe pas, que nous soyons en guerre ou non. Notre serment nous lie à notre devoir jusqu'à la mort. La seule façon de s'en défaire est de quitter l'Ordre. Et même là… J'imagine mal un ex-Jedi tourner le dos à ses principes aussi aisément. Cela fait partie de nous, un peu comme vous, les espions. »

Arsenicia fit jouer son thé dans le fond de sa tasse, observant le liquide chaud et coloré.

« Qu'est-ce qui vous a donné envie de devenir espionne ? Je me demande ce qui peut vous motiver, vous autres. »

Du thé, un jardin, une espionne. Un joli mélange pour donner place à une étrange discussion. Un moment qu'Arsenicia n'avait pas pensé possible en premier lieu. Mais Halcyon était le genre d'espionne bavarde, même si au final elle ne disait pas grand chose. Pas que ce n'était pas intéressant. Mais ses mots étaient soigneusement choisis. Son débit de parole pouvait être intense et, pourtant, ne rien révéler sur elle. Ombrelune ne s'attendait donc pas à apprendre quoi que ce soit sur la commandeur des renseignements malgré sa question.

Invoquer le secret défense était, bien entendu, une excellente façon de passer les détails sous silence. Mais même en faisant cela, Halcyon révéla que des gens avaient tenté de lui faire du mal par le passé. Des gens qu'elle avait visiblement éliminés. Et ce geste avait impressionné quelqu'un de haut placé parmi les renseignements. Un parcours classique, osait penser Nicia.

Mais la Force se manifesta soudain autour de l'espionne. Pour Ombrelune, c'était avant tout une sensation désagréable au niveau de sa nuque. Quelque chose qu'elle avait appris à identifier, depuis toutes ces années, comme une mise en garde. Le danger flottait autour de l'espionne. Un danger plus grand que ce à quoi on pouvait s'attendre avec une personne telle qu'Halcyon. Quant à la formulation choisie par cette dernière pour évoquer son travail auprès de la République, elle laissait une drôle d'impression à Arsenicia. La notion de laisse laissait présager que la rousse était forcée, en quelque sorte, à travailler pour le Renseignement Républicain… Comme si ce n'était pas tout à fait son choix. Comme si elle le faisait par défaut pour atteindre un but plus grand… La Jedi haussa un sourcil mais garda le silence, bien consciente qu'elle n'obtiendrait jamais de réponse à une question directe sur ce sujet, de toute façon.

Mais cette dangerosité ressentie par Ombrelune était pondérée par autre chose, se rendit-elle compte. Un sentiment que la Jedi connaissait bien : le manque. Mais aussi la crainte. L'espionne était-elle en train de penser à cette fameuse personne si chère à son cœur ?

Les choses revinrent soudainement à la normale et Arsenicia reprit une gorgée de son thé, pas dupe pour un sou cependant. Et comme pour faire échos à ses pensées, Halcyon formula une question qui laissa la maîtresse de l'Ordre pensive. Celle-ci pris le temps de déposer sa tasse avant de répondre.

« Voyez cela autrement. Je pourrais effectivement décider de tout plaquer et de partir au fin fond de la galaxie avec ma compagne. Nous serions probablement heureuses pendant un bon moment après tant de mois loin l'une de l'autre. Mais être un Jedi… Ce n'est pas un travail. Je n'ai d'ailleurs pas de salaire. Être un Jedi est un mode de vie et de pensées. C'est aussi une religion. Si je décidais de m'enfuir avec Cyrène à l'autre bout de la galaxie, pensez-vous vraiment que je serais heureuse ? vraiment heureuse ? Tout en sachant tout ce que je laisse derrière, tous ces gens qui ont besoin de personne comme moi ? » Elle pencha la tête sur le côté, croisant le regard de l'espionne. « Je me sentirais incomplète si j'étais incapable d'accomplir ce devoir auquel je tiens tant. Et il en est de même pour ma compagne. Être aux commandes d'une flotte, défendre la République… c'est sa vocation et je ne souhaiterais, pour rien au monde, qu'elle abandonne ce qu'elle aime tant. »

La Jedi eut un petit sourire.

« Cette vie de bonheur que vous évoquez est une simple question d'équilibre. J'aime ma compagne et j'aime ce que je fais. Je chéris le temps que je passe avec elle tout comme celui que je passe à aider mon prochain. Retirez l'un de ces deux éléments et il est certain que la vie me paraîtra bien fade, soudainement. Alors, oui, ce que nous faisons nous place parfois face à des situations où nous pourrions perdre la vie… Mais c'est un risque dont nous avons bien conscience et avec lequel nous sommes en paix… Est-ce que cela répond à votre question ? »

De menace envers la République, elles étaient passées à discussion semi-philosophique. Un terrain qui correspondait également à la Maîtresse de l'Ordre, mais où elle était surprise de retrouver Halcyon. L'espionne cachait plus d'un as dans ses manches. Quant à la nature de ses questions, elle donnait à Arsenicia un bref aperçu de ce qui trottait tant dans la tête de la rousse. Toutefois, Ombrelune ne comptait pas la questionner davantage. Elle avait bien compris que, de toute façon, l'espionne ne répondrait pas. Mais cet air attendrit qui se peignait sur ses traits ne laissait que peu de doute à la Jedi, qui se contentait de sourire légèrement.

Un sourire qui ne la quitta pas malgré le changement soudain d'attitude chez Halcyon, qui complimenta alors la relation de la Jedi avec sa belle amirale. Nicia haussa un sourcil tout en acquiesçant brièvement. Elle garda le silence et préféra laisser l'espionne poursuivre sur sa lancée afin de connaître le fond de ses pensées.

Et ce changement soudain de sujet laissa Arsenicia pensive. Celle-ci baissa le regard vers ses mains. Des mains pâles au doigt long et fins. Une peau douce malgré des années passées à manier le sabre laser et à se battre.,

« Prendre une vie n'est jamais un acte anodin. Je l'évite autant que je le peux, mais parfois il n'y a tout simplement pas d'autres choix. Comme toute à l'heure. » La brune déposa sa tasse, vide, entre elle et l'espionne. « Je ne sais pas comment vous fonctionnez, mais pour ma part, c'est comme un état second. Je sais ce que je fais, mais je m'en détache totalement. Le fait que je vive plus longtemps qu'une majeur partie de mes semblables aide, sans aucun doute. J'ai connu mon lot de morts. » Expliqua t-elle en croisant les yeux verts de l'espionne. « Et notre code n'est pas simplement un mantra à connaître sur le bout des doigts. C'est une ligne de conduite… ou un garde-fou. Temps que je me battrai en respectant ce code… en respectant ce en quoi je crois, je serais en mesure de me regarder dans un miroir. »

Inconsciente de s'être légèrement penchée vers l'avant, Arsenicia se redressa.

« À travers l'histoire, le Code Jedi a souvent été décrié par les militaires car, soit disant, il nous empêche d'être pleinement efficient. Mais c'est sans doute la différence entre nous, qui sommes des gardiens de la paix, et vous. Sans vouloir vous manquer de respect, bien sûr. »

Elle fit une courte pause.

« Mais si vous suiviez un code comme le nôtre, vous seriez incapable d'effectuer les missions qui sont les vôtres. À un certain égard, vous êtes plus honorables que moi. Je me cache derrière une doctrine pour garder les pieds sur terre, mais vous… Vous ne le devez qu'à vos convictions. »

Arsenicia étudia longuement le profil de la rousse qui remplissait sa tasse, l’air de rien. Puis elle en fit de même avec la sienne, mais sans la porter immédiatement à ses lèvres.

— C'est utopiste, répondit finalement Ombrelune après un moment. J'aimerais une galaxie unie et sans souffrances, mais c'est impossible. Notre différence est l'un des éléments qui rend cette partie de l'univers aussi belle, mais également aussi cruelle. L'un ne va pas sans l'autre… Sommes-nous pour autant condamner à nous déchirer à jamais ? Je ne pense pas. Nous avons déjà connu des ères de paix plus ou moins longue. Quant à la République elle-même… Elle a ses défauts et ses qualités. Je pourrais longuement vous parler de la société Hapienne et vous vous rendriez compte que malgré une main de fer et un cadre strict, c'est assez décadent. Enfin… Vous le savez déjà, n'est-ce pas ? S'enquit Nicia en haussant un sourcil.

Halcyon aurait fait une piètre espionne dans le cas contraire.

— Vous devriez laisser un peu plus de place à cette personne chère à votre coeur. Elle vous ferait sans doute voir les choses d'un nouveau point de vue.

Arsenicia n'avait pas manqué de sentir cette noirceur. C'était très différent des Sith ou des Jedi Noirs. Ce n'était pas une aura dans la Force ni même une démonstration d'un pouvoir. C'était plus perfide. Plus subtile. Pourquoi l'espionne ressentait-elle cela ? Qu'avait t-elle fait de si mauvais dans sa vie pour se sentir aussi… coupable ?

— Vous me faites un peu penser à ma compagne, reprit Arsenicia. La Force fluctue autour de vous comme elle fluctue parfois autour d'elle. Je sais que vous ne me voulez pas de mal. C'est autre chose…

La Jedi termina de nouveau son thé et repoussa sa tasse. Elle en avait assez, cette fois-ci.

— Mais comme elle, vous avez bon fond. Cela ne se voit pas forcément au premier coup d'oeil, mais… C'est bien là.

Un léger rire, cette fois-ci.

— Je crois que je vais bientôt y aller. J'aimerais ne pas faire trop attendre Maître Solimar.