Un verre pour l’avenir [Pv Wizde'Ris'Hallaster] [Abandonné]

Diantre, à peine je sors de cure de bacta qu’on m’assaille d’une montagne de dossiers à traiter ! On n’avait pas dit que je devais me reposer, non ? C’était pourtant la consigne sine qua non d’Arfan pour que je sois enfin autorisée à quitter les quartiers que je partage avec Dalek ainsi que l’infirmerie. Il ne va pas être très content, notre Maître Guérisseur Vert, mais blessée ou non, convalescente ou non, enceinte ou non, le devoir du Maître des Jedi Verts ne s’arrête pas ! Je ne compte plus les rapports et les réunions que j’ai dû préparer tant pour la gestion interne de l’Ordre Vert, les relations avec le gouvernement corellien et quelques rapports préliminaires à destination du Haut-Conseil de Tython ! J’ai notamment une note assez pressante de mon amie et Maître de l’Ordre, Arsenicia Ombrelune, qui me demande autant un rapport de ce qu’il s’est passé au sol sur Kashyyyk qu’un rapport sur mon état de santé actuel, en regard notamment de mon statut de femme enceinte. Sans doute son côté guérisseuse qui doit parler, surtout que j’avais accepté sa proposition d’aide sur le suivi de ma grossesse. Bon, personne ne traitera ces dossiers à part moi et on dit bien « pas de repos pour les braves ». Je m’y suis donc collée de plus ou moins bonne grâce, mais au moins avec attention.

De toute façon, je suis basée au Temple Vert de Corellia pour un bout de temps, et cette permanence risque d’être assez longue ! Ce ne sont pas les Jedi Verts qui s’en plaignent, ils m’ont plus souvent à domicile et les rares voyages que je risque de faire seront soit dans le système corellien soit sur Tython. Bon, cela leur fait une paire de bras et un Maître Vert expérimenté en moi qui peut être détaché pour une mission, mais en pesant le pour et le contre, ça me rend aussi plus disponible pour le Conseil Vert, la gestion interne en général et pour donner quelques cours aux Novices, Padawans et Jedi Verts qui me le demandent, plus souvent pour le maniement du sabre que celui de la Force, mais quand même ! J’ai quelques connaissances en la matière, tant en termes de renforcement des compétences de combat que dans l’art de la perception de l’environnement et des présences plus ou moins proches. J’ai d’ailleurs demandé à ce qu’exceptionnellement, la rencontre souhaitée par deux de mes pairs au Haut-Conseil de Tython soit organisée sur Corellia plutôt que Tython, arguant de ma convalescence. Je peux toujours former les plus jeunes et m’exercer, mais très raisonnablement et avec modération. Ma jambe droite a été méchamment amochée lors de la bataille sur le monde natal des Wookies et si les courts séjours en cuve bacta et les arts Jedi ont pu éviter qu’elle finisse résolument broyée, je l’ai quand même grièvement brisée et elle doit prendre le temps de guérir pour recouvrer ma mobilité. Je la retrouverai plus tôt que tard, mais à la condition que je me tienne tranquille pour un bon moment. Ajoutez à cela les impératifs liés à ma grossesse et vous comprendrez que je sois réserviste pour les prochains mois à venir, sauf pour des missions jugées pas trop dangereuses et pas très éloignées. Dalek est venu me prêter main-forte ainsi que Kor’a au bout de trois bonnes heures de travail, et je leur ai délégué avec reconnaissance les dossiers sur lesquels ils pouvaient avoir compétence d’avancer. Certains attendraient que je m’y penche personnellement, mais cela allégeait un peu mes tâches.

J’ai un rendez-vous que je ne saurais manquer pour rien au monde !

Comme je ne suis pas en avance avec toutes ces « bêtises », je garde les tuniques vert émeraude de Maître Jedi Corellien que je porte d’ordinaire. Plutôt que ma coiffure habituelle, j’ai décidé de réunir mes cheveux en un chignon assez lâche et relevé, laissant sciemment filer quelques mèches de cheveux auburn, pour encadrer mon visage notamment mais pas uniquement. Je n’ai jamais été quelqu’un en quête de perfection esthétique, je suis très pratico-pratique sur ce point. Sous l’insistance de plusieurs de mes pairs, je concède d’y aller en motospeeder – biplace – plutôt que de réaliser le trajet à pied, promettant d’y aller mollo et de conduire prudemment. On aurait très bien pu m’y conduire, mais j’ai décliné aussitôt la proposition : je tiens absolument à ma liberté et à mon autonomie de mouvement.

Bien qu’il soit assez proche de la capitale corellienne, Coronet-city, le Temple principal des Jedi Verts est quand même assez éloigné de l’immense spatioport de la ville. J’avais demandé à ma visiteuse tant attendue de s’y rendre – même si je lui gardais une place dans le spatioport du Temple, selon le temps qu’elle souhaitera rester chez nous – pour que ce soit plus pratique pour les plans que nous avons. Je lui avais en effet donné rendez-vous dans Coronet-city, dans le hall des arrivées du spatioport. Une fois que je l’aurais retrouvée et saluée comme il se doit, je l’emmènerai en ville et l’inviterais à partager autant ma table qu’un verre – ou plusieurs – dans une excellente cantina de ma connaissance. Je connais la cité comme les doigts de ma main, ainsi que tous les coins sympas où il fait bon grailler. Un sourire enthousiaste perdure sur mes lèvres alors que je fais ronronner le moteur de la motospeeder et me rend à la capitale, mon sabre-laser double-lame, mon arme Jedi à lame simple et mes blasters toujours présents comme d’ordinaire à ma ceinture utilitaire. Toute Jedi que je suis, je suis Corellienne.

Stationnant mon véhicule et le sécurisant comme il se doit avec un très robuste système antivol, je mets pied à terre et pénètre d’une démarche détendue, assurée et décidée dans l’immense spatioport, bien qu’une légère boiterie demeure dans mes foulées. Renseignements pris, notamment autour de son quai d’arrivée, je me place de façon à ce qu’elle ne puisse pas me rater normalement malgré ma petite taille d’un mètre soixante-deux. On me repère généralement assez facilement avec ma chevelure plutôt flamboyante et mes bures de Jedi vert émeraude. Mes yeux bleus-gris scrutent la foule allant et venant des utilisateurs du spatioport, tout en guettant dans la Force sa présence. En vrai, cela ne fait pas si longtemps que cela que nous nous sommes vues, mais quand bien même. Cela doit faire, quoi ? Deux semaines à peu près, je dirais. Le temps passe si vite.

Que vous dire à propos de Wizde'Ris'Hallaster, que j’appelle plus couramment « Derisha » ?

Cette jeune femme, Chiss de son état, n’est ni une corellienne ni une Jedi Verte. Et pourtant, elle fait partie de mes protégés, même sans avoir été ma Padawan à proprement parlé. Elle était l’élève de l’un de mes rares amis chez les Jedi de Tython, que nous avons perdu bien trop tôt l’an dernier. Maître Hallaster… tu ne serais pas peu fier de voir la jeune femme que devient ta chère pupille et fille adoptive. Je n’ai pu élucider les circonstances de ton assassinat que quelques mois plus tôt, et la responsable est désormais jugée, mais au moins j’ai pu ramener Derisha après de ses proches, les cousins de Tython. Je te promets de veiller sur elle autant qu’il me sera possible, et de la guider si elle me le demande. Bon, tu me dirais que cela inclut de ne pas me faire tuer au passage, et tu n’aurais pas tort en soi. Elle n'a pas déçu tes attentes et tes espoirs. Elle s’est relevée et a quitté Utaruun à mes côtés, regagnant Tython pour reprendre confiance en elle tandis que je l’avais inscrite aux prochaines Épreuves. Elle a réussi les Épreuves et est devenue un Chevalier Jedi. J’ai pu l’aider les jours qui précédaient ses Épreuves, auxquelles j’ai assisté et vu son triomphe avec fierté, participant à la cérémonie de son élévation en tant que Chevalier Jedi, présidée par Arsenicia et Dante. Cela fut la seule entorse à la règle que j’avais tant bien que mal obtenue, ce déplacement express pour être là pour les Épreuves de Derisha, même si j’avais été rappelée dès le lendemain pour l'affaire très urgente que serait l'assaut du Consortium sur Kashyyyk, et sa désastreuse conclusion. Je ne regrette rien ! Je n’aurais pas voulu manquer ce moment. Comme pour Kayla avant elle, je m’acharne toujours pour ménager du temps pour être là pour elles. Percevant sa présence dans la Force avant même de distinguer sa silhouette dans la foule des visiteurs du spatioport, je me redresse avec un large sourire chaleureux aux lèvres et lui fait de grands signes :


- Par ici, Derisha !


Décroisant mes bras alors qu’elle se rapproche de ma position, levant un peu ma tête pour la regarder dans les yeux, je la dévisage en quelques instants pour m’enquérir de son état avant de poursuivre.


- Quel plaisir de te voir ! Comment vas-tu, ma grande ? Tu as fait bon vol ?


Au temps pour la Maître des Jedi Verts, me direz-vous. Mais je n’ai jamais été fan des protocoles et des procédures, encore moins quand j’ai affaire à des amis et à des proches. Ici, je lui parle avant tout en tant qu’Allana Fern que la dirigeante de l’Ordre Vert. Et clairement je suis contente de la voir ! Je ne l'ai pas revue depuis mon départ soudain sur le front du Kashyyyk, et aussi je suis ravie de partager sa compagnie.

J'étais pourtant bien présente lorsque j'avais passé les Epreuves. C'était moi qui les avait affrontées, jusqu'à les réussir. Alors pourquoi avais-je encore ce sentiment de ne pas être Chevalier Jedi ? J'en portais le titre désormais. Rien qu'en gagnant mon vaisseau, épave serait plus juste, un Maître que j'avais souvent côtoyé en étant au près de Maître Hallaster m'avait saluée, félicitée pour ma réussite. J'avais été élevée au rang de Chevalier, adoubée selon la tradition et pourtant malgré tout ça j'avais encore bien du mal à l'intégrer. Comme pour me prouver que c'était bien vrai, mes doigts cherchèrent cette petite natte que j'avais désormais coupé. Je n'étais plus une Padawan désormais. C'était impressionnant. Me dire que désormais il me faudrait parcourir la Galaxie pour répondre aux demandes de l'Ordre et aux besoin des habitants de tant de mondes différents. Quand j'étais Initiée je rêvais de commencer à voyager, quitter Tython pour voir tout ce qui se trouvait dans la Galaxie. Quand j'étais Padawan aux côtés de mon Maître, je ne comprenais pas toujours sa volonté de s'occuper des petits conflits locaux en se tenant à l'écart des plus grands affrontements. Maintenant que j'étais Chevalier, j'avais l'impression que cette Galaxie était beaucoup trop grande et qu'il y avait tant à faire que mille vies n'auraient pas suffi à gratter la surface des obligations qui m'attendaient à présent. C'était impressionnant. Très impressionnant. Par chance j'avais à mes côtés Monstre, ce jax barbu qui ne me lâchait plus depuis notre rencontre, un réconfort et compagnon de voyage dont la sagesse était de rarement s'exprimer, notamment sur notre moyen de transport.

Autrefois nommé le Pride & Prowess, véritable fierté de mon arrière-grand-père, le vaisseau qui était désormais mien était en piteux état. Au fil des années j'avais aménagé de mon temps libre pour apprendre à le piloter et remettre en état ce que je pouvais. J'avais cependant donné la priorité à mes études de Jedi, je n'avais donc fait dessus que de la maintenant grossière, de quoi lui permettre de voler en toute sécurité. Pour le gros des travaux qui restait à faire, il me faudrait des personnes plus compétentes et avec de plus grandes connaissances que les miennes. C'était une bonne raison de me rendre sur Corellia. Il y avait là-bas parmi les meilleurs, sinon les meilleurs tout courts, chantiers navals de la Galaxie. J'y trouverai à coup sûr quelqu'un qui pourrait m'aider à remettre en état le Bittersweet. Changé le nom du vaisseau m'était venu naturellement, je m'imaginais mal parcourir la galaxie avec un vaisseau baptisé fierté et prouesse. Même si j'avais peu, pratiquement aucun, souvenir de mes parents, je savais ce qui s'y était passé, j'avais vu les enregistrements, la façon dont ma famille s'était déchirée pour le sujet de mon avenir. Alors le nom Bittersweet était venu naturellement. Il traduisait bien mon ressenti concernant ce vaisseau, l'histoire récente de ma famille. Et puis il volait à présent. Certes les fonctions non principales étaient presque toute hors service mais il volait, il pouvait emprunter les couloirs d'hyperespace et j'avais réussi à remettre parfaitement en état l'ordinateur de bord je pouvais donc me déplacer dans la Galaxie. La sagesse serait pourtant de commencer par de petits déplacements, de préférence sans dangers, dans le but de me rendre sur Corellia pour y apporter de nouvelles réparations et c'était le programme.

Pour tout dire cependant, l'état du Bittersweet et les réparations nécessaires étaient une excuse supplémentaire pour me rendre sur Corellia. La véritable raison était bien différente, je devais honorer un rendez-vous. Quand je disais que je "devais" l'honorer ce n'était pas une façon polie de le dire, c'était un impératif, impensable pour moi de ne pas y être, c'était une obligation morale mais qui supplantait toute autre obligation imaginable. Ne pas répondre à l'invitation de Maître Fern serait un véritable crime à mes yeux. Je lui devais tant. Mon Maître m'avait formée sur les chemins de la Force, la méditation, la télékinésie, la vision de Force, tout ce qui faisait appel à la Force était son domaine. Ca n'était pourtant pas vraiment le mien, plus adepte du sabrelaser. Alors il m'avait poussée vers une Maître Vert de sa connaissance : Maître Allana Fern. Elle m'avait donnée mes meilleurs cours de sabrelaser. Les plus épuisants également mais ça allait de paire après tout. J'avais toujours aimé nos échanges, depuis les premiers quand j'avais une dizaine d'années. Elle dégageait une assurance qui ne faisait que grandir encore quand elle avait un sabrelaser dans la main, je crois que j'aurai pu passer des heures à ne faire que la regarder se battre. Cependant nos affrontements avaient rarement duré longtemps. Au fil des années j'avais pu lui tenir tête de mieux en mieux, même si elle finissait toujours par montrer ce qu'une technique supérieure permettait de faire. En un sens cela m'avait toujours tirée vers le haut parce que je voulais chaque fois faire mieux que la précédente. Alors même si Maître Fern semblait toujours plus forte, je le devenais moi aussi. Ce n'était pas une compétition dans laquelle je voulais absolument gagner, ce n'était pas le but, mon objectif était de lui donner plus de mal à me vaincre à chaque fois que nous croisions à nouveau les sabres. C'est en grande partie grâce à elle que j'ai appris à manier deux sabrelasers, déterminée que j'étais à passer les Epreuves uniquement quand j'aurai réussi à lui faire utiliser sa double-lame. Quelle fierté d'avoir réussi et quelle leçon d'humilité quand j'avais compris dans la foulée que ce n'était qu'une marche de plus mais que le sommet était encore loin. Maître Fern, volontairement ou non, avait su me faire sentir plus forte et très humble ce jour-là. Oui j'avais réussi à la pousser à prendre son arme habituelle avec laquelle elle était la plus forte mais j'avais encore un long chemin avant de rivaliser avec elle. C'était comme un nouvel encouragement à continuer. Le message était reçu.

Hélas tout ne s'était pas passé comme prévu. Moi qui avait déjà dit "Non" deux fois aux Epreuves que mon Maître voulait me voir passer, je fuyais la troisième fois en sentant mon Maître en danger. J'arrivais trop tard pour le sauver et la suite … la suite m'avait finalement fait quitter l'Ordre Jedi. Je pensais que ça appartiendrait au passé mais c'était sans compter sur Maître Fern qui m'avait ramenée vers l'Ordre Jedi. Elle m'avait déjà inscrite aux Epreuves, avant même de m'avoir revue, elle savait que je reviendrai, j'ignorais comment, mais ça témoignait de son génie que j'avais toujours admiré. Et puis … avoir pu manier son sabrelaser même l'espace de trois secondes, c'était idiot mais ça m'avait fait sentir vraiment spéciale. Maintenant je voyais cela plus clairement, elle avait laissé faire pour me pousser à agir comme je le devais, en Jedi, pour me rappeler qui j'étais. Elle avait réussi. J'étais une Chevalier Jedi. Et si je ne mourrais pas en posant le Bittersweet sur la plate-forme d’atterrissage de Corellia, je pourrai la remercier. A voir la tête du corellien en voyant l'état de mon vaisseau, je compris qu'il me jugeait courageuse ou folle à lier de voler avec. Il me demanda si je voulais un devis pour la totalité des réparations et je lui demandais le détailler pour faire les réparations au fur et à mesure. Mon porte-feuille ne me permettait pas vraiment de tout réparer d'un seul coup.

Je ravisais rapidement ma tenue, j'avais choisi quelque chose de simple, de sobre, une tenue de Jedi classique dans des tons beiges sombres qui avaient tendance à mettre moins la couleur de ma peau en évidence. J'étais passée outre les regards sur une Chiss Jedi mais c'était une première pour moi sur Corellia, je ne voulais pas forcément attirer tous les regards. J'avais mon blaster, mon sabrelaser et Monstre avait décidé d'élire domicile dans la capuche de ma bure, roulé en boule. Je sentis la présence de Maître Fern dans la Force en passant la porte, elle m'attendait, me faisait signe, elle souriait. Je répondis d'un petit signe de la main en m'approchant d'elle. J'avais sur les lèvres un petit sourire qui, elle le savait forcément, serait un sourire jusqu'aux oreilles pour un humain. Je ne pouvais pas changer ma nature.

« Si j'en crois la tête de l'opérateur corellien, je crois que j'ai dû faire bon vol. Mon vaisseau n'est pas vraiment dans le meilleur état. »

Je m'en amusais mais j'étais consciente de l'importance des réparations à faire dessus. Je saluais finalement la Maître Jedi en m'inclinant respectueusement devant elle.

« Je suis contente de vous revoir, Maître Fern. »

Je fis alors quelque chose qui me surprit moi-même. Je venais de me redresser que je m'étais approchée pour enlacer Maître Fern, geste si inhabituel pour moi que Monstre leva la tête dans la capuche pour voir ce qui se passait. Je murmurais à la Maître Vert.

« Merci. »

Un simple mot pour résumer un tout. Inhabituellement ma voix tressaillait, résonnait d'une émotion puissante. Elle m'avait permis de m'accomplir aux côtés de mon Maître, elle m'avait ramenée vers l'Ordre, elle m'avait soutenue pendant les Epreuves, elle m'avait vu être élevée au rang de Chevalier, elle m'avait invitée aujourd'hui. Alors ça semblait peu de choses ce tout petit mot. Je me reculais finalement, presque gênée de cette spontanéité qui me ressemblait si peu, redevenant celle que j'avais l'habitude d'être, impassible, au sang-froid maitrisé.

« J'ai appris ce qui vous est arrivée sur Kashyyyk, j'espère que vous allez bien, que vous vous remettez. Si je peux faire quoi que ce soit pour vous aider, vous assister, je ne crois pas qu'il y aurait assez que je puisse faire pour vous remercier. »

Dire que je l’ai connue gamine ! Par Corell, que ça grandit vite, les enfants ! Ça me fait le même coup de vieux quand je vois d’anciens Novices Verts, devenus Padawans Verts, qui me dépassent d’une tête ou plus. Je ne suis certes pas très grande de base, mais quand même. Mon sourire reste le même alors que je la vois me retourner le signe de main d’un petit signe de sa part, mais connaissant la jeune Chiss, je sais qu’il a autant de valeur qu’un grand signe de main. C’est comme son petit sourire, ça vaut tout autant qu’un sourire jusqu’aux oreilles. Elle est comme ça, la petite. C’est affectueux de ma part, vous l’aurez compris. Je ne peux pas m’en empêcher, malgré la grande jeune femme qui s’approche de moi.

Je ris de bon cœur et jette un coup d’œil à la silhouette de son vaisseau, que je peux distinguer de loin. Son modèle ne m’est pas familier, ça ressemble peu aux navires corelliens et républicains que je connais. Après, je suis une femme qui préfère de loin rester sur le plancher des banthas qu’avoir la tête dans les étoiles. En tout cas, je ne m’y connais pas autant que ma belle-sœur Ellen ou mon frère cadet Hal – qui en a vu et doit en voir de vertes et de pas mures en tant que chasseur de primes de l’APEX, niveau vaisseaux – mais c’est vrai qu’il n’a pas l’air au sommet de sa forme, l’appareil. Le « Bittersweet », hein, le « Doux-Amer » … un nom intriguant pour un vaisseau personnel. Est-il d’origine ? Je n’en ai pas la moindre idée, mais sans doute il doit y avoir une histoire que je ne connais pas encore et que je ne connaîtrais peut-être pas derrière ce curieux patronyme de vaisseau.


- Disons qu’il a du vécu derrière lui ! L’essentiel, c’est que tu sois arrivée en un morceau. En plus, tu as frappé à la bonne porte. S’il y a bien une chose qu’on peut se targuer en dehors de notre art pour le tir au blaster, de l’excellence de nos brandys et de nos talents pour le pilotage, c’est notre compétence en vaisseaux spatiaux, nous autres corelliens.


Beaucoup de réparations à faire en somme, mais rien qui ne soit pas réparable je pense… je m’en assurerai, sinon je ne la laisserai pas repartir sans que les réparations essentielles n’aient été faites. J’ai beau ne pas être à mon aise avec la technologie, j’ai appris au moins les bases ne serait-ce que pour la maintenance nécessaire pour mon propre cargo corellien, le Netreselv, - Intrépide, en vieux corellien - chaudement parqué au spatioport du Temple des Jedi Verts et en cours de réparations depuis ses mésaventures de Kashyyyk. Ma belle-sœur a tenu à faire elle-même les contrôles, et supervise l’avancée des réparations. Elle-même maman, elle n’a aucune intention de me laisser repartir à bord de mon cher vaisseau avant d’être absolument certaine qu’aucun dégât, matériel comme informatique, ne reste dans sa carlingue, ses systèmes, ses circuits et ses composants.

Ah, la formalité la rattrape, dirait-on ! Je m’y suis faite à l’usage depuis les années où je suis devenue Maître Verte puis Maître des Jedi Verts, même si je n’apprécie guère la pompe. Ça fait partie des inconvénients de la fonction et je me doute que plus je vais prendre en âge, plus ça va être le cas. Avant que je ne puisse l’inviter à laisser tomber un peu le protocole entre nous, surtout en privé et depuis le temps qu’on se connaît, Derisha s’approche et me prend dans ses bras. J’admets que je suis surprise d’un tel geste d’affection et de reconnaissance de ma jeune protégée d’ordinaire très réservée   mais je l’accepte avec un sourire chaleureux et lui retourne une étreinte amicale en retour.

« Merci »… Un petit mot tout simple, presque innocent, qui ici revêt beaucoup de sens. Elle veut sans doute me remercier par là pour l’avoir formée aux arts de l’escrime Jedi jusqu’au jour de ses Épreuves, d’avoir contribué à son retour dans l’Ordre Jedi quand elle ne savait plus quel chemin emprunter, après le trépas de son mentor, d’avoir été là pour sa cérémonie d’élévation au rang de Chevalier Jedi sur Tython… et peut-être aussi, de l’avoir invitée ici. Sans doute mon don d’Empathie de Force ne doit pas m’aider, mais je perçois sa reconnaissance, sincère et honnête. Cette spontanéité qu’elle ne montre pas toujours en public, cette honnêteté qui me plaît pourtant. Elle se ressaisit avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, et je la libère quand je sens qu’elle souhaite se reculer et se draper de son austérité ordinaire. Cela n’aura pas duré longtemps, mais j’ai pu entrevoir la jeune femme dont j’ai suivi le parcours avec attention, jusqu’à ce qu’elle s’épanouisse récemment au sein de nos rangs.


- Moi aussi, ça me fait très plaisir de te voir. Et je t’en prie, Derisha. Le mérite te revient en premier lieu cela dit. Tu avais le talent et la volonté, tu as fait le plus gros des efforts pour devenir celle que tu es aujourd’hui. La vie, et le parcours d’un Jedi, n’est jamais vraiment un long fleuve tranquille et rectiligne. On prend des détours parfois, avant et même après être devenu Chevalier. Ils nous forment, à leur manière. Maître Hallaster serait fier de toi. Et comme mon maître aimait à le dire quand il était encore parmi nous, les professeurs apprennent autant que les élèves.


Nous avons toutes deux perdu nos mentors respectifs, même si j’ai eu la chance que Jaylen ait été à nos côtés quelques années encore après mon élévation au rang de Chevalier Vert. Il me manque toujours, même si l’année qui s’est écoulée m’a permis d’adoucir son deuil difficile en m’efforçant d’être à la hauteur de l’héritage et de la tâche immense qu’il m’a transmis à son départ. Je comprenais bien la douleur qu’elle avait ressentie en perdant Maître Hallaster, pour l’avoir vécue un an plus tôt.


- Ah, ça… pas vraiment une bataille dont je sois très fière, en ce qui me concerne. J’aurai aimé prendre de meilleures décisions au sol, mais ce qui est fait est fait. Tout ce que nous pouvons faire, c’est en tirer les leçons et nous préparer pour ce qui va suivre.


C’est sûr que cela faisait longtemps qu’on ne m’avait pas mise face à mes limites, mais je compte bien apprendre de mes erreurs. Je ne m’épilogue guère sur le sujet, c’est encore un peu trop récent, mais si elle me pose des questions à ce propos, j’y répondrai volontiers et sans détour, en tout cas sur les points qui ne sont pas trop sensibles d’un point de vue stratégique et militaire. Le dossier n’est pas encore clos, après tout. Nous avons encore des alliés sur place, que nous n’allons pas abandonner. Mes pensées se tournent vers l’une de nos Maître Verts du Conseil Vert, Layli, qui est restée sur place. Même si je ressentirai toujours une pointe de culpabilité pour m’y être blessée et avoir dû m’en exfiltrer, la guerrière qui est en moi fulmine intérieurement de ne pas pouvoir se battre sur place. J’ai une revanche à prendre un jour, sur ce cyborg avec lequel j’ai croisé le fer et qui m’a mise en difficulté, prouesse qui n’est pas commune. Je trouverai comment percer le redoutable blindage de son armure. Mon ton se fait moins grave, plus léger et reprend de sa chaleur habituelle lorsque je poursuis.


- Enfin, je serais assez vite sur pied, ce n’est pas mon premier rodéo ! Si je l’avais pu, je serais déjà de retour sur le terrain mais avec ma jambe, mes responsabilités ici et ma condition actuelle, ce n’est pas gagné. Au moins, je serai plus disponible pour donner des cours, et je continuerai de passer sur Tython. Tu sais, je suis déjà ravie que tu viennes me rendre visite sur Corellia. Tu m’apportes une bouffée d’air frais plus que bienvenue. Et cela ne veut pas dire que je suis totalement privée d’escrime et d’exercice. On pourra ferrailler un peu ensemble, si tu le souhaites. Ah, et tant que j’y suis : ce n’est pas parce que tu es devenue Chevalier Jedi que tu n’as plus le droit de me poser des questions ou de me consulter. Tu as par contre le droit de me tutoyer et de m’appeler par mon prénom, Allana, en privé. Depuis le temps qu’on se connaît, tu me ferais plaisir, et ça me rajeunirait un peu.


Et j’aurai plus de temps pour les miens et pour ma famille, cela va sans dire. Il y a de jeunes Jedi et de jeunes corelliens que je peux aider, en étant ici, à l’instar de Derisha et de ma nièce Kayla. Je les accompagnerai de mon mieux pour leurs premiers pas en tant que Chevalier Jedi et Jedi Verte.


- Bon, question essentielle s’il en est, mais est-ce que tu as faim ? Une telle traversée, surtout en solo, ça tend à ouvrir l’appétit si tu n’as pas déjà mangé. Je n’ai rien de prévu aujourd’hui, alors c’est quartier libre à moins d’une très improbable urgence ! Qu’est-ce qui te fait envie ? Escapade entre filles dans Coronet-city ? Découverte du Temple Vert ? S’arrêter autour d’une bonne table pour causer un peu et refaire le monde ? On a toute la journée devant nous, après tout !

« Pour être totalement transparente avec vous, il a inscrit la majeure partie de son vécu dans un hangar au cours des vingt dernières années. J'ai longuement hésité avant de décider de le garder et de le mettre en état de voler … pour le rester et bien j'imagine qu'avec le temps il conviendra de le rendre à nouveau totalement opérationnel. C'est étrange de me dire que c'est un héritage familial alors que c'est justement là que les derniers membres de ma famille se sont entre-tués. »

Je parlais de cela sans émotion et ça n'avait rien à voir avec le fait d'être Chiss ou Jedi, c'était tout simplement que je n'avais jamais connu mes parents, je ne savais pas qui ils étaient, s'ils seraient fiers de moi aujourd'hui que j'étais devenue Chevalier Jedi. Chacun d'eux voyait pour moi un autre destin. L'un dans l'ascendance Chiss d'où le blaster que je portais à ma ceinture, un autre au sein du Consortium pour me voir devenir une Sith et la dernière me confier à l'Ordre Jedi. Dans un tel capharnaüm, si ma mère avait réussi à avoir gain de cause, comment savoir si mon père et mon grand-père auraient apprécie de me voir réussir ? Alors forcément j'avais renommé ce vaisseau parce qu'il était mon avenir que je voulais ou non, il était aussi mon passé que je le voulais ou non. Ca demeurait étrange d'y voyager mais je ne m'imaginais pas m'en séparer et je ne parvenais pas à vaincre totalement l'idée de m'en débarrasser. C'était donc un sentiment étrange que me laissait ce vaisseau, un sentiment doux-amour … Bittersweet.

Ce qui ne laissait en revanche aucun doute c'était mon sentiment à l'égard de la Maître Verte qui se tenait devant moi. En fait il n'y avait pas vraiment de mot pour définir ce que je ressentais à son égard parce qu'il y en avait tellement qu'il me faudrait utiliser pour ne faire qu'effleurer la vérité de tout ce que je ressentais en sa présence ! De la gratitude, c'était bien le sentiment prédominant et cela lui valut quelque chose de totalement inhabituel de ma part : une étreinte. Je n'avais même jamais eu un pareil geste pour mon Maître, pas du moins de façon aussi spontané, pas en ayant ce sentiment que c'était LA chose à faire comme si il n'y avait absolument rien d'autre qui pouvait être fait à ce moment-là. Etait-ce quelque chose que la Force me disait de faire ? Je n'aurai certainement pas la prétention de l'affirmer ou de le dire mais en tout cas j'avais eu un besoin impérieux d'avoir ce geste, de prononcer ce mot d'une petite voix et pourtant si ce n'était qu'un mot, les paroles de la Maître Verte me firent comprendre qu'elle avait parfaitement compris ce qu'il représentait pour moi. C'était bien plus qu'un "simple" mot c'était toute une déclaration d'amitié, dans la plus grande franchise mais une fois de plus je n'arrivais pas à faire mieux parce que ce n'était pas dans ma nature, dans mon caractère ou dans mes habitudes. On m'avait souvent reprochée cela, d'être "plus froide que Hoth" et je comprenais que ce n'était pas forcément faux, c'était l'image que je pouvais donner.

« J'espère qu'il serait fier, oui. »

Je n'en avais pas tant la certitude que Maître Fern, il était impossible de savoir comment Maître Hallaster, lui qui prônait la paix et la diplomatie pour régler les conflits, aurait réagi s'il avait su comment j'avais agi après sa mort. L'abandon de l'Ordre Jedi, la volonté de tuer, le plaisir que j'avais pris à me venger et la douleur de ne pas avoir osé aller au bout de ma vengeance. Totalement contraire à ses enseignements. Mais j'avais réussi les Epreuves, en grande partie grâce à Maître Fern qui m'avait beaucoup apportée pour compléter les enseignements de mon Maître.

« On ne devient jamais meilleur qu'en ayant les meilleurs professeurs. J'ai eu de la chance d'avoir Maître Hallaster pour m'apprendre mais vous aussi Maître Fern, vous avez toujours su me bousculer dans mes certitudes et mes acquis un sabrelaser à la main. Sans vous je n'aurai jamais imaginé me battre avec un second sabrelaser. »

Même si ça n'avait pas réussi, j'avais pu la surprendre par cette tactique mais une maîtresse d'armes comme elle avait du ressort et je manquais encore cruellement d'expérience, je le savais, j'étais assez intelligente pour ne pas être arrogante en dépit de ce que beaucoup de mes camarades avaient toujours cru sur moi.

« J'aurai aimé … J'aurai dû être là pour vous épauler, en tant que Chevalier Jedi. »

Je doutais que j'aurai pu renverser le cours de cette bataille perdue mais j'aurai dû avoir affronté les Epreuves à ce moment-là et j'aurai dû être là pour affronter l'ennemi et préserver Kashyyyk et ses habitants. A la place j'attendais le jour de passer les Epreuves, présente uniquement grâce au bon coup de pied aux fesses de la Maître Verte. Tout ce temps que j'avais perdu à jouer les serveuses, me morfondre, c'était indigne des enseignements de Maître Hallaster et du temps que m'avait consacré Maître Fern. Je m'en voulais d'avoir été ainsi égoïste, de ne pas m'être ouverte, notamment à Maître Ombrelune qui pourtant m'avait proposée plusieurs fois d'échanger.

« On ne peut jamais savoir si une décision était bonne avant qu'il ne soit trop tard, ça ne veut pas dire qu'elle était mauvaise pour autant. Je suis certaine qu'un autre n'aurait pas fait mieux que vous, Maître Fern. »

J'y croyais à ses paroles, en dépit de mon habituelle tranquillité et je hochais la tête aux sages paroles de Maître Fern, contente de lui apporter un petit vent de fraicheur. Je savais pourtant qu'il n'y avait aucune chance de m'entendre un jour la tutoyer ou utiliser son prénom, j'avais bien trop de respect pour elle.

« Je ne l'oublierai pas, Maître Fern, je viendrai vers vous si j'en ressens le besoin. Mais sachez que c'est réciproque, si je peux vous aider d'une quelconque façon un jour, je serai toujours disponible pour vous aider. Mais si je peux demander sans être indiscrète, qu'entendez-vous par "ma condition actuelle" ? Puis-je vous venir en aide pour y résoudre ? »

Cependant si tout cela était bien facile comme discussion, en dépit de sa gravité, la suite me laissa bien plus pantoise alors que Monstre, réveillé désormais de sa sieste, décidait de sortir un peu de la capuche de ma tenue pour prendre place sur mon épaule gauche. Je ne faisais pas les présentations, Maître Fern connaissait déjà Monstre et son histoire. Mais la discussion s'envenimait alors que Maître Fern me demandait ce que je voulais faire. Je décidais donc d'utiliser un peu de ruse que je préférais nommer logique implacable.

« Je crois que je me laisserai bien porter par vos décisions, Maître Fern. Vous connaissez Corellia bien mieux que moi et vous me connaissez depuis plusieurs années. J'avoue toutefois que visiter le Temple Vert me plairait bien. »

En somme je laissais celle qui connaissait le mieux les lieux, ainsi que ma petite personne, choisir ce qui me plairait sans doute le plus. Une chose en revanche demeurait sûre, j'étais contente d'être ici.