Echanges de bons procédés (Ft Plo Tan'ith)

Il était des affaires si peu ordinaires qu’il fallait les confier à des personnalités de moindre importance afin d’éviter toutes maladroites esclandres dans les hautes sphères impériales. Le rapport entre la dynastie Fel et les régimes ennemis étaient dithyrambiquement différents en fonction du couple impérial régnant pouvant ainsi parfois donner l’impression que le régime impérial était schizophrène au niveau de sa diplomatie. C’est d’ailleurs certainement à cause de cet élément que les conflits de successions pour le trône sont toujours ombragés par la menace d’un changement radical dans la vision diplomatique du plus vieux régime galactique. Pour Aurelian, l’Empire n’avait aucun intérêt à soutenir le Consortium ou la République plus que nécessaire et il fallait que ses interactions profitent toujours à l’Empire. Si son allégeance allait à la personnalité de l’Impératrice, il fallait nuancer que son désir de supporter encore plus la figure de l’Empereur était plus important encore, et c’est bien pour cela qu’il avait accepté cette missive du conseil des Moffs. Aussi puissant fussent des Grands Moffs, aucun n’avait réussi à se saisir du rayonnement diplomatique de la dynastie des Fels.  

L’actuel Impératrice, Aerys H. Fel que notre petit moff n’avait que croisé de loin, se montrait particulièrement véhémente à l’égard du régime pseudo-démocratique dont la simple reconnaissance semblait la débecter au point de dégurgiter ses flux intestinaux, du moins c’est ce qui se disait à la cour. Une position que notre patricien trouvait bien trop… radicale et qui empêcherait toute bonne chose d’arriver sur le long terme. Le pragmatisme devait selon lui rester le mettre mot de la politique étrangère impériale ceci afin d’être certains que ni le Consortium ni la République ne puisse prendre pleinement avantage d’un conflit ouvert entre l’Empire et l’un des deux régimes précédemment cités. En sommes, respecter l’équilibre de terreur. Le positionnement véhément de l’Impératrice Fel entrainait de forts remous, déjà auprès des politicards prompt à soutenir un rapprochement avec la République. Il fallait aussi compter les mondes traditionnellement proches des idéaux défendus par la République, Coruscant compris pour une part de la population. Mais le plus problématique était les actions diplomatiques et de négociations à entreprendre lors de situations épineuses.

Lorsque ce cas se présentait, on ne déplaçait pas un moff du conseil, trop officiel, afin d’éviter d’accorder de l’importance accordé au régime ennemi. On préférait utiliser des petites mains, mais pas non plus de totales illustres inconnus. Parfois c’était des mercenaires, mais dans certains cas ces derniers n’étaient pas prompts à pouvoir parler au nom de l’Empire. Il restait les échelons inférieurs de la hiérarchie de l’Empire, les moffs planétaires. Toutes actions diplomatiques ne pouvant donc pas passer par des canaux trop officiels étaient offertes gracieusement à des jeunes moffs ambitieux. Pourquoi ? Les raisons sont pourtant évidentes. Si jamais les choses tournent mal, il est aisé de trouver le bouc-émissaire et de le faire sauter. De plus, il y avait en réalité assez peu à gagner en influence, autre que de renforcer son réseau, puisque le régime antagoniste n'envoyait pas de personnalités prestigieuses et les objectifs à négocier n’étaient guère mirobolants.  

C’est ainsi que le noblaillon de Coruscant s’était retrouvé chargé de négocier un échange de prisonniers sur Zeltros, officiellement au nom des intérêts planétaires Coruscanti, officieusement en tant que représentant du conseil des Moffs. Notre homme ne connaissait qu’assez peu de choses au dossier et il n’avait pas cherché à l’approfondir plus que de raison. Plus qu’une forme d'amateurisme, il s’agissait pour lui de respecter les volontés de ses supérieurs sans pécher par excès de zèle. Un brin trop procédurier de prime abord. Ironiquement d’un côté comme de l’autre les impériaux et républicains incriminés étaient accusés de sévices terroristes. Comme quoi. Il n’y aurait nullement échange maintenant, et c’est pour cela qu’Aurelian s’était rendu sur Zeltros avec une garde personnelle minimum. L’objectif était avant tout de trouver un préaccord qui conviendrait au mieux à chaque parti présent afin d'entériner une éphémère entente.

Dès que l’orbite de Zeltros fut atteinte, von Rosenhart se glissa dans une navette direction la capitale impériale. S’il avait l’air serein, de nombreuses appréhensions taraudaient son esprit. Après tout, c’était sa première vraie mission en dehors de l’espace impérial et peut-être un moyen de montrer à ses pairs qu’il n’avait pas obtenu sa place que par le sang qui coulait dans ses veines. L’échec n’était donc pas vraiment permis, tant pour une question d’orgueil que de nécessité de commencer à bâtir une digne légitimité. Il relisait quelques informations sur l’amiral Tan’Ith, un homme d’âge mûr qui avait un palmarès militaire pour le moins singulier. Un homme d’expérience mais dont la spécialité ne devait pas être particulièrement la diplomatie. Du moins, c’est que notre homme se disait pour se rassurer comme il pouvait. Avoir un accord s’était bien, mais un bon accord c’était encore mieux. Mais déjà calmait-il sa fougue, car rien n’était encore fait et il serait bien inconscient de vendre la peau du rancor avant de l’avoir dépecé.

S’il n’était pas possible de négocier directement dans les grandes salles du consulat de sûreté et neutralité galactique, il était toutefois possible de se loger dans une pièce de moindre envergure servant normalement pour les petites réunions des personnels travaillant là-bas. C’était une méthode courante de rencontre. Pas assez officiel pour être reconnu mais pas officieux pour être totalement négligé. Ces lieux avaient vu d’innombrables traités naître, des tentatives de paix capoter, des réchauffements et des blizzards. Terres des congrès et des mésententes, alors que chaque parsec de la galaxie s’enflammait et se retrouvait pris dans un conflit pluriséculaire, Zeltros fut le seul lieu qui proclama sa neutralité.

Le moff fut le premier à arriver sur place. C’était connu que les Impériaux était plus prompt à être à l’heure que les Républicains. Mais il n’eut même pas le temps de s’installer que l’amiral fit son entrée. Tout comme lui, le Keldorien avait dû laisser son escouade à l’entrée de la forteresse du consulat. Le noblaillon n’avait avec lui que sa mallette, qui avait été fouillé préalablement.  D’un pas naturel et affirmé il se dirigea vers le nouveau venu.

"Amiral Tan’ith je suppose. C’est un honneur de vous rencontrer." Il n’y avait là aucune langue de bois de la part de l’impérial. "Je suis le Moff von Rosenhart." Illustre inconnu certainement pour le républicain, qui ne pouvait peut-être qu’avoir ouïe son nom dynastique -du moins en dehors du rapport qu’on avait dû lui remettre sur lui- que parce que sa famille a conquis Coruscant et la dirige depuis presque trois siècles. "Je propose que l’on rentre directement dans le vif du sujet, sauf si vous souhaitez demander quelque chose ?" D’une certaine manière, le noblaillon cherchait de manière peu adroite à prendre la main sur la discussion en prenant en premier l’initiative.

Les enchères avaient ça pour elles de donner un goût du frisson et de prise de risque. Pour un vieux roublard du sabbac comme Plo Tan’ith, l’amiral s’était laissé surprendre par cette pratique qu’il n’avait pour le moment expérimenté qu’une seule fois, et c’était sur Zeltros. Lorsqu’il était venu représenter les intérêts de la République au cours d’une grande enchère, l’officier avait du nager en eaux troubles pour parvenir à arracher la victoire aux enchères face à une matriarche hapienne et repartir avec un datapad contenant des plans intéressants pour la flotte républicaine. Certes il n’avait pas été seul dans cette victoire, un agent des renseignements ainsi qu’un padawan l’avaient assisté dans cette manœuvre, et il repensa à eux lorsqu’il apprit qu’il repartait sur Zeltros une fois de plus.

Le voilà bien gêné d’apprendre cette mission, lui qui s’attelait à son affectation dans le système Kashyyyk. Il était justement chargé de sécuriser les acquis de l’opération Lord_Over, superviser les travaux de reconstruction et de fortification de ce point et des autres frontières tout en s’assurant de mener des missions de reconnaissance sur les mouvements du Consortium Eternel. Bien entendu, Tan’ith était aussi affecté à la surveillance des manœuvres impériales dans le secteur. Le briefing avait été assez clair de prime à bord : il s’agissait pour la République de négocier un échange de prisonniers avec les impériaux. Le voilà bien avancé, Plo avait été surpris qu’on lui annonce ceci. Ce type de mission diplomatique concernerait davantage un ambassadeur, représentant officiel ou un sénateur. Et pourtant c’était lui que l’on avait choisi. Ces derniers temps étaient assez particuliers au final ; Plo avait du revêtir plusieurs casquettes autres que celles d’amiral, il avait repris les armes et porté l’armure pour mener une mission de sauvetage en compagnie de mandaloriens, participé à une enchère à hauts risques, enquêté tel un espion pour mettre en lumière une conspiration interne et enfin sauvé la vie du Commandeur Suprême. Et d’ici la fin de l’année, il serait sans doute amené à savoir se battre avec un sabre laser ? Vu la tournure des évènements récents que l’amiral avait pu vivre il ne serait même plus surpris par ce que la Force pourrait lui réserver s’il venait à brandir l’arme légendaire des Jedi. Quoiqu’il en soit, il allait devoir parlementer avec eux.

L’opinion de Plo Tan’ith sur les impériaux était mitigée, il était conscient qu’un rapprochement avec eux limiterait les pertes de la République et permettrait un redéploiement plus efficient des effectifs le long des frontières républicaines avec celles du Consortium, cependant leur attitude globale et la prise de plusieurs systèmes traditionnellement républicains faisaient qu’il n’avait pas vraiment confiance en eux. Il ne cherchait pas la paix avec eux, mais au moins était-il un officier désireux de voir apparaître une trêve, voire un semblant de coordination sur la prise d’objectifs de grande importance pour damner le pion de cette maudite Darth Ankh. Un problème demeurait pour Plo : l’Empire possédait Dorin, le monde natal de son espèce. Plo n’y avait jamais mis les pieds – il était né sur Bespin- il aspirait cependant à voir ce système rejoindre la République par voie diplomatique… ou par les armes si cela était nécessaire. Il avait toujours vécu avec ce masque respiratoire sur son visage, rares étaient les moments ou l’amiral pouvait le retirer sans crainte aussi, l’officier espérait vivre assez vieux pour profiter de sa retraite sans avoir à porter son masque jusqu’à la fin de ses jours.

Face à lui, l’Empire avait envoyé un Moff mais pas n’importe lequel : celui de Coruscant. Un certain « Rosenhart » dont Plo ne connaissait que le nom, ayant mémorisé le patronyme de ceux ayant conquis Coruscant il y a environ trois cent ans. Il profita du voyage pour étudier en profondeur les trois dossiers fournis par l’état-major et les services secrets concernant le négociateur impérial, la liste des prisonniers impériaux et de ceux que pouvait détenir l’Empire. Sur ce point, l’amiral préférait savoir qui récupérer de l’autre côté de la frontière, et qui conserver dans les cellules républicaines. Arrivé avec son escorte de clones, il dut cependant la laisser à l’entrée de la forteresse escorté seulement de son droïde de protocole C9-PO qui ne contenait pas d’armes intégrées ou dissimulées.

- En effet, je suis l’amiral Tan’ith. Moff Von Rosenhart, ravi de faire votre connaissance. Je pense que nous pouvons commencer.

Fit-il d’une voix grave –amplifiée par son masque- mais très polie à l’égard du Moff. Il déposa sa propre mallette de son côté de la table ou son droïde protocolaire s’était déjà positionné et restait debout. Plo s’assit et ouvrit sa malette contenant son datapad pour avoir les données nécessaires sous les yeux. Droit sur son fauteuil confortable, l’amiral se pencha légèrement en avant les avants bras sur la table et les mains jointes, laissant le loisir au Moff de débuter. Pour Plo il s’agissait de lui laisser prendre les devants pour essayer de le jauger et de voir ce qu’il avait à dire.