La main dans le sac (Ft Allana Fern & Dalek Zar) - Terminé

Franchement, je ne suis pas fâchée de rentrer au bercail ! Tython c'est bien gentil quelques jours, avec ses paysages à la beauté sauvage rarement égalée et avec son calme irréprochable. Mais voilà, je suis une fille de la ville, une militaire à ses heures perdues. Trop de calme tue l'intérêt du calme à mes yeux et s'il y a une chose que je peux dire, c'est qu'il m'oppresse presque là-bas. Oh, je n'y ai passé que quelques jours, deux semaines tout au plus, mais cela m'a largement suffit. Non, Tython est bien jolie et tout, mais elle ne vaut certainement pas Corellia. Corellia, c'est le joyau de la galaxie, son cœur palpitant, vibrant, grondant dont elle était le vaste écrin.

Mes confrères et consœurs plus traditionnels ont parfois du mal à comprendre ce que je trouve de si bien au monde capital de mon peuple. C'est une planète fortement urbanisée, bien plus polluée et plateforme galactiquement reconnue du crime en tout genre, surtout au Quartier Bleu. Les corelliens, c'étaient pour eux des têtes de bois croisés avec des langues acérées, des gosiers bien solides et un langage parfois très cru. Quelle idée réductrice ! Quand on pense aux différentes ethnies et aux multiples êtres vivants, dont non-humains comme les Séléniens, qui y vivaient...

Corellia était une ruche grouillante de vie. Elle n'était pas l'un de ces joyaux au bête éclat. Elle avait ses lumières, tout comme ses ombres.

Oui, j'aime Corellia et pas uniquement parce que je suis une fille de Corellia, née de deux familles aux solides racines corelliennes.

Coronet city... il faut y avoir voyagé assez souvent ou y avoir vécu assez longtemps pour comprendre que mes paroles ne sont pas exagérées.

L'air était certes moins pur que sur certaines planètes Jedi, mais qu'est-ce qu'il était plus vivant à mes yeux ! Il embaumait, il empestait, il était étouffant, il était glacé, il était humide, il était sec... cela pouvait varier d'une saison à l'autre, voire  d'un quartier à l'autre. Les rues fortement industrialisées et bétonnées cohabitaient avec de grands espaces de verdure, à la splendeur et au ravissement remarquables. Besoin d'un peu de calme ? Vous avez plusieurs parcs et beaux jardins à votre portée. Besoin au contraire d'animation ? Bienvenue au centre-ville et dans les quartiers commerciaux, vous serez servis ! Y a pas à dire, on a beau essayer d'imiter notre Brandy et notre art de vivre,... sans les égaler.

Non, y a pas à dire, il fait bon vivre chez nous. C'est pas facile tous les jours, ça se castagne et ça s'engueule souvent, mais qu'est-ce que ça vit !

J'ai besoin de me changer les idées. J'ai trop broyé de noir ces dernières semaines, depuis que Jaylen a cassé sa pipe sans prévenir.

Doytr... cette vieille branche me manque déjà. J'aurai bien aimé qu'il me partage quelques tuyaux pour ces nouvelles responsabilités qu'il m'a fait endosser sans réelle passation. Ca me manque déjà, de pouvoir causer avec lui de tout et de rien, d'écouter avec attention ses conseils et de rire de ses sermons, ou d'essayer de comprendre certaines de ses blagues. Bordel, ça fait moins d'un mois, mais je le sens ce gouffre béant.

C'était comme perdre mon père une deuxième fois. C'était tout aussi terrible, tout aussi douloureux, tout aussi frustrant d'impuissance.

Ca m'a fait du bien de me bourrer la gueule avec ma plus récente amie étrangère. Viveka, qu'elle s'appellait, ma comparse de bagarre et de beuverie ! Sacré mandalorienne. Qu'est-ce qu'on s'est bien rendues misérables et qu'est-ce qu'on s'est bien marrées ! Je crois que ça nous avait fait du bien à toutes deux, de lâcher un peu la bride et de causer de ce qui nous bouffait respectivement de l'intérieur avec camaraderie. Je me demande si elle va bien, depuis le temps. Faudra que je vois si elle a mis en oeuvre son plan cathartique de s'en prendre à une forteresse Sith. J'ai ses coordonnées maintenant, si jamais y a l'occasion de se refaire cela par chez moi ou par chez elle, un de ces quatre... roh, je ne parlais pas forcément de beuverie ! Je pense que j'ai eu ma dose pour un petit moment. Mais une bonne camaraderie bourrue, ça fait du bien.

Puis tout n'est pas tout noir dans ma visite chez les "cousins". J'ai pu faire la connaissance du grand manitou et vieil ami de Jaylen, Lucius, qui s'est révélé un bon type avec un bon fond. J'ai pu aussi rencontrer deux-trois confrères et consœurs du Conseil, telle que Kyne avec qui je me suis exercée avec délice. C'était franchement chouette de partager nos connaissances, moi sur les blasters et elle sur l'art de l'escrime Jedi.

Le seul truc vraiment chiant, comme un trou noir dans l'Hamas de la Gueule, c'est cette histoire de Jedi disparus et retrouvés assassinés à nos abords. Des cousins, et des nôtres aussi. Cela va devenir une de mes enquêtes prioritaires, et ce à plus d'un titre. Les gars et filles du Conseil Vert ne vont pas foncièrement être ravis de ce que j'ai appris lors de ma visite, et nous allons devoir enquêter et agir sans plus attendre. Si le visage qu'ils avaient surpris sur une vidéo était bien celui qu'on craignait, j'allais devoir m'impliquer de toute ma personne sur cette affaire.

Je n'en toucherai pas un mot pour l'heure hors des cercles du Conseil et de celui que je veux voir m'assister pour cette délicate enquête. Ma mère deviendrait folle et pourrait bien se mettre en tête d'aller chercher sa tête tout personnellement. Corran n'a pas besoin de se préoccuper de cela pour le moment, tant que je n'ai pas de certitudes je n'irai pas rouvrir des plaies béantes. Quant à Hal... c'est trop tôt, bien trop tôt.

Si cela ne suffisait pas à me donner des cheveux blancs, Dalek semblait avoir eu des grosses emmerdes sur Kashyyyk lors d'une mission anodine et routinière d'apparence. Une mauvaise rencontre, de ce que j'ai cru comprendre, avec une foutue Sith qui n'avait rien à faire là. Nous n'avons pas eu le temps d'en parler vraiment ni de se poser depuis la mort tragique de Jaylen. Il me tarde de le voir rentrer, ce cher Zar.

Trop de choses à penser, trop de trucs à réfléchir, trop de machins sur mes épaules.... une bonne nuit de sommeil me fera du bien.

Mais ça devra attendre demain vu mon heure d'arrivée. J'arrive en effet aux premiers feux de l'aube, alors que le Temple s'éveille depuis peu.

J'ai à peine eu le temps de prendre une douche pour me rafraîchir un peu et m'éclaircir les idées après une nuit trop courte. Vu que je suis supposée mettre en place une réunion du Conseil dans les prochains jours, je vais avoir beaucoup de taf qui m'attend et que des gens importants pourraient pointer leur bout du nez au dernier moment et à l'improviste. Autant essayer d'être présentable un tant soit peu !

Coiffant mes cheveux auburn aux mèches rebelles en rapide queue-de-cheval avec quelques cheveux libres pour encadrer mon visage, j'ai enfilé l'une de mes bures Jedi typiques des Jedi Verts, avec sa teinte émeraude et vert sombre. Je ne vais quand même pas porter tout le fatras officiel, ça m'emmerderait plus qu'autre chose, c'est lourd à porter et je trouve que ça ne me correspond absolument pas. On s'en passera. Mon sabre-laser double-lame repose à ma taille sans être caché, de même que mes bons vieux blasters qui m'ont servie si fidèlement.

Heureusement que j'ai eu un peu de repos chez les cousins, j'imagine même pas les cernes sinon ! On ne voit rien là de ce que j'ai pu observer, mes yeux bleus-gris semblent aussi vifs que toujours. Excellent, je n'ai pas besoin de donner l'air d'avoir un coup de mou maintenant.

Je chemine avec décontraction et assez bonne humeur, en dépit de ma fatigue et de la gravité des nouvelles que je vais porter à mes pairs. Le chemin est si familier que mes pas me conduisent machinalement du hangar proche réservé aux vaisseaux des Jedi Verts jusqu'au Temple.

Allez, avec un peu de bol je vais avoir deux-trois heures devant moi pour manger un morceau, me prendre un bon thé noir et me dérouiller un peu en salle d'entraînement avant de reprendre mon train-train habituel au Temple de Corellia, avec mes nouvelles responsabilités...


- Allana !


Quand on parle de responsabilités, justement, voilà venir à grands pas une tête familière. Avec sa peau indigo et ses lekkus, je reconnais en plus de sa présence dans la Force la Maître Vert Ko'ra. Membre du Conseil Vert et spécialisée dans l'instruction des plus jeunes de l'Ordre. Elle m'a été d'une grande aide dans la prise de mes nouvelles fonctions, ponctuelle et réglée comme une horloge atomique, très organisée et stricte. Elle s'arrête devant moi après avoir gagné ma hauteur dans le grand hall du Temple Vert, de ses grandes et amples foulées habituelles.


- Pile la personne que je cherchais, tu tombes à pic !

- Bonjour Ko'ra, aussi en forme que toujours ! Tu as besoin de quelque chose ?

- Á vrai dire, c'est du Maître des Jedi Verts dont j'ai besoin, exposât-elle sans détour avec grand sérieux. Je t'expliquerai en chemin puisque tu es libre maintenant, mais ça concerne les élèves....

- Les Novices ? Ils chahutent un peu de temps à autres mais c'est de leur âge et  généralement, y a pas de soucis avec eux.

- Si c'était eux, je m'en sortirai. Là ça concerne une Padawan, un cas assez particulier. Répliqua ma collègue avec une légère grimace désapprobatrice et un regard assez las.


Ca pique ma curiosité, au delà de mon agacement de ne pouvoir avoir quelques minutes pour moi. Je pose à peine les pieds sur le pas de la porte que voilà que je dois retourner aux affaires ! Finalement, c'était pas un mal de laisser mon compagnon droïde gérer le vaisseau... j'incline la tête légèrement sur le côté, intriguée. Qui avait donc pu agacer autant la légendaire patience de Ko'ra, réputée pour sa douce fermeté ? La twi'lek avait dû sentir ma curiosité car elle me répondit sans plus de préambule, se contentant d'une simple paire de mots.


- Cora Falun

- Ah, je vois. commentai-je avec compréhension avant de lui faire signe de me guider.


J'avais entendu parler de la gamine. Une Padawan qui avait récemment perdu son mentor, un certain Corvo Braxis tué au cours d'une mission pour l'Ordre. C'est moche, assurément, mais hélas ça arrive de temps à autres. Je suis très bien placée pour en parler, malheureusement. La Force n'est pas tendre avec nous ces dernières semaines. Une forte tête qui aime n'en faire qu'à sa tête, au point de faire tourner en bourrique nombre de potentiels mentors même corelliens. Une orpheline qui est parmi nous depuis ses plus tendres années, un sacré phénomène.

Voyons voir de quoi il s'agit cette fois. Bagarre avec d'autres Padawans, ou échappées nocturnes non supervisées ? Je serai vite fixée.

Prise la main dans le sac. Je crois que je n'ai rien de mieux pour illustrer la cocasse scène qui se joue sous mes yeux alertes.

C'est tellement mignon de les voir aussi rouges d'embarras d'avoir été pris sur le fait, alors que l'ami de l'amatrice de la poudre d'escampette communique avec la Padawan. Je ne pense pas qu'elle s'attend à voir deux Maîtres sur le pallier, dont une Ko'ra assez impatientée. Le gamin ne sait pas où se mettre et comment ne pas se compromettre davantage sous notre œil vigilant, ce qui m'amuse beaucoup derrière le sérieux.


-Bah tu m'connais, je n'sais pas mentir, j'suis pas doué pour ça...Du coup j'ai juste dit que je t'avais vue partir cette nuit mais que je ne t'avais pas   vue revenir. En plus pour n'pas arranger ton cas y'a l'éclair vert qui est là. Et j'crois qu'ils m'ont tous un peu à l’œil du coup.

-...L'éclair vert ? T'es sérieux ?...T'es désespérant Val...Fin bref, est-ce qu'il y aurait moyen que j'récupère ma corde s'il te plaît ?


Ah ça, pour ne pas savoir mentir il ne savait pas en effet ! Cela n'avait pas été trop difficile pour ma consœur de lui tirer les vers hors du nez quand elle avait fait sa ronde routinière au couvre-feu afin de s'assurer que tous les Novices et Padawans seuls étaient bien présents. Le petit gars semblait s'être encore plus replié dans sa coquille, mortifié en me voyant revenir avec Ko'ra. C'est dingue. J'oublie parfois que j'ai ce petit effet là sur les plus jeunes, avec la réputation que je traîne et mes exploits au combat...

Si seulement ils savaient qu'en dépit de mes airs sévères, je n'allais pas les manger en ragoût aux petits oignons !


-Val...j'te déteste...

-Bah...j'y suis pour rien moi. Je t'ai dis qu'ils m'avaient à l’œil. Et puis t'avais qu'à n'pas sortir toute la nuit aussi.

-Ben voyons...Bon bah du coup bonjour tout l'monde, allez-y entrez, faites comme chez vous. Bon par contre n'faites pas attention au bordel, je n'range jamais. Sinon qu'est-ce que j'peux faire pour vous ?


C'était absolument amusant, me ramenant quelques années en arrière d'ailleurs. Hélas, il y avait quand même eu entorse aux règles et je ne pourrais pas les laisser filer à si bon compte. Son culot agaçait plusieurs Chevaliers et Maîtres, moi il m'amuse assez. J'aime assez sa force de caractère bien que cela doit rendre l'enseignement un peu plus complexe, je veux bien le croire. Je ne montre cependant rien de mes réflexions, me contentant d'observer en silence et avec une expression neutre sur mes traits, les bras croisés dans mon dos en miroir à ceux croisés sur le torse de Ko'ra. Mes yeux gris-bleu ne quittent pas du regard les deux jeunes gens, en particulier la jeune fautive de ce soir. J'aurai pu intervenir mais je sens que ma consœur veut avoir son mot à dire alors je lui laisse la priorité, attendant de voir comment cela allait tourner.


-Oh et bien je ne sais pas, tu peux à tout hasard nous expliquer pourquoi tu as quitté le temple en pleine nuit ? Je suis sûr que notre cher éclair vert sera ravie d'entendre ta défense.

-Bah quoi ? J'ai quand même bien l'droit a une petite folie pour m'remonter le moral non ? Après ce qui s'est passé l'mois dernier j'pense que j'ai bien droit à ça.


Elle n'a pas l'air de me reconnaître, sans quoi je doute qu'elle ferait preuve d'une telle bravade. Ko'ra doit vraiment être hors de ses gonds et à bout de sa patience pour faire appel à moi de la sorte. La gamine n'a pas l'air de tilter pour le moment, en plus. Je ne dis rien pour l'heure, m'efforçant déjà de retenir le sourire de plus en plus amusé qui voudrait poindre sur mes lèvres en dépit du sérieux de la situation. C'est pas le moment, je dois  arborer le visage du Maître des Jedi Verts car je vais devoir avoir une petite discussion avec la jeune demoiselle...

Son compagnon semble vouloir venir à son secours, à moitié impressionné et je crois un peu effaré par son insolence en ma présence.


-Euh, Cora...

-Rooh, quoi encore Val ?

-...c'est...c'est elle l'éclair vert.

-....Et merde...décidément j'ai vraiment la poisse aujourd'hui...


Les yeux verts de la jeune fille se posent dans les miens alors que je la dévisage, sans mot dire. C'est sûr, elle n'a pas choisi le bon jour. Je m'absente deux semaines et elle tente sa petite aventure le soir où je reviens. Pour le coup, c'est vraiment pas de bol pour elle. Croisant les bras sur mon torse, je laisse un léger sourire se tisser sur mes lèvres en dépit du grand sérieux de mes traits, ma voix chaleureuse.


- Je ne t'aurai pas conseillé de faire un jeu de hasard ce soir, en effet. Bien le bonsoir, Padawan Falun.


Elle n'a pas l'air de savoir trop comment réagir ni à quelle sauce je vais bien pouvoir la cuisiner. La présence de Ko'ra la met mal à l'aise, comme un animal pris au piège et acculé. Mm, je ne vais pas laisser passer cela mais je ne compte pas l'humilier non plus, ça serait contre-productif.


- On va avoir une petite discussion, toi et moi. Ko'ra, je m'en occupe. Tu peux te charger du Padawan Comrick de ton côté  ?  

- Je peux me charger de lui oui, mais Maître Fern...

- C'est parfait alors ! Répliquai-je sans lui laisser le temps de poursuivre, avec un sourire ravi et un regard déterminé avant de conclure -  Je le confie à tes bons soins et je te dirai tantôt ce qu'il en est. Merci d'avance, Ko'ra !


Je les invite du regard à quitter la pièce et à nous laisser seules, entre filles. Que Ko'ra ne s'inquiète pas, je ne suis pas irresponsable au point de laisser couler la chose sans rien faire. Chaque action, chaque décision, chaque choix pris a ses conséquences. Mais je le ferai à ma manière, avec mes méthodes et l'inspiration du moment. Le silence retombe bientôt dans la pièce alors qu'il n'y a plus que nous deux, dans cette chambre dont le désordre est intriguant en soit. Je trouve tant bien que mal un petit coin du bureau sur lequel m'asseoir et lui fait signe de la main de s'asseoir sur le rebord de son lit. Mon attitude est détendue et assurée comme à mon ordinaire, dotée de sa calme autorité naturelle.


- Tu t'appelles Cora, n'est-ce pas ? Je suis Allana Fern, même si tu ne m'as pas reconnue, commentai-je avec un brin d'amusement mêlé de sérieux. -. Tu sais comment les choses marchent ici, tu connais bien la maison après tout. Je sais qu'il est tentant de défier les règles mais elles ne sont pas là que pour vous embêter, tu sais. Aller s'aventurer à la belle étoile est une chose, ne pas prévenir en est une autre. Les Maîtres se font du mouron quand quelqu'un manque à l'appel, surtout pour un Novice ou un Padawan. Comme tu le sais sans doute, Coronet-city n'est pas toujours très fréquentable la nuit tombée, entre les avinés, les pervers et les criminels.


Je marque une petite pause pour que mes propos imprègnent bien la pièce. Il faut que les choses soient claires sur ce point.


- Bon, je ne vais pas te faire mariner davantage, je peux sentir ton inquiétude jusqu'ici. Tu as eu dix-huit ans cette année, de tête. J'imagine que tu as déjà eu, en cours ou avec ton mentor, le topos de prévention autour du sexe, des drogues et de l'alcool ?

J'ai déjà entendu dire, dans mes jeunes années de jeune Chevalier Jedi travaillant comme collaboratrice en qualité d'Inspectrice à la CorSec, que la chambre d'une personne peut souvent refléter l'état d'esprit et la psyché de ses propriétaires.

Un coup d’œil me suffit pour remarquer le désordre chaotique ambiant. Ça me rappelle un peu une autre gamine il y a quelques décennies de cela, avant qu’un certain Iridien ne la contraigne à y mettre un petit peu d’ordre. Sentant un objet près du coin où je me suis tant bien que mal posée, je l’attrape par réflexe et l’inspecte brièvement. Tiens donc, voilà bien une arme qui m’est familière…

Un sabre-laser double-lame. Une arme qu’on ne mettrait pas entre les mains de tout le monde, au vu de la dangerosité qui est la sienne lorsqu’elle est maniée avec maladresse. On peut y laisser des doigts au mieux, voire des membres entiers, ou encore sa propre vie quand on n’a pas de pot.

La poignée en dit aussi beaucoup sur son propriétaire. Ici, la prise a clairement été adaptée pour une main humaine et féminine. On sent que c’est encore une arme « de jeunesse », qui a déjà puisé dans certaines inspirations mais qui cherche encore à se définir, à se démarquer tout particulièrement. Certains traits dans son architecture m’interpellent, chaque sabre étant adapté aux styles de préférence de leur créateur ou créatrice dans les arts de l’escrime. C’est esquissé ici, mais…

Intéressant. Je ne commente pas mes observations, décidant de les garder pour moi pour le moment.

Je le repose tranquillement un peu plus loin sur ce bureau désordonné, où je le peux en tout cas.

Je sens son regard fixé sur moi, guettant chacun de mes gestes que je tâche de rendre lents et posés. Qu’elle ne s’inquiète donc pas, je ne vais jeter tout le fatras par la fenêtre quand même ! Il faudra vraiment que je trouve un moyen de la détendre un peu, je ne vais pas la manger quand même.

Des morceaux de métal propres aux droïdes, pas mal de poussière – je connais des Maîtres qui deviendraient fous en voyant cela – le lit pas très propre, la couverture laissée à l’abandon, l’armoire aux portes savamment refermées comme pour dissimuler la surcharge de son contenu…

Aucun doute possible, c’est bien une chambre d’adolescent assez dissipé et désordonné.

Ça ne me fait pas peur cependant. C’est un point qu’on pourra travailler par la suite… tiens donc. Je m’implique beaucoup pour une élève que je ne connais pas bien. Qu’est-ce que tu mijote, la Force ?

Bref, y a du laisser-aller mais ça peut s’expliquer vu les circonstances récentes et ça peut s’arranger.

Je disais donc que la chambre était un espace à la fois très convivial et très intime… ce que je voulais privilégier pour moins la stresser, plutôt que de la convoquer dans mon bureau.

Je n’ai peut-être pas très bien réussi mon coup, cette fois. La gamine semble effarouchée et gênée, si j'en crois tant son silence inhabituel, sa posture recroquevillée que ce qui émanait de sa présence.

Je maintiens fermement mes boucliers partiels pour éviter que ses émotions ne m'atteignent. C'est un des désagréments et un des atouts de mon Don, comme une véritable épée à double-tranchant. Ce n’est pas moi que j’interroge ici, mais la jeune fille qui me fait face dans un parfait silence.

J’avoue que je m’étais attendue à beaucoup de réactions, mais clairement pas à celle-là !


- Attend mais que...quoi ? Enfin...oui vite fait la base quoi mais...j'vois pas l'rapport. J'suis sortie juste une nuit pour essayer d'sortir de m'déprime...Et puis bon, j'suis quand même un minimum entraînée, c'est pas comme si j'étais incapable de m'défendre face au premier venu, même si j'suis sortie sans mon sabre...Même si bon...


Force, qu’est-ce qu’elle me chante là ? Elle fait ce qu’elle veut de sa vie privée bon sang, je veux dire, je serai bien mal placée de faire quelque remarque là-dessus vu mon propre passif et les circonstances de ma conception, de celle de Corran et de celle d’Hal. Elle est vraiment prise de court, oscillant entre le tutoiement et le vouvoiement, avec des phrases plus courtes et hâchées.

J’allais tenter de la rassurer alors qu’elle s’interrompt brièvement, clairement hésitante, mais je n’ai pas le temps d’en placer une qu’elle repart de plus belle sur sa lancée très embarrassée.


- Entre nous...j'ai déjà eu l'occasion de m'exercer aux..."embrassades". Donc c'est pas comme si je n'y connaissais rien… Enfin non c'est pas dans c'sens-là que j'veux l'dire !


Son élan de gêne, presque de timidité, me surprend et m’amuse un petit peu par l’ironie de la situation. Je suis connue pour ma nature épicurienne et très décomplexée sur mon mode de vie. Je serais bien en peine de la juger, franchement, et l’hypocrisie ne fait pas partie de mes valeurs. Cela dit elle a l’air de vouloir vider son sac donc autant la laisser poursuivre, lancée elle ne s’arrête plus.


- C'est juste que...bah c'est jamais allé plus loin que quelques baisers quoi, rien d'bien méchant...disons que c'était pas forcément avec...avec un…


Tant d’innocence, ça me surprend un peu. Je ne m’y attendais pas trop au vu de la personnalité qu’elle manifeste d’ordinaire selon mes pairs, mais je ne juge pas. Elle poursuit sans faillir.


-. ...homme...enfin vous voyez, j'pense pas avoir besoin d'faire un dessin, c'est déjà assez gênant comme ça…


Gênant en quoi donc ? Haussant un sourcil surpris, je ne commente pas et m’efforce d’être patiente. Il vaut mieux la laisser aller jusqu’au bout des choses, si ça peut la décontracter par la suite. Je veux bien croire qu’il y ait dans l’Ordre Jedi des Maîtres qui pourraient jouer les vierges effarouchées, mais quand même ! Faut bien se faire ses expériences dans la vie, c’est normal à cet âge-là.


- Bon ok c'était une Twi'lek...avec Corvo on avait un peu d'temps a perdre sur Naboo après une petite mission et...enfin voilà quoi...elle était mignonne...j'ai pas pu résister… Mais j'peux vous jurer que c'est pas allé plus loin qu'ça...on a pas vraiment eu l'temps de toute façon… 'vous en prie dites quelque chose pour que je m'arrête parce que là j'sais vraiment plus où m'mettre...



Aaah, c’est cela qui la gêne le plus ! Qu’elle ait fait des expériences en la matière, avec une femme et une twi-lek. Je me mords les lèvres presque jusqu’au sang pour ne pas partir en éclat de rire. Non Allana, elle pourrait totalement se méprendre sur la raison de ton hilarité, contrôle-toi. Sérénité Jedi, reste calme. FoutreForce que c’est difficile, mais pour ma défense, je fais de mon mieux ! Je ne me moque même pas d’elle en plus, non, c’est juste sa gêne à mon égard sur le sujet qui… voilà quoi.

D’accord, je vais lui donner un petit coup de main. N’arrivant pas totalement à éteindre un léger éclat de rire dans ma gorge, franc et sincère, je décide de me lever du bureau où j’étais assise. On va déjà rectifier une petite maladresse, un pas à la fois. Tout en prenant soin de lui laisser son espace vital, je m’assoie sur l’angle et le rebord du lit. Je n’ai pas très envie de l’effaroucher encore plus.


- Prends le temps de respirer déjà, ce sera un bon début. Ce qui s’est dit dans cette chambre restera dans cette chambre , l’assurai-je d’une voix calme et chaleureuse.


Á débiter autant de mots sans prendre le temps de respirer, elle va s’étouffer à ce rythme ! J’attends plus ou moins patiemment qu’elle retrouve son souffle après une telle tirade. Cela ne va pas beaucoup aider la petite discussion que nous devons avoir si elle perd connaissance faute d’air.


- Ça va mieux ? Tu as l’air de reprendre un peu de couleur, déjà.


Bon, trêve de plaisanteries, on va reprendre notre sérieux. Ce n’est pas évident vu que j’ai eu un mal fou à éviter d’écorner encore plus sa fierté en éclatant de rire comme je brûlais de le faire. C’est parfois délicat de faire rentrer dans le crâne l’essentiel du message sans qu’ils ne prennent la mouche, les jeunes. Un peu plus qu’avec les Novices en tout cas, bien plus disciplinés.

Cela ne me déplaît pas cependant d’avoir affaire à une jeune fille de caractère. S’ils sont bien aiguillés, ce sont généralement des gens qui peuvent aller loin une fois qu’ils parviennent à canaliser un peu leur énergie débordante et leur force de caractère. Ils ne représentent pas forcément les caractères les plus recherchés chez des apprentis, surtout chez les cousins, mais je m’intéresse toujours à ces profils et à leur potentiel. Chacun a le droit à une chance, voire à une seconde chance.

La diplomatie n’a jamais été vraiment mon fort, mais je vais faire de mon mieux pour être claire.


- Je ne doute pas que tu saches te défendre. Tu as déjà vadrouillé avec ton ancien mentor. C’est pas le fait de sortir, le souci. C’est de ne pas savoir vers où tu es et vers quand tu reviens, en revanche. Ce n’est pas par envie de te fliquer. C’est la mauvaise rencontre, au mauvais moment, au mauvais endroit… comme un Sith sur un monde du coin. Oh, il y a peu de chances que tu en croises ici, s’ils ne sont pas trop cons… mais ça peut arriver. Tu comprends ?


Je ne veux pas l’infantiliser, elle a dix-huit ans, mais je veux qu’elle comprenne la raison principale de la sanction qui va venir. Honnêtement, elle peut aller faire la fête, c’est son choix, tant qu’elle garde le cap sur ses études et qu’elle respecte globalement principes de notre Ordre. Le sujet est d’autant plus important que nous avons perdu des frères et des sœurs, parfois par inattention, tels que Jaylen, son ancien Maître Corvo… et trop d’autres Jedi d’ici et de Tython ces derniers temps. Et puis ça me ferait chier de perdre un jeune d’une façon aussi conne, en toute honnêteté.


- Puisque tu as contrevenu aux règles et que tu t’es faite prendre sur le fait, tu vas retrousser tes manches et mettre la main à la pâte , énonçai-je avec sérieux - Pour les trois prochaines semaines, tu animeras avec Maître Valaris, une fois par semaine, le cours hebdomadaire de civisme, sécurité et prévention pour les Novices seniors. Les prochaines séances parlent des bonnes pratiques autour de l’alcool, des fêtes, des drogues, du consentement et l’auto-défense. Il sera content d’avoir un visage plus jeune pour l’aider avec ça, et ça t’apprendra quelques trucs en la matière. Ca ne pourra pas vous faire de mal, l’un et l’autre.


Le vieux Maître Jedi Vert était plein de bonne volonté, mais on ne pouvait pas en dire de même avec son énergie. Son âge faisait que les Novices avaient parfois du mal à l’écouter au-delà des dix premières minutes, ce pourquoi il m’avait proposée de l’aider un peu en la matière. Hélas, je suis très occupée et je ne suis pas certaine d’être le meilleur choix puisque je suis de la trentaine.

Non, pour parler à des jeunes surtout de ces sujets, le mieux c’est de confier la parole aux jeunes.

Ça ne fera pas de mal à la gamine tout en l’occupant et en la responsabilisant un petit peu. Je n’étais pas friand des punitions improductives et stériles, je préférais de loin les plus constructives. Je n’ai pas envie de l’encourager à réitérer en l’associant à des domaines strictement plaisants à faire, tel que l’escrime Jedi pour elle, mais je ne suis pas sadique au point de vouloir la ridiculiser.

Assez d’une atmosphère tendue ! J’aurais très bien pu arrêter là notre échange mais quelque chose me retient. Je ne sais pas si c’est quelque chose que j’ai surpris dans son regard ou dans sa présence, mais j’ai l’impression qu’un truc la bouffe de l’intérieur, comme de la frustration, de la tristesse. Quelque part, ça lui fera peut-être du bien de lui faire vider son sac et de changer un peu d’air.

Parfois, quand on fait ce genre de conneries, c’est plus un appel à l’aide qu’une simple défiance.


- Il n’est pas tôt, les cours ont déjà commencés et j’ai envie d’un bon shot de caféine. Je sais où sont les meilleurs chocolats chauds de Coronet. Ça te tente ?


Je me redresse sur mes pieds d’un geste souple avant de me tourner vers elle. Mon visage est plus ouvert et détendu alors que j’attends patiemment sa réponse, lui tendant une main pour se relever.

Ah tiens, on dirait qu'elle reprend du poil de la bête et je ne parle pas que des couleurs de son visage ! Je me disais bien aussi que son tempérament ne pouvait être à ce point différent de ce que l'on m'a décrit dans les couloirs du Temple de Corellia ou dans la salle du Conseil. La posture droite sans être rigide, les pieds reposés au sol sans être enracinés, le dos posé contre le mur sans être crispé... elle dégage un peu moins l'air de vulnérabilité dans son attitude. Je ne la connais pas assez pour en être certaine, je ne fais qu'observer et en déduire quelques suppositions. Que voulez-vous, on n'oublie pas si facilement de vieilles habitudes d'Inspectrice !

Bon, au moins elle a l'air consciente du point que je voulais souligner, le principal point que je reproche à son aventure nocturne. Pour obtenir certaines victoires, il fallait savoir quand presser son avantage et quand sécuriser ses acquis. Il ne servirait à rien, à mes yeux, de la braquer sans une excellente de le faire. Je ne souhaite pas qu'elle se rebiffe et que son caractère n'empire par trop de sévérité et de rigidité. Je ne compte pas non plus être trop laxiste donc j'ajuste mes propos et mes choix selon les réactions que j'observe chez elle et que je sens dans la Force.

Je n'espionne pas ses pensées mais je peux noter son air sombre, qui suit sa réponse. Nul besoin d'être détective pour se douter qu'il y a quelque expérience sombre associée à cette réaction, mais je ne veux pas qu'elle se sente acculée contre le mur. J'ai été informée du décès, il y a un mois, de son mentor de plusieurs années, dans des circonstances impliquant un Seigneur Sith. C'est le risque du métier, comme qui dirait.


- Désolé mais...vous n'trouvez pas que j'suis loin d'être un bon exemple de sécurité ? J'veux dire, avec Corvo on faisait tous les pires trucs possibles. J'ai même sauté dans l'vide pour atterrir sur un speeder en fuite vingt mètres plus bas, et encore j'en passe et des meilleures...Ah ça c'est sûr c'était la bonne époque... Enfin bref, j'imagine que vous savez c'que vous faites. Faut juste que j'trouve comment rendre tout ça amusant pour n'pas mourir d'ennui en plein milieu du cours.


Je suis une femme prête à prendre des risques et quelques paris, sans quoi les choses stagnent, décrépissent et n'évoluent jamais. Il faut tenter des choses, même en pédagogie. Oh, j'imagine bien qu'elle puisse trouver mon choix de punition déconcertant et amusant, mais j'ai mes raisons et elle ne devrait pas se réjouir trop vite non plus. Je sais ce que je fais, et je sais quels résultats j'espère susciter par cette option. Je ne m'offusque pas de l'entendre pouffer de rire. Rira vite qui rira le dernier, si elle venait à prendre la chose avec trop d'insouciance... je connais les Novices, et parfois les enfants avaient un excellent instinct pour mettre à l'épreuve leurs animateurs et tuteurs. Il fallait jongler avec vivacité et lenteur, fermeté et douceur, théâtralité et calme, gestuelle et paroles, les différents tons, les activités... il fallait être réactif et être patient.


- Maître Valaris me tiendra informée de ta réussite, il sera ton superviseur pour ces cours. Oh, crois bien que je n'ignore pas ton palmarès. On verra si tu arrives à te faire entendre et apprécier par les Novices, ainsi que ce qu'ils retiendront des séances que tu co-animeras, Selon comment tu t'en sors, j'aviserai la suite. Fais preuve d'originalité et essaye donc de nous surprendre !


La tâche peut être très épuisante comme très amusante, selon comment elle s'y prend, le charisme qu'elle aura et sa capacité d'adaptation entre l'exigence de la posture d'enseignante et le souffle d'animation qu'elle devra insuffler à ses séances. Cela travaillera sa capacité à s'organiser, à s'intéresser aux réactions d'autres personnes et ça sera une piqûre de rappel en termes de sécurité. On verra bien si elle arrive à me surprendre et à satisfaire mes attentes en la matière, ainsi qu'à canaliser sa fougue en énergie productrice plutôt que destructrice.

Cela m'amuse assez de la voir assez déconcertée par ma personnalité. Je ne rentre en effet pas aisément dans une case, je n'aime pas cela. Au moins, elle ne se montre pas rétive et cela suscite sa curiosité. Je peux me doter de différents visages, selon mes différentes responsabilités. Elle n'est pas non plus assez téméraire pour chercher à défier mon autorité... tout du moins, pas ouvertement. Je sens bien sa force de caractère qu'elle canalisait un peu, comme la surface de l'eau faussement tranquille animée par des remous dissimulés dans ses profondeurs.

Elle n'était pas non plus simple à cerner, ce qui m'intriguait également. Je cherche au delà de ce qui a rebuté certains mentors à la former. Je ne cherche pas qu'à sévir et à encadrer, je cherche surtout à comprendre les raisons du pourquoi et ses manières de raisonner.


- Au point où j'en suis...j'crois qu'ça m'ferais du bien ouais.

- Rien de mieux que marcher et respirer de l'air frais pour faire face à la gueule de bois ! Lançai-je avec un clin d’œil.


Je ne suis pas naïve pour autant. Généralement quand on sort faire la fête, c'est très difficile de rester sobre bien longtemps. Sans hésiter, la Padawan sans maître se redresse et attrape ma main tendue, se remettant peu à peu sur ses pieds.. Je remarque du coin de l’œil qu'elle saisit son sabre-laser et l'emporte avec elle. Je garde cependant le silence. Je serai là pour éviter tout pot cassé éventuel et je préfère qu'elle soit armée, des fois que la Force se montre joueuse avec nous en pimentant notre petite sortie à l'improviste dans Coronet-city.

Je profite de ses derniers préparatifs pour envoyer un message à Ko'ra par comlink pour qu'elle ne s'inquiète pas et que je m'occupe de tout. Je n'attends pas sa réponse avant de mettre mon appareil sur le mode vibreur. Ils me contacteraient par la Force si urgence il y avait. Dès qu'elle me fait signe qu'elle est prête, je ne m'attarde pas et l'invite d'un geste à me suivre. La jeune fille m'emboîte vite le pas et nous partons.

Nous nous mettons en route sur l'une des routes principales connectant le Temple des Jedi Verts à la capitale des mondes corelliens.

Nous avons une bonne petite trotte avant d'atteindre notre destination, mais je ne suis pas spécialement pressée. Je ne suis pas fâchée en effet de me dégourdir les pattes après un assez long voyage en hyperespace, et j'ai envie de voir si elle serait moins sur ses gardes hors des murs. Je suis néanmoins consciente que je dois garder une certaine tenue puisque nous ne nous connaissons pas encore très bien, donc je me décide sur un visage détendu et un léger sourire au coin des lèvres. Mes yeux bleus-gris sont sereins bien qu'alertes à ce qui nous entoure.

Le Temple des Jedi Verts n'a pas toujours été aussi proche des abords de Coronet-city. Il se trouve à une heure de route, rien qu'une Padawan et qu'une Maître Jedi chevronnées ne puissent cheminer. Fut une époque plus reculée, l'ancienne enclave était située encore plus en retrait, même s'il n'en reste guère plus que des ruines. Celle que nous occupons actuellement a été reconstruire à son image, inspirée de l'architecture des sanctuaires de nos chers 'cousins' de Tython. L'une des différences majeures était la présence de grands et larges boucliers énergétiques, dotés de puissants canons, dont les réacteurs se trouvaient à l'intérieur du Temple afin de pouvoir tenir un siège en cas d'attaques.

Nous avons en effet appris nos leçons, tant des temps anciens de l'Ordre 66 que plus récemment de l'époque de Lord_Over.

La route en elle-même est assez boisée sur la première heure de trajet, en dépit de l'état très urbanisé de ma planète natale, bordée par des collines et des forêts. Il faut bien que nous ayons un écrin privilégié pour entraîner plus au calme nos jeunes et moins jeunes recrues !

Les étrangers ignorent parfois que Corellia n'est pas constituée que d'espace urbanisés. Il reste encore pas mal de jungles, de forêts, de montagnes et même des îles. Quand je vous dis que notre monde de cœur et de sang est riche en couleurs et en nuances.

Constatant que Cora ne fait pas mine de prendre la parole, je décide de faire le premier pas en ralentissant ma foulée pour me placer à sa hauteur.


- Je sens que tu es curieuse. Si tu as des questions à me poser, n'hésite pas. Il n'y a pas de mauvaise question ! Je répondrais à celles que je pourrais. On a une petite trotte devant nous, après tout ! Lançai-je avec calme assurance. Je me sens d'assez bonne humeur en dépit de ma fatigue, et j'ai envie de briser la glace qui l'entoure.

Y a pas à dire, cela fait du bien de mettre le nez dehors. Rien de mieux qu'une petite marche comme celle que nous faisons, avec deux petites heures à cheminer dans un bel espace forestier avant de rejoindre la grande cité urbaine. Il faut dire que si je ne me ménage pas un peu de pauses, je ne vais pas en trouver beaucoup ! J'espère que le rythme sera plus calme les prochains mois. Il faut dire que mes débuts ont commencé sur les chapeaux de roue, avec un potentiel tueur en série qui traquait du Jedi par dizaines et mon prédécesseur qui est mort brutalement dans des circonstances encore nébuleuses. Je pourchasse une ombre, et des ombres du passé...

Était-ce vraiment le moment opportun pour considérer de prendre une élève sous mon aile ? Les deux réponses se défendent, en vrai.

D'une part, ce serait très risqué. Mon emploi du temps est plus chargé qu'auparavant, et je vais avoir des allers-retours réguliers à faire entre Corellia et Tython pour des réunions du Conseil Vert et d'autres réunions avec le Conseil Jedi tout court. Si l'hypothèse que nous craignons dans l'affaire sus-mentionnée très secrète est avérée, je vais devoir me lancer dans une périlleuse chasse à l'homme avec mes confrères et consœurs Jedi de Corellia. Rien est fait et tout est à faire, mais il est sage de considérer mes risques de survie et d'exposition au danger. C'est d'autant plus vrai quand on considère ce que Dalek m'a transmis hâtivement par télépathie, à savoir sa rencontre récente sur Kashyyyk avec un limier haut gradé du Consortium et qui fait ses rapports à l'Ordre Sith. Ce serait très gênant si Eri'ana Darvik venait à réapparaître au grand jour.

D'autre part... c'est maintenant ou jamais. Je ressens quand même ce besoin de transmettre ce que j'ai appris et de partager ce que je sais. Je l'ai déjà fait avec Dalek me diriez-vous. Ce n'est pas suffisant, vous répondrais-je alors. S'il m'arrive quelque chose ainsi qu'à Dalek, comme il est arrivé à Gilad et à Jaylen, il faut que quelqu'un puisse hériter de ce que nous avons appris et de l'expérience que nous avons vécu, sans quoi tous ces acquis seraient irrémédiablement perdus. La tradition Jedi, les savoirs corelliens c'est une chose, un bloc de connaissances commun qu'on apprenait en tant que Novices puis en tant que Padawan, dans des leçons communes puis de plus en plus individuelles avec le temps. L'expérience personnelle, les erreurs comme les réussites, les victoires comme les défaites, tout cela c'était autre chose, une autre tradition. Vu mon âge et mon rythme de vie, je doute que j'aurai le temps de fonder un vrai foyer et de donner des petits mômes à ma mère, en toute franchise. C'était ce savoir-faire et ce savoir-être que je ne voulais pas laisser perdre avant que la Force ne veuille me rappeler auprès d'Elle. Et au vu du Don dont elle m'a dotée, c'est une perspective que je ne peux pas ignorer totalement.

La mauvaise personne, au mauvais moment, au mauvais endroit... un triptyque trop souvent vérifié, et ce au pire des moments souvent.

Il y avait également d'autres raisons bien sûr, extérieures à moi, sur lesquelles je voulais encore prendre le temps de forger mon avis. C'est pourquoi j'attends de voir si elle prends le bâton que je lui tends pour faire le deuxième pas ou non. Je ne la force pas à me parler, je ne fais que l'encourager à le faire. Allez, je sens et je vois que tu as une question au bout des lèvres, qu'il te brûle de poser. Je ne mords pas, tu sais.


- Ben en fait, j'me demande bien pourquoi vous m'avez invitée comme ça à aller boire un chocolat. Vous auriez très bien pu m'laisser là-bas et attendre de savoir comment je m'en sortait avec les cours de maître Valaris. Mais au lieu d'ça, vous m'invitez a sécher les cours...et en plus de ça mon instinct a fait des siennes pour m'inciter a vous suivre alors que je n'avais aucune raison particulière de l'faire.


Voilà, on y vient. Je ne compte pas lui couper la parole tant qu'elle n'aura pas terminé son propos. J'ai l'impression qu'elle a besoin de temps pour clarifier sa pensée, au besoin en la déroulant dans une longue prise de parole. Elle est encore jeune du haut de ses dix-huit ans, et elle n'a pas la langue dans sa poche non plus. Les bras croisés calmement dans mon dos, droit sans être raide pour autant, je la regarde avec un léger sourire encourageant tout en prêtant attention à nos alentours. J'aurai pu en effet, si j'étais une mentor conventionnelle. Or, s'il y a bien quelque chose que je ne suis pas, c'est conventionnelle et orthodoxe. Et je ne suis pas hypocrite, on est tous ou presque passés par là à la vingtaine.

Son instinct, dit-elle ? Elle doit sans doute parler de la Force. Je connais bien sûr les très grandes lignes de son dossier, en tant qu'ancienne Maître Vert du Conseil et actuelle Maître des Jedi Verts, mais j'admets ne pas connaître sur le bouts des doigts l'ensemble des éléments la concernant ainsi que sur les autres Novices et Padawans. Je dois encore m'immerger là-dedans, et cela prendra du temps vu le monde. J'espère que Ko'ra et le Maître des Archives des Jedi Corelliens pourront m'aider en la matière, quand j'aurais le temps et l'occasion de m'y mettre.

Dans tous les cas, cela confirme mes suspicions qu'elle ait une sensibilité certaine à la Force. Je la laisse poursuivre, sans l'interrompre.


- Comme si...comme s'il allait s'passer quelque chose là-bas. Mais pas quelque chose de mauvais, au contraire, ça serait même plutôt quelque chose de positif, mais j'me demande bien quoi. J'veux dire, c'est pas comme si on allait sympathiser au point qu'vous annuliez ma sanction. Alors, vous qui êtes quand même plus entraînée qu'moi, vous avez aussi senti ça ? Ou bien c'est mon instinct qui commence a déconner ? Ce qui serait étonnant vu que jusqu'ici je n'ai été que rarement trompée par mon instinct...


J'imagine bien que cela puisse être déstabilisant. La Force a des chemins variés pour nous conseiller et nous guider, parfois sur des chemins très inattendus. Un peu comme l'espèce d'intime conviction que j'avais que former Dalek à nos arts était la bonne chose à faire, plutôt que de le condamner pour son passif de Sith, d'accepter de l'emmener avec nous quand nous avons convenu tous deux de disparaître de l'Ordre Sith. Outre les sentiments que je ressens envers lui et que j'assume, j'avais des raisons très pragmatiques et rationnels de le souhaiter avec nous. Un sourire amusé étire mes lèvres de la mention de la punition, au moins elle est consciente que je ne reviendrais pas sur ma décision. Excellent.

Je pourrais lui répondre tout de suite, mais une fois encore, j'ai l'impression que ce n'est pas tout ce qui la travaille alors je garde le silence. Je n'ai pas à attendre bien longtemps avant qu'un troisième point n'émerge de ses propos, auparavant gardé dans les ténèbres de son mutisme.


- Comme quand Corvo est parti en mission...J'ai tout d'suite senti que ça allait mal finir, mais il a refusé que j'vienne avec lui, ou de n'pas accepter cette mission. Il m'a juste confié son pendentif, et a promis qu'il reviendrait l'chercher..


Remarquant qu'elle se fige, je m'arrête également après la petite demie-heure de marche que nous venons de faire. C'était donc cela qui la bouffait, également. Vu comment sa voix semble se briser quelque peu, je crains qu'elle n'ait guère pu en parler souvent avec autrui. Une mission d'infiltration d'une sphère Sith qui avait mal tourné... cela résonnait familièrement dans mes oreilles, même si je ne pouvais le lui dire. Ce sont des missions ingrates, j'en ai déjà fait quelques unes du genre, dont on ne ressort jamais vraiment indemne et où on risque sa vie. La 'chance' que j'avais à l'époque, c'est de n'avoir eu aucun élève à laisser derrière moi étant donné que j'étais encore une jeune Chevalier Vert.


-C'est dur de s'dire que j'aurais dû l'suivre malgré tout, que j'aurais eu une chance de l'sauver...Il est mort seul, sans personne pour l'aider...C'était comme un père pour moi...et à cause de ça on a pas passé le dixième du temps qu'on aurait dû passer ensemble...


Là encore, je peux comprendre même si elle ne doute pas d'à quel point. C'est sans doute l'un des échecs personnels les plus retentissants de mon passé, et l'un de ceux qui me hantent encore peut-être de nos jours. Que ce soit pour Jaylen ou pour Gilad, je peux véritablement compatir. Je ne dis aucun mot, la regardant dans les yeux en essayant de lui faire comprendre, en silence, que je l'écoute sans vouloir la juger. Je veux juste qu'elle vide pleinement son sac, qu'elle balance cette boule d'épines qui la blesse de l'intérieur et qu'elle reparte sur un meilleur pied.


-...Désolée d'péter l'ambiance, j'arrête pas d'avoir des hauts et des bas comme ça depuis un mois. J'imagine que ça ira mieux après un bon p'tit chocolat...


Elle reste figée, debout, la tête baissée et les bras croisés, je peux presque sentir sa tristesse vibrer dans la Force en dépit de mes boucliers habituels. Elle tremble quelque peu... serait-ce des sanglots qu'elle essaye de contenir. Qu'est-ce que je devrais faire, dans le cas présent ? Écouter ce que me soufflent mon cœur et mon instinct, ou bien suivre la bonne conduite que je suis supposée tenir au vu de mon rang ?

La réponse est vite trouvée et vite décidée.

Je m'approche d'elle et m'arrête devant elle, tout en laissant un petit espace entre la jeune fille et moi. Je pose ma main droite sur son épaule et la serre avec légèreté pour attirer mon attention et lui apporter un peu de réconfort. Je ne pense pas que cela soit une tactique pour attirer ma pitié, non, sa tristesse et son chagrin sont trop vibrants dans la Force. S'il faut bien trouver un semblant d'utilité à mon Empathie, c'est ça. De mon autre main, je saisis délicatement son menton et l'invite, d'un geste ferme bien que posé, à redresser la tête et à croiser mon regard.


- On a beau être des Jedi, on est pas des machines. C'est normal, d'avoir des hauts et des bas, d'avoir des passages à vide et des coups de blues. Le Code est parfois trop catégorique. On est humains, les émotions font partie de nous. Plus tu essaieras de les enterrer, plus elles resurgiront avec force jusqu'au jour où tu ne pourras plus les canaliser. Parfois, il faut les laisser sortir, afin de les comprendre, de les accepter et de les laisser se dissiper. Sinon, ça te boufferas de l'intérieur et crois-moi, ce ne serait pas joli à voir.


Je marque une courte pause, pour être sûre que mes mots soient bien compris, avant de compléter mon propos d'une voix posée.


- Je ne sais pas ce que Corvo te disait là dessus, mais parfois pleurer ça fait du bien. C'est comme une cocotte-minute qui a trop de vapeur et qui commence à siffler de plus en plus fort, il faut ouvrir le couvercle pour dissiper la pression. Si tu en as besoin, fais-le. Il n'y a personne, et nous ne sommes pas pressées. Si tu as besoin d'en parler, je t"écouterai sans juger. Si tu n'as pas envie d'en parler, je respecterai ta décision. Tu sais, le rôle d'un mentor ne se limite pas qu'à instruire. Il conseille et aide le cadet à devenir celui ou celle qu'il veut être.


Parfois, il faut savoir tomber pour apprendre à se relever et à s'en retrouver grandi par l'épreuve. C'est une leçon que j'ai appris à la dure.


- Pas de piège ni de paroles en l'air, juste des conseils. Je peux comprendre. J'ai perdu un membre de ma famille quand j'étais Padawan, et j'ai récemment perdu mon ancien mentor. Ils ne nous quittent jamais vraiment, par ce qu'ils nous laissent derrière eux. Que ce soit des objets, des leçons, et surtout des souvenirs. Quand tu te sens triste, n'hésite pas à te focaliser sur les bons souvenirs plutôt que le vide que le proche décédé laisse dans la Force. Il n'y a pas de remède miracle, sinon le temps et les autres proches qui diluent la peine.

J’imagine que ça ne doit pas être évident pour elle, de faire face à des émotions qu’elle ne devait pas avoir l’habitude de refouler. Cela l’est d’autant moins qu’on est une personne assez fière et butée, je parle en connaissance de cause. Ce n’est jamais simple de laisser partir quelqu’un à qui on tient, tout comme de laisser filer sa culpabilité.

Il n’y a cependant pas que de la tristesse qui émane à grands flots de sa présence. Oh, ce n’est pas comme si elle le faisait consciemment mais je perçois quand même aussi de la rancœur, de la colère, des regrets… ce n’est pas très sain sur le long terme. C’est normal et ça peut se dissiper avec du temps, du calme, peut-être un peu de méditation et de l’écoute, de la compagnie. C’est trop frais, là. Il faut bien entendu garder un œil sur la jeune fille et voir si elle ne se laissait pas trop dictée par ce qu’elle ressentait, mais il faut aussi lui laisser la possibilité d’amadouer, d’apprivoiser ses ressentis.

Ce ne serait assurément pas demain la veille qu’elle tenterait les Épreuves, mais il y a encore du temps. On n’est plus dans l’Ancien Ordre Jedi avec ses règles désuètes, FoutreForce !

En tout cas, elle a l’air de tendre l’oreille à ce que je dis. Je ne suis pas certaine de quelles conclusions elle en tirera, cela, ça dépend d’elle et pas de moi. Je peux lui prodiguer des conseils, tirés de ce que je sais et de mon propre vécu, mais c’est à la jeune fille de les mettre en application ou non.

Tout en restant très alerte à ses réactions tant physiques que dans la Force, je laisse ma main posée sur son épaule, vu que cela n’a pas l’air de la gêner. Je lui laisse le temps de réfléchir à mes propos. Comme je disais, je ne suis pas pressée et je n’ai pas vraiment envie de me presser, là et maintenant. Enfin je commence à sentir qu’elle se détend un peu plus, un mince sourire se tissant sur ses lèvres alors que ses yeux verts se perdent dans le vague pendant quelques minutes. C’est un premier pas.

J’espérais qu’elle puisse se relaxer un peu, mais j’admets que je ne m’attendais pas trop à cela !

En effet, la jeune fille pose sa tête contre mon épaule et me prend dans ses bras. Je pense qu’aucun Maître ne me croirait si je leur racontais, mais mes lèvres resteront scellées. Son geste me surprend un peu mais je la laisse faire et le lui retourne. Un geste réconforte parfois plus que les mots.

La tempête émotionnelle que je sentais battre dans sa présence semble s’apaiser, au moins un peu, au moins un temps. Heureusement que j’ai perfectionné mes boucliers avec le temps, cela l’aurait un peu fichu mal que l’équivalent du Grand Maître côté corellien se mette à brailler comme une fontaine sous l’influence d’émotions trop fortes et trop nombreuses chez ses interlocuteurs proches.
Je peux toujours les ressentir, cela ça ne change pas, mais elles m’affectent déjà un peu moins.


- Merci...Je...je m'en voulais aussi, de n'pas avoir fait plus pour le retenir... de l'avoir comme... laissé mourir alors que j'pouvais aider... Mais au final, est-ce que ça aurait vraiment changé quelque chose ?  Est-ce que... j'aurais aussi été tuée par le sith ? Ou bien est-ce qu'à deux contre un on aurait eu une chance ?


C’est une très bonne question, et un très bon signe qu’elle s’ouvre ainsi sur ce qui la tracasse. Ne souhaitant pas lui apporter une réponse prémâchée en citant quelques lignes du Code Jedi adapté à la sauce corellienne, je ne lui réponds pas tout de suite et prends le temps de réfléchir afin de bien peser mes mots. Ce n’était jamais des situations faciles à gérer, sur le moment et par la suite.


- Tu préférerais sans doute entendre autre chose mais pour être franche, je ne pense pas. Un Sith capable de tuer un Maître est un adversaire coriace, et ce n’est pas sa maestria au sabre-laser ou ses aptitudes dans la Force qui sont le plus à craindre. C’est leur aptitude à exploiter la moindre faiblesse de leurs cibles, physique et psychologique. Tu as différents types de Sith bien sûr, mais pas mal d’entre eux n’hésiteraient pas à briser un Padawan pour déstabiliser le mentor.


Les plus de vingt ans d’expérience que je traînais derrière mois en termes d’expérience du terrain m’avaient appris cette leçon, surtout du temps de Lord_Over, une horreur que j’espère Cora et les jeunes du Temple Vert n’auront pas à connaître un jour. Je ne sais pas s’ils sont derrière le meurtre de Jaylen et la m… la disparition de Gilad, mais je le soupçonne fortement. De manière moins avouable, je sais aussi de quoi je parle pour avoir vu des Sith la mettre en pratique, sous mes yeux.

Mais ça c’est une toute autre histoire, que je ne raconterai pas de sitôt.


- Vous auriez été plus forts à deux, c’est possible. Dans tous les cas, Corvo aurait été dévasté de te perdre. Il connaissait les risques, je ne peux pas te dire ce qui l’a poussé à agir ainsi, mais je suis sûre d’une chose : si tu veux le rendre heureux, reste en vie. Tant que tu es en vie, il continuera de vivre dans ton cœur et dans tes souvenirs. Je suis sûre qu’il veille sur toi, depuis la Force.


Et ça, c’est ce qu’il me semble être le plus important à retenir. Cela n’arrivait pas très souvent, mais ce n’était pas non plus des événements rares que de voir un Padawan ou un Maître rentrer seul de mission, souvent hagard et sous le choc. Ce que j’essaye de lui transmettre, ce sont les mêmes conseils qui m’ont aidée à faire le deuil de Gilad, quand je n’étais qu’une Padawan laissée paumée, ceux-là mêmes que Jaylen m’avait fait rentrer dans le crâne à force de répétition et de conviction.

Ah ce bon vieux Jaylen… nos conversations, sa présence et ses conseils me manquent déjà.

Quand je la sens plus apaisée et prête à réendosser sa persona habituelle, je romps avec délicatesse l’étreinte et serre une dernière fois son épaule avant de me reculer pour lui redonner de l’espace.


- Je me suis posée ce genre de questions auparavant et plus récemment. Et si j’avais été là, aurais-je pu désobéir et lui sauver la vie ? Et si j’avais insisté davantage pour savoir ce qu’il tramait et pour le faire parler ? Au final, j’en suis venue à une même conclusion. Les regrets, ça te pousse à ne regarder que dans le rétroviseur plutôt que vers la route sur laquelle tu conduis ton speeder. Je ne dis pas qu’il ne faut pas jeter un œil dans le rétroviseur en conduisant hein, mais si on veut éviter de faire une sortie de couloir aérien c’est mieux de regarder devant soi !


Je ne sais pas si ma pointe d’humour aura l’effet escompté, à savoir d’alléger un peu l’atmosphère et d’égayer notre humeur respective, mais j’aurai essayé au moins. Je lui fais signe de me suivre alors que nous reprenons notre route vers Coronet-city, je pense d’un pas plus léger qu’avant.


- Tu me demandais plus tôt pourquoi je t’emmène dehors boire un chocolat chaud malgré le fait de t’avoir sermonnée. C’est simple : tu as l’air d’avoir besoin de changer d’air et ça ne me fera pas de mal non plus. Je t’ai donné ta punition, on ne va pas s’éterniser là-dessus. Ce sera un lieu plus sympa pour causer en paix, et il y aura moins d’oreilles indiscrètes.


Car c’est pas ça qui manque, au Temple ! Entre les jeunes souvent très curieux et les moins jeunes vigilants comme d’ordinaire, on est servis. Bon, que puis-je faire pour apprendre ce que je souhaite connaître d’elle sans la stresser et sans remuer le couteau dans la plaie ? Je me doute que dans les prochaines minutes, elle va retrouver son caractère auquel elle avait habitué les autres Chevaliers et Maîtres Jedi Verts et je pense qu’elle va chercher à recouvrer sa fierté. Laissons-en-lui la possibilité.


- Je sais que tu as eu l’occasion de sortir un peu d’ici ces dernières années. Est-ce qu’il y a une ou plusieurs missions qui t’ont marquée ? Drôles ou moins drôles, à ta guise. Par ailleurs, tu as une idée du genre de Chevalier que tu aimerais devenir, plus tard ?


Je serais curieuse de savoir quelles expériences elle aura retenu en particulier, alors que nous cheminons vers la capitale à bon pas. Ça lui changera les idées et lui offrira un moyen de rebondir, et cela me permettra de mieux cerner sa personnalité assez riche en couleur ainsi que de mieux la connaître. Bien entendu, si elle me lance sur le sujet, je jouerai le jeu autant que possible. Quant à ma seconde question... c'est qu'il y a pléthores de carrières et de profils de Jedi possibles. Inspecteurs, militaires, pilotes, diplomates, instructeurs, guérisseurs, et j'en passe.

Il en faut peu parfois pour être heureux... ou en tout cas, moins malheureux. Le câlin est un outil qu'on a tendance à trop rapidement oublier une fois que les enfants grandissent. S'il ne convient pas à tout le monde - certains et certaines ne sont pas du tout tactiles - il fonctionne en cas de détresse dans un grand nombre de cas. Je ne dis pas qu’il faut laisser ses nerfs danser la java en tout temps, mais parfois ça fait du bien de lâcher un peu la bride.

Il y a différentes manières de le faire, selon son humeur et son entourage. Dans mon cas, quand ce n’est pas encore trop grave, la méditation aide à désamorcer une pression légère. Sinon, je peux recourir à un bon entraînement bien corsé au sabre-laser ou au combat à mains nues pour me relaxer et me focaliser sur autre chose que ce qui me tracasse. Il existe aussi une dernière solution à laquelle je fais appel en cas de besoin, si mon équipier de toujours est dans les parages et motivé.

Mais ça, ce n’est pas quelque chose que je raconterais aux tendres oreilles des Novices. C’est du ressort de ma sphère privée, aussi décomplexée que je puisse être sur mes mœurs sociales.


- Oulah, j'crois que j'aurais pas assez d'la journée pour tout citer. Mais j'crois bien que la plus..."rocambolesque" qu'on ait eu, c'est celle dont j'parlais tout à l'heure sur Naboo. Le truc que j'ai pas précisé, et sur lequel j'ai un peu menti, c'est qu'déjà la Twi'lek s'appelait Dilhodhi, et qu'en plus c'était la fille d'un riche politique du coin. Alors j'vous laisse imaginer la tête qu'il a fait quand, en plein milieu d'la réception, il s'lance à la recherche de sa fille qu'il pense kidnappée pour en fin d'compte la retrouver pendue aux lèvres d'la padawan du maître qui devait la protéger. Ils avaient débarqués à deux en plus dans la chambre, le père, et Corvo qui du coup ne savait plus où s'mettre. C'était sensé être une simple mission d'protection d'VIP pour une réception, et au final c'est pas des criminels qui kidnappent sa fille comme il le craignait, mais moi qui cherchait juste a passer une bonne soirée. Moi qui disait qu'les protections d'VIP c'était chiant comme la pluie...et ben maintenant j'suis plus trop la bienvenue chez eux. Ça aurait pu être pire, j'aurais pu carrément être bannie d'Naboo. Alors par contre pour trouver des missions où j'me suis pas amusée...là comme ça y'en a pas trop qui m'viennent en tête.


Je ne prends pas la peine de retenir un franc éclat de rire alors que la jeune fille me conte cette anecdote. J’en avais un vague souvenir de cette histoire, même si je ne me rappelais plus que c’étaient eux deux qui avaient été envoyés sur place. Ça avait fait jaser, en salle du Conseil et dans les bruits de couloir ! Bon après le bon coup d’hilarité passé, c’était moins drôle de devoir gérer les dommages collatéraux en termes de diplomatie pour apaiser l’ire du paternel vexé.

Avant de connaître Dalek, ça m’était déjà arrivé d’avoir des aventures de courte durée ou des coups d’un soir, par pure envie de distraction d’une mission ennuyeuse ou simplement par impulsion.

Mon frère cadet ayant une préférence nette, marquée et assumée pour le genre masculin, je n’ai pas assez de fermeture d’esprit pour lui reprocher cette escapade. Il faut expérimenter, pour se cerner.

J’admets cependant que je n’ai jamais été dans le rôle du superviseur pour ces situations. Dalek avait une sainte aversion des femmes, je suis l’une des très rares exceptions qui aient couché avec lui. Quand bien même il aurait cherché ailleurs, tant qu’il me tient au courant, je serais ouverte au sujet. Je suis très mal placée pour critiquer des relations conjugales très ouvertes, au vu de mes vieux.


- Aussi, pour la question d'savoir quel genre de chevalier j'veux être...j'dirais que je n'ai pas encore complètement tranché la question. Je sais que j'suis plutôt douée pour m'battre en plus d'aimer ça, mais pour autant j'me vois pas devenir militaire. Ils sont trop carrés, trop protocolaires, trop...enfin vous voyez l'idée. J'préfère avoir ma liberté tout en m'rendant utile un peu partout.

Elle a encore le temps de découvrir, de s’interroger et de décider du haut de ses dix-huit ans, mais cela pouvait me donner quelques informations d’ordre général. J’ai toujours tenu, ainsi que plusieurs Maîtres, à personnaliser la formation post-Noviciat à chaque profil d’élève sans se cantonner aux seules différenciations de carrières. Je n’ai pas formé Dalek de façon tout à fait orthodoxe, et je pense que certains professeurs de Tython ou plus traditionnels d’ici n’auraient pas tout approuvé.

« Plutôt » douée pour se battre… c’est intéressant, surtout quand je le mets en parallèle avec ce que j’ai entendu à son propos des autres mentors et Chevaliers Verts. On verra ce qu’il est en est.

Un sourire amusé se tisse à la mention de la discipline implacable dans l’armée, me contentant d’approuver de la tête. Oh que oui je connais bien, c’est ce qui m’avait dissuadée jeune Chevalier de répondre à l’appel des drapeaux quand on me l’avait proposée après l’opération Lord_Over. J’avais préféré la liberté mieux conservée au sein des corps de la police corellienne, comme mon père. Aujourd’hui… il m’arrive encore de donner un coup de main à la CorSec, quand l’armée ne réclame pas mon attention et que l’Ordre Vert comme l’Ordre Jedi ne sollicitent pas ma présence.


- En fait, quelque part, le truc que j'attends le plus, c'est d'arriver a faire suffisamment parler d'moi pour qu'ça arrive jusqu'aux oreilles de mes parents. Leur donner envie d'voir c'que j'suis devenue, d'enfin les connaître...mais en même temps, j'ai un peu peur d'être déçue. De m'faire de fausses idées et d'au final trouver des gens qui n'ont jamais voulu d'moi, contrairement aux Jedi, même si j'me suis pas toujours entendue avec tout l'monde. Qui sait c'que je serais devenue si je n'avait pas été formée. J'serais peut-être mécanicienne, chasseuse de prime, ou peut-être même mandalorienne allez savoir. Qu'est-ce qu'il y aurait comme voie possible pour une Jedi qui voudrait juste vivre libre, voyager un peu partout, voir du pays, se battre pour défendre la veuve et l'orphelin ? Surtout l'orphelin, je sais c'que ça fait.


Il est vrai qu’elle fait partie des orphelins que Corellia a recueilli, et sur lesquels nous veillons ici. Si je ne peux pas pour le coup comprendre au sens littéral du terme, j’en ai vu des jeunes et des enfants qui se posaient des questions similaires. Sans oublier Hal, qui a grandi sans son père, Dalek étant encore un autre cas de figure. J’allais lui répondre lorsqu’elle reprend la parole.


- En fait, j'suis peut-être même pas sûre de savoir c'que j'veux, vu que depuis tout à l'heure j'parle de faire parler d'moi pour retrouver mes parents...mais si j'devais mettre de côté mes parents...qu'est-ce que j'pourrais choisir comme voie ? Là j'avoue que, pour l'instant je n'sais pas trop. Vous avez choisi comment vous ? Vous vous êtes toujours dit que vous seriez l'grand maître des Jedi de Corellia ? Ou bien ça vous ait juste tombé dessus comme ça ?


Sa dernière question me fait rire. Je doute qu’elle se doute à quel point sa question peut sembler rhétorique, quand on connaît les circonstances de mon accession au rang de Maître des Jedi Verts. Je garde néanmoins la réponse pour plus tard, décidant d’aborder chaque point dans l’ordre.


- La tête du politicien Naboo devait être assez mémorable, je veux bien te croire. Les gens de ces castes-là tendent à être tellement coincés et vieux-jeux, parfois. Les missions de protection de VIP ne sont pas toujours les plus amusantes, c’est vrai, mais elles peuvent avoir leur lot de rebondissements inattendus. Quand j’étais Padawan, il m’est arrivé à plusieurs reprises de devoir assurer la protection de grands magnats de l’industrie ou de l’économie corellienne. Je m’en souviens d’un, un grand mécène très influent qui avait été décoré d’une distinction honorifique de défenseur de la paix. Ce politicien, fort aimable, s’est plié en quatre pour se rendre agréable… et pour nous faire passer à la broche à toutes les sauces possibles.


C’était une mission assez routinière, de prime abord. Je devais avoir dans les quatorze-quinze ans, si ma mémoire ne me fait pas défaut. Je lui raconte d’un ton léger les mille et une prouesses d’inventivité de ce grand homme dont hélas, je ne saurai dire le nom pour ne pas froisser nos relations avec des officiels de la CorSec et du gouvernement corellien, pour nous faire rejoindre la Force avec une subtilité telle que cela en devenait de l’art. Outre le classique assassinat par des mercenaires, ce brave homme a sût redoubler d’efforts et de sbires pour tenter de nous empoisonner, de nous compromettre, voire même d’acheter notre silence. Il a essayé de s’arranger pour que je morfle d’une façon ou d’une autre afin d’emmerder Jaylen, mais le bougre a sous-estimé quelques angles morts. L’un de ses fils, qu’il avait envoyé pour me séduire et m’écarter pour de bon, par exemple. Avec un peu de déduction et de l’audace, j’avais tôt fait de le cuisiner avec doigté.

Je disposais déjà d’arguments qu’au vu de sa nature de vieux mâle aigri, il ne pourrait jamais avoir.


- Tu sais, rien ne t’interdit de faire des recherches à propos de tes parents. Si cela te tient à cœur il te suffit de contacter le pôle administratif de Coronet-city, ou de t’y rendre en personne si cela te chante. Tu as juste à prendre tes papiers d’identité et à remplir un peu de paperasse sur place. Ça prend du temps et on n’a pas toujours de réponse, mais ça peut te donner des pistes sur leur identité. Est-ce qu’il y a des choses que tu sais déjà à leur sujet ?  

Je ne la forcerai pas à m’en parler davantage, mais elle a le droit de connaître cette possibilité. Nous autres corelliens ne rejetons pas le lien entre un élève et sa famille, tout comme nous ne renions pas nos émotions. Si elle veut en savoir plus à leur sujet, je ne vois pas le mal. Cela pourrait peut-être même lui apporter un peu plus de sérénité sur ce sujet, quelle que puisse être la réponse obtenue. Cela peut être important pour certains, de savoir d’où on vient sans pour autant renier où on est. Au vu de l’importance qu’elle leur accorde dans ses propos, je ne pense pas que ça puisse faire du mal.


- Au moins tu serais fixée. Au pire des cas, si cela ne leur plaît pas ou qu’ils ne te reviennent pas, tu sais que tu n’es pas seule que tu auras toujours un foyer et des amis, ici.  Ça m’arrive parfois, de me demander ce que le vieux penserait de ce que je suis devenue mais au final, ce qui importe le plus est de devenir ce que l’on veut être et surtout, qui on veut être.


En tout cas Gilad, si tu m’entends, tu peux te retourner dans ta tombe autant de fois que tu veux et gueuler selon ton bon plaisir, ça ne me fera pas changer mes choix. Je suis une femme libre de faire ce qu’elle veut, avec qui elle veut, comme elle veut et quand elle veut. Je m’amuse à imaginer sa tête déconfite en apprenant que mon conjoint est un ex Sith...  et que j’ai flirté un peu avec les ombres. Enfin, s’il est bel et bien là où je pense qu’il se trouve… essayons de ne pas penser à ça pour l’instant.


- Tu peux suivre une voie généraliste, aussi. Je connais pas mal de gens qui n’ont pas voulu se spécialiser afin de varier les plaisirs, comme mon ancien élève. Il est possible de se réorienter aussi en cours de chemin. Avant de rejoindre l’armée, j’ai bossé à la CorSec comme Inspectrice. J’aime bien enquêter, me triturer le crâne et agir directement sur le terrain.  


Et on en vient à sa dernière question, alors que les avenues boisées commencent à devenir plus disparates et l’air moins pur que celui que nous venons de quitter. Nous voici aux abords de Coronet-city, ma ville natale et ma cité de cœur. Revenons un peu auprès des gens à la vie un peu moins cadrée que la nôtre, dans leur vive simplicité et leur fascinante diversité. De toute façon, c’est toujours bien d’aller tâter un peu la température en ville et dans les mondes voisins, sinon on est comme des sages éclairés dans leur cité au-dessus des nuages, sans voir ce qu’il se trame en bas.


- J’ai fait à l’instinct. Selon le feeling et les trucs dans lesquels je m’en sortais le mieux et ce qui me plaisait le plus. Ce qui m’a fait prendre pas mal de chemins de traverse et de routes détournées avant de trouver ma voie. - répondis-je avec un léger clin d’œil avant de reprendre –  Par contre, je n’avais pas du tout prévu de devenir le Maître des Jedi Verts ! Jaylen… enfin, Maître Korr faisait très bien le job et avait de belles années devant lui avant sa mort brutale. Quoi qu’il en soit, je ferai de mon mieux pour que nous ne perdions pas le cap.


Bien que le Temple des Jedi Verts soit plus animé, plus vivant je trouve que celui de Tython, il n’est pas doté de ces odeurs, délicieuses ou plus agaçantes, de ces sons, de cette vie palpitante d’ici.

Je dois m’interrompre un moment alors que nous traversons des rues densément peuplées, afin de nous frayer un chemin sans être séparées. La richesse ethnique des mondes corelliens est assez exceptionnelle et bien plus harmonieuses, de mon avis, que d’autres mondes assez similaires. On y trouve le meilleur comme le pire, la justice comme le crime, les mécènes comme les créanciers.

Je la guide ainsi dans un immense dédale de ruelles, quittant les artères principales pour m’engager dans des axes moins empruntés. Je finis par repérer l’enseigne que je cherche au loin, très peu visible en dehors des connaisseurs et du bouche à oreille qui a fait la réputation de l’établissement et incite Cora à me suivre alors que je me décale sensiblement vers la gauche d’une rue assez étroite.

J’ouvre la petite porte un peu vermoulue de la bâtisse et fait signe à Cora de rentrer, alors que je lui tiens la porte. Le salon de thé n’est pas très grand en soit, et dénote par sa préférence pour la chaleur des boisures apparentes que la froideur solide du métal. La décoration est assez austère, mais invite au calme et à la décontraction. Je n’allais quand même l’emmener dans une cantina, surtout après qu’elle se soit déjà bien amusée la veille. J’aime bien boire de temps à autres, c’est vrai – assez souvent, diraient des médisants – mais avec modération et je sais apprécier un thé ou du chocolat chaud. Pour le coup, je pense que ce sera plus approprié pour la suite de notre échange.

Je lui fais signe de prendre place à une table et de prendre ce qu’elle voulait sur la carte. Les chocolats chauds de la maison sont si délicieux que mon choix est déjà fait, pour ma part. Un chocolat noir à l’ancienne, amer et épicé à la fois, me convient plus que ceux plus sucrés.



- Tu as le cœur à la bonne place, en tout cas. Je sais que certains mentors préfèrent des élèves plus sages et plus jeunes. Je sais aussi ce que ça fait de tourner en rond, à ne pas trop savoir ce qu’on va devenir parce qu’on ne correspond pas aux attentes. Je suis passée par là, figure-toi. Tu as l’air motivée à poursuivre ton apprentissage, en dépit des difficultés et de ton deuil.


Je marque une courte pause pour lui laisser le temps de passer sa commande au droïde serveur et d’indiquer la mienne. Dès qu’il fut assez éloigné de notre table un peu à l’écart, je poursuis.


- Tu cherches un mentor pour continuer ta formation. Je n’ai pas repris de Padawan depuis mon premier élève, occupée à droite et à gauche. Je vais être plus présente avec mes nouvelles responsabilités, même si je risque de pas mal voyager. Je ne suis pas une Maître Verte orthodoxe, ni le parangon du Jedi. Je ne peux pas te promettre d’aller tout le temps au combat, la diplomatie fait aussi partie du job, mais j’aime me rendre sur le terrain. Si tu n’as pas peur du danger et d’un train de vie mouvementé, je pourrais te prendre comme Padawan. Qu’en dis-tu, Cora ?


Je ne dis pas que le choix est facile, mais il est sien. J’ai abattu mes cartes sur la table, à elle de jouer. Pourquoi voudrais-je d’une élève atypique comme elle ? Parce que j’aime les défis et les profils particuliers, d’une part. De deux, j’aime laisser à chacun la chance de s’accomplir comme il l’entend, voire de bénéficier d’une seconde chance selon les cas. De trois, sa personnalité m’amuse et m’interpelle à la fois, me rappelant de lointains échos d’une autre Padawan tout aussi turbulente. J’ai envie de croire en son potentiel, et de voir jusqu’où elle pourrait se rendre si on lui laissait sa chance. Je n’ai pas peur d’enseigner à une élève plus âgée que d’ordinaire ou ayant connu un autre mentor, cela me rappellera un peu Dalek sur certains points. Et je veux croire en mon instinct et en la Force.

Dalek avait parfaitement conscience qu’un beau jour, sa grande gueule le perdrait. Ce n’était sans doute pas pour tout de suite mais après ce qu’il avait fait la veille – et la trentaine de messages laissés sur son comlink – il savait que si on mettait la main sur lui au temple Vert, le Conseil lui ferait encore un sermon de leur cru… voilà pourquoi il s’était éclipsé pour prendre son petit-déjeuner en paix et ne comptait affronter la ligue des trolls le plus tard possible dans la journée.

Bien évidemment, il avait des circonstances atténuantes. Assigné à ne pas quitter le système corellien suite à sa rencontre avec la Régente sur Kashyyyk – apparemment pour sa propre sécurité – le Hapien avait vite fait le tour des activités pourtant variées qu’offraient les alentours du temple et même de Coronet. Hal, le petit frère d’Allana – qu’il considérait comme un véritable saint, contrairement à leur aîné qui était un vrai empêcheur de tourner en rond – l’avait emmené dans quelques soirées mais Dalek n’était pas un homme de clubs.

Enfin, à quelques exceptions près. Il se souvenait s’être rendu dans un nightclub tenu par un syndicat criminel où il avait pris plaisir à semer la panique dans le cadre d’un enlèvement visant à ramener un informateur sur Korriban. Le mélange de la musique forte et des cris assourdissants, le bruit du verre qui se brisait dans la panique, les marées humaines qui laissaient des gens piétinés sur leur passage sous les lumières multicolores des projecteurs… Ah, c’était le bon vieux temps !

Les événements des derniers jours étaient d’une toute autre nature. Le Jedi Vert avait eu le malheur de se plaindre de n’avoir rien à faire au temple, en dehors des leçons qu’il donnait aux initiés. Dalek aimait bien leur raconter des anecdotes et essayer de cultiver chez eux un esprit critique qui manquait cruellement dans le curriculum des Jedi. Ses plages de cours avaient déjà été allongées du fait qu’il était assigné plus longtemps au temple mais un maître Vert en charge des initiés avait eu la bonne idée de lui refourguer une excursion à faire avec eux pour « travailler leur esprit d’équipe et l’utilisation conjointe de leurs pouvoirs ». Surtout qu’en cette période estivale, beaucoup d’entre eux avaient quitté le temple pour une ou deux semaines afin de retourner dans leurs familles et éventuellement de partir en vacances. Il restait donc principalement des orphelins ou ceux dont les parents n’avaient pas les moyens, ou l’envie, de s’occuper d’eux.

Sachant que cela ne servait à rien d’argumenter et entrevoyant une possibilité de faire suer les maîtres en charge des initiés, Dalek avait fait preuve de ses habituels talents de négociateur… en exigeant un budget conséquent pour le déplacement, en énonçant une liste longue comme le bras de frais de location de véhicules, de carburant, de frais de bouche… qui avait rapidement fait capituler le maître.

L’Opération « Sea, Sand and Sun” était prête à démarrer !

Les faisant lever de bonne heure, Dalek avait embarqué la quinzaine de gamins âgés de sept à douze ans à bord du Shyrack et avait (ab)usé de son autorisation Jedi pour faire un vol atmosphérique depuis le temple Vert directement jusqu’au spatioport de Tyrena. Ils avaient passé le premier jour à faire du shopping, achetant aux enfants de « véritables vêtements » et notamment le nécessaire en matière de maillots de bain et d’équipements de plage. L’hôtel de luxe dans lequel ils séjournèrent pour la nuit en laissa pour certains complètement scotchés mais Dalek avait un principe simple dans la vie : avec les crédits Jedi, il fallait dépenser sans compter.

Le deuxième jour, ils se levèrent aux aurores pour se rendre aux Plages d’Or. Pour son plus grand soulagement, tous avaient déjà nager – comme quoi les enseignements du temple Vert n’étaient pas si mauvais sur les bases – mais plusieurs d’entre eux n’avaient jamais vu la mer. Fort heureusement, Dalek avait choisi un endroit où la mer était très calme et la température de 21°C la rendait tout à fait agréable. Leur semaine passée aux Plages d’Or lui aurait sans doute valu seulement une petite tape sur la main, si l’ancien Sith n’avait pas été aussi ambitieux en matière de curriculum.

Après leur avoir fait pratiquer différentes activités, notamment du beach-volley, pour les habituer à marcher sur le sable et à travailler ensemble, Dalek leur avait proposé de faire une « bataille de vagues ». Deux équipes dans l’eau devaient utiliser la Force pour créer de petites vaguelettes et se les envoyer respectivement les uns sur les autres pour les obliger à être repoussés derrière une « ligne » définie par des poteaux plantés de chaque côté. Jusque-là, il n’y avait rien de notable.

Ce que le Jedi Vert avait sous-estimé, c’était l’engouement et l’esprit de compétition des initiés. Les gamins avaient véritablement excellé dans l’art de coopérer pour créer ce qui relevait plus de grandes vagues pour surfeurs que de vaguelettes. Les petits monstres avaient même failli créer un tsunami le troisième jour ! Heureusement, Dalek avait réussi à persuader les autorités locales – avec un peu d’aide de la Force, loués soient les faibles d’esprit – que les enfants n’avaient pas déclenché les vagues géantes mais qu’ils avaient au contraire fait de leur mieux pour les arrêter.

Dalek avait opté pour des activités potentiellement moins dangereuses : un parc d’attraction très réputé à Tyrena pour ses montagnes russes et ses attractions aquatiques. Le Jedi Vert avait corsé un peu les choses, en les divisant en trois équipes devant chacune trouver des indices dans différentes attractions et l’équipe gagnante choisirait l’activité du soir entre différentes options. Là-encore, lâcher dans la nature des enfants et pré-adolescents capables d’utiliser la Force dans un dédale de machineries et de réserves d’animaux s’avéra être beaucoup plus dangereux qu’il ne l’avait cru. Fort heureusement, il n’y eut pas de blessés… seulement quelques dégâts matériels chiffrés à quelques milliers de crédits, évidemment affectés au compte de l’ordre Vert.

Au final, Zar ne regrettait pas. A la fin du séjour, les gamins formaient un groupe très soudé et ils n’hésitaient plus à poser toutes sortes de questions, qui allaient bien au-delà de la « mission des Jedi ». Histoire, géographie, sciences, fabrications d’explosifs… leur soif de curiosité faisait plaisir à voir ! Il les avait ramenés la veille au temple et comme il s’y était attendu, ils avaient évidemment raconté à leurs petits copains leurs merveilleuses aventures… qui n’avaient pas manqué de remonter aux maîtres Verts, en plus de l’addition salée qu’ils avaient dû constater sur leur compte en banque. Ou peut-être était-ce parce que les gamins leur avaient déposé leur liste de doléances incluant la construction d’une annexe du temple Vert aux Plages d’Or pour les initiés, la création d’une station-spatiale Jedi en orbite de Corellia ou encore le remplacement du vert par le noir pour la couleur officielle des Jedi « Verts » ?

En dépit des emmerdes, la virée avec les gamins lui avait aussi fait du bien. Elle lui avait permis d’oublier pendant quelques temps qu’il avait une belle épée Sith au-dessus de la tête depuis sa rencontre avec ISIS sur Kashyyyk. Peut-être qu’il organiserait d’ailleurs ce type de sorties plus régulièrement avec les initiés, la Force était témoin que ça ne leur faisait pas de mal de sortir un peu du temple pour voir le vrai monde. Et dire que la moitié d’entre eux n’avait jamais visité un casino avant ! Certes, ils n’étaient pas censés avoir l’âge d’y entrer mais dans certains quartiers de Tyrena, les crédits ouvraient beaucoup de portes et puis c’était pédagogique ! Tout bon Jedi se devait de savoir proprement tricher au Sabaac !

Pour échapper aux remontrances des maîtres, Dalek avait choisi de filer à l’alderaanienne et de se poser à un petit café qu’Allana et lui fréquentaient régulièrement à Coronet City. Il en avait profité pour prendre un bon petit-déjeuner et il sirotait actuellement une tasse de chocolat chaud en parcourant les actualités sur son datapad. Mieux valait ne pas dire à Corran qu’il avait « emprunté » ses identifiants pour inclure le fil d’informations des forces armées corelliennes dans son flux d’actualités, ça lui aurait sans doute donné davantage de cheveux blancs. Le frère aîné d’Allana avait tendance à faire tout un foin pour pas grand-chose et déjà qu’il l’appréciait peu… Ah là là, il fallait qu’il apprenne à oublier un peu le passé. La fois où il l’avait saucissonné et proposé à Allana – alors sous son apprentissage Sith – de le tuer était loin derrière eux ! Une vraie diva, ce Corellien…

L’établissement n’était pas très grand, comptant peut-être sept ou huit tables. Quelle ne fut sa surprise de reconnaître une tignasse auburn et une silhouette bien familières ! Rendant sa propre présence discrète et diffuse dans la Force – elle savait qu’il était sur la planète après tout – Dalek vérifia qu’il s’agissait bien d’Allana, en compagnie d’une jeune femme de dix-sept ou dix-huit ans aux cheveux d’un rouge vif. La gamine avait l’air complètement sur le cul après une phrase d’Allana puis complètement aux anges, c’était comme si son visage allait se fendre en deux tellement elle souriait.

Ne souhaitant pas débarquer au milieu de leur discussion, le Jedi Vert appela le serveur et lui demanda d’apporter un verre de son meilleur brandy corellien à Allana en lui indiquant que c’était de sa part. Celui-ci nota sa commande avant de s’éloigner.

Sirotant son chocolat chaud, il esquissa un sourire et se relaxa sur son siège. Il était curieux de savoir qui était la gamine et le lien qui l’unissait à Allana.

La famille, c’est important. C’est sans doute l’un de mes plus grands points de dissension avec les Jedi plus traditionnels, avec la gestion des émotions. Á mon sens, les liens de la famille nous permettent de maintenir une unité et des traditions, un héritage et une solidarité qu’il est difficile de répliquer avec la même force de façon artificielle.

Le cas de figure de Cora semble, à première vue, assez répandu au sein des orphelins. Les temps n’ont pas toujours été aussi posés que de nos jours, et tout le monde n’a pas forcément les moyens, le temps et le contexte de pouvoir s’occuper d’un ou de plusieurs bambins. On ne peut pas se fier qu’au côté clair d’un monde. Même ici, sur Corellia, il existe des ombres. Notre démocratie n’est pas parfaite, aucun régime ne l’est et bien qu’on travaille à la fraternité et à l’équité, ce n’est pas parfait.

Rien sur son père… cela complique un peu la tâche mais rien n’est impossible avec un peu d’ADN. Si le paternel vit quelque part dans l’espace républicain ou est fiché dans les données républicaines, on finira bien par mettre la main dessus. Je ne suis pas trop inquiète, encore moins sur le long terme.

La mention sur sa mère est plus croustillante. Sira Drekk… voilà qui ne me parle pas du tout. Si l’hôpital n’a pas réussi à la contacter après qu’elle ait filé à l’alderaanienne, cela réduisait les chances de la retrouver avec des recherches simples. Les indices étaient cependant un peu maigres, en ne connaissant que son espèce humanoïde et la rousseur de sa chevelure. Oh, il existe des technologies pour faire de puissantes comparaisons génétiques et faciales, mais pour ce genre de requête…

Tout comme le nom de sa mère était fabriqué, Cora avait forgé sa propre identité sur Corellia.

Je suppose que tout ce que nous pouvons faire pour l’heure, c’est d’ouvrir l’œil et de lancer la requête de renseignements généalogiques. Nous verrons bien en fonction des premiers résultats. Dans tous les cas, je ferai mon possible pour l’aider à trouver les réponses qu’elle cherche. Je préfère qu’elle éclaircisse ces incertitudes puisqu’elle le souhaite, plutôt que cela lui retombe dessus à un moment peu propice. Je pense que cela pourrait l’aider à mieux se construire, petit à petit.


- Oui je... oh, hmm, j'pense que j'vais prendre un chocolat au lait sucré, merci...D'ailleurs en parlant d'ça j'craint d'avoir dépensé l'peux que j'avais hier soir. Donc si jamais ça n'vous dérange pas j'vous rembourserait quand j'pourrais. Et...

- On va dire que c’est ma tournée aujourd’hui, on s’arrangera plus tard temporisai-je avec un signe de la main. Et selon sa décision, ce serait l’occasion de célébrer.


Je n’ai jamais été une grande oratrice, disais-je donc. C’est pourquoi je viens le plus directement possible au but, tout en la prévenant des quelques points à prendre en compte dans le cadre de notre collaboration si elle voulait devenir ma Padawan. Je préfère le faire maintenant plutôt qu’il y ait de mauvaises surprises par la suite, comme ça elle est prévenue et sait à quoi s’attendre… ou en tout cas, en est un peu plus alertée. Mes mœurs peuvent surprendre, surtout pour ceux et celles qui ont été bercées dans une éducation Jedi sans avoir encore une très grande expérience de l’ailleurs.  

Il n’y a pas que mes blagues qui peuvent surprendre voire être d’un goût douteux pour les puristes. Au moins comme cela, si elle l’accepte, elle saura dans quoi elle s’engage pour les prochains mois.

Sa présence dans la Force semble étinceler plus encore tant ses émotions vibrent d’intensité. Je ne peux pas savoir avec certitude – même si j’en ai une petite idée du pourquoi du comment – mais je ressens clairement sa stupeur, voire stupéfaction, son excitation puis une très grande joie. Puis bon, même sans mon don d’Empathie, c’est assez clair sur son visage. Y a qu’à voir ses yeux écarquillés et ses lèvres qui restent immobiles quelques secondes, le son pétrifié dans ses cordes vocales.


- Q-quoi mais...mais carrément ! Je...ah haha Corvo espèce de vieux fripon ! Alors c'était ça que j'sentais depuis l'départ ?!... ...Putain j'y crois pas...


Ajoutez à cela un sourire si large qu’il donnait l’impression de lui scinder le visage en deux, et vous aurez une assez nette idée de sa réaction. Je l’observe avec curiosité et un brin de patience, me doutant qu’elle devait redescendre un peu de la montagne-russe émotionnelle avant d’avoir ma réponse. Enfin, la confirmation de ma réponse. Vu la tête qu’elle tire, je ne pense pas me tromper.

Je ne lui tiens pas rigueur de l’expression de son enthousiasme, la réaction est naturelle après tout.

Puis c’est assez amusant de la voir aussi excitée comme une puce et aussi contente, surtout en contraste des premières heures de notre rencontre quand on l’avait pris la main dans le sac. Je n’étais pas particulièrement proche de Corvo, même si je n’avais rien contre lui non plus, donc j’ignore ce à quoi elle fait référence mais après, certains mystères méritent de perdurer. C’en est un qu’il n’est pas urgent que je résolve, et je n’oublie pas qu’elle demeure encore en plein deuil.


- Alors celle-là...si on m'avait dit qu'l'éclair vert en personne m'proposerait de devenir sa padawan...j'crois que j'l'aurais jamais cru...Franchement ce serait...ce serait un grand honneur d'être votre padawan...Alors là j'sais plus quoi dire...


Je suis assez curieuse, pour le coup. Je ne suis pas habituée à ce genre d’aura qu’on me prête, étant donné mon mode de vie et la réputation que je me traîne depuis mes années de chevalerie. Bon c’est aussi en partie de ma faute, je l’assume c’était pour le bien de l’Ordre, mais quand bien même... ! Bien qu’amusée par sa réaction, j’approuve de la tête et lui tend une main pour sceller notre accord.


- C’est parfait dans ce cas ! Ce sera un plaisir de te former également, Cora. Mes méthodes différeront peut-être un peu de celles que tu as connu avec Corvo, mais je pense qu’on pourra s’accorder. J’en parlerai au Conseil dès demain, qu’ils mettent à jour ton dossier.


Je ne sais pas dans quoi exactement je m’embarque, mais ça fait partie du charme ! J’ai réussi à former Dalek donc je devrai m’en sortir, elle a dix-huit ans déjà après tout et son ancien Maître avait eu le temps de la former sur plusieurs années. Il me faudra encore évaluer ses compétences et jauger sa maîtrise sur différents aspects, mais pour une fois j’ai du temps devant moi. On le prendra.


- Si tu arrives à mettre un peu d’ordre dans tes affaires, tu pourras les transférer dans mes quartiers, disons… demain, cela te laissera le temps de t’organiser et de prévenir tes amis. Tu occuperas la chambre annexe, où avec un peu d’organisation tu devrais avoir la place de tout ranger. Elle sera un peu plus grande que celle que tu as actuellement. Que te dire d’autre…


J’essaye d’organiser mes pensées les points les plus urgents à aborder. Bon, vu le chaos de sa chambre, je ne pense pas que le léger désordre organisé de mes quartiers la perturbera. Il faut dire que je suis souvent en déplacement, donc j’ai souvent un sac ou deux qui traînent et à moitié prêts. J’en profite pour déguster une gorgée ou deux de mon chocolat chaud, aussi intense que toujours.


- Ah si, j’allais oublier ! Comme tu le sais déjà je pense, l’Ordre Vert n’interdit pas aux nôtres d’aimer et d’avoir une famille. Bon dans mon cas, c’est le premier point qui nous intéresse. Ne sois pas étonnée si tu vois un autre Jedi que moi partager ma chambre et la salle commune, c’est normal. Je ne suis pas mariée, mais je vis avec quelqu’un d’ici. Un humain assez grand aux cheveux bruns et aux yeux verts, proche de mon âge… on le croisera assez vite, je pense. Normalement, il devrait être revenu de la sortie des Novices qu’il devait superviser.


J’espère que tout s’est bien passé et que ce n’est pas lié aux vingt messages écrits en attente sur mon communicateur. Cela changerait pour une fois de n’avoir aucune casse, mais je n’y crois pas trop connaissant mon cher ami ! Il n’a pas obtenu son surnom de l’Homme aux Ardoises d’Or sans raison.

Je ne sais pas pourquoi, mais je sens que je vais encore en entendre de belles d’une part et avoir les oreilles aux tympans vrillés par les vociférations des autres membres du Conseil. Encore avant, je n’en étais qu’un membre parmi d’autres, maintenant je préside le Conseil, ça sera moins drôle.

Nous sommes alors brusquement interrompus par le dépôt d’un verre de pinte rempli de brandy que l’on dépose devant moi. Haussant un sourcil face à cette commande que je n’avais pas passée, je me tourne vers le droïde serveur qui s’est placé à côté de notre table et qui s’empresse de parler.


- C’est pour vous, Maître Jedi. De la part du monsieur assis là-bas !


Tiens donc, un présent ! Ce n’est pourtant pas mon anniversaire et je n’ai pas payé de tournée ici, de ce que je me souvienne. En tout cas, si j’en crois la couleur, l’odeur de la boisson et la marque précisée sur la chope, c’est du très bon brandy, du pur corellien et l’un de mes préférés, en effet. Je n’ai pas de mauvaise impression qui se dégage de la Force, je ne pense pas que ce soit un piège.

Je connais très peu de gens qui connaissent si bien mes goûts difficiles en matière de brandy.

Autant par pressentiment que par réflexe, je suis du regard la direction indiquée par le droïde et sonde dans la Force les présences qui nous entourent. Je ne croise pas beaucoup de Jedi – à cette heure en même temps, mais on ne sait jamais ! – à l’exception d’un écho de présence qui m’interpelle, très diffus et très familier à la fois. Je finis par trouver la réponse à ma question.

Esquissant un sourire franchement amusé et un brin complice, je l’interpelle à voix haute.

- Dalek, franchement ! Pour qui tu vas me faire passer maintenant ? Allez ne reste pas dans ton coin et viens te joindre à nous ! Ça fait longtemps que tu es dans le coin ?


En dépit de l’apparente vexation de ma voix, mes yeux bleus-gris pétillent de malice et j’ai bien du mal à retenir un sourire facétieux au coin des lèvres. Ouais je sais, je fais mine d’être fâchée mais en même temps, comprenez-moi ! Il était même à pas deux mètres et n’est pas venu nous saluer. J’attends qu’il s’approche de nôtre table et prenne place avant de me tourner vers Cora.


- Cora, je te présente Dalek Zar. Chevalier Vert et partenaire de vie comme d’aventures ! Tu as peut-être entendu parler de lui comme le Démolisseur ou l’Homme aux Ardoises d’or. Il est mon ancien élève. Dalek, je te présente Cora Falun, ma nouvelle Padawan.


Je ne suis pas trop inquiète qu’ils puissent cohabiter sans tracas. Dalek a une force de caractère au moins aussi prononcée que la mienne, et sa haine des femmes s’est quand même bien amenuisée depuis les années… tant qu’elles ne lui cherchent pas des noises et ne sont pas des pédophiles. Je sais, c’était peut-être pas la meilleure des entrées en matière possible mais elle est efficace au moins et connaissant Dalek, je ne doute pas qu’il va rebondir sur mes propos, curieux comme il est.

Dalek se contenta de lever sa tasse à la santé d’Allana lorsque cette dernière finit par l’apercevoir. Il esquissa un large sourire lorsqu’elle l’interpella. Eussent-ils été dans un endroit plus bruyant, l’ex-Sith lui eut volontiers répondu qu’il la faisait passer pour la digne Corellienne qu’elle était, c’est-à-dire un pur produit de l’évolution qui avait permis à une lignée ininterrompue d’alcooliques sur plusieurs dizaines de générations de faire muter leur foie au point de tolérer sans peine une quantité de brandy corellien dans leurs veines qui aurait mis un Hapien dans un état de coma éthylique, si ce n’est dans la tombe. Toutefois, l’homme aux ardoises d’or était un homme bien élevé et il s’abstint ainsi de perturber les autres clients.

Il se contenta de prendre sa veste sur son bras et sa tasse de chocolat chaud à la main pour rejoindre les deux femmes à leur table. Le Hapien ne répondit à ses questions qu’une fois suffisamment proche d’elle.

- J’étais arrivé le premier, figure-toi. Il faut croire qu’à force de faire des missions sans moi, tu as fini par abaisser ta garde… Que disait le Cornu déjà ? Prudence est mère de sûreté… je n’étais pas d’accord sur tout avec notre ami Zabrak mais sur ce point, il avait raison, même si je l’aurais reformulé en « Une bonne dose de paranoïa est essentielle à toute survie ». Quant à ce que tu es, voyons, mais une digne Corellienne pure souche avec tout ce que cela implique ! Ponctua-t-il avec un regard appuyé sur le verre de brandy qui se passait d’explication.

Le Jedi Vert serra la main de l’adolescente tandis qu’Allana procédait aux présentations. La rouquine était donc la nouvelle apprentie de la Corellienne. Ses yeux verts disséquèrent l’adolescente de l’extérieur tandis que ses sens faisaient de même pour l’intérieur, s’imprégnant de tout ce qu’elle dégageait. Elle n’avait pas l’air d’une mauvaise bougresse de prime abord même si elle semblait bien cacher son jeu.

- Enchanté, Cora, tu peux m’appeler Dalek. Elle oublie naturellement de mentionner que j’ai été son mentor avant de devenir son élève mais c’était dans une autre vie, n’est-ce pas Eri ? Termina-t-il avec un sourire à l’attention d’Allana.

Lorsque la Padawan leur demanda avec un geste assez juvénile si Allana et lui couchaient ensemble, Dalek laissa échapper un franc éclat de rire. Il ne ressentait pas pour autant de gêne de la part de la jeune femme, peut-être « tâtait »-t-elle juste le terrain ? Ou bien cherchait-elle peut-être à les gêner ? Oh, le Hapien sentait que les choses allaient être très amusantes avec cette petite.

- Notamment mais pas uniquement. La pénétration est effectivement une activité régulière, dans des positions variées mais les préliminaires ne sont pas en reste. Cunnilingus et fellation sont des pratiques courantes, des séances masturbations respectives et réciproques bien sûr, le choix de lieux insolites, les jeux de rôle également… Je crains de n’en avoir jamais rédigé la liste exhaustive mais je pourrais te la communiquer si tu le souhaites, surtout si c’est pour un projet que tu souhaiterais présenter au Conseil Vert , déclara Dalek du ton le plus naturel du monde.

Il dégusta une gorgée de son chocolat chaud en imaginant les trolls verts s’étrangler en écoutant la Padawan leur faire un exposé détaillé et illustré des mille et une pratiques sexuelles auxquels des Jedi de leur ordre s’adonnaient. Il y aurait bien évidemment des hypocrites qui seraient excités par la perspective mais il espérait que les plus puritains puissent défaillir voire avoir une attaque.

- Si ta question était de savoir si nous sommes ensemble, c’est aussi le cas. Comme tu le découvriras très vite, nous avons une sexualité très épanouie mais je ne suis pas du genre à courir les jupons. J’ai longtemps éprouvé une haine profonde pour la gent féminine dans son ensemble mais j’ai pris le parti de circonscrire ma rancœur aux nobles Hapiennes qui aiment rabaisser les hommes plus bas que terre et violer à loisir les jeunes garçons. Tu n’as donc pas grand-chose à craindre de moi, je ne suis pas du genre à juger non plus… mais ne t’étonne pas si tu découvres quelques cadavres dans mes placards, je ne fais pas souvent le ménage à fond , lui glissa-t-il avec un sourire malicieux.

Dalek n’était pas inconscient au point de ramener véritablement des dépouilles au temple Vert mais il aurait menti s’il avait dit ne pas avoir tué quelques individus particulièrement abjects depuis son passage chez les Jedi. Il gardait d’ailleurs de sa mission récente sur Kashyyyk un bon souvenir sur le sort que les esclavagistes Trandoshans avaient subi de sa main et de celles des jeunes Wookiees qu’il avait libérés avec l’aide de K6 et de Rex.

Le Jedi Vert adressa un sourire amical à la Padawan avant de reprendre une nouvelle fois la parole.

- N’hésite pas si tu as des questions au sujet d’Allana, que ce soit par rapport à ses qualités de professeure ou de partenaire sexuelle, je suis à ta disposition. Es-tu toi-même active en dépit de la doctrine moralisatrice des Jedi ? Lui demanda-t-il avant de héler le serveur pour commencer une nouvelle tasse de chocolat chaud.

Qui d'autre aurait pu faire ce genre de blague, en même temps ? Me commander une pinte de Brandy alors que je suis en train de briefer une potentielle future élève sur mon mode de vie et mes attentes les plus élémentaires... franchement.  J'ai à peine eu le temps de répondre à Cora que mes quartiers étaient bel et bien dans le Temple, qu'elle n'ait pas à s'inquiéter pour le déménagement, et qu'elle aurait aussi droit à une cabine dans mon cargo de transport que voilà que mon image est totalement invalidée.

J'essaye vraiment de prendre au sérieux mes nouvelles fonctions, mais on dirait que certains ne veulent pas vraiment m'y aider.

Ses propos m'avaient touchée, je dois le reconnaître. La gamine n'a pas l'air très habituée d'être traitée avec chaleur. Nous ne sommes pourtant pas les plus austères, même de l'Ordre Vert j'entends, Peut-être que certains de mes collègues essayent, par bonne intention, de montrer le bon exemple et de décourager certaines pratiques qui pourraient nuire aux jeunes avant qu'ils ne rencontrent leurs mentors ou nouveaux Maîtres. Il y a plusieurs raisons qui motivent ma décision. L'une, empathique, essaye de tisser du lien avec la jeune fille. L'autre a des aspects pragmatiques et pratiques : je n'aurai pas à courir d'un bout à l'autre du Temple pour aller la chercher quand on partira en mission.

Nous sommes très ouverts sur les notions d'attachement et d'affection, mais il y a certains rituels dont l'essence doit être maintenue.

Elle a tout à fait le droit - et je l'encouragerai même - de garder ses amis et de maintenir ses liens avec eux. L'esprit d'équipe, c'est important. Mais il est aussi essentiel d'apprendre à mener une vie plus autonome, moins monotone et régulée qu'au sein du Temple Jedi. Car le quotidien d'un Jedi Vert est rarement routinier. Quand on devient Chevalier, nos étapes à l'enclave deviennent beaucoup plus rares et plus courtes puisqu'il y a fort à faire, tant sur Corellia même que sur les mondes corelliens, voire aussi les autres planètes républicaines. On mêle donc l'utile à l'agréable : j'évite qu'elle reste seule, on apprendra à mieux se connaître et je suis sûre que cela l'aidera à faire son deuil.

Elle finirait par me voir comme une mère, me disait-elle... je connais plusieurs de mes confrères et consœurs Jedi qui auraient tiqué, sur Tython.

Je mentirais si je disais que cela ne m'a pas du tout affectée. Ce n'est pas dans ma nature, d'avoir un cœur dur et froid comme le duracier.

En termes de bruits suspects... cela m'a fait doucement sourire. Elle a dix-huit ans et mes quartiers sont bien isolés, je suppose que ses chastes - ou moins chastes, que sais-je - oreilles pourront s'accommoder à une vie d'inspiration familiale d'une part, et d'autre part aussi conjugale. Et puis au vu de ce qu'elle m'a racontée... je pense que je n'ai pas trop de souci à me faire. Elle a déjà eu La Conversation, je ferai des petites piqûres de rappel si je le juge nécessaire par la suite. Je la rassure donc qu'elle devrait pouvoir dormir les poings fermés, sauf imprévus inattendus.

Le filou ! Je le repère, pas très loin de nous, à lever sa tasse dans notre direction. Étant quand même bonne joueuse de nature derrière ma tendance à ronchonner, j'attrape la pinte de Brandy et la lève à son attention avant de la reposer, tandis qu'il saisissait son manteau et sa propre tasse de chocolat chaud pour nous rejoindre. Je ne suis pas étonnée de le trouver d'ailleurs en civil, cela lui ressemble bien et j'en aurai fait de même si j'avais eu un peu plus de contrôle sur mon emploi du temps. On s'attend à ce que je sois un peu formelle, quand même.


- J’étais arrivé le premier, figure-toi. Il faut croire qu’à force de faire des missions sans moi, tu as fini par abaisser ta garde… Que disait le Cornu déjà ? Prudence est mère de sûreté… je n’étais pas d’accord sur tout avec notre ami Zabrak mais sur ce point, il avait raison, même si je l’aurais reformulé en « Une bonne dose de paranoïa est essentielle à toute survie ». Quant à ce que tu es, voyons, mais une digne Corellienne pure souche avec tout ce que cela implique !


Je grommelle face à son reproche. Je ne suis guère plus habituée à recevoir des leçons de ce genre, mais il faut dire aussi que j’ai rarement l’esprit aussi distrait que ces derniers jours. Beaucoup de choses qui le travaillent depuis mes premiers pas en tant que Maître des Jedi Verts sur Tython, depuis que j’avais encaissé dans la Force la mort de Jaylen puis ses funérailles sur Corellia.

Ça m’avait fait très mal de sentir sa présence s’étioler de la toile de la Force et se dissiper. Presque aussi mal que lorsque mon Don d’Empathie m’avait fait ressentir douloureusement la mort de Gilad.

Mon regard bleu-gris s’assombrit tel un nimbus annonçant la pluie à la mention de ce vieil ami que je viens de perdre pendant quelques instants, avant que je n’inspire discrètement et ne me ressaisisse.


- Je vois. Pour ma défense, tu te débrouille pas mal pour te fondre dans le décor, quand tu en fait l’effort. Jaylen aurait probablement sorti un truc du genre, en effet. commentai-je d’une voix un brin moins enthousiaste avant de préciser à Cora, - Maître Jaylen Korr. C’était mon prédécesseur mais surtout mon mentor et un peu comme un père spirituel pour moi. Il est décédé, ce sont ses funérailles que nous avons célébrées il y a peu.


Cora y avait peut-être assisté, tout le monde avait été invité à la célébration. Je m’en souviens fort bien, du bûcher funéraire. J’avais été celle qui avait tenu la torche qui avait embrasé son dernier reposoir, et la dernière qui avait pu lui rendre un dernier hommage. J’avais fait de mon mieux pour ne pas faire montre de mon chagrin, après tout, tous s’attendaient à ce que je sois forte et solide. Il fallait maintenir la direction du navire, même quand l’un des capitaines adjoint devait remplacer au pied levé le capitaine disparu. C’était assez moche de se dire que mon tout premier discours en tant que guide de l’Ordre Vert, c’était l’hommage à un défunt. Je n’ai pas eu le temps de finir mon deuil.

Quand je vous disais que mes débuts avaient commencé en fanfare, je n’exagérais pas !

Luttant contre des pensées plus mélancoliques et plus sombres qui menaçaient de noircir mon humeur en accroissant ma fatigue, je finis mon chocolat chaud avec une longue gorgée. J’aime le brandy mais pas au point de commettre des sacrilèges en le mélangeant à une boisson sucrée. Je ne suis pas une alcoolique primaire, je sais savourer et déguster les bonnes choses et là, quitte à boire cette pinte, je veux que mon palais ne soit pas biaisé par la boisson cacaotée fabriquée à l’ancienne.

J’observe d’un œil distrait Dalek et Cora échanger une poignée de mains, le premier se présentant.


- Enchanté, Cora, tu peux m’appeler Dalek. Elle oublie naturellement de mentionner que j’ai été son mentor avant de devenir son élève mais c’était dans une autre vie, n’est-ce pas Eri ? Termina-t-il avec un sourire à l’attention d’Allana.


Le diminutif un peu sorti de nulle part a le mérite de me sortir d’un fil de pensées assez sombres et préoccupées des dernières nouvelles. J’hausse brièvement un sourcil. Tiens donc, il l’évoque même au-delà de la sphère intime maintenant, même si on reste dans une sphère plutôt privée ? En même temps, si elle se renseigne un peu, Cora n’aurait pas trop de mal à finir par tomber sur les circonstances de l’arrivée de Dalek dans nos rangs, et donc une mention très élusive sur une très longue absence de ma part de près de cinq ans pour une mission confiée par le Conseil lui-même.

J’assume pleinement cette page plus sombre de mon histoire. Je me demande juste ce qui donne autant des ailes à Dalek sur le sujet. Je choisis donc de commenter ses propos avec un léger sourire.


- J’ai juste pas eu l’opportunité, mais merci pour cette porte ouverte. C’est un peu compliqué mais disons que notre parcours a eu un début assez atypique. Je te raconterai ça un jour, quand les circonstances s’y prêteront mieux. Ce n’est pas trop une discussion de café. C’est normal Cora, si tu as entendu ou si tu entends des rumeurs tourner à ce propos, laisse-les dire.


Je manque de m’étouffer en goûtant une gorgée du très bon brandy aux répliques de Cora et de Dalek. Pas parce que je suis choquée, juste parce que je manque d’être saisie par un violent éclat de rire et que ça ne se marie pas très bien avec le fait d’être en train de manger ou, ici, de boire.


- Et donc vous deux vous...? Après vous faites c'que vous voulez j'suis pas là pour vous juger.


Je raclais ma gorge pour essayer de reprendre un semblant de dignité mais Force, elle venait de bien me faire marrer la petite jeune ! Je n’aurai pas été en train de picoler, je me bidonnerai très volontiers de rire. La répartie de Dalek renforce encore plus mon hilarité, si bien que je ne fais plus l’effort d’essayer de contenir mon fou rire. Il me faut quelques instants pour reprendre mon souffle.


- On doit avoir des bouquins sur le sujet, si tu veux de la lecture repris-je avec un sourire très amusé. - Il y a différentes façons d’apprécier la chose. Et ne te donne pas cette peine va, je suis sûre que nombre d’entre eux sont au moins aussi bien renseignés voire encore plus érudits que nous sur la question. Sauf les coincés du cul, bien sûr !


Je reprends une gorgée de brandy, que je savoure lentement. J’aurai pu le boire plus vite d’ordinaire, mais je suis prudente. Mon estomac avait un peu douillé lors de ce concours improvisé de beuverie avec la mandalorienne pour résoudre une crise diplomatique entre la guerrière et la Corsec. On ne m’y reprendra plus, à moins d’une apocalypse imminente, à me saouler avec cet alcool bien trop fort pour être autorisé sur le marché conventionnel corellien. Même si j’en rigole encore un petit peu.


- Si ta question était de savoir si nous sommes ensemble, c’est aussi le cas. Comme tu le découvriras très vite, nous avons une sexualité très épanouie mais je ne suis pas du genre à courir les jupons. J’ai longtemps éprouvé une haine profonde pour la gent féminine dans son ensemble mais j’ai pris le parti de circonscrire ma rancœur aux nobles Hapiennes qui aiment rabaisser les hommes plus bas que terre et violer à loisir les jeunes garçons. Tu n’as donc pas grand-chose à craindre de moi, je ne suis pas du genre à juger non plus… mais ne t’étonne pas si tu découvres quelques cadavres dans mes placards, je ne fais pas souvent le ménage à fond.

Ah ça, il s’était « assagi » depuis le temps où j’avais fait sa connaissance. Sur Dromund Kaas, j’avais gardé mes distances au début afin d’éviter de me retrouver empalée sur un sabre-laser malencontreusement, par un geste malheureux ou trop proche. Il avait fallu du temps pour qu’il accepte de me laisser réduire peu à peu la distance visible et invisible qui nous séparait en tant qu’Acolyte Sith que j’étais et le Guerrier Sith qu’il était. On a mis du temps avant de coucher ensemble. La mention des cadavres dans nos placards me fait sourire, si bien que je relance.


- Mm, je tends à être plus efficace en « négociations musclées » mais comme quoi, on n’a pas toujours à recourir à la violence. D’ailleurs avant que j’oublie Dalek, tu me raconteras d’ailleurs ce qu’il s’est passé chez nos amis Wookies. De ce que j’ai pu ressentir, tu as eu ton lot de sensations fortes. Mais pour te répondre Cora, on est ensemble depuis… cinq ans, près ou prou. Et on peut dire que ça fait plus de dix ans qu’on fait équipe. Ne te fais pas de bile, aucun de nous deux ne mord… en tout cas, pas sans une excellente raison en ce qui me concerne. On ne juge pas et on respectera tes préférences et ta vie privée sur ses choses-là, tant que tu es prudente. On est très ouverts dans ma famille aussi, surtout mon plus jeune frangin. Pas vrai, Dalek ?


Je suis contente quand même de voir que le courant semble bien passer pour le moment. Cora n’a pas l’air trop choquée et ne s’est pas enfuie en courant. C’est prometteur pour la suite, vu nos tempéraments respectifs et notre mode de vie assez atypique avec Dalek. Il n’en reste pas moins que je pense qu’on aurait beaucoup à lui apprendre, au combat, en mission et sur la vie en général.


- N’hésite pas si tu as des questions au sujet d’Allana, que ce soit par rapport à ses qualités de professeure ou de partenaire sexuelle, je suis à ta disposition. Es-tu toi-même active en dépit de la doctrine moralisatrice des Jedi ?

- Yep, n’hésite pas. Que ce soit sur Dalek ou moi, sur ta formation ou sur tout autre sujet que tu aurais envie d’aborder. Je préfère qu’on prenne le temps de le faire là, tant qu’on est tous présents au même endroit. Ce qui faisait d’ailleurs un bout de temps, il me semble.

Se fondre dans le décor ? Ce n’était pas faux, il pouvait se montrer discret lorsqu’il le souhaitait mais il était rare qu’il veuille s’en donner la peine. Peut-être n’aurait-il pas dû évoquer le Cornu à en juger par le ton un peu voilé d’Allana mais il ne voulait pas oublier le Zabrak. A ses yeux, c’était en évoquant les bons moments passés avec un être disparu qu’on maintenait leur souvenir en vie. Et puis, ce n’était pas s’il avait beaucoup de gens sur sa liste de personnes à se souvenir ! Sa mère, le Cornu… et ça s’arrêtait sans doute là. Nawara Saren avait surtout mérité à ce qu’il pisse sur sa tombe !

La question de Cora au sujet d’Eri suscita un sourire malicieux sur les lèvres de Dalek, au point qu’il donna une esquisse de réponse à la Padawan, que la Maître Vert pourrait compléter à loisir.

- On peut considérer ça comme un surnom ou un nom de scène… Quand je l’ai rencontrée et qu’elle était tout de cuir vêtue, elle aimait bien se faire appeler comme ça. C’est resté un surnom affectif entre nous.

Dalek acquiesça lorsqu’Allana évoqua les bouquins qu’ils avaient sur le « sujet ». La Corellienne avait une belle collection en la matière, de quoi donner une crise d’apoplexie à Corran s’il devait un jour tomber dessus.
A l’évocation des Wookiees et des « sensations fortes » qu’il avait eues sur Kashyyyk, le Jedi Vert esquissa une légère grimace. Il était venu ici pour essayer de ne pas penser à sa rencontre avec ISIS mais il supposait qu’il ne pourrait pas échapper au sujet. Il retrouva un peu le sourire lorsqu’elle évoqua le fait qu’aucun des deux ne mordait.

- Oui, Maître ! Répondit-il avec un ton faussement obéissant. Ce n’est pas tant les Wookiees qui m’ont causé de souci, c’est un peuple très hospitalier et civilisé, contrairement à ces reptiles de Trandoshans… C’est plutôt l’androïde pluricentenaire aussi létale que quasi-omnisciente qui aime asseoir les jeunes reines éternelles sur ses genoux en posant ses propres fesses sur le Trône qui m’a causé une petite indigestion.

Il tourna ensuite son regard vers Cora avant de lui faire un clin d’œil.

- Je te confirme que je ne mords pas, je tiens trop à mes dents pour ça. Ma spécialité est davantage dans la découpe plus ou moins fine au sabre laser, la fabrication de gruyère maison avec un blaster semi-automatique ou la charpie avec quelques explosifs assemblés avec soin. Comme le disait Allana, il semble qu’on m’ait bâti une petite réputation dans la démolition… mais toujours pour la bonne cause !

La bonne cause était généralement la sienne mais puisqu’il s’était aligné sur l’éthique des Jedi Corelliens, il essayait de défendre le veuf et l’orphelin, etc. Dans la majeure partie des cas, il avait affaire à des femmes éplorées qui n’arrivaient pas à articuler deux mots entre leurs sanglots, à des hommes d’affaires davantage courroucés que leur agenda ait été perturbé plutôt que reconnaissants qu’on leur ait sauvé la vie et puis les enfants, par les noix rabougries du premier empereur galactique, quelle horreur de les entendre brailler et appeler leur mère à tout bout de champ ! A l’exception bien sûr des petits Wookiees qu’il avait récemment secourus dans le système de Kashyyyk, les petits anges couverts de fourrure étaient tout ce qu’il appréciait chez des enfants : courageux, avides de vengeance, excellents tireurs au blaster comme aux manettes d’un canon laser et dépourvus de la moindre pitié envers leurs adversaires… de vrais joyaux !
Dalek rebondit sur la phrase d’Allana relative à sa famille avec un sourire amusé.

- Tu sais, formulé comme ça, elle pourrait croire que tu couches avec tes frères donc je vais me permettre d’éclaircir un peu les choses… l’aîné y serait fermé par principe, il est plutôt coincé pour un homme marié et père de famille. Le benjamin est un bon vivant mais il préfère les hommes aux femmes. J’ai beau ne pas partager ses goûts, Hal est vraiment un gars cool, il te fera découvrir les meilleurs bars de la capitale si tu lui demandes, Cora… en toute modération bien sûr , ajouta-t-il après avoir lancé un regard entendu à Allana.

Loin de lui l’idée de rappeler à la Maître Vert la dernière fois que ses talents diplomatiques s’étaient manifestés par un concours de celle qui s’enfournerait le plus d’alcool à brûler, ou équivalent, dans le gosier avec une Mandalorienne, qui plus est ! Franchement, à croire qu’elles voulaient vraiment finir dans un coma éthylique…

Dalek remercia le serveur pour la nouvelle tasse de chocolat chaud qu’il lui apporta. Il prit le temps d’inhaler la somptueuse odeur de cacao qui s’en dégageait avant de reporter son attention sur Cora et les questions que la Padawan comptait leur poser. Pour une gamine, elle avait plutôt déjà bien ses priorités fixées notamment relatives à son dépucelage.

- En ce qui me concerne, je le redis mais tu peux m’appeler Dalek et me tutoyer et je ferai de même pour toi. Devant les trolls verts… pardon, devant les membres du Conseil, utilise plutôt le vouvoiement si tu veux éviter de crouler devant les regards désapprobateurs de vieux cons… pardons de personnes d’âge mûr pour qui la hiérarchie est tout ce qui compte à ce stade de leur triste vie.

On pouvait dire ce qu’on voulait mais bien qu’ils soient moins coincés que leurs cousins archaïques de Tython, certains maîtres Verts pouvaient aussi être bien prudes et trop stricts en matière de relations charnelles. Ils permettaient d’en avoir bien sûr mais ils préféraient que ce soit dans le cadre du mariage, comme Corran Fern avec sa petite famille par exemple. Dalek n’était pas fermé à la question mais il estimait que le choix leur appartenait de décider quand ils voudraient que sa compagne devienne Allana Zar ou qu’il devienne Dalek Fern… Oh purée, dans les deux cas, Corran ne s’en remettrait pas ! Peut-être qu’il approcherait le sujet avec Eri, ne serait-ce que pour tester la réaction du Maître Vert lorsqu’il apprendrait que sa sœur a « sauté le pas » avec l’ex-Sith qui l’avait saucissonné à bord de son propre vaisseau jadis. Ah, que de bons souvenirs…

- Mm concernant tes conquêtes, tes petites-amies, ou petits-amis selon ta préférence du moment, Allana sera mieux en mesure de te renseigner mais je te déconseillerais de les ramener dans tes quartiers si tu veux éviter là aussi de te prendre une gueulante des maîtres… A la limite, je te suggérerais plutôt de l’amener sur le vaisseau d’Allana ou le mien pour que vous y soyez plus tranquilles, tu peux toujours faire croire au gardien des portes que c’est ta mécanicienne, venue pour un examen très approfondi de tes câblages , plaisanta Dalek avant de boire une gorgée de chocolat.

Le Démolisseur était ravi de constater que la Padawan avait une sexualité active et visiblement épanouie. Les Jedi avaient peut-être un bel avenir devant eux si une génération comme la sienne parvenait à se libérer du carcan de la morale tout en gardant la tête sur les épaules. Après tout, comment mieux éviter de « céder à la tentation » quand on n’avait justement pas de frustration ?

La question relative aux missions suscita son intérêt. Une présence humaine ne pouvait pas faire de mal à bord du Shyrack et vu l’orientation sexuelle apparente de la gamine, il n’y aurait pas de malentendu entre eux. Il faudrait juste qu’il prévienne Rex et K6 que le protocole «désintégrer toute femme hostile à vue» ne s’appliquait pas à la jeune Padawan ou à toute conquête qu’elle pourrait ramener avec elle.

- Allana, je ne suis pas contre embarquer Cora avec moi de temps en temps, si ça te convient aussi. Je connais plutôt bien ta méthode d’apprentissage, pour avoir été ton Padawan jadis donc je pourrai lui faire suivre ton curriculum… en tout cas pour ce que je n’avais pas déjà appris avant.

Le Hapien se gratta la joue en réfléchissant lorsque la Padawan demandait à quel âge on devenait chevalier. Dalek devait être dans la tranche tardive mais il n’était pas vraiment un cas typique, pour avoir fait la première partie de sa carrière dans le camp adverse. Les Sith avaient leur propre rythme de croisière, potentiellement accéléré selon la vitesse avec laquelle l’acolyte parvenait à prouver sa valeur… ou à occire son maître.

- Bonne question, ça dépend quand on commence. Je suis venu tardivement au temple Vert… mais j’imagine que pour quelqu’un qui a démarré poupon, c’est dans la vingtaine, non ? Le plus important, c’est d’apprendre tout ce dont tu as besoin pour être autonome parce qu’une fois que les gnomes de jardin du Conseil vont te lâcher dans la galaxie toute seule, dans des missions qui demanderaient souvent un petit régiment, il faudra que tu te débrouilles pour en sortir vivante.

Le Hapien ne chercha pas à se retenir de rire lorsque la gamine lui indiqua qu’elle se voyait mal coucher avec son maître et que Dalek était trop vieux pour elle. Le Jedi Vert était tout à fait d’accord là-dessus, il la voyait davantage comme une gamine que comme une femme, ce qui était un compliment à ses yeux. Les femmes avaient longtemps été ses ennemies, sans grande distinction entre elles, et s’il avait appris à les séduire pour mieux les détruire plutôt que de contenter de les occire, il gardait une méfiance naturelle envers les représentantes du « beau sexe ».

- Aucun problème pour parler de tes expériences sexuelles et des enseignements à en tirer. Comme tu l’as vu, nous n’avons pas de tabou sur le sujet. Je ne suis pas vexé non plus que tu ne veuilles pas coucher avec nous, c’est sans doute mieux ainsi. Pour ce qui est de présenter ta partenaire… ce sera à toi de voir. Au pire, il ne sera pas trop tard pour le faire le jour où tu lui passeras la bague au doigt , suggéra Dalek en choisissant le moment où la Padawan buvait sa tasse pour énoncer son dernier point.

Cora était attachante et le Hapien voyait bien qu’Allana voulait clairement la prendre sous son aile. Peut-être que l’orpheline de père se voyait un peu dans la rouquine ou bien qu’elle appréciait son caractère affirmé et son indépendance d’esprit ? Dalek songea qu’elle aurait sans doute fait une Sith redoutable et surtout qu’avec son joli minois, elle aurait pu vite finir sur les genoux de la reine éternelle ou d’une noble hapienne mal intentionnée. Les Jedi avaient leurs défauts mais au moins elle pourrait s’épanouir parmi eux, surtout sur Corellia où les opportunités de trouver des gens intéressants avec qui discuter et batifoler ne manquait pas aux alentours de Coronet City.

- Comme Allana l’a dit, ça fait un petit moment qu’on n’avait pas eu l’occasion de se voir donc c’est tout à fait l’occasion de faire mieux connaissance. Cora, tu n’auras jamais à avoir peur de nous poser des questions, il n’y a pas de sujet tabou… en dehors de la sexualité du frère aîné d’Allana, il y a certaines choses qui doivent mieux rester secrètes, dans l'intérêt de nos santés mentales ! Termina le Hapien avec une fausse grimace avant d’éclater de rire.

Je sens que Dalek est dubitatif quand je lui réponds que je n’ai pas remarqué sa présence puisqu’il sait très bien la voiler quand il le souhaite. Ce n’est… pas tout à fait vrai, ni tout à fait faux. C’est vrai qu’il est très doué quand il le veut pour passer relativement inaperçu, c’est faux en revanche que je n’aurai pas dû être en mesure de remarquer sa présence plus tôt. J’ai cultivé dans la Force les talents pour pister la présence dans la Force des gens que je connais assez, et mon Don me permet également d’affiner cette aptitude polie avec soin. C’est très pratique quand je suis mêlée à une chasse à l’homme, qu’il s’agisse d’un criminel ou d’un Sith.

Je n’allais quand même pas reconnaître à voix haute que j’ai été trop distraite par mes pensées, qu’adviendrait-il donc de ma sacro-sainte fierté ?

Je l’admets cependant en pensée et tâche de me ressaisir. Avoir le moral dans les chaussettes, ça ne me ressemble pas plus que d’être distraite de mon environnement. Du nerf Maître Fern, du nerf !


-Et bien enchantée Dalek, moi c'est Cora Falun, sa nouvelle padawan depuis peu...quelques secondes en fait. Par contre, pourquoi Eri ? C'est votre deuxième prénom ?

- On peut considérer ça comme un surnom ou un nom de scène… Quand je l’ai rencontrée et qu’elle était tout de cuir vêtue, elle aimait bien se faire appeler comme ça. C’est resté un surnom affectif entre nous.


Il ne pouvait pas s’en empêcher hein ? J’ai bien vu son sourire malicieux et sa réponse habilement évasive. C’est ça, c’est à moi maintenant de nous rattraper à la branche qui casse ? FoutreForce… bon au moins, il me donne une porte de sortie. Je compte bien l’emprunter, vu où on en est. Puis bon, je ne vais pas laisser la pauvre Cora se faire une surchauffe au cerveau sur l’autre point qui, je le remarque sans trop de difficultés, la triture. L’inversion des rôles entre Dalek et moi, notamment.


- Yep, c’était un nom de scène. Je m’investis toujours à fond dans mes missions, il s’agit d’être convaincant sans quoi tu te retrouves sous le feu des projecteurs en moins de deux… et des tirs blasters, aussi. Certaines choses restent dans les annales. Quant au fait d’avoir été mon prof avant d’être mon élève… on a fait un échange de bons procédés. Un partage d’expériences, si tu veux.


Ce n’était pas foncièrement faux d’ailleurs, mais cela touche à une mission tellement sensible que je ne peux pas lui parler du détail. C’est très classifié, et je ne le ferai que si la situation m’y oblige. J’espère que Dalek fera un peu plus attention, surtout que je suis très mal à l’aise sur la dissimulation. Le mensonge ne fait hélas pas partie de mes points forts, je n’y ai aucun talent. Pour cette mission justement, il m’avait fallu embrasser mon rôle et ma nouvelle identité au point de brouiller ma véritable persona. J’en suis revenue vivante, en un morceau, mais pas indemne.

Je n’insiste pas sur le sujet de Kashyyyk. Je comprends à sa réaction et à ses quelques précisions que nous en reparlerons plus tard, en privé j’espère avant que cela ne soit en séance du Conseil. Une grimace m’échappe quand il parle de l’androïde. J’en connais qu’une seule du genre dans le Consortium, dont le seul nom a fait trembler plus d’une personne. Ça sent les emmerdes ça… quoique ça ne me surprend pas trop. Je me doutais que ça allait nous retomber dessus tôt ou tard, au nu de notre facteur chance aussi capricieux, changeant que tout à fait imprévisible. Je pose donc mon regard sur lui un bref instant pour lui adresser, via notre lien, cette pensée plus privée.


 « Je laisse le sujet de côté pour l’instant mais on en parlera, plus tard. J’étais inquiète pour toi. Tu peux te débrouiller mais vu la frayeur que tu as ressentie. »


Un léger sourire se tisse sur mes lèvres en l’entendant plaisanter sur ses compétences en matière de destruction. Ça m’amuse moins quand on doit gérer ça en séance du Conseil, mais il faut reconnaître que dans certaines missions, c’est un talent plutôt pratique. Mais bien sûr, pour la bonne cause…



-  Tu sais, formulé comme ça, elle pourrait croire que tu couches avec tes frères donc je vais me permettre d’éclaircir un peu les choses… l’aîné y serait fermé par principe, il est plutôt coincé pour un homme marié et père de famille. Le benjamin est un bon vivant mais il préfère les hommes aux femmes. J’ai beau ne pas partager ses goûts, Hal est vraiment un gars cool, il te fera découvrir les meilleurs bars de la capitale si tu lui demandes, Cora… en toute modération bien sûr. .


L’horreur la plus absolue puis l’hilarité la plus éclatante se relayèrent sur mon visage, tissant un sourire franchement amusé sur mes lèvres sans que je n’éclate de rire cette fois. J’ai tendance parfois à oublier à quel point mes raccourcis peuvent être… raccourcis, donc mal interprétés. J’approuve de la tête aux propos de Dalek, qui résume bien la situation, avant de compléter.


- J’ai deux frangins, que tu rencontreras tôt ou tard. Corran, l’aîné qui a fêté ses 40 ans, Maître Jedi et général dans la CorSec, et Hal mon benjamin qui a 21 ans, chasseur de primes. Ce sont eux que tu croiseras plus fréquemment, au sein de ma famille. Pour faire la fête cependant, Hal s’y connaît mieux mais tu peux lui faire confiance, c’est un gars bien. Avec modération bien entendu. On perd la saveur des bonnes choses, sinon. Oh ça va Dalek, c’était pour la bonne cause.


Je ronchonne un peu sur mes derniers propos. Je préfère largement devoir gérer une orgie trop arrosée qu’une cantina sens-dessus-dessous avec mille-et-un blessés parce qu’un Inspecteur de la Corsec un peu trop zélé, buté et rancunier n’a pas su entendre raison et tenait absolument à coffrer, sans véritable raison, une guerrière mandalorienne armée jusqu’aux dents. Mon choix est vite fait. Ça ne m’aurait pas dérangé de la combattre, loin de là, mais ça aurait foutu un sacré bordel sur place.

Enfin, un plus gros bordel que d’habitude, je m’entends.


- Alors, pour c'qui est d'ses qualités d'partenaire j'vais pas demander, j'préfère tout découvrir par moi-même de c'côté-là. Par contre j'aurais deux ou trois...ou quatre petites questions. Alors accrochez-vous bien à vos sièges parc'que va y'en avoir des réponses à donner. Déjà, comment j'dois vous appeler ? Est-ce qu'on s'tutoye ? Dalek a dit que j'pouvais l'appeler comme ça mais vous j'peux vous appeler Allana ? Est-ce que si j'tombe sur une ravissante créature et qu'on a envie d'me dépuceler j'peux l'inviter au temple ?... ce qui répond à votre question d'ailleurs Dalek...Et enfin est-ce que Dalek pourra m'emmener en mission en votre absence ? Comme ça il pourra vous faire un rapport sur mes performances. Un peu comme si j'avais deux maîtres en fait...Ah bah tiens, autre question, en général les padawan passent chevalier vers quel âge ? Parce que moi j'suis prête a parier une tournée d'brandi que peu importe l'âge j'réussirait avec un an d'avance...enfin si tout s'passe bien.

-  En ce qui me concerne, je le redis mais tu peux m’appeler Dalek et me tutoyer et je ferai de même pour toi. Devant les trolls verts… pardon, devant les membres du Conseil, utilise plutôt le vouvoiement si tu veux éviter de crouler devant les regards désapprobateurs de vieux cons… pardons de personnes d’âge mûr pour qui la hiérarchie est tout ce qui compte à ce stade de leur triste vie .


Je ne me vexe pas face à sa description très pittoresque des membres du Conseil Jedi corellien. Si seulement il voyait un jour ceux de Tython… je suis sûre qu’il se montrerait un peu plus indulgent. Remarque, je suis sûre que je peux arranger cela, ça égayerait sans aucune doute la séance ! Pour la forme j’hausse juste un sourcil face à l’expression trolls verts. Pense-t-il que je fasse partie de ces trolls verts et de ces personnes d’âge mur ? Oh toi, tu ne perds rien pour attendre, tu vas voir…


- Tu peux me tutoyer et m’appeler Allana, le vouvoiement n’a jamais été trop ma tasse de thé. Si on peut s’en passer, ça m’ferait plaisir. Tu garderas le vouvoiement et ce qui va avec pour les séances du Conseil Vert, du Haut Conseil ou les situations plus officielles. Répondis-je à Cora d’une voix chaleureuse avant d’ajouter à l’attention de Dalek, - Puisque je siège au Conseil, tu vis avec une trolle verte d’âge mur. Ca fait de toi un gérontophile, selon ton raisonnement.


Je ne suis pas foncièrement vexée, c’est plus pour l’embêter qu’autre chose, mais quand même ! Déjà que j’ai du mal à réaliser que je file doucement sur mes quarante ans… brr ! Je ne veux pas devenir une quadragénaire comme Corran, moi, je tiens à ma fraîcheur et ma jeunesse d’esprit.


- Mm concernant tes conquêtes, tes petites-amies, ou petits-amis selon ta préférence du moment, Allana sera mieux en mesure de te renseigner mais je te déconseillerais de les ramener dans tes quartiers si tu veux éviter là aussi de te prendre une gueulante des maîtres… A la limite, je te suggérerais plutôt de l’amener sur le vaisseau d’Allana ou le mien pour que vous y soyez plus tranquilles, tu peux toujours faire croire au gardien des portes que c’est ta mécanicienne, venue pour un examen très approfondi de tes câblages


Mm, la gamine est prévoyante déjà. Je note – car oui, je continue d’observer au cours de cet échange – que son esprit pense déjà à beaucoup d’aspects à la fois sur un sujet. Elle est franche et n’a pas peur de dire ce qu’elle pense et généralement, de demander ce qui l’intrigue. Il faudra faire attention lors de missions diplomatiques ou concernant des affaires politiques, mais ce n’est pas une mauvaise chose en soit. La blague de Dalek me fait sourire, avant que je reprenne d’un ton un peu plus sérieux.


- Disons qu’en principe je n’y suis pas opposée, mais je te le déconseille aussi en pratique. C’est pas très discret dans le Temple, il y a des rondes et crois-moi, les vieux de la vieille peuvent être un peu chiants sur le sujet. Á moins de faire preuve d’une discrétion et d’une furtivité qui feraient rougir d’envie les Ombres, c’est compromis. Les vaisseaux seraient une option plus prudente. On préviendra nos droïdes pour qu’il n’y ait pas de mauvaise surprise à bord.


Répondis-je avec une ombre de sourire et un brin de complicité. J’ai été jeune, fut un temps. J’ai une assez bonne idée de la situation et si je peux lui éviter la honte que j’ai pu avoir parfois à être trop téméraire sur mes aventures faute de discrétion dans ma jeunesse, je ferai de mon mieux en ce sens.


- Allana, je ne suis pas contre embarquer Cora avec moi de temps en temps, si ça te convient aussi. Je connais plutôt bien ta méthode d’apprentissage, pour avoir été ton Padawan jadis donc je pourrai lui faire suivre ton curriculum… en tout cas pour ce que je n’avais pas déjà appris avant.


Je note l’intérêt qui brille dans les yeux de Dalek à la question de Cora me demandant si je lui donnais la permission de l’accompagner dans certaines missions, dans les cas où la Padawan ne pourrait pas m’accompagner moi – mission trop sensible ou trop dangereuse, par exemple – afin de continuer de s’améliorer. Elle est proactive la petite, c’est bien, et Dalek y apporte des nuances.

Plus pragmatiquement, en tant que Maître des Jedi Verts, j’y vois aussi un intérêt pertinent pour notre Ordre : si l’expérience peut lui donner un bon feeling et le rôder un peu à l’exercice, il sera moins difficile pour moi de convaincre les Maîtres les plus récalcitrants de lui confier un élève et, inversement, il sera moins réticent, bien plus enclin à renouveler l’expérience par lui-même pour la suite. Je ne souhaite pas qu’il reste Chevalier at eternam. Nous avons aussi besoin de mentors et si celle expérience en temps partiel et occasionnelle peut y contribuer, je n’allais pas la manquer.

Je fais donc mine d’y accorder quelques minutes supplémentaires de réflexion tout en dissimulant avec soin le flux de mes pensées à Dalek – de léger boucliers discrets mais suffisants le temps de bien ficeler mon plan – avant d’ajouter mon grain de sel à l’idée, prenant ma voix grave et sérieuse.


- Pourquoi pas, avec mes conditions par contre. Pas de départ en mission surprise, je tiens à savoir où vous aller, à rester informée et à donner mon feu vert. Pas de folies… enfin, pas trop de folies, vous ferez gaffe l’un à l’autre. Je tiens à vous récupérer vivants et en un morceau. J’ai confiance en toi Dalek et je sais que tu as déjà des missions à ton actif Cora,  mais ces derniers temps sont vraiment dangereux pour les Jedi. Tous les Jedi, les cousins de Tython comme les Verts.


L’annonce officielle serait faite en séance du Conseil et par la voix du Conseil – ma voix plus officielle, maintenant que je suis Maître des Jedi Verts – mais je parle ici et maintenant en tant qu’Allana. Mes derniers mots sont en particulier très sérieux et ma voix plus grave qu’à l’accoutumée. Je ne plaisante pas du tout sur le sujet. Les dernières révélations sur les circonstances de la mort de Jaylen ne sont pas connues, en dehors du groupe de travail d’enquête sur la mort de Jedi issus des deux Ordres que composent entre autres Maître Dante Garvan, le Grand Maître Lucius et moi-même.


-  Bonne question, ça dépend quand on commence. Je suis venu tardivement au temple Vert… mais j’imagine que pour quelqu’un qui a démarré poupon, c’est dans la vingtaine, non ? Le plus important, c’est d’apprendre tout ce dont tu as besoin pour être autonome parce qu’une fois que les gnomes de jardin du Conseil vont te lâcher dans la galaxie toute seule, dans des missions qui demanderaient souvent un petit régiment, il faudra que tu te débrouilles pour en sortir vivante.


Il est vrai que Dalek est arrivé sur le tard par chez nous. Pour le coup, je suis la mieux placée pour répondre à cette question. Je prends le temps d’y réfléchir un peu avant de lui répondre.


-Vers la vingtaine, en moyenne entre 20 et 25 ans. Après y a pas de règle générale, c’est vraiment au cas par cas. Les épreuves en elles-mêmes diffèrent selon les candidats. Dans mon cas… je suis devenue Chevalier Vert à vingt-et-un an. Mon frère Corran l’est devenu un peu plus tôt mais surtout, c’est quand tu es jugée prête par ton mentor, puis par le Conseil Vert.  


Je ne préfère pas lui indiquer d’âge pour le moment, à la fois pour ne pas que cela lui monte trop à la tête et pour ne pas la décourager non plus. Il me faudra déjà évaluer ses compétences et ses connaissances actuelles, qu’elle a acquis dans son Noviciat puis auprès de Corvo, comment elle se comporte en mission avec moi puis avec d’autres Jedi, et ce dans différents cas de figure et circonstances. Je ne peux pas dire que c’est pour tout de suite, même si je ne pense pas que ça prendra dix ans quand même ! Peut-être après deux-trois ans à mes côtés, nous verrons bien…


- Hm, au fait, si jamais j'venait à être dépucelée dans un futur proche, on sait jamais. On pourra en parler sans détour entre nous ? Qui sait, j'en tirerait peut-être des enseignements intéressants. Par contre j'pense pas que j'vais apprendre ça avec vous deux sans vouloir vous vexer. Déjà parce que j'me voit mal coucher avec mon maître, et puis Dalek vous m'paraissez un peu trop vieux pour une jeune fille de mon âge. Par contre j'espère qu'ça ira pas jusqu'à vous présenter celui ou celle qui m'aura déflorée, ça risquerait d'être assez malaisant...

- Aucun problème pour parler de tes expériences sexuelles et des enseignements à en tirer. Comme tu l’as vu, nous n’avons pas de tabou sur le sujet. Je ne suis pas vexé non plus que tu ne veuilles pas coucher avec nous, c’est sans doute mieux ainsi. Pour ce qui est de présenter ta partenaire… ce sera à toi de voir. Au pire, il ne sera pas trop tard pour le faire le jour où tu lui passeras la bague au doigt.


Ce n’est pas moi qui allais faire la morale là-dessus. Je hausse des épaules avec un léger sourire pour faire comprendre que cela ne me dérange pas, sourire qui devient plus amusé quand je commente.


- Pas de souci avec moi non-plus. Tu as dix-huit ans, quand même. Je ne suis pas vexée non plus par principe déjà et puis, je ne suis pas vraiment de ce bord-là. Nope tu n’es pas obligée, je pense que tu as assez la tête sur les épaules pour que je n’aie pas à le faire. Tu feras les présentations si tu en as envie et quand tu en as vie. Pour le reste, c’est ta vie Cora.


Je ne fais pas cas du bruit qu’elle fait en prenant une grande gorgée de son chocolat chaud, dégustant mon propre verre de Brandy. On est dans un salon de thé certes, mais pas des plus huppés non-plus. On reste quand même en dehors du Haut-Monde, donc je laisse passer dans ce contexte-là. Je ricane gentiment sur la remarque autour de Corran, avant d’expliquer brièvement à Cora.


- Ne fais pas attention à ses piques sur Corran, on s’y habitue. Disons qu’ils aiment bien se charrier. Je suppose que c’est une façon de faire preuve d’affection assez masculine. Si tu as d’autres questions, n’hésite pas à les poser... on te le dira si on ne peut pas y répondre.

Dalek fut ravi de voir Allana se saisir de la branche métaphorique qu’il lui avait tendue. Pour s’investir à fond dans ses missions, il pouvait en attester. Son infiltration chez les Sith avait été des plus approfondies, dans tous les sens du terme. De sa propre opinion, le Hapien ne se serait pas senti capable d’infiltrer les Jedi comme elle l’avait fait chez les Sith. Il se serait forcément trahi à un moment ou à un autre, il n’avait pas le tempérament pour « feindre » en permanence être quelqu’un ou quelque chose qu’il n’était pas. Il pouvait se montrer diplomate, charmeur, voire même servile quand les circonstances l’exigeaient – comme par exemple lorsque la numéro 2 du Consortium le coinçait dans une cantina sur Kashyyyk en train de déjeuner – mais il ne pouvait pas passer ses journées à jouer un rôle. Les maîtres Verts s’en étaient d’ailleurs vite aperçus lorsqu’ils avaient commencé à le questionner sur différents sujets parfois très personnels peu après son arrivée sur Corellia, il les avait envoyés paître avec un langage aussi courtois que mordant de sarcasme.

Un échange de bons procédés… ce n’était pas faux. L’ancien Sith ne l’aurait sans doute jamais reconnu à voix haute mais Allana l’avait changé. Il n’était plus aussi indifférent qu’avant à ce qui arrivait à autrui, au grand damne de son estime personnelle, et il s’était pris d’une affection particulière pour les gamins du temple à qui il devait donner des cours de temps en temps. Peut-être était-ce les sévices qu’il avait subis étant enfant mais il était protecteur envers ces sales gosses et il comptait bien leur apprendre le nécessaire pour survivre en dehors des murs du temple Vert… et se faire un peu de blé s’ils venaient à choisir une autre carrière par la suite.

A en juger par la grimace de sa compagne, celle-ci voyait très bien de qui il parlait d’une androïde. Lorsqu’elle lui adressa par la pensée quelques mots pour qu’ils en discutent en privé un peu plus tard, il se contenta d’acquiescer et de lui envoyer mentalement une brève réponse.

« J’ai réussi à ne pas me chier dessus mais c’est tout ce que j’ai réussi à faire. Face à ce genre de personnage, j’étais littéralement à sa merci. Je t’avoue que ma première pensée en la voyant, c’était que les services de renseignements soient vraiment nuls à chier pour ne pas avoir ne serait-ce que détecté sa présence en espace républicain… mais je sais qu’elle est sans doute beaucoup plus douée que tout ce que vous avez ici, je ne blâme donc pas trop vos guignols. »

Il écouta la Maître Jedi évoquer plus en détail ses deux frères. Difficile à croire que les trois enfants puissent avoir autant d’écart en termes d’âge mais le petit dernier était peut-être un « cadeau tardif » pas forcément prévu. Hal restait quand même le plus agréable des deux frangins à ses yeux et, tout chasseur de primes qu’il était, le plus respectable.

Evidemment, il fallait qu’elle lui renvoie ses propres mots en pleine face ! Plus aucun respect pour son ancien maître, qui était devenu ensuite son élève, qui était par ailleurs son compagnon… En retour, il lui adressa son plus beau sourire avant de lui répondre.

- Techniquement, tu sièges surtout au Conseil Jedi de Tython donc tu n’es pas vraiment un troll… et à toi toute seule, tu réduis la moyenne âge du Conseil vert de 20 ans donc ça ne compte pas vraiment. Mais soit, si ça peut te faire plaisir, considère mes préférences ouvertes à la diversité en termes d’espèce et d’âge, rétorqua-t-il d’un ton taquin.

Au moins, Allana avait aussi aux droïdes. Dalek esquissa un sourire en imaginant Cora et sa conquête hurler en découvrant les visages mécaniques penchés sur elle, blaster au point, en guise de doux réveil. Voir K6 pouvait être perturbant au réveil mais voir Rex arriver avec son bras mécanique électrifié pouvait surprendre aussi.

Il ne fut guère surpris par les conditions de sa tendre amie pour ses futures missions en duo avec Cora. De toutes façons, vu comment le Conseil Vert avait réduit ses déplacements au seul système corellien pour le moment, il risquait de devoir remplir des dizaines de formulaires et des centaines de missions civiques avant qu’ils ne l’autorisent à effectuer des missions plus loin… à moins justement que sa dernière virée avec les gamins ne les persuade de l’envoyer justement le plus loin possible de Corellia. Il faudrait voir ce quel côté les trolls verts pencheraient sur le sujet.

Une fois qu’Allana leur eut rappelé d’être prudents et eut évoqué une fois de plus son frère le plus embêtant, Dalek se chargea de répondre à la dernière question de la Padawan fraîchement choisie par Allana.

- Il y aura des tests, oraux et en conditions réelles, pour jauger un peu tes connaissances et tes capacités mais rien qui ressemble aux contrôles sur table ou aux mini-compétitions que tu as eues avec les initiés. C’est juste pour éviter d’avoir la mauvaise surprise de constater que tu ne peux pas faire un saut de Force de dix mètres alors qu’il y a des soldats ennemis aux trousses par exemple.
Il regarda la gamine avaler d’un trait le reste de son chocolat désormais froid et esquissa un sourire amusé. Le Jedi Vert appela ensuite le serveur pour régler les consommations.

- Allez, autant retourner au temple. J’imagine que vous devez formaliser administrativement votre lien de maître et de Padawan et quant à moi… je vais sûrement me faire rabrouer pour avoir apporté un peu de joie et d’évasion à des gamins enfermés entre quatre murs le reste du vivant. Mais que voulez-vous, si la Galaxie était juste, ça se saurait ! Conclut-il avec un clin d’œil avant de quitter la table.

Je conçois bien la frayeur qu’a eu Dalek sur Kashyyyk. Je n’aurais probablement pas fait la fière si j’avais été dans ses bottes dans la même situation. Le temps qui s’était écoulé nous avait été comme une oasis qui nous avait fait oublier la traversée du désert que nous avions accompli, de notre propre initiative et à nos propres risques. Cela me rappelle des souvenirs, je n’ai jamais vraiment oublié ce que j’avais fait et dit au cours de ces années plus sombres de mon existence. Quelque part, Eri’ana Darvik existait encore au fin fond de mon cœur, depuis que je l’y ai précipité dans ses abysses les plus profondes, sans pouvoir la nier ou l’anéantir. Je crains de ne pas avoir le cœur assez bon et l’âme assez « épurée » pour se faire.

J’espère que Cora n’y sera pas confrontée de sitôt. Derrière le visage aimable, enjoué et radieux dont je fais preuve se cache une autre facette, plus sombre et plus implacable de ma personnalité. C’est une entité psychique que j’ai créé de toutes pièces, comme une superbe monstruosité psychologique, sans quoi ma mission d’infiltration n’aurait pas eu le succès qu’elle avait rencontré. Mais je ne suis pas une hypocrite, j’assume maintenant son irréversible présence dans mon âme car elle a été ma carapace qui m’a permis, en me corrompant en partie, de survivre au cœur des ombres.

Nous parlerons de tout cela un autre jour, un autre temps et dans un autre lieu, plus propices. Une chose est sûre, j’en toucherai un mot au prochain Conseil si Dalek ne le fait pas de lui-même.


- Techniquement, tu sièges surtout au Conseil Jedi de Tython donc tu n’es pas vraiment un troll… et à toi toute seule, tu réduis la moyenne âge du Conseil vert de 20 ans donc ça ne compte pas vraiment. Mais soit, si ça peut te faire plaisir, considère mes préférences ouvertes à la diversité en termes d’espèce et d’âge.


Cela ne retire en aucun cas le sourire moqueur qui reste perché sur mes lèvres. C’est ça mon grand, essaye de te rattraper à la branche qui casse mais admet qu’ici, la victoire est mienne. Je reconnais néanmoins que sa pirouette verbale reste élégante de même que le sourire radieux qu’il m’adresse en retour, donc je décide d’être magnanime et de ne pas retourner le couteau dans la plaie.

Il est vrai que du haut de mes trente-sept ans, je fais partie de l’un des membres les plus jeunes des deux Conseils Jedi auxquels je suis amenée à siéger désormais. Du Conseil Vert, je suis effectivement la cadette de mes pairs, dont la moyenne d’âge tourne généralement entre quarante et soixante ans. Du Haut Conseil… je suis la cadette mais pas la benjamine, étonnement. L’Épée des Jedi, Maître Kyne Sanguyn, que j’ai eu l’occasion de rencontrer un brin, est plus jeune que moi de presque dix ans.

Je ne veux cependant pas évoquer ce cas de figure pour l’heure. Tout comme pour Corran, ce sont des cas assez particuliers générés par des actions exceptionnelles ou des circonstances particulières. J’en parlerai avec Cora selon son comportement et selon ce qu’elle me montrera, lorsque je la jugerai prête. Au vu de son âge, je ne tiens pas spécifiquement à la garder jusqu’à ses trente ans hein. Je pense qu’elle pourrait être prête dans assez peu de temps, si on arrive à travailler les derniers points délicats, à perfectionner son style de combat pour qu’il perde en élégance pure et gagne en efficacité, et à canaliser sa force de caractère sans pour autant la renier ou chercher à la brider. En somme, autant de petits points que je ne pourrais évaluer qu’à force de missions et d’exercices.


-Bah...j'crois que j'ai plus ou moins tout dit niveau question...J'pense que pour le reste on pourra toujours voir le moment venu. Bon au pire, une petite dernière pour la route. Va falloir que j'passe des tests ou que j'fasse des exercices avec vous deux pour qu'vous puissiez voir où j'en suis à peu près dans ma formation ou bien y'a déjà tout c'qui faut dans mon dossier ? Genre les points forts a développer ou les points faibles a corriger...et bah voilà mon chocolat est froid. Oh, c'pas bien grave.

- Il y aura des tests, oraux et en conditions réelles, pour jauger un peu tes connaissances et tes capacités mais rien qui ressemble aux contrôles sur table ou aux mini-compétitions que tu as eues avec les initiés. C’est juste pour éviter d’avoir la mauvaise surprise de constater que tu ne peux pas faire un saut de Force de dix mètres alors qu’il y a des soldats ennemis aux trousses par exemple.


Je vois que Dalek connaît effectivement mes méthodes d’enseigner et ma façon d’évaluer, puisqu’il me précède dans la réponse. Je le laisse répondre puisqu’il ne dit pas erreur jusque-là. J’approuve sa réponse d’un signe de tête avant de terminer la dernière gorgée de mon verre de Brandy.


- Je préfère t’évaluer sur le continu, cela me donnera une meilleure idée d’où tu pars et le chemin que tu auras parcouru. Je ne vois pas l’intérêt de te placer dans des situations qui ne sont plus d’actualité. Je te préparerai à toutes les éventualités bien sûr, mais aussi et surtout à ce que tu sois prête au contexte actuel. Je commencerai sans doute par évaluer ton niveau au sabre-laser, j’ai vu que tu maniais aussi un double-lame. On profitera des quelques jours où nous serons stationnés au Temple, afin que j’ajuste mes enseignements à ton profil et à tes besoins.


J’ai bien eu quelques échos de mes pairs et je compte bien leur demande de me mettre au parfum, mais j’aime aussi me faire mon propre avis sur la question. J’ai entendu dire par exemple qu’elle avait un petit talent pour le sabre-laser, mais que son style était parfois plus… comment dire, démonstratif que porté sur l’efficacité. Je ne compte pas l’humilier bien sûr, mais lui faire comprendre que le maniement d’un sabre-laser est moins fait pour la parade que pour le combat.

Avoir un beau style de combat est une chose, avoir un style de combat efficace en est une autre.
Je lui enseignerai également ce que je sais en termes de maniement de la Force. Je ne suis pas l’une des plus grandes expertes là-dessus, mais je lui transmettrai ce que je sais et ce que je pourrais lui apprendre. Nous avons tous des affinités propres plus ou moins marquées pour certains talents, et s’il y a bien une chose sur laquelle je m’accorde avec les cousins de Tython, c’est celle-ci.

Les voies de la Force ne peuvent être pleinement explorées que par un perpétuel apprentissage, qui s’échelonne sur l’ensemble de la vie et des expériences d’un utilisateur de la Force, Sith comme Jedi.


- Allez, autant retourner au temple. J’imagine que vous devez formaliser administrativement votre lien de maître et de Padawan et quant à moi… je vais sûrement me faire rabrouer pour avoir apporté un peu de joie et d’évasion à des gamins enfermés entre quatre murs le reste du vivant. Mais que voulez-vous, si la Galaxie était juste, ça se saurait !

- Yep, on a du pain sur la planche après tout, commentai-je d’un ton léger avant de poursuivre, - et je compte bien que tu me racontes tout cela en large et en travers Dalek, que je sache à quoi m’attendre à la prochaine réunion. Quant à toi Cora, on va aller s’occuper des formalités administratives dans la foulée et voir Maître Valaris pour ta sanction. J’aurai une réunion du Conseil Vert cet après-midi, mais on peut aller s’exercer un peu avant. Pour l’aprem, tu iras à tes cours habituels et tu prépareras tes affaires pour les migrer dans nos quartiers. On se retrouvera le soir pour faire le point et le programme des jours à venir, ma chère Padawan.


Ce ne serait pas la journée reposante que j’espérai avoir de retour ici, mais j’ai l’habitude de voir mes plans être chamboulés… et je ne déteste pas cela. Rien ne m’agace plus que la routine trop routinière, justement. L’arrivée, imprévue certes, de Cora dans ce quotidien trop bien réglé est assez bienvenu et m’éloignera un peu de mes préoccupations actuelles tout en me rapprochant de mes responsabilités. Et puis, cela me fera du bien de transmettre notre savoir à la jeune génération, afin que celle-ci puisse prendre notre relai quand viendra le temps où la Force nous rappellera à Elle.