Une fin, un commencement

Rupture originelle!
Violence éternelle!

La terre, le ciel, la montagne ancestrale souffrait,
Trois jours, trois nuit les deux femmes avaient ferraillé
Arbres brisés, entremêlés, boue en torrents,
Et au cœur du cataclysme, une seule subsistant.
Au matin, sous le soleil brulant, aveuglant,
La lumière avait triomphé des ténèbres
Mais Yari ne ressentait aucune allégresse.
Peine, souffrance immense, regret écœurant,
Celle qu’elle avait tant aimé, par sa main mourant.
Elles avaient cru pouvoir échapper à la guerre,
Elle frappait, inévitable coup de tonnerre.
Les sorcières à nouveau pour l’avenir s’affrontaient,
Inéluctable, implacable destinée.
Les matriarches, précipitées, accoururent,
Réunies pour débattre, décider du futur
Sorcières puissantes et sages de chacun des clans,
Mais prises au dépourvu par le crime violent.
L'amazone indomptable avait trahi les siens,
Elle avait échoué à briser l'ordre ancien.
Mais le coté obscur revenait, redoutable,
Il avait causé leur exil regrettable
Les jeunes avaient hâte pour les esprits de combattre
Les mots des sages anciennes, puissants, retentirent
"Yari l'enfant des esprits, les cieux va franchir"
"Affronter le coté obscur, à Dathomir"

Rupture originelle!
Violence éternelle!

Par la force appelés, les jedis arrivaient.
Des confins de la république, ils se pressaient
Dans leurs rapides vaisseaux spatiaux étincelants
Prêts à combattre le mal, armés jusqu'aux dents.
Personne jamais sur cette planète ne se rendait,
Vendaxa, redoutable, vide autant qu'isolée.
Au dehors des routes hyperspatiales fréquentées,
Même les désespérés n'osaient s'y cacher.
Les matriarches avaient déjà quitté les lieux
Elles avaient chacune rejoint leurs clans blessés
Dans les hautes montagnes, dans les bois pluvieux,
Sur les rives des rivières elles étaient retournées
Sitôt leurs vaisseaux dans les profondes vallées,
Sitôt qu'ils eurent traversé la brume épaisse,
Ils découvrirent les immenses arbres couchés,
Cendres éteintes, à l'odeur de colère, de tristesse.
Ils virent les habitantes nombreuse accourir
Admirer les bruyants étincelants navires.
Impressionnées par ces machines venues des cieux
Venues des légendes, d'un passé périlleux
De pagnes et d'air vêtues, elles s'étaient rassemblées,
Plumes chamarrées, bijoux nacrés, peaux bronzées
Les anciennes, dignes et sages, les enfants curieux,
Les guerrières méfiantes aux terribles fouets de feu,
Et devant elles, l'amazone à la crinière blanche


Yari, porteuse de la lance du ciel et de la terre.
Yari, Enfant des esprits aux oreilles acérées.
Rupture originelle, violence éternelle!

Cela faisait des années, sans doute depuis Lord_Over, qu'Arsenicia n'avait pas ressenti pareil remous dans la Force. C'était une vague d'une rare puissance qui avait manqué de la noyer, lui faisant quitter le monde des rêves subitement. Le souffle court, le cœur battant la chamade, la Jedi s'était tenue le crâne, sans un mot, dans le silence et l'obscurité de la chambre de son épouse. Par miracle, celle-ci ne s'était pas réveillée, et la Fay avait quitté le lit conjugal quelques minutes, le temps d'aller chercher un verre d'eau, le boire et passer un peu d'eau fraîche sur son visage. Malheureusement, elle n'avait su se rendormir, trop intriguée par ce qu'elle avait ressenti. La Force s'agitait, disait-elle à Cyrène au matin. La décision de suivre son instinct avait été prise en suivant. C'était ainsi que le Morning Mist avait quitté le hangar du Helios Ascendant, où il stationnait depuis des jours, pour une planète sur laquelle Arsenicia n'avait jamais mis les pieds jusqu'à ce jour, après un dernier baiser, de revenir vite, en un seul morceau et de donner des nouvelles.

Les coordonnées sélectionnées, l'ordinateur du Morning Mist indiqua un saut bien à l'écart des routes hyper spatiales. Vandexa était un nom que la Jedi n'avait pas entendu depuis longtemps, mais cela n'était pas si surprenant. C'était Oro, son tout premier mentor et grand voyageur, qui lui avait évoqué une fois au détour d'une conversation. Il avait parlé de sorcières, des filles d’Allya. De temps en temps, elles faisaient parler d'elles en déposant un sensitif de sexe masculin sur Tython, mais cela restait un évènement rare et leur culture était auréolé d'un certain mystère. C'était à peine si Arsenicia avait croisé l'une de leur représentante par le passé, pendant son long voyage.

Le voyage fut silencieux. Seul BT venait troubler la quiétude du Morning Mist tandis qu'Arsenicia s'était plongée dans une profonde méditation, à la recherche d'indices sur le puissant remous qu'elle avait ressenti et sur l'endroit où elle devait se rendre exactement. Ses visions fragmentaires lui montraient un paysage de montagnes embrumées, de plaines et de forêts aux arbres immenses. Des ombres dansaient entre les branches, insaisissables, mais l'une d'elle finissait invariablement par montrer son visage. Et sur ce faciès aussi jeune que le sien, un détail l'interpellait : deux oreilles pointues s'échappant d'une crinière aussi blanche que la neige la plus pure.

La sortie d'hyper-espace fut finalement le signal qu'attendait Ombrelune pour se remettre en mouvement. Elle passa tout d'abord dans sa chambre afin de se changer. De ce qu'elle avait lu, le climat de Vandexa était chaud, par conséquent la tenue qu'elle portait n'était guère adéquate. Chemise, pantalon et bottes furent ainsi troqués pour une tunique Jedi légère, si légère qu'elle ne comportait pas de pantalon et se portait davantage comme une robe. Fendu des deux côtés, chacun des pas de la Jedi révélait le galbe de ses cuisses. En guise de chaussure, de simples bandes destinées à protéger la plante de ses pieds d'éventuelles coupures, mais guère plus. Finalement, Arsenicia délaissa son blaster, mais entoura sa taille de sa ceinture habituelle, à laquelle elle fixa ses deux sabres laser. Elle ignorait où elle mettait exactement les pieds et même si elle ne ressentait pas la présence du côté obscur, elle devait être prudente.


« Alors BT, où avons-nous mis les pieds ? » Esquissant un léger sourire pour son petit compagnon, la Jedi se remit aux commandes du Morning Mist alors que le vaisseau plongeait dans l'atmosphère de la planète. « Où allons-nous précisément ? Laissons cela à la Force. » reprit Arsenicia en jetant un coup d'œil vers le petit droïde qui venait de demander où ils allaient se poser.

Fermant les yeux tout en inspirant longuement, la Jedi plongea dans les courants de la Force. Elle s'y laissa porter, comme flottant à la surface de l'eau, et pilotant le Morning Mist en se fiant à ses sens, à ses sensations et son instinct plutôt qu'à ses yeux. Elle passa entre deux montagnes et pénétra dans un brouillard opaque avant d'émerger dans une profonde vallée bordée par un cours d'eau. Là, Arsenicia ressentait la vie. Mieux que cela, elle sentait la Force s'agiter et lui révéler, alors que le Morning Mist survolait quelques arbres, des âmes sensibles à la Force.

Arsenicia était bien incertaine quant à l'endroit où elle mettait les pieds, mais ce qu'elle ressentait à travers la Force l'intriguait. Alors que le yacht stellaire se posait, elle ressentit leur curiosité ainsi que leur méfiance, mais le côté obscur semblait absent de leur cœur, comme Oro le lui avait dit autrefois. Un dernier regard pour BT, puis la Jedi quitta son siège, le petit droïde sur ses talons.

Lorsque la rampe s'ouvrit, la Fay fut assaillie par l'air chaud et humide, mais surtout par la multitude de parfums inconnus. Elle huma l'air, les paupières closes, et reconnut l'odeur d'humains ou de ce qui s'en rapprochait.

Cette femme aux oreilles pointues ? se demanda-t-elle en descendant la rampe, ses iris ne formant plus qu'une ligne verticale dans ses prunelles océaniques afin de se prémunir de l'agression du soleil.

La première chose qui frappa son regard fut la réunion de nombreuses femmes devant elle. D'un rapide coup d'œil, Arsenicia ne vit aucun homme. Toutes étaient vêtues de pagnes, leur chevelure décorée de plumes colorées et de perles nacrées. Elle les trouva aussi belles qu'intimidantes. Enfin, lorsque son regard se posa sur celle qui se trouvait en avant de toutes les autres, la Jedi sut qu'elle venait de trouver une semblable. La Force ne lui murmurait pas, elle le lui criait.

Levant doucement les mains en signe de paix, la menace des fouets laser ne lui échappait pas. Oro lui avait conté, jadis, qu'elles étaient maîtresses dans le maniement de cette arme particulière. Que s'était-il passé ici pour qu'elle le ressente de si loin ? Elle se le demanda de nouveau en faisant un pas sur l'herbe, savourant l'humidité de la terre sous ses pieds alors que le soleil se reflétait dans les anneaux qui ornaient ses oreilles, celui qui habillait sa main gauche ou dans les manches chromées de ses sabres laser.

« Je viens en paix », dit-elle en premier lieu. Puis, elle ajouta, car il était toujours de bon ton de se présenter. « Je m'appelle Arsenicia Ombrelune et je suis la Maîtresse de l'Ordre Jedi. J'ai… » Elle chercha ses mots un instant, espérant que ce clan en particulier sache ce qu'était l'Ordre. Peut être aurait t'elle dû mettre une visite sur Vandexa à son agenda un peu plus tôt, se dit elle avant de reprendre. « J'ai senti une tempête dans la Force. Un remous si violent qu'il m'a poussé à venir jusqu'ici, à vous trouver, vous. »

Légèrement tendue, elle attendit une réponse. BT, lui, était beaucoup moins au fait du danger potentiel. Émettant de petits bips joyeux, il dépassa sa maîtresse en trottinant et sautillant. Avec le soleil qui se reflétait sur lui, le petit droïde faisait presque l'effet d'une boule à facette et ne passait guère inaperçu.

« BT ! » fit-elle entre ses dents. « C'est pas vrai... » rajouta-t-elle plus bas, seulement pour elle.

Sous l'éclat du soleil  le vaisseau étincelait de milles feux. Les nuages s'étaient écartés pour le laisser approcher entre les falaises abruptes. Une rivière tumultueuse s'écoulait bruyamment, encadrée par les rochers aiguisés que les flots, au cours des millénaires, avaient arraché à la montagne. Sous les yeux des sorcières, il s'était posé avec grâce sur la plage de sable qui longeait le torrent. Elles étaient partout. Des enfants avaient escaladé les hauts arbres, certaines étaient debout sur des rochers perdus au milieu des flots, arrivées ici on ne savait comment. La plupart attendaient, fières, à la lisière des bois. Yari, elle, avait posé ses pieds nus sur la plage. Comme elles toutes, elle portait un simple pagne et attendait lorsqu'Arsenicia descendit la passerelle de l'appareil. Elle tenait la lance du ciel et de la terre fermement en main, mais s'appuyait sur l'arme avec bien plus de nonchalance et de curiosité que ses congénères.

Elle l'avait déjà vu, ce poisson des cieux aux écailles scintillantes, les esprits le lui avaient montré. Certaines des sorcières craignaient que ce ne soit à nouveau quelqu'imbécile qui croirait qu'il pourrait jouir sans peine des habitantes de Vendaxa. Celles-là, Yari les reconnaissaient, elle sentait sans avoir besoin de les voir leurs fouets lasers prêts à être dégainés. Yari elle, savait que ce n'était pas le cas. Et, tout comme les anciennes, elle sentait aussi les esprits qui accueillait cette nouvelle arrivante avec une certaine bienveillante prudence.

Lorsqu'Arsenicia descendit de la rampe métallique, les yeux de Yari se posèrent aussitôt sur elle. C'était la femme aux oreilles affutées, comme elle et Yemaha, celle que les esprits lui avait montré. Ils étaient là, d'ailleurs, à observer, visibles seulement des sorcières les plus expérimentées, L'oiseau aux plumes de cristal posé sur la pointe de sa lance, la panthère de ciel nocturne étoilé, couchée sur le sable, ainsi que tous les autres. "Yari, tiens toi correctement" entendit elle. C'était clairement l'oiseau. Elle l'ignora et ne fit strictement aucun effort pour corriger sa posture indolente.

Elle aurait préféré que le vaisseau vienne plus tard, tout comme elle aurait préféré qu'on ne fasse pas d'elle la nouvelle grande matriarche, celle qui devrait guider son peuple vers la galaxie. Elle aurait préféré tout un tas d'autres choses aussi, mais la vie était faite de tant d'évènement inévitables, et de tant d'autres qu'il auraient conduit à pire si on avait cherché à les éviter.

"Je viens en paix. Je m'appelle Arsenicia Ombrelune et je suis la Maîtresse de l'Ordre Jedi. J'ai… J'ai senti une tempête dans la Force. Un remous si violent qu'il m'a poussé à venir jusqu'ici, à vous trouver, vous. " dit l'étrangère, avant que son magnifique droïde ne s'aventure joyeusement sur la plage sous le regard méfiant des sorcières les plus âgées et curieux des plus jeunes.

Quant à Yari, aussi interessée qu'elle aurait pu être par le droide, c'était sur Arsenicia qu'elle s'était concentrée. Ses oreilles se tendirent, frémissantes, génée, à moins que les mots de la jedi ne reveille une douleur enfouie. Elle se dandina légèrement et jeta un œil sur la plage, là où il n'y avait rien. Elle hésita avant de répondre en triturant une de ses longues mèches soyeuses d'un blanc immaculé.

"Hu… Moi? Il y eu une… diffelence de… de vision entle la plécédente glande matlialche et.. Heu… Et moi en fait… Mais…" Yari poussa un soupir. "Tout est déjà telminé." C'était un euphémisme. Le jaguar roula des yeux. Elle n'avait pas anticipé que ce genre de chose arriverait. Elle n'avait même rien anticipé du tout, elle n'avait fait que ce qu'il fallait faire sur le moment, et voilà le résultat. Propulsée grande matriarche, et avec la Maitresse de l'ordre Jedi devant elle. Elle avait entendu parler de l'ordre évidemment. Le moins qu'on pouvait dire était que le livre des lois autant que les esprits n'en parlaient pas très positivement. Eloignés des esprits, rigides, enfermés dans leurs dogmatisme. Ca avait l'air compliqué, compliqué du genre à vouloir se recoucher.

Elle pourrait faire ca, refuser, la laisser là en plan, et insister pour que quelqu'un d'autre s'en occupe. C'était une possibilité. Mais Yari savait aussi qu'en plus de décevoir les sorcières, les esprits et elle-même, elle le regretterait surtout. Elle regretterait de ne pas savoir, de ne pas découvrir. Alors avait elle vraiment le choix?

"Je suis Yali te Ya'makh, Entil'Zha des solcieles de Dathomil. Vous venez en paix, alols vous êtes la bienvenue sul Vendaxa." Et sur ses mots, la jeune femmes à la peau brune et à l'accent à couper au couteau retira un des nombreux colliers qui ornaient son cou gracieux, pour l'offrir à l'étrangère. C'était un fil de cuir, sur lequel était accroché de nombreux crocs et griffes à l'allure dangereuse. Il était de coutume d'offrir un cadeau, et à défaut d'y avoir réfléchi avant, Yari avait laissé son instinct décider pour elle. Un murmure se répandit parmi les spectatrices, mais Yari l'ignora. A la place, elle prit la Maitresse de l'ordre Jedi dans ses bras pour une longue accolade et tout le monde se détendit.

Des enfants accoururent pour poursuivre BT, fascinées par l'étrange machine en répondant à ses bips joyeux par leurs propres exclamations.

Yari jeta un œil à leur manège et interrogea son invitée du regard.

"Votle joli compagnon.. Sait se déblouiller avec les enfants ? C'est dangeuleux ces choses là. Quant à vous, vous pouvez, je clois, Lester aussi longtemps que vous le desilez. "

L'oiseau était toujours excessivement bavard, du genre à parler vite et à donner son avis sur beaucoup trop de choses. Comme les autres, Yari était seule à l'entendre, et avait renoncé depuis longtemps à lui répondre.
"Tu sais qu'elle ne peut pas rester longtemps. Les jedis sont toujours trop pressés."
Comme si les esprits n'étaient pas aussi pressés. Mais du point de vue de Yari, personne n'était assez pressé pour ce qu'elle allait proposer.

"On peut vous offlil à manger et à boil? Et j'essayelai de lépondle à vos questions."

Elle comptait bien en poser quelques unes aussi.

BT continuait d'avancer dans le sable, inconscient du danger potentiel tandis que sa maîtresse, à quelques pas, fermait les yeux et inspirait longuement afin de se ressaisir quelque peu. C'était sa toute première rencontre avec les Sorcières de Dathomir, et Arsenicia souhaitait que les choses se déroulent pour le mieux, peu importe ce qui allait suivre. Elle retrouva une posture plus digne, l'inquiétude quittant son regard lorsque ses prunelles se posèrent de nouveau sur celle qui lui ressemblait tant, mais qui était également si différente.

Sa posture indolente ne parvenait pas à dissimuler son intérêt, pas aux yeux de la Jedi expérimentée. Tout comme la vive douleur, si vite apparue et disparue. Arsenicia ne laissa rien paraître, les secondes s'égrainant jusqu'à ce que la Matriarche prenne la parole.

Le fort accent surprit la Jedi, qui fit toutefois l'effort de ne pas hausser les sourcils ni les froncer. Tout juste plissa-t-elle les yeux en décortiquant ce que sa vis-à-vis venait de dire. Sa façon de prononcer les "R" était toute particulière visiblement, un terrain fertile pour de nombreux quiproquos. Arsenicia devait être prudente afin de ne pas commettre d'impair, même si l'attitude de la jeune femme semblait lui dire qu'elle ne s'offenserait pas si facilement.

Ainsi, il y avait bien eu un combat. Un duel si puissant qu'il avait éveillé Arsenicia à des années-lumière de Vandexa. Mais tout était terminé, disait la jeune femme dont elle ignorait encore le nom, mais qui se présenta immédiatement ensuite.

Yari. Ou Yali ? Cet accent n'était pas si aisé à saisir, et Arsenicia se mordit la langue avant de dire n'importe quoi. Le titre, en revanche, ne lui était pas si inconnu. Elle voulut tout de même s'en assurer et demanda : « Je ne parle pas votre langue à mon grand regret. Entil'Zha ? Vous êtes la Grande Matriarche ? »

Baissant la tête par réflexe afin de permettre à Yari de passer son collier autour de son cou, Arsenicia saisit le fil de cuir entre son pouce et son index et observa les nombreux ornements qui y étaient attachés. Des griffes et crocs dont la longueur et la courbure laissaient entendre qu'ils avaient appartenu à une créature dangereuse, ou plusieurs, avant de terminer en ornement. La Jedi esquissa un sourire, acceptant le cadeau avec une certaine humilité, tout en saisissant ici et là les brides de quelques conversations. Visiblement, le fait que Yari offre ainsi l'un de ses colliers faisait parler ses congénères, mais Arsenicia ne savait dire exactement pourquoi. Elle n'eut guère l'occasion d'y penser davantage que la Matriarche la surprenait avec une franche accolade.

Surprise, cela allait s'en dire, il fallut deux bonnes secondes à la Jedi pour accepter le contact soudain et répondre favorablement. La Fay n'avait pas l'habitude que les inconnus entrent ainsi dans sa bulle. D'habitude, son attitude froide suffisait à garder les gens à une certaine distance. Toutefois, si cela permettait à tout le monde de se détendre, Arsenicia acceptait de jouer le jeu. Ce fut donc le signal pour que la vie reprenne son cours, et les enfants commencèrent à poursuivre BT dans le sable.

« Il a connu pire. » répondit la Jedi sans donner plus de détails, son sourire atteignant soudainement ses yeux pour la première fois face à la petite boutade de Yari. Cela ne dura toutefois qu'un instant, tandis que ses prunelles suivaient le manège du droïde, qui tournait autour du train d'atterrissage avant du Morning Mist dans une vaine tentative d'échapper aux gamins. Des enfants qui n'étaient pas tous humains et, en jetant un coup d'œil rapide alentour, Arsenicia comprit que c'était également le cas parmi les plus âgés. Elle mourrait d'envie de demander à Yari d'où elle venait, si elle était née sur Vandexa ou non, mais se retint. « Je vous remercie pour votre hospitalité. » reprit-elle en détournant son attention de BT et en posant son regard félin sur Yari. Elle était un peu plus grande qu'elle du haut de son mètre quatre-vingts.

« Un repas n'est pas de refus. » accepta la Fay. « Quant aux questions… Si vous voulez bien me parler de ce que j'ai senti, je vous écoute. Sinon… Nous verrons où la conversation nous mène. Je suis à la tête de l'Ordre depuis peu et je n'avais entendu parler des Sorcières que de la bouche d'un autre, jusqu'à aujourd'hui. Mais c'est un plaisir d'enfin vous rencontrer. »

"Oui, c'est vlai." La sorcière n'avait rien fait pour cacher le ton dubitatif de sa réponse. "La glande matlialche c'est moi… hmm.. Depuis hiel." Le dernier mot était tombé d'un coup, comme une conclusion accompagnée d'un mouvement d'épaule aussi souple qu'évocateur.

Elle avait conduit son invitée d'un pas résolu jusqu'au village, en lui expliquant que c'était là le lieu de vie du clan de la rivière rêveuse. Les habitations étaient construites sur pilotis, dans et autour d'une petite crique aux eaux calmes, peu profondes et clairement poisonneuses. De grands arbres procuraient de l'ombre face au soleil impitoyable de Vendaxa, et malgré quelques dégâts et traces caractéristiques d'armes laser, l'endroit avait été relativement épargné par la dévastation qu'Arsenicia avait pu constater en arrivant. Les sorcières les suivaient des yeux avec une méfiance évidente à l'égard de l'étrangère. Yari les saluait à chaque fois de leur nom avec enthousiaste, totalement indifférente à leur attitude. Derrière eux, se cachant sans grand succès à chaque fois que l'une des deux adultes se tournait dans leur direction, une escorte de petites filles curieuses s'était formée.

"Désolée! On n'aime pas tlop les jedis ici. Mais elles vont s'y faile, Ca date d'une époque où on pouvait se pelmettle d'êtle difficiles, et un peu stupides aussi.

Bientôt, Yari écarta le large pan de tissu rouge qui marquait l'entrée d'une tente particulièrement spacieuse, et y pénétra avant de faire entrer Arsenicia. Aussitôt, elle fut frappée de plein fouet par les entêtantes odeurs d'herbes qui y régnaient. L'habitation était faite d'une belle toile rouge, soutenue par de légers et pourtant robustes piliers de bois. Dans un coin, de nombreux pots au contenu mystérieux étaient rangés, accompagnés de tout autant de récipients, pilons, et autres ustensiles. Des breloques, des tresses de plantes, de racines, de fruits, de champignons, et de bien d'autres choses indescriptibles, innombrables, pendaient de la structure. Des tapis couvraient le sol, doux contre les pieds nus. Un foyer avait été installé au dessous d'un trou dans le toit. Ailleurs, un gros livre trainait, manifestement utilisé comme herbier. Par terre, posés au milieu d'un morceau de tissu, des cristaux Kyber et ce qui ressemblait aux restes de plusieurs armes lasers détruites étaient rassemblées.

"Assieds-toi.. Hmm.. Avec sa nonchalance habituelle, Yari montra un des tapis, non loin du foyer. "ici nolmalement on est tlanquilles… je chelche juste… tu aimes les infusions?" La grande matriarche des sorcières s'était mise à genoux devant un tas de bric à brac, et fouilla un petit moment avant de se relever subitement avec vivacité en poussant un petit cri enthousiaste, une bouilloire à la main, qu'elle remplit aussitôt d'eau avant de la mettre à chauffer sur le foyer.Puis elle parcourut la tente observant et reniflant certaines des mystérieuses guirlandes. Sa nonchalance et sa lenteur était par instant remplacée par une vivacité aussi soudaine qu'imprévisible et dangereuse.

"Hmm.. Ca je ne sais pas ce que c'est… Alols on va p'tet éviter… l'entendit murmurer Arsenicia avant qu'elle ne repose ce qu'elle venait de saisir pour porter son dévolu sur d'autres ingrédient. Bientôt, des petits morceaux de viande marinée et séchée à l'odeur alléchante et toute une tripotée de fruits et de champignons mystérieux atterrirent sur un plat, devant lequel elle tomba plus qu'elle ne s'assit dans une avalanche de chevelure blanche. Sans personne pour la maintenir droite, la lance chuta à ses cotés un instant plus tard, parfaitement alignée.

"Je ne sais pas tlop pal quoi commencer…" la jeune femme soupira, son oreille droite dressée vers le haut, l'autre vers le bas alors qu'elle réfléchissait. Elle ne pouvait pas seulement expliquer que tout allait bien, que tout été réglé. Elle ne pouvait pas non plus dire avec nonchalance quelque chose comme "oh, ca va, j'ai juste tué ma maitresse." Même pour elle, cela sonnait faux à son oreille. Les esprits s'étaient installés autour d'elles, invisibles, leurs regards innombrables la scrutaient.

"Est-ce que tu as senti?" Mieux valait être sincère. "La peul. L'impuissance, la flustlation, la colèle. Elle est nichée au plus plofond de Vendaxa… Là où le soleil ne pénètle jamais… Depuis que nous avons fui Dathomil." La sorcière versa l'infusion fumante dans les tasses de terre cuite irrégulières. "Pelsonne ne voudla l'entendle, mais même les esplits n'y sont pas immunisés. Ehyra, la glande matlialche. C'était quelqu'un de bien. Elle cloyait en sa mission. Nous plotéger, toutes." Sa voix traina, son regard lointain. "Elle m'a fait confiance jusqu'au bout. Elle pensait vlaiment que j'allais la lejoindle. Mais ce que je lui avais lévélé lui avait fait peldle de vu poulquoi elle chelchait tant à ne plus êtle impuissante. Elle ne l'était pas. Elle aulait pu faile autlement."

Depuis hier ? Arsenicia retint de justesse un haussement de sourcil tout aussi évocateur que la nonchalance de son interlocutrice. Mais cela expliquait sans doute le tsunami qu'elle avait ressenti à travers la Force et qui, au final, l'avait fait venir jusqu'ici.

La Jedi suivit docilement, à peine à demi-pas derrière la Grande Matriarche. Les yeux grands ouverts, Arsenicia découvrait le milieu de vie des sorcières de Dathomir et s'imprégnait de l'ambiance, faisait fit avec excellence des dizaines de paires d'yeux braqués sur elle et qui la dévisageaient avec méfiance. Elle était trop habituée à cela avec les politiciens de la République pour s'en formaliser. Derrière elle, quelques cliquetis et piaillements lui indiquèrent d'ailleurs que BT l'avait rejoint au pas de course, se soustrayant aux enfants trop curieux.

Baissant la tête pour rentrer dans la tente qui devait appartenir à Yari, Arsenicia s'arrêta une fois l'entrée franchie. Elle balaya l'intérieur du regard, visiblement curieuse. L'odeur y était entêtante et même un peu trop forte pour son nez si fin, mais elle saurait s'en accommoder. La toile rouge qui composait l'habitation offrait une atmosphère particulière, légèrement tamisée. Cela plaisait à la Maîtresse de l'Ordre, qui se permit d'avancer dans la pièce tandis que son hôte indiquait un tapis non loin du foyer. Arsenicia s'y assit en tailleur.

« Oui. N'importe quoi conviendra. » répondit-elle afin de faciliter la tâche à Yari, qui semblait un peu perdue dans cette tente.

Bientôt, l'odeur délicieuse d'une infusion de fruits et de champignons emplit l'atmosphère, avec quelques notes plus subtiles de viande. C'était bien la première fois qu'Arsenicia goutait à un breuvage ainsi composé. En attendant que ce dernier soit prêt, elle tourna ses prunelles félines vers Yari, qui l'avait rejoint sans grâce.

« Par le commencement ? » fit la Fay, un peu joueuse en notant l'incertitude de son hôte.

Celle-ci reprit finalement, évoquant ce qui avait été niché au cœur de Vandexa depuis la fuite des sorcières de Dathomir. Arsenicia le comprenait. Les Jedi étaient liés à Tython, mais les sorcières étaient liées à la nature d'une façon si spéciale et différente que devoir quitter leur monde d'origine avait dû être un déchirement sans pareil. Nombreuses étaient les femmes, aux alentours, qui souhaitaient reprendre Dathomir des mains des sœurs de la nuit. Arsenicia le sentait et comprenait ces émotions que nombre de ses semblables auraient condamnés sans autre forme de procès.

Les Ombres allaient devoir se tenir loin de ces femmes, pensa-t-elle.

« Vous vous êtes battus. Vous et votre prédécesseur. C'est cela que j'ai senti, n'est-ce pas ? » Yari hocha la tête silencieusement, son regard félin posé sur le sien.  Cela avait dû être un combat dantesque pour que les remous, au sein de la Force, se propagent si loin. « Je suis désolée pour votre perte. » dit-elle ensuite, sincèrement peinée. La jeune femme, en face d'elle, venait de perdre son mentor. « Que… Que lui avez-vous dit pour déclencher pareille réaction ? » voulu ensuite savoir Arsenicia. Tout cela manquait encore de sens.

Yari aurait peut être du se méfier. Les sorcières gardaient farouchement des étrangers leurs secrets, et ce d'autant plus lorsqu'ils étaient aussi honteux pour la communauté. Une grande matriarche tombant aussi bas? Le conseil avait été choqué, et si les preuves n'avaient pas été aussi irréfutables, nombreuses étaient celles qui n'auraient pas été prêtes à l'admettre. Si Yari avait été plus sage, elle aurait su que nombreuses aussi étaient celles qui refuseraient toujours d'accepter la réalité, d'accepter que la plus puissante des sorcières ait succombé à sa propre faiblesse, et d'accepter ce que cela signifiait pour elles-mêmes.  Mais s'il y avait quelque chose que Yari ne maitrisait pas, c'était sans aucun doute ce qui pouvait se produire dans la tête bien incompréhensible des autres. Yari aimait la simplicité. C'était ce qui arrivait quand on passait une éternité à vivre le même jour détestable aux cotés d'esprits monomaniaques. L'alternative était la folie et la mort, et Yari avait été bien trop têtue pour choisir cette voie là.

"Non." A la tête de la jedi, Yari sut qu'il lui fallait contextualiser un minimum. "Je lui ai dit non. J'ai lefusé. Elle voulait m'avoil avec elle, on aulait acquit le pouvoil qui nous aulait pelmis d'allacher Dathomil aux soeuls de la nuit. Elle pensait qu'à deux pelsonne ne poulait nous empécher de lendle aux solcièles ce qui leul appaltient." Yari haussa les épaules, et soupira, comme si toute cette idée était soit profondément stupide, soit terriblement ennuyeuse. "Elle avait p'tet laison, je ne sais pas. Sul le pouvoil en tout cas. Mais je sais que ca nous aulait détluite toutes. Et ca c'était impossible..."

« Le pouvoir est toujours séduisant » Arsenicia pencha la tête sur le côté, observant sa vis à vis d'un air pensif. « Mais vous avez eu raison de refuser. C'est courageux. » Même si son interlocutrice parut en douter, ça l'était réellement. Nombreux étaient ceux tombés dans la facilité du côté obscur. Aux yeux de la Jedi, les Sorcières étaient sans doute plus à même de basculer de part leur mode de vie. Mais c'était une opinion qu'elle comptait garder pour elle.

« Je comprend que vous souhaitiez reprendre Dathomir des mains des sœurs de la nuit. » reprit la Fay. « Je partage votre sentiment, quoique pour un monde différent." Les yeux de Yari, qui avaient un moment semblé se perdre dans l'ombre de la tente, se figèrent sur elle avec la précision d'un grand félin. " Nous venons, la République aussi bien que les Jedi, d'essuyer un revers qui a fait tomber entre les mains des Sith la planète Kashyyyk, que nous avions tiré de leurs griffes il y a vingt ans de cela. Maintenant, ce sont de nombreux mondes qui tombent à leur tour et autant d'autres qui sont menacés. J'œuvrais pour la défense de ces planètes lorsque j'ai senti votre… mésentente avec votre prédécesseur. »

Au fil de l'explication, Arsenicia vit les oreilles de Yari s'abaisser graduellement à mesure qu'elles la dépassait. La Jedi prit un air pensif, pesant aussi bien le pour et le contre avant de reprendre.

« J'ignore ce qui va ressortir de notre rencontre, mais peut-être que la Force, ou les esprits, nous ont placés sur le même chemin pour une bonne raison. Peut-être pourrions nous nous entraider, nous avons un adversaire commun. »

Yari but une profonde gorgée de sa tasse en terre cuite, et se resservit aussitôt comme si elle avait voulu se donner du courage tandis que le regard d'Arsenicia se faisait perçant. Elle avait révé bien des choses, de milliards de vies et de destins, tous différents, enchevêtrés dans un océan vertigineux dont chaque goutte reflétait une infinité de possibles, dont seulement un se réaliserait. Elle avait vu la mort, la souffrance, elle avait senti la brûlure du feu, la douleur sans limite d'un cœur qui se brise. Elle avait aussi rêvé de la chaleur de milles étoiles sur sa peau, du bruissement apaisant, éternel, imperturbable des feuilles dans le vent, des nuages broutant dans le ciel. Elle avait vu des visages inconnus pleurer, rire, figés dans la mort.

Elle chassa ces images, et s'aperçue qu'elle était restée silencieuse le regard encore perdu dans le lointain, les prunelles de la Maître Jedi s'étant faites interrogatives face à ce long silence. Quelque chose s'était glissé à la lisière de sa conscience, et les esprits s'étaient rapprochés, couchés avec nonchalance autour d'elles deux. Puis cette chose s'était échappée. Cela arrivait parfois, et immanquablement, la chose reviendrait, nul besoin de s'attarder, il n'y avait rien d'autre à faire que lâcher prise et se laisser porter par les flots du temps, et faire ce qu'on pouvait.

"Je les ai vu alliver jusqu'ici." La fay pencha la tête de coté et fit une grimace en haussant les épaules qui lui donna l'air d'une enfant bien plus jeune. "Hmm... Ca ne me fait pas tlès envie. Vous non plus. Les esplits ne m'ont pas applis ce qu'était Kashyyk mais vous poullez m'expliquer. hm. toussa." Elle leva le bras dans une direction aleatoire et incongrue, qui était effectivement celle dans laquelle se trouvait le systeme. L'oiseau leva les yeux au ciel, la panthère lécha sa patte, et tous soupirèrent si fort que Yari se demanda si son invitée ne les entendrait pas. Elle continua "... Ma maitlesse voulait se battle. Les jeunes amazones veulent se battle... Les esplits veulent se battle."

Mais aucun d'eux n'aurait pris, ou ne prendrait la décision de se battre aux coté de jedis. Son oreille droite se leva, la gauche s'abaissa alors qu'elle levait un sourcil pensif. Il suffisait qu'elle y reflechisse deux secondes et tout ca la fatiguait déjà.

"... alols du coup ca palait évident qu'on va s'entlaider, mais y'a un petit ploblème. Ma maitlesse aulait été tlop fiele poul chelcher ton aide." Ah ca non, elle aurait mis Arsenicia et son droide dehors à gland coups de pied aux fesses. Cette dernière retint un soupire, combattant l'envie de masser ses tempes en prévision de la discussion qui s'annonçait. "Et... hey... les jedis ont mis dehols Allya à gland coups de pied au fesse à l'époque alols ca doit faile sens.. hmm... je pense qu'elle était tlés fiele aussi."

" C'est vrai, les Jedi ont exilés Allya à l'époque. L'histoire raconte qu'elle s'était laissé séduite par le côté obscur. " La Jedi bascula légèrement vers l'arrière et posa ses deux mains derrière elle, s'appuyant d'une façon étonnamment nonchalante. Son regard se fit pensif, levé vers la toile qui la surplombait. " Je dis souvent qu'il ne peut y avoir d'ombres sans lumière, ni de lumière sans obscurité. Tout est question d'équilibre et je pense qu'il est hypocrite de se penser au-dessus de cela. Peut-être que les choses auraient été différentes si l'Ordre avait eut une telle vision, à l'époque. Mais sans ce qui est arrivé à Allya, votre culture n'existerait sans doute pas. "

Elle se redressa, saisissant sa tasse encore fumante entre ses mains. Ses prunelles caressèrent la silhouette de Yari alors qu'elle reprenait.

" Des siècles ce sont écoulés depuis Allya, ne pensez-vous pas qu'il est temps de passer à autre chose ? Accepter le passé et s'entendre pour sauvegarder notre avenir. "